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  • Stefanu Cesari, Bartolomeo in cristu

    par Angèle Paoli

    Stefanu Cesari, Bartolomeo in cristu, poèmes,
    édition bilingue (corse-français), éditions Éoliennes, 2018.
    Prix du poème en prose Louis-Guillaume 2019.



    Lecture d’Angèle Paoli


    Cesari Louis Guillaume








    AU CŒUR DE LA FLEUR INVERSE




    Le pays qui accueille le visage de Bartolomeo est un pays bien étrange. Âpre, écorché de mille blessures silencieuses et immobiles, pris entre sècheresse de biens et de mots, il est pays de traces et de signes invisibles, pays de l’attente. D’interrogations sans réponses. Une voix anonyme parle, qui guide le lecteur curieux dans ce mystère de pierres sèches que souligne la présence fidèle d’un « arbre vivant, d’un arbre mort ». Un cheminement vers une œuvre à venir. Un possible. Mais voici qu’un autre fait irruption, qui se fraie sa route dans le paysage et s’avance. Qui est-il ? Nul ne le connait. Aucun nom ne vient à la bouche. Il n’a laissé de lui que son rêve, inscrit à même la chaux. Derrière lui se tient le poète, entre ombre et lumière, silence et questionnement. Stefanu Cesari. C’est son nom. Il a dialogué avec le saint. Il a dialogué avec l’autre. De cet échange naît le poème, tout aussi mystérieux et intemporel que la fresque anonyme qui a inspiré ce recueil. Il lui donne un nom. Le nom de son poème. Bartolomeo in cristu.

    Il suffit au visiteur-poète de pousser les portes de la chapelle romane San Pantaleu di Gavignanu, en Castagniccia (Pieve di Rustinu en Haute-Corse), pour rencontrer, à l’instant du face-à-face, le regard singulier de saint Barthélemy. La fresque est un appel réitéré, une vocation. Une offrande peut-être, vécue pour la seconde fois. La première, c’était dans des temps anciens, au XVe siècle, lorsque le fresquiste s’est lancé dans son travail :

    « Il y a une rage qui sourd de l’intonaco et c’est le premier geste, la trace du charbon comme on devine un visage avant le corps entier, avant qu’il ne se fige […]. »

    La seconde fois est ce moment de la double rencontre : entre le poète et le saint, le poète et le fresquiste, chacun enclos dans le secret de sa mémoire. Le poète marche sur les pas du peintre, se glisse sous sa peau, s’empare de ses pensées jusqu’au point de fusionnement des unes avec les autres :

    « Si tu veux prendre la main tendue de l’œuvre, alors lève-toi, avant que le pays entier ne se mette à brûler sans ombre, tu as seulement quelques heures pour poser au blanc du mur l’étrangeté presque vivante, la parenté des hommes avec ce qui demeure. »

    La rencontre a lieu dans un échange sans fureur ni éclat, dans l’économie et le presque dénuement, à souffle retenu. Le poète interroge les couleurs qui surgissent de l’ombre, le rouge sur le blanc, le noir de la peau et celui de ce trait qui contient l’œuvre entière, corps circonscrit dans ses limites. C’est là que le saint s’abandonne, livre une part de lui-même. Le poète, témoin de ce qu’il voit, lève le voile. Révélation :

    « Tu te révèles dans l’abandon. Tu te révèles ainsi brisé, brisé et reconstitué d’un tracé très fin, un noir qui te contient. Le rouge des jours et de l’éternel, entre la nuit absolue et l’absolue lumière, c’est ta peau marquée d’un tatouage définitif. »

    La révélation est progressive. Elle se fait dans une lenteur intemporelle, dans cet espace qui s’étire entre les confins arborés, « au pied d’un arbre vivant […] au pied d’un arbre mort. » Symbole de régénérescence, l’arbre, même mort, est animé d’un souffle autre qui respire sous l’écorce comme la fresque respire sous la couleur. Le poète-témoin est en recherche. De quelque chose de plus, de quelque chose qui le dépasse. Sa quête est identique à celle de l’anonyme, identique aussi à celle de Bartolomeo. Au cœur de la quête se trouve « la fleur inverse de l’affresco. » On ne peut que penser ici à Jacques Roubaud, à cette œuvre majeure qu’est sa Fleur inverse. Laquelle renoue avec la quête d’absolu de Rimbaut d’Orange, prince des troubadours et de l’art du trobar. Cependant, « la fleur inverse » de Stefanu Cesari ne s’éloigne nullement de l’idéal du poète, différent de celui des poètes du Moyen Âge.

    « De révélation ton sang, ombre au mur inassouvie d’une quête, la fleur inverse de l’affresco. »

    Moment de beauté intense que ce moment précis du recueil qui dévoile ce qui le motive.

    Le poème dit l’histoire du saint — son enfance et ses marches, son martyre —, telle que le poète la reçoit et la vit dans son imagination, confrontant les sources contradictoires, les énigmes imaginées par les hagiographies successives, avec ses propres sentiments, son propre arrière-pays mental, sa propre sidération. Les poèmes en regard — cinquante-neuf en tout (en langue corse page de gauche, en français page de droite) — sont des proses poétiques brèves, des pavés justifiés de seize lignes pour la plupart. L’histoire du saint se résume dans la peau d’écorché jetée sur son épaule, sa « carcasse » d’étranger. « Tu n’es pas de ce pays. On t’y a accueilli en échange de ta peau. »

    C’est cela aussi que dit la fresque — l’affresco — , ce martyre silencieux dont le saint porte avec lui la relique corporelle, inséparable de lui-même, symbole de sa vie ancienne et de sa souffrance. Elle l’accompagne dans son voyage, dans « l’intimité du rouge ». Jusque dans ce paysage qui prend forme « sur la fleur sèche de la pierre. »

    Le récit ? Une voix qui se faufile sous l’incarnat de la peau.

    « Entre la peau et le couteau il n’y a personne il y a juste un temps plein de silence, et le rouge écrit sur la page, la tache d’encre dans le récit. »

    Pour le lecteur tant soit peu accoutumé aux écrits de Stefanu Cesari, rien qui surprenne dans cette fascination du poète pour les commencements. Et pour le geste fondateur qui préside à la création de toute chose. « U minimu gestu | Le moindre geste. » Si menu soit-il, si infime soit-il, ce geste est celui qui retient l’attention du poète :

    « Ce regard, tout ce qui est dit et que l’on n’entend pas les voix mêlées les chants d’une agitation fervente, c’est l’histoire de ce qu’il y a eu, un premier geste hésitant. »

    Il en est de même de la question du nom. Primordiale et biblique, cette question revient comme une offrande, sans laquelle exister ne se peut :

    « Tu as donné un nom à chaque pierre. Toi, qui as encore une jeunesse dans les mains, tu l’as posée sur le travail à venir. En esprit tu as jugé du poids de chaque chose. »

    Ainsi transparaît la pensée profonde, intime, du poète, au fil des pages. Drainant avec elle ses attentions, ses interrogations multiples sur le sens de la vie, sur le passage des hommes, sur l’affleurement de leur histoire. Les sensibilités s’intriquent, inscrites dans un topos qui n’a pas besoin de livrer son nom, mais qui se reconnaît dans la présence liminaire de l’arbre :

    « Toi ce pays entre un arbre vivant, un arbre mort »

    Le rappel de cet entre-deux agit comme un refrain susurré qui se glisse pour redire, ici et là, l’axe du poème, son enracinement dans la déprise essentielle d’avec la réalité matérielle :

    « Le récit Bartolomeo : maison et lieu, troupeaux en estive, c’est là que tu habites entre un arbre vivant et un arbre mort, le poumon du monde. »

    Ou encore, dans le même poème :

    « [C]e pourrait être une chanson revenue sur les lèvres, nous enracinant là d’une saison à l’autre, ce pourrait être vivre, l’apprentissage du vivre, d’une certaine façon maison et lieu rendus à leur nudité première entre deux arbres, voilà ce que nous pourrions connaître, de nom, mais rien qui nous appartienne. »

    Parfois émergent des instants lumineux, des instants de suspens, où vivre entre deux points d’un même axe conduit à une plénitude proche du bonheur :

    « Beaucoup aimé le temps passé sous les amandiers entre un arbre vivant et un arbre mort. C’est au début de la vie, les yeux par terre, c’est la saison, on ramasse le fruit tombé. Des fois il a toujours sa peau sur lui, des fois c’est une pierre pour la fronde, pour le fer que l’on bat. »

    Lire les lignes du voyage, laisser parler les signes, affleurement d’images complexes qui s’emboîtent les unes dans les autres pour dire un mystère plus grand encore. C’est cela qui habite le poète. Se faire le « témoin » de cette histoire à imbrications plurielles le conduit à s’interroger sur le langage, plénitude et vide, un flux qui porte en lui « la simple possibilité de chaque chose » :

    « Le langage ici toujours rouge la parole, sans jamais finir nous revient, nous emplit la bouche. »

    Et en finale du même poème :

    « Le langage, il y a dans son sang comme dans ses manques la simple possibilité de chaque chose. »

    Avant de clore la lecture d’un ouvrage aux pistes indénombrables et à la langue infiniment belle, il me faut aborder une autre particularité. D’une page l’autre court, en bas de page, à l’envers des poèmes, un autre texte. En contrepoint. Ces phrases sont incluses dans un à-plat dont la couleur « terre d’ombre brûlée » tranche avec la couleur ivoire de la page. Une ligne continue d’horizon, « fil ténu de la route », cloisonne les phrases. « Remonter le cours du récit » et de la fin signer le commencement, c’est « pénétrer dans le labyrinthe », confie le poète. Poème ouroboros. Poème intemporel. Que l’on peut lire dans un sens puis dans un autre, à l’affût des voix qui se parlent et qui conversent. Inverser le regard, lire dans les deux sens, la fin du poème rejoignant le début du texte en prose, lequel tourne le dos à l’image de Bartolomeo. Et pourtant, c’est bien à un mystérieux rendez-vous avec une image que convie cette lecture. Et, au-delà, à une rencontre avec l’autre « visage ». Celui peut-être du poète. Qui entretient avec le visage de Bartolomeo, « ciel et sang », un dialogue intérieur d’une intense richesse. Une prière, « une rêverie longue des siècles », célébration méditative sur des fragments de lumière chaude exhumés de la chaux. « Appels et répons » pour une parole « sans fin ».



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Stefanu Cesari  Bartolomeu in cristu






    STEFANU CESARI


    Stefanu Cesari
    Source




    ■ Stefanu Cesari
    sur Terres de femmes

    [Jeune […] autant que l’eau] (extrait de Bartolomeo in cristu)
    [In un libru à a cuprendula russa] (extrait d’U Mìnimu Gestu)
    [Nivi, nò?] (autre extrait d’U Mìnimu Gestu)
    Ti scrivaraghju in faccia (extrait d’A Lingua lla bestia)
    Incù ciò chi tu m’ha’ lacatu (extrait de Genitori)
    [On sent peser sur soi un vêtement immatériel] (extrait de Prighera par l’armenti)



    ■ Voir aussi ▼

    Gattivi Ochja, la revue de poésie en ligne de Stefanu Cesari
    → (sur Terre à ciel)
    un entretien de Françoise Delorme avec Stefanu Cesari





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  • Stefanu Cesari | [Jeune […] autant que l’eau]



    [GHJOVANU […] QUANT’È L’ACQUA]



    Ghjòvanu quant’è a petra posta lungu ’lla strada quant’è l’acqua. L’òmini passendu ani sempri ridrizzatu u muru chì si n’era falatu, ani postu i so mani nant’à u fiori di a petra asciuta, chì sò di stu regnu accittatu, fintantu ch’iddu dura. Ceri volti li veni di pinsà à l’acqua chì curri, parch’iddi t’ani a siti, o chì ci voli à richjarà i minuci, parchì ci si attinghji u sensu di a a vita è quiddu di a morti, è certi volti u sguardu di a fèmina. Da chì tù se statu vistu sutt’à a fica — quant’anni t’avii? hai crettu par via di l’umbra è di l’àrburi, hai crettu ch’iddu ti tuccaia à mova, pà una tarra stranieri fatta d’acqua è di petra. Di stu paesu ùn se micca, ma se statu accoltu, barattènduci a to peddi.





    [JEUNE […] AUTANT QUE L’EAU]



    Jeune, autant que les pierres posées le long du chemin autant que l’eau. Les hommes en passant ont toujours redressé les murs qu’ils faisaient tomber, ils ont posé leurs mains, l’un après l’autre sur la fleur sèche de la pierre. Ils sont de ce règne, pour autant qu’il dure. Quelquefois ils pensent à l’eau vive, parce qu’ils ont soif, parce qu’il faut rincer les abats, parce qu’on y puise et la vie et de la mort, parce qu’on y croise une femme. Depuis que l’on t’a vu sous le figuier, quel âge avais-tu ? Tu as cru à cause de l’ombre et de l’arbre, tu as cru qu’il fallait se lever et partir. Vers une terre étrangère faite de pierre et d’eau. Tu n’es pas de ce pays. On t’y a accueilli en échange de ta peau.



    Stefanu Cesari, Bartolomeo in cristu, poèmes, 24, édition bilingue (corse-français), éditions Éoliennes, 2018, pp. 52-53.






    Stefanu Cesari  Bartolomeu in cristu





    STEFANU CESARI


    Stefanu Cesari
    Source




    ■ Stefanu Cesari
    sur Terres de femmes

    Bartolomeo in cristu (lecture d’AP)
    [In un libru à a cuprendula russa] (un autre extrait d’U Mìnimu Gestu)
    [Nivi, nò?] (un autre extrait d’U Mìnimu Gestu)
    Ti scrivaraghju in faccia (extrait d’A Lingua lla bestia)
    Incù ciò chi tu m’ha’ lacatu (extrait de Genitori)
    [On sent peser sur soi un vêtement immatériel] (extrait de Prighera par l’armenti)



    ■ Voir aussi ▼

    Gattivi Ochja, la revue de poésie en ligne de Stefanu Cesari
    → (sur le site des éditions Éoliennes)
    la fiche de l’éditeur sur Bartolomeo in cristu de Stefanu Cesari
    → (sur Terre à ciel)
    un entretien de Françoise Delorme avec Stefanu Cesari





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  • Constance Chlore | [L’été n’en finit plus]




    [L’ÉTÉ N’EN FINIT PLUS]






    Constance Chlore Bastia 29 juin 2017
    lecture poétique de Constance Chlore
    29 juin 2017, Citadelle de Bastia, piazza Santa Croce
    Ph. angelepaoli







    L’été n’en finit plus
    Silencieuses baies rouges, noires Pétales colorés
    Partout : tes pas.

    Longues tiges mauves qui m’atteignent aux genoux ; mouvants des lumières des chemins éclairent l’épreuve en sa faim perpétuelle. La vie sonne l’indéchiffrable au visage.

    J’entre avec précaution
    Dans une végétation sans air : je cherche un nu de lumière
    L’ombre pleine de jambes me frappe au visage
    Avancer, avancer à grands coups de respiration
    Brusquement ce fut la fièvre
    Des yeux étincelaient dans l’herbe haute
    Ondulante et mystérieuse
    Alors commença l’ascension sur un étroit sentier
    Les herbes s’étendaient en eaux sources, en eaux fleuves, en grandes
    eaux transporteuses de flux, remous assourdissants
    Glissades À toute vitesse Le sang fit le tour de tout mon corps
    Pour oublier ton nom au mien mêlé
    Pour endormir ma fièvre
    Je n’ai rien vu
    Non
    Je n’ai rien vu
    J’ai senti tant de mouvements
    Me creusant
    Me vidant
    Tant de plaisir.

    Écoute Écoute à l’Est Écoute
    Quelques lampes allument encore ce que la digue retient
    Seule devant les eaux
    Les ombres rapides du vent Scrutent ce que je ne peux plus voir :
    Tu cherches ma bouche avec ton œil profond.

    Voir est plus prudent que toucher
    Voir est déjà te toucher
    Dans la mâchoire et l’œil
    Le soleil couve, habillé de mains.




    Constance Chlore, « La diagonale de l’animal », II, L’Alphabet plutôt que rien, poèmes, Éditions Éoliennes, Bastia, 2017, pp. 25-26.






    Constance Chlore  L'Alphabet plutôt que rien




    CONSTANCE CHLORE




    ■ Constance Chlore
    sur Terres de femmes

    Pierre étincelante



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la mél [Maison des écrivains et de la littérature])
    une notice bio-bibliographique consacrée à Constance Chlore
    → (sur le site des éditions éoliennes)
    la fiche de l’éditeur sur L’Alphabet plutôt que rien





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  • Barbara Pogačnik | Thèbes




    TEBE




    Tomaž, rdeče sonce na tleh,
    mlade mušice proti rdečemu soncu na
    modrih oblakih, travnik in zidek objeta v enem
    samem tankem
    steblu svobodnega. Živali preidejo
    v rastline in človek
    preide v rastline in in rastline preidejo
    v predmete in predmeti preidejo v dih,
    in dih preide v dim in postane tempelj
    oblik, ki jih zdaj lahko izdihamo,
    soba postane smer; upor se izmika črti,
    usta jedo, ko so rdeče rože v vencih
    in ko ljudi obsijejo raznobarvni oblaki.
    Navezanost postane negibna noga, čudež stopala
    je na tem svetu in vzdržimo v kubizmu, v razgretem
    srednjem veku, kjer se konji smejijo,
    ljudje grizejo drug drugega
    po glavi, in duh božji je v potoku
    in še danes pljuva.
    Daj nam danes naš vsakdanji smeh in
    obpusti nam naše počasne roke, Miró
    besed.






    Mirò des motsPh., G.AdC







    THÈBES

    En hommage à Tomaž Šalamun



    Tomaž, le soleil rouge par terre,
    des jeunes moucherons vers le soleil rouge sur
    les nuages bleus, le pré et le mur du jardin main dans la main,
    étreints dans une seule tige frêle
    de celui qui est libre. Les animaux passent
    en végétaux et l’homme
    passe en végétaux et les objets passent en souffle,
    et le souffle passe en fumée pour devenir le temple
    des formes que nous pouvons à présent expirer.
    La chambre devient direction, la résistance fuit
    la ligne droite, la bouche mange, les fleurs rouges sont en corolles,
    les nuages de différentes couleurs éclairent les gens.
    L’attache devient une jambe qui ne peut bouger, le miracle du pied est dans le monde, on réussit à tenir le coup du cubisme, le coup du moyen âge échauffé où les chevaux rient, et où
    les hommes se mordent la tête
    l’un l’autre, et l’esprit saint est dans le ruisseau,
    à cracher tout autour jusqu’à nos jours.
    Donne-nous aujourd’hui notre rire de ce jour et
    pardonne-nous nos mains si lentes, le Mirò
    des mots.

    Janvier 2015



    Barbara Pogačnik, in Et même quand le soleil [poèmes de Milan Dekleva, Maja Vidmar, Barbara Pogačnik, Uroš Zupan, Tomaž Šalamun], LUD Literatura & Éditions Éoliennes, Ljubljana/Bastia, 2015, pp. 74-75. Édition bilingue. Poème traduit du slovène par Stéphane Bouquet, Guillaume Métayer et l’auteur.






    Et-meme-quand-le-soleil






    BARBARA   POGAČNIK


    Barbara Pogacnik
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Levure Littéraire)
    plusieurs poèmes de Barbara Pogačnik
    → (sur Recours au poème)
    une notice bio-bibliographique sur Barbara Pogačnik (+ cinq poèmes)
    → (sur Terres de femmes)
    Tomaž Šalamun | Va



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  • René Daumal | [Rien ne ressemble…]



    [RIEN NE RESSEMBLE…]



    Rien ne ressemble au profond sommeil comme le suprême éveil.

    Se faire automate, c’est s’endormir ; mais s’éveiller, c’est se faire automate.

    Quoi que je fasse, c’est un faux-fuyant ; et si je ne fais rien, c’est la panique. Pan, pan, pan. Voilà le premier trouble, et toujours premier.

    Mais je sais que je fais telle chose ou que je ne fais rien, non parce que je me serais contemplé agir ou ne pas agir, mais parce que je désire faire telle chose ou ne rien faire.

    Je retrouve ainsi l’intime unité du désir, dans toute action et même ce qu’on prétend inaction, et je découvre le levier propre à me retourner : il n’est pas au dehors.

    Comme c’est facile. Mais je pense peut-être mon avenir de plusieurs années. Plus délicate en ses mouvements est la mimique du futur, plus elle est trompeuse ; mais plus on gagne à la surmonter. Métaphysique, mythologie, acte. Et prenez garde : chaque pensée a encore son fantôme.


    et puisque les monades n’ont pas de fenêtres, elles ne peuvent s’unir entre elles qu’en devenant Dieu.



    René Daumal, Exorcisme, in (Se dégager du scorpion imposé), Poésies et notes inédites, 1924-28, Éditions Éoliennes, Bastia, juin 2014, page 79. Édition établie par Claudio Rugafiori & Alessandra Marangoni.






    René Daumal





    RENE  DAUMAL


    Diptyque_ren_daumal
    Diptyque photographique, G.AdC



    ■ René Daumal
    sur Terres de femmes

    la Seule
    21 mai 1944 | Mort de René Daumal (+ un extrait du Mont Analogue)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Éoliennes)
    la fiche de l’éditeur sur (Se dégager du scorpion imposé)





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  • Luc Dietrich | [Le sapin]




    Sapin 2
    Triptyque photographique, G.AdC







    [LE SAPIN]



    Le sapin.
    J’appréciais vraiment toutes ces machines simples, ces détails de mon corps qui devenaient outils : je me servais beaucoup plus de mes dents pour couper, briser, fendre. Mes mains, mes pieds.
    J’emmagasinais beaucoup de nourriture dans la chambre haute. Des noix, des noisettes. C’était une joie de dormir au milieu de ces repas futurs.  J’envisageais les lendemains avec tranquillité. Je ne travaillerais pas demain. Je ferais un long texte sur la digitale. Ce n’était pas facile. J’usais l’un après l’autre les meilleurs adjectifs sur ces fleurs à tubes. Mes notes étaient rangées dans un petit sac de toile cirée à cause de la pluie. J’avais un petit encrier en bois et un porte-plume taillé dans un éclat de noyer.

    Un bon silence m’entourait. Je chantais à tue-tête sous les étoiles silencieuses. Un petit vent chatouillait les feuillages.



    Luc Dietrich, Sapin ou La Chambre haute, éditions Éoliennes, Bastia, 2014, page 22. Texte établi & présenté par Frédéric Richaud.







    Dietrich Sapin






    LUC DIETRICH


    Luc Dietrich
    Source



    ■ Luc Dietrich
    sur Terres de femmes

    Les derniers jours de l’automne



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Esprits Nomades)
    une page sur Luc Dietrich
    → (sur le site des éditions éoliennes)
    une page sur Sapin ou La Chambre haute





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  • Pierre Bonnasse | Célébrations




    Le serpent ... danse ... aux rythmes reggae ragga ou rock'n' roll
    déclinaison reptilienne, 1, G.AdC, 2012






    CÉLÉBRATIONS
    (déclinaisons reptiliennes)



    à la Vierge de la Vigne,
    aux vertiges sans voiles,
    aux divagations
    sur les pavés de l’amour
    de deux solitudes en solitaires,




    S’échapper ―



    Se déraciner pour devenir
    mouvement
    pour renaître étranger
    ― sage sans toit ―
    une respiration
    à l’aube de toi-même.


    Habiter le monde.
    Jouir de l’instant qui traverse l’histoire
    devant les yeux des histrions

    ― moins distraits pourtant
    que ceux qui croient porter
    les paniers vides d’un passé à venir ―


    Un noir vêtu de blanc
    danse et sourit et hurle
    le bonheur d’un peuple libéré.


    Des tulipes, des moulins
    des canaux caressent le pays

          (vert)         .

    et des arbres et des ombres
    d’ hommes libres.


    Au pays de la tolérance
    l’errance est pavée de soleil ―


    Le serpent
    pomme orange et jaune et verte
    aux fumées éclatantes
    danse aux notes ni noires ni mortes
    aux rythmes reggae ragga
    ou rock’n’ roll.


    Le héron porte les cendres d’un Soleil assiégé.


    […]




    Pierre Bonnasse, Happy Hooker’s Hand & charmantes alchimères, Éolienne, 2006, pp. 28-29.







    Pierre Bonnasse, Happy Hooker's Hand





    PIERRE BONNASSE


    Pierre-bonnasse
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    le site de Pierre Bonnasse
    → (sur lelitteraire.com)
    un entretien de Stig Legrand avec Pierre Bonnasse (1er septembre 2005)
    le site des éditions éolienne [éoliennes]





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