Étiquette : éditions Isabelle Sauvage


  • Noémia de Sousa | Nossa voz (extrait)



    NOSSA VOZ
    (extrait)





    Ao José Craveirinha



    Nossa voz ergueu — se consciente e bárbara
    sobre o branco egoísmo dos hornens
    sobre a indiferença assassina de todos.
    Nossa voz molhada das cacimbadas do sertão
    nossa voz ardente como o sol das malangas
    nossa voz atabaque chamando
    nossa voz lança de Maguiguana
    nossa voz, irmão,
    nossa voz trespassou a atmosfera conformista da cidade
    e revolucionou-a
    arrastou — a como um ciclone de conhecimento.

    E acordou remorsos de olhos amarelos de hiena
    e fez escorrer suores frios de condenados
    e acendeu luzes de esperança em almas sombrias de desesperados…
    Nossa voz, Irmão!
    nossa voz atabaque chamando.

    Nossa voz lua cheia em noite escura de desperança
    nossa voz farol em mar de tempestade
    nossa voz limando grades, grades seculares
    nossa voz, Irmão! nossa voz milhares,
    nossa voz milhões de vozes clamando! […]






    NOTRE VOIX
    (extrait)





    À José Craveirinha



    Notre voix s’est dressée consciente et barbare
    sur l’égoïsme blanc des hommes
    sur l’indifférence assassine de tous.
    Notre voix humectée des cacimbadas du sertão
    notre voix ardente comme le soleil des malangas
    notre voix atabaque qui appelle
    notre voix lance de Maguiguana
    notre voix, frère,
    notre voix a crevé la chape de conformisme de la ville
    et l’a révolutionnée
    balayée d’un cyclone de connaissance.

    Et elle a suscité des remords aux yeux jaunes de hyène
    et fait goutteler les sueurs froides des condamnés
    et rallumé des éclats d’espoir dans les âmes sombres des désespérés…
    Notre voix, frère !
    notre voix atabaque qui appelle.

    Notre voix pleine lune dans une nuit sombre de désespérance
    notre voix phare sur une mer de tempête
    notre voix qui lime les barreaux, lime les barreaux séculaires
    notre voix, frère ! notre voix des milliers,
    notre voix des millions de voix qui clament ! […]



    Noémia de Sousa, Notre voix, Éditions Isabelle Sauvage, Collection corp/us dirigée par Sika Fakambi, 2017. Traduit par Elisabeth Monteiro Rodrigues.






    Noémia de Sousa





    NOÉMIA DE SOUSA


    Noémia de Sousa  portrait
    Source




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    la fiche de l’éditeur sur Notre voix





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  • Warsan Shire | Conversations à propos de chez soi
    (au centre d’expulsion)



    CONVERSATIONS ABOUT HOME
    (at a deportation centre)





    Well, I think home spat me out, the blackouts and curfews like tongue against loose tooth. God, do you know how difficult it is, to talk about the day your own city dragged you by the hair, past the old prison, past the school gates, past the burning torsos erected on poles like flags? When I meet others like me I recognise the longing, the missing, the memory of ash on their faces. No one leaves home unless home is the mouth of a shark. I’ve been carrying the old anthem in my mouth for so long that there’s no space for another song, another tongue or another language. I know a shame that shrouds, totally engulfs. I tore up and ate my own passport in an airport hotel. I’m bloated with language I can’t afford to forget.



    Warsan Shire, Teaching my mother how to give birth, Flipped eye publishing, London, 2011.






    CONVERSATIONS À PROPOS DE CHEZ SOI
    (au centre d’expulsion)





    Donc, je pense que chez moi m’a crachée dehors, coupures d’électricité et couvre-feux comme une langue butant contre la dent branlante. Dieu, sais-tu comme il est difficile de parler du jour où ta propre ville t’a traînée par les cheveux, devant l’ancienne prison, devant les portails des écoles, devant les torses incendiés dressés sur des poteaux comme des drapeaux ? Quand il m’arrive d’en rencontrer d’autres comme moi je sais sur leur visage la nostalgie, le manque, le souvenir des cendres. Nul ne part de chez soi à moins que chez soi ne soit la gueule d’un requin. J’ai si longtemps porté en bouche l’hymne ancien qu’il ne reste plus de place pour aucun autre chant, aucune autre langue ou aucun autre langage. Je sais une honte qui te couvre d’un linceul, t’engloutit bout entier. J’ai déchiqueté et mangé mon passeport dans un hôtel d’aéroport. Je suis ballonnée d’une langue que je ne peux me permettre d’oublier.



    Ils demandent comment vous êtes arrivée ici ? Tu ne le vois pas sur mon corps ? Le désert lybien rouge des corps des migrants, le golfe d’Aden ballonné, la ville de Rome sans veste. J’espère que ce voyage signifie plus que ces kilomètres, parce que tous mes enfants sont au fond de l’eau. Je croyais que la mer était plus sûre que la terre ferme. Je veux faire l’amour, mais j’ai les cheveux qui puent la guerre et courir et courir. Je veux m’allonger, mais tous ces pays sont comme ces oncles qui te touchent quand tu es enfant et endormi. Regarde toutes ces frontières, leurs bouches écumantes de corps brisés désespérés. Je suis la couleur d’un soleil ardent au visage, la dépouille de ma mère n’a jamais été ensevelie. J’ai passé des jours et des nuits dans le ventre du camion ; je n’en suis pas sortie la même. Quelquefois j’ai l’impression que quelqu’un d’autre s’est revêtu de mon corps.



    […]



    Je les entends dire rentre chez toi, je les entends dire putain de migrants, putain de réfugiés. Sont-ils vraiment si arrogants ? Ne savent-ils pas que la stabilité est pareille à cet amant à la bouche pleine de douceur se coulant sur ton corps un instant ; et l’instant d’après te voici tremblement gisant sous les décombres et les devises anciennes, attendant son retour. Tout ce que je peux dire, c’est que naguère j’étais pareille à toi, cette apathie, cette pitié, cet accueil à contrecœur et maintenant chez moi c’est la gueule d’un requin, maintenant chez moi c’est le canon d’un fusil. On se reverra de l’autre côté.



    Warsan Shire, Où j’apprends à ma mère à donner naissance [Teaching my mother how to give birth, Flipped eye publishing, Londres, 2011], éditions Isabelle Sauvage, Collection corp/us dirigée par Sika Fakambi, 2017, pp. 28-29-31. Traduit par Sika Fakambi.






    Warsan Shire  Où j’apprends à ma mère à donner naissance





    WARSAN SHIRE


    Warsan Shire 3
    Source




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur vimeo.com)
    Warsan Shire reads her poem ‘Conversations about home at the deportation centre’
    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    une notice bio-bibliographique sur Warsan Shire
    → (sur okayafrica.com)
    [Interview] Warsan Shire’s Raw & Vulnerable Poetry
    → (sur YouTube)
    [un poème de Warsan Shire] Excuses pour avoir perdu en amour (Excuses for why we failed at love)





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  • Erwann Rougé | [la brûlure a une odeur de fleuve]



    [LA BRÛLURE A UNE ODEUR DE FLEUVE]





    la brûlure a une odeur de fleuve
    elle bascule sur l’autre rive

    noue et délivre
    le toucher des genoux et des épaules

    guette
    ce qui se met en déséquilibre


    elle croit qu’elle mène la lumière
    sous la langue

    veut le retour de la pluie






    et l’ombre portée rassemble ses morts
    étoupe la faille du temps

    parle
    au-delà         d’une chair
    blancheur de cendre


    elle croit que le sel et le carmin
    d’une herbe suffisent

    pour la soif du bois



    Erwann Rougé, L’Enclos du vent, éditions Isabelle Sauvage, Collection « ligatures », 29410 Plounéour-Ménez, 2017, pp. 32-33. Photographies Magali Ballet.






    Enclos du vent




    ERWANN ROUGÉ


    Erwann Rougé
    Ph. Michel Durigneux
    Source






    ■ Erwann Rougé
    sur Terres de femmes


    Proëlla (lecture d’AP)
    [même si cela ne sert à rien] (extrait de Proëlla)
    [on ne fait qu’écrire] (extrait de Voa, Voa)
    Passerelle, Carnet de mer (lecture de Sylvie Fabre G.)
    [quand le ciel est ainsi] (extrait d’Étais de Jean-François Agostini)




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    la fiche de l’éditeur sur L’Enclos du vent d’Erwann Rougé
    → (sur Les Carnets d’Eucharis)
    d’autres extraits de L’Enclos du vent d’Erwann Rougé
    → (dans la poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Erwann Rougé
    le blog de Magali Ballet





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  • Lou Raoul | [dans les maisons détruites abandonnées]



    [DANS LES MAISONS DÉTRUITES ABANDONNÉES]




    dans les maisons détruites abandonnées celles où personne ne serait revenu où les débris de vaisselle jonchant le sol de l’ancienne cuisine où des mots peints en grand sur les façades les maisons en ruine les traces intactes de la guerre tout cela la guerre ce dont Kim aurait entendu parler bien sûr à la fois proche à la fois lointaine les traces là palpables sous la main dans les yeux les maisons détruites abandonnées en ruine voisines d’autres maisons où la vie aurait ramené les bûches de bois devant les portes le linge à sécher sur les fils les moutons dans les prés alentour les parcelles plantées de choux




    et à Brač les terrains plantés d’oliviers à Brač où Mladen et Tea debout sous un caroubier qu’enfin Kim verrait Kim découvrirait le port de cet arbre les fruits à même les branches et dans l’herbe au pied de l’arbre jonchée de caroubes brunes sur les échoppes du marché vert aussi et Tea la vendeuse un jour glisserait une cosse dans le sac en plastique rempli de mandarines le sac de plastique léger entre les mains de Kim entre ses mains




    le silence Kim le boirait sur la route devant l’église orthodoxe près de la retenue d’eau si claire où la rivière Cetina aurait sa source loin en profondeur où l’eau claire de la Cetina commencerait les cent cinq kilomètres vers la mer son voyage deux Tea s’étreindraient longuement à la gare routière puis l’une d’entre elles monterait dans le car à destination de Makarska, Međugorje, Mostar et la fête foraine battrait son plein en ce dimanche après midi des enfants souriant




    feuilles et pigeons se mêleraient Mladen traverserait la rue portant deux gros sacs entiers de citrons des paroles s’échangeraient dans l’ambiance feutrée des cafés théières faïence blanche Kim assise dans un canapé brûleraient les bougies plus loin serait la Riva serait toujours en kermesse des jeunes Mladen finalement ivres




    les mains dans la crypte continueraient à toucher la statue de Sveta Lucia celles de femmes seraient sur les vêtements et les draps étendus sur maints fils au-dessus des ruelles et sur les balcons l’eau de la Cetina serait tellement claire qu’elle laverait les yeux la tristesse toute la souffrance et le silence serait juste plein de la laine des moutons traversant la petite route accompagnés d’une femme âgée de noir vêtue seraient ici inhumés des personnes serbes le cimetière entier et leurs noms en cyrillique Kim verrait ce serait décembre la forteresse de Klis sous le soleil lumineux toute blanche et au nord-ouest du mont Dinara la Cetina prendrait sa source […]



    Lou Raoul, Otok, Éditions Isabelle Sauvage, Collection présent (im)parfait, 29410 Plounéour-Ménez, 2017, pp. 41-42-43.






    Lou Raoul, Otok





    LOU RAOUL


    Lou raoul
    Ph. ©Lou Raoul




    ■ Lou Raoul
    sur Terres de femmes

    [galope le printemps] (extrait de Traverses) [+ une notice bio-bibliographique]



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    la page de l’éditeur sur Otok
    → (sur Ce qui reste)
    d’autres extraits du recueil Traverses
    → (sur Terre à ciel)
    une page sur Lou Raoul
    → (friches et appentis)
    le blog de Lou Raoul






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  • Sofia Queiros | [je à la pointe du jour]



    [JE À LA POINTE DU JOUR]



    je à la pointe du jour traverse la ville en solitaire lueur matinale éclaire les maisons closes me questionne sur les bruits qui enflent qui ronflent sur mon goût pour les pénombres les greniers les ruines les pierres tout ce qui de guingois les gens désarticulés suis cette femme qui se trient devant la foule fière et décidée ou cette autre qui ramasse des cailloux qu’elle enveloppe dans un mouchoir en tissu écossais comme si précieux se reconnaît




    elle noue ses cheveux sur la nuque accroche à ses oreilles des boucles à plumes et paillettes traverse un nuage de parfum fait des ronds avec sa bouche des ronds de fumée comme une actrice noire et blanche se perche sur un tabouret comme au cabaret des talons aiguilles rouges des bas le grand jeu pour son miroir pour un soir demande à ce qu’un homme lui décroche la lune très premier degré




    […]




    je dénoue mes cheveux longs filasses mes paupières s’affadissent et s’affaissent mes joues bajoues se coupent de rose les pattes d’oie aux coins de mes yeux se creusent mon menton se décroche en galoche je suis une vieille dame prête à renoncer à mon corps mais pour le reste je réfute je tempête et je houspille je manie le parapluie le cabas et le caddie et j’inventorie



    Sofia Queiros, Sommes nous, Éditions Isabelle Sauvage, Collection présent (im)parfait, 29410 Plounéour-Ménez, 2017, pp. 19-20-22.






    Sofia Queiros, Sommes nous.jpg 2








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  • Julien Simon | 1932 — Entre Odessa et Marseille



    1932 — ENTRE ODESSA ET MARSEILLE.



    ILS,
    lancent tout au long du voyage des petits cailloux
    blancs,
    De petits cailloux ramassés là-bas en Bessarabie.
    Regardent longtemps l’horizon, la mer puis la nuit.

    Plof.
    Après une lente descente, les petits cailloux blancs
    se déposent sur les fonds marins : sables, vasières,
    abysses. Quelques-uns sont gobés par des poissons et
    d’autres disparaissent, granulats de mémoire sous
    la couche de boue ou de limon.
    Là-bas au loin, les attend un train puis un autre train.
    Et le vent souffle.




    Julien Simon, Inventaire, un souffle, Éditions Isabelle Sauvage, Collection Chaos, 2016, page 11.







    Julien Simon, Inventaire, un souffle






    JULIEN SIMON


    Julien Simon




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    la page de l’éditeur sur Inventaire, un souffle de Julien Simon






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  • Anne Calas, Honneur aux serrures

    par Angèle Paoli

    Anne Calas, Honneur aux serrures,
    Éditions Isabelle Sauvage, Collection présent (im)parfait,
    29410 Plounéour-Ménez, 2016.



    Lecture d’Angèle Paoli




    « JE DÉBORDE À LA MARGE »



    Honneur aux serrures. Quel titre ! L’association est inattendue. Et si le lecteur pense trouver ici tout l’attirail du parfait serrurier, il sera vite déconcerté. Association de malfaiteurs, alors ? Non, bien sûr. Car il s’agit de poésie. La maîtresse d’œuvre de ce recueil est Anne Calas, dont les précédents ouvrages m’ont déjà sensibilisée à l’originalité de l’écriture. Avec ce dernier opus qui met les serrures à l’honneur, la poète, qui est aussi comédienne chanteuse jardinière, mécanicienne à ses heures (garagiste ?) et surtout grande amoureuse, poursuit son entreprise d’ouverture d’« espaces poétiques ». Et pour permettre au champ des possibles d’avoir lieu, il faut faire sauter les serrures. Les serrures antérieures. Celles du passé de la langue du langage de l’écriture. Et du sexe. Il y faut un optimisme lumineux, une confiance exubérante dans l’amour qu’elle porte à celui à qui elle dédie son livre (à Yves). « J’écrirai toujours pour toi », écrit-elle. Rien n’arrête Anne Calas. Rien n’arrête son élan son bonheur à dire et à nommer. Son bonheur est plénitude.

    Le déverrouillage se fait en deux temps (au moins) :

    « en hiver, au printemps, honneur aux cylindres ! »

    « à l’été, honneur aux serrures ! »

    Huilées par le sperme de l’amant, les serrures sautent :

    « Le grand foutroir et dans ma bouche le mur absorbe le soleil d’hiver. Une éponge de miel, un liquide marié de meringue sur le pont aux serrures. Yeux noirs de l’enfant Océan chérubin-charbon. Il est midi. »

    ou encore, côté femme :

    « si je pouvais l’être enfoui et chaque jour

    cet éblouissement de framboise écrasée

    cette sidération adolescente à la bouche charnue

    tendre douce

    qui sait con      tente       [tout] »

    On le comprend aisément, cet Honneur aux serrures est un long chant d’amour. Qui offre toutes les palettes du sentiment amoureux et en renouvelle l’énergie : fantaisies, exigences, tendresses, jeux sont conviés sans réserve… Même si le chant d’amour se construit « au milieu d’un grand vide »

    « parce qu’un beau jour un amour

    arrive ».

    Le chant s’ouvre sur des retrouvailles après un temps d’absence et s’enfle d’aveu en aveu avec des poèmes qui montent en puissance au cours des trois sections. La dernière étant, à mon sens, la plus exaltante. Et l’on passe de l’indécence candide et comique d’une scène réjouissante :

    « […] tu ris

    de me regarder

    danser sur le lit       pisser debout

    devant toi

    dans la lumière du matin »

    à la douceur extrême de la caresse

    « […] extravagante perception

    de l’amour, main pleine

    d’un duvet de cygne »

    pour s’affirmer dans la revendication :

    « Je revendique le droit d’aimer. Sans défense à la grille. Sans fruits déjà noués. »

    L’amour se décline à chaque instant, jusque dans cet aveu bouleversant :

    « Ce n’est pas grave si le temps passe, ce n’est pas grave.

    Je t’aime dans mes ruines. »

    Ainsi Anne Calas ose. Elle dit, suggère parfois plus qu’elle ne dit, avec des images fruitées, colorées, savoureuses, les suavités du sexe rendu à sa jeunesse adolescente. Joueuse, aussi. Elle joue avec les associations inattendues d’objets d’idées d’actions. Parfois jusqu’à l’incongruité mystérieuse dont seule la poète détient les clés :

    « Sous la cloche de verre une râpe, scories de temps, anneau de Saturne comme pleurerait le papier. »

    Dans le même poème, on trouve aussi cette sidération devant sa propre création :

    « L’illusion et la vérité, splendeur des mots sur la page et leurs bouleversements stellaires. »

    Le territoire qu’explore Anne Calas est riche — rivière / fleuve / lacs / terre / maison / « rideaux fleuris » / allées plantées d’arbres / jardin avec fleurs / mer… — qui se découvre dans la plénitude des saisons et dans la variété des plaisirs qui s’y déclinent. Gourmandises et saveurs, « brassée de pêches blanches », mais aussi petits bonheurs du jour qui se vivent dans le partage et dans la simplicité de la présence. Jusque dans le suspens des gestes :

    « tu es là, dans la cuisine, assis depuis longtemps,

    tu m’attends ».

    Dans les différentes sections du recueil (trois en tout), on trouve de quoi danser et rire, de quoi jouer et de quoi ravir l’amant :

    « et je te vois :

    sidéré devant ce gris-gris revenu du néant

    un soutien-gorge suspendu au lustre de l’entrée

    un feu de plein été… »

    En dehors de l’amant, on croise tout ce qui constitue le territoire intérieur de la poète. Tout ce qui a modelé ses goûts son caractère sa personnalité. Chanteurs et chansons, Alain Bashung et Bob Dylan, spectacles de jongleries (Rosie Rose), auteurs affectionnés. Henry Miller ; Samuel Beckett — Cap au pire ; mais aussi des poètes comme Mathieu Bénézet et Dominique Fourcade… Et d’autres encore, dont la présence se manifeste par des citations en italiques. Ainsi de ces deux vers :

    « mâchouillement obscur entre les ventres des bateaux amarrés », empruntés à La Naissance du jour de Colette.

    La toute première section de la première partie du recueil — « ceci est » — offre à elle seule un échantillonnage intéressant de ces paysages, y compris dans la forme du poème. Ainsi de ce poème qui commence comme un inventaire et se poursuit sur des équivalences inattendues alliant nature et mécanique, marquées par le signe = :

    « trois étoiles orangées

    un coussin        moelleux

    deux étincelles

    dans le carburateur =

    une maison un chemin collimateur à douze tilleuls

    six marronniers détonateurs ».

    Deux pages plus loin, la poète poursuit son jeu des associations où s’unissent les contraires :

    « les pavés débordent

    de pollens

    = territoires en pointillés ».

    Il arrive que la poète utilise les crochets. Elle y range quelques mots. Sans doute pour ménager un ralentissement, ou même une pause dans le rythme effréné qui est le sien. Cela prend parfois la tonalité d’un aparté. D’une confidence qui vient adoucir le contexte. Qui met l’accent sur l’intime :

    «[…] je m’allonge

    dos vibrant comme

    un champ électrique

    ouvrant sur [ma petite chambre]

    je t’espère — anatomie

    pont suspendu     mon amour »

    ou au contraire une insistance : « [je veux dire ça] » qui vient appuyer une métaphore culottée.

    « la maison flotte dans un printemps que l’été serre de près marque

    à la culotte [je veux dire ça] ».

    Je ne peux m’empêcher de sourire à ce « ça » qui me renvoie inévitablement au « ça » de Nathalie Sarraute. Je ris de la transformation qu’Anne Calas lui fait subir. Je ris aussi de la volonté attendrissante et têtue que manifeste la poète pour donner à sa « culotte » une présence dans le poème sans l’ajuster pour autant à un contexte travaillé. J’aime cette liberté de ton si particulière et tout compte fait, assez peu courante, qu’a Anne Calas dans son écriture.

    Il y a beaucoup à dire encore, tant est riche la foisonnante inventivité de la poète. Jusqu’où cette énergie débordante ? Lorsque dans le poème 15 de « absolutely sweet Mary », la poète écrit :

    « J’apporte enfin une chaise pour m’asseoir. »

    le lecteur est tout étonné de cet aveu inhabituel sous la plume d’Anne Calas.

    Ainsi lire ce dernier ouvrage et les poèmes qui le composent, c’est se laisser prendre dans le tourbillon de la vitalité de la poète, dans son énergie vitale, dans sa soif inextinguible de l’amour. C’est partager un moment de vie qui entraîne dans sa verve créatrice. Car, outre cette vitalité insatiable, Anne Calas a un talent fou. Et cet Honneur aux serrures est une promesse de plaisir pour qui accepte de pousser la porte. Un plaisir qui va croissant au fur et à mesure que l’on progresse dans l’aventure qu’elle nous livre. Sans retenue, avec la prise de risque que cela comporte.

    Entrer dans les « paysages/intérieurs » d’Anne Calas, c’est faire le choix du multiple. Il y a bien sûr des lieux de prédilection parmi lesquels la maison au pied du Ventoux, ses « effarements d’ailes », ses « persiennes angéliques », ses « sauges bleues » et ses « accélérations verticales ». Mais il y aussi des écarts qui se vivent au-delà des cartes, hors lignes :

    « je déborde à la marge »

    écrit Anne Calas. Des écarts comme je les aime, ceux que je retrouve dans le tout petit poème suivant :

    « silence

    tout se défait

    il tiède encore immaculé

    presque personne ici ».



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Anne Calas, Honneur aux serrures







    ANNE CALAS


    Vignette anne calas





    ■ Anne Calas
    sur Terres de femmes


    [Mon île fantastique et joyeuse] (poème extrait de Déesses de corrida)
    Val cosmique (autre poème extrait de Déesses de corrida)
    [Ni princesse, ni d’hier ni d’aujourd’hui] (extrait d’Honneur aux serrures)
    Littoral 12 (lecture d’AP)
    Yves di Manno | Anne Calas | [par transparence d’une vitre] (extrait d’Une, traversée)




    ■ Voir aussi ▼


    le site personnel d’Anne Calas
    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    la page de l’éditeur sur Anne Calas





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  • Anne Calas | [Ni princesse, ni d’hier ni d’aujourd’hui]



    [NI PRINCESSE, NI D’HIER NI D’AUJOURD’HUI]





    Ni princesse, ni d’hier ni d’aujourd’hui ni se
    sentir, mais dans le vent une petite fellation
    blowing blowing. Une mèche sur le front,
    rectifier ta cravate, aplatir ton col, pincer ta
    veste. Un brin de fil blanc scrute les petites
    oreilles compliquées, paupières, narines.
    Contre la fatigue, l’éclat souvent doux de tes
    prunelles bleues, plage dactylographiée en
    trois langues regardant sur toi comme un
    gardien de musée. Et si j’étais un palace,
    viendrais-tu me visiter ? Je n’entends rien, la
    nuit est nue.



    Anne Calas, “blowing, blowing”, 11, in Honneur aux serrures, Éditions Isabelle Sauvage, Collection présent (im)parfait, 29410 Plounéour-Ménez, 2016, page 122.






    Anne Calas, Honneur aux serrures







    ANNE CALAS


    Vignette anne calas





    ■ Anne Calas
    sur Terres de femmes


    Honneur aux serrures (lecture d’AP)
    [Mon île fantastique et joyeuse] (poème extrait de Déesses de corrida)
    Val cosmique (autre poème extrait de Déesses de corrida)
    Littoral 12 (lecture d’AP)
    Yves di Manno | Anne Calas | [par transparence d’une vitre] (extrait d’Une, traversée)




    ■ Voir aussi ▼


    le site d’Anne Calas
    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    la page de l’éditeur sur Anne Calas





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  • Christiane Veschambre, Basse langue

    par Angèle Paoli

    Christiane Veschambre, Basse langue,
    éditions Isabelle Sauvage, Collection singuliers pluriel,
    29410 Le Plounéour-Ménez, 2016.



    Lecture d’Angèle Paoli



    Berlin_Fotor
    « la disposition subjective secrète » (Gilles Deleuze)
    Ph., G.AdC








    ATTEINDRE LA « LIBRE BASSE LANGUE »




    Basse langue ? Titre énigmatique, singulier. Existerait-il donc une « basse langue » comme il existe des basses eaux, des basses saisons, des basses terres ? À lire le dernier ouvrage de Christiane Veschambre, il semblerait bien que oui. Basse langue. Un lien secret court en effet entre les pages du dernier ouvrage de la poète, qui réunit des écrivains aussi différents qu’Erri De Luca, Robert Walser, Emily Dickinson et Gilles Deleuze. Auxquels il faut rajouter Joseph Léo Mankiewicz, dans les pages qui font allusion à The Ghost of Mrs Muir, film inspiré au cinéaste par le roman de l’écrivain britannique R. A. Dick. De son vrai nom Josephine Aimée Campbell Leslie.

    Rien en apparence qui permette de juxtaposer ces différentes langues avec un titre au singulier, si ce n’est cette « basse langue » qui persiste à bruire entre les blocs distincts façonnés par chacune des langues. Un rien qui assure cependant la continuité de l’interrogation ainsi que l’unité et la profondeur de la réflexion. Le leitmotiv de la « basse langue » s’en revient en effet comme le ferait un boomerang, boumeran, — ainsi Erri De Luca nomme-t-il l’objet que l’enfant de treize ans reçut un jour en cadeau —, d’un auteur à l’autre, entre les pages de Basse langue.

    À l’origine, il y a la rencontre avec une langue. La langue particulière personnelle des quatre écrivains susmentionnés. Une langue qui engendre un surgissement violent. Un séisme. Une tempête. Une secousse qui s’accompagne de frissons ; de tremblements. Cela survient avec la langue qui « étrange ». Cet « ébranlement ». Quelque chose se produit à la lecture, qui bouleverse et qui poursuit son travail de taupe, en silence et en profondeur.

    « Quelque chose, entre les blocs a continué de gronder. Je l’appelle la basse langue. C’est tout ce que je sais. »

    Ainsi s’exprime la poète dans l’incipit de son livre. Qui confie quelques pages plus loin :

    « Dans la chambre à Naples, disloquée par le tremblement de terre de ma lecture, l’envol et le cri ne m’apaisent pas, ne me rendent pas à une tranquille perception — me font savoir que par basse langue, ma langue de taupe, si elle m’advenait, c’est à une puissance inconnue de ma vie divisée que je serais soumise. »

    C’est ainsi que, tout en lisant Montedidio et tout en écrivant, Christiane Veschambre sent surgir en elle, sous sa plume, des poussées de langue étrangère, la langue d’Erri De Luca. À travers la voix d’Erri De Luca, la poète de Basse langue sent frémir dans ses fibres une langue archaïque vers laquelle elle tend l’oreille. Écrire, dès lors, n’est autre que se saisir de « la voix de celle qui n’en avait pas. »

    Écrivant sur la « basse langue », Christiane Veschambre intercale des textes en italiques. Récits sur sa propre enfance, sur le père, sur le rire du père et de la mère, sur l’apprentissage des langues qui mettent l’enfant à distance de ses parents — « la crainte de l’enfant que l’on ne comprend plus » —, sur la mort du père. Et cette découverte, à partir d’une vieille photo, de l’existence d’une « enfant-ma-mère » qui ne « ressemble pas » et que la narratrice ne reconnaît pas. La poète découvre ainsi l’écart qui existe entre la promesse et la réalité. Elle tente de rabouter les morceaux qui nourrissent sa stupéfaction. Les tenir ensemble sous ses yeux. C’est ce à quoi elle s’attache. Rabouter deux éléments du puzzle. « La personne-que-je-connais à l’enfant surgie ». « L’étrangéité » de la mère. Relier la vieille femme martyrisée à l’enfant brûlant de désir de vie. Tentative que seule l’écriture rend tangible. Le « frisson géologique » qui parcourt la narratrice à ce moment même est de même nature que celui qu’elle éprouve au moment de la mort du père. Plus loin, dans le premier volet du texte intitulé « Triptyque de la chambre secrète », Christiane Veschambre évoque son avortement : « On a brisé une certaine chaîne du malheur qui nous a engendrée. »

    Après le chemin creux du Nid-de-Chiens (la glaise bretonne de sa mère), Christiane Veschambre emprunte en Auvergne les sentes de Chez Sagoueix. Tout en marchant à travers la campagne, la pensée de l’écrivain s’évade. Du côté de Robert Walser. Et « marchant, je deviens celle qui va écrire ce livre. » Robert Walser marchait vite. Il marchait beaucoup, mais jamais ailleurs qu’en Suisse. Dans « les limites assignées » par sa modeste existence. Par crainte de se mettre à « parler de Walser », par crainte de « s’appesantir » sur « les ruisseaux de ses petites proses qui jamais ne forment rivière », Christiane Veschambre se tourne vers Thierry Trani, auteur lui aussi de petites proses. Sans fin en soi. Dont elle cite quelques extraits. Entre les « grottes insoupçonnées » de Thierry Trani et « l’ombre crépusculaire » de Robert Walser, un lien étroit se tisse qui conduit vers « ces pays qui existent pour nous dès avant la naissance. » Les petites proses de Thierry Trani ont été rassemblées — après sa mort — sous le titre de Ultra-petita dans la revue Petite par les soins de Christiane Veschambre et de Florence Pazzottu.

    D’autres parentés relient les deux écrivains, le Suisse et le Marseillais. La modestie. L’effacement. Modestie ? Effacement ? Christiane Veschambre rend hommage à ces deux figures qui ont modelé sa vie. Elle évoque l’un des lieux modestes de son enfance, un « petit immeuble encastré dans des constructions plus modernes », un « pauvre lieu » privé de confort, mais qu’elle continue d’aimer « tel quel ».

    Cette même modestie conduit la poète sur les traces d’Emily Dickinson. De l’« hôtesse minuscule », Christiane Veschambre évoque la langue « évidée de tout superflu ». Ce « peu de mots », ce « goutte à goutte ». « Tout racontage tu ». Il n’est pas impossible d’ailleurs que Christiane Veschambre ait emprunté à Emily Dickinson, qui se décrivait comme « petite », le titre de sa revue Petite. Avec Emily Dickinson, le « je » s’efface pour laisser place, dans une énumération anaphorique d’actions, à un « on » indéfini.

    « On s’est retrouvée à les lire »…

    « On s’est retrouvée à arranger les circonstances »…

    « On s’était mise à faire confiance. »

    « On s’était mise à recueillir le goutte-à-goutte d’une langue qu’on tâtait pour vérifier son évidence »…

    De même que Robert Walser se contentait de « limites assignées », de même Emily Dickinson se satisfait des limites du jardin paternel. C’est là qu’elle se construit, dans cet univers clos, « pour s’assurer une enceinte terrestre ». « Le jardin, la maison, la chambre : enceinte de confinement pour un noyau soumis à l’Expansion ».

    Entre Christiane Veschambre et Emily Dickinson court la même impossibilité à obtenir du Père la connaissance de ce que chacune est. Partant, venant du père, nulle re-connaissance possible, nul accomplissement possible. Écrire des livres devient dès lors écrire pour mériter le regard du Père majuscule. « Pour s’établir à l’abri de son regard ». Mais « donner corps à la basse langue » n’est pas chose toujours possible. Il arrive que le travail de taupe échoue et que la basse langue se refuse. De cet échec naît le sentiment d’impuissance et d’extrême solitude des « jours de peine ». La poète fait appel à l’animal qui en elle parfois la rejoint. Elle lui parle :

    « Je dis : bête poignante, donne-moi la langue qui étrange, la langue qui m’étrange, qui m’étrangle les mots lisses dans la gorge, donne-moi la basse langue. La basse langue, c’est mon pays, une langue sans mémoire, une lande où pousseraient en même terre un vif esprit et les mottes de la taupe excavatrice ».

    C’est sur ce gué qui passe de la langue à la lande que surgit la réflexion sur Gilles Deleuze, dont la pensée suscite une émotion intense, un bouleversement qui secoue et propulse Christiane Veschambre hors des limites auxquelles elle se pensait assignée. Elle lit Deleuze, elle l’écoute. Elle se sait sous l’emprise de la « contagion ». Dans la forme et dans la force d’une pensée qui confère à l’impossible sa réalité. Ainsi en est-il aussi du livre que Mrs Muir se doit d’écrire sous la dictée du fantôme qui la visite. Langue étrange étrangère qui descend jusqu’à la « langue triviale » du corps, « langue basse » que lui impose le capitaine Gregg et qui prend corps en elle. Le marin n’incarne-t-il pas « la disposition subjective secrète » — selon l’expression de Gilles Deleuze, de Mrs Muir ? Et le livre qu’elle mènera jusqu’au bout, totalement opposé à « son moi visible, social, psychologique » la libère, en quelque sorte, de l’aliénation qui était la sienne. « Il y a une aliénation dont on ne se libère que par la rencontre dans l’obscurité de son étranger. » C’est ce qui survient à Mrs Muir, mais aussi à Christiane Veschambre, grâce aux rencontres que l’émergence en elle de la « basse langue » lui a permises. Atteindre la « libre basse langue » est-il toujours de l’ordre du possible ? Repousser les résistances, voire les faire reculer, est une épreuve pour qui veut écrire. Pour Christiane Veschambre demeure à jamais la camera obscura, celle dont elle ne se décidera pas à livrer les secrets.

    La « basse langue » de Christiane Veschambre met au jour tout un réseau de réflexions sur les relations complices qu’entretient un écrivain avec ses lectures. Nourriture foisonnante que cette « œuvre de surgissement » qui irrigue en profondeur une écriture. Et la pousse jusqu’en ses tout derniers retranchements.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli







    Christiane Veschambre, Basse langue






    CHRISTIANE VESCHAMBRE


    Christiane Veschambre 2
    Ph. Olivier Roller
    Source





    ■ Christiane Veschambre
    sur Terres de femmes


    [Nous sommes à l’intérieur du temps] (extrait de dit la femme dit l’enfant)
    Écrire Un caractère (lecture d’AP)
    [Écrire n’a pas d’objet] (extrait d’Écrire Un caractère)
    [Cela s’est passé lundi] (extrait d’Ils dorment)
    Une Hôtesse minuscule (extrait de Basse langue)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Christiane Veschambre
    → (sur En attendant Nadeau)
    un entretien avec Christiane Veschambre, par Gérard Noiret
    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    la page de l’éditeur sur Basse langue







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  • Violaine Guillerm | [La vague devient vague]




    [LA VAGUE DEVIENT VAGUE]




    La vague devient vague. Tous les êtres s’y baignent.

    Les mots seront progressivement blancs, hissés de couleurs comme ça qui se posent. Et au creux, miroiter. Particulièrement. Sur un coin d’heure. Dans un bruit de fracture et d’eau, vibrant, vibrant, nos cris de survivants. La vague tente, contraint, fleurit. Une grandeur, une candeur, quelle cohue, co-errance.

    Mille corps devenus, qui sourient près du neutre, soupiraient. Ta bouche à ma bouche, qui te détoure et aussi me détoure. Point contre point, quelques bonds. Flottaison. Tant de fleurs. Nos réelles approximations. Elle s’étend, la ligne, et tu ne l’étrécis. Entre les points et les points, au presque, propice, l’invention qui jouait, jouait comme une éternité.

    Comme de petits moteurs, le cousu des cascades, toi et moi non diminués de la mer. Revêches, adaptées, nos mains amadouées. Rose cri. Bijou clair. Clair rouge offert. Rouge strette.

    L’heure sonnait. Tout était dense, opaque, en bruine.
    Les orteils gigotent.
    Encore ce souffle, les herbes à travers la pierre, nos bouches mues, des murs à nouveau anciens.



    Violaine Guillerm, Note étrangère, Éditions Isabelle Sauvage, Collection présent (im)parfait, 29410 Plounéour-Ménez, 2016, pp. 17-18.







    Note étrangère





    VIOLAINE GUILLERM


    Violaine Guillerm
    Source



    ■ Violaine Guillerm
    sur Terres de femmes

    [seulement me voilà] (extrait de Scordatura)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    la page de l’éditeur sur le recueil Note étrangère







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