Étiquette : éditions Isabelle Sauvage


  • Gilles Plazy | Larguant les amarres



    LARGUANT LES AMARRES… (extrait)




    Dans l’impatience de l’encre le souffle.

    Légende cruelle que celle du Verbe originel qui aurait eu pour fonction de rendre impossible toute parole singulière ultérieure ! Tout homme n’aurait eu d’autre mot à dire que celui qui lui aurait été dicté de toute éternité ? A moins que le Verbe initial soit la matière de toute parole humaine à venir…

    Le travail artistique implique une grande solitude (ou reconnaissance de la solitude qui à l’homme est essentielle), mais il est bien qu’en celle-là quelques complicités la rendent moins amère. Ne serions-nous pas ainsi quelques-uns engagés, chacun sur son fil, au même Grand Œuvre ? Une communauté spirituelle éclatée. Réseau informel des témoins de l’outre-monde.

    La question qui se pose est toujours la même : sinon « qu’est-ce que la poésie ? » disons : « que peut la poésie ? » ou « que puis-je en poésie ? » Vers où va, peut aller la poésie ? Dans quel mouvement peut-elle s’inscrire si elle n’est pas contrainte de se contenir dans la redondance de sa présence ? Et cette question annexe : la poésie ne va-t-elle pas sans théorie ? Comment s’articulent, si elles doivent s’articuler, expérience et théorie ?

    La poésie, parole hors norme échappant à la rhétorique, ne se laisse pas contraindre par les règles du discours, par le jeu social du sens enfermé dans ces quatre murs que sont la description, la narration, l’explication et l’argumentation. Ainsi est-elle toujours au risque de l’incompréhension, du délire (c’est-à-dire l’enfermement sur elle-même d’une parole non communicable).

    Pousser la poésie dans ses retranchements de langue. Non l’écriture épanchée, mais une quête de l’inconnu, le passage de nouvelles frontières.

    Poésie prise entre parole de l’éloge, du lyrisme enveloppant, et parole de la disruption, du langage tâtonnant ou déchiré. Parole prise dans un double danger, d’une part celui de l’ampoulé rhétorique, d’autre part celui de l’incohérence.

    Mallarmé : poésie de la langue crispée ; Apollinaire : poésie de la langue débridée. D’un côté la contraction de la glotte, de l’autre le flot de la parole. Deux manières opposées d’enfreindre la loi du discours.



    Gilles Plazy, « Larguant les amarres », in Les mots ne meurent pas sur la langue, éditions isabelle sauvage, Collection 120°, 2014, pp. 12-13.






    PLAZY_14







    GILLES PLAZY


    Vignette gilles plazy
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    le site personnel de Gilles Plazy
    le catalogue des éditions isabelle sauvage [PDF]






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  • Yves di Manno | [pour rejoindre en lisière de la page]




    La page pliée le bois fossilisé
    Source







    [POUR REJOINDRE EN LISIÈRE
    DE LA PAGE]





    pour rejoindre en lisière
    de la page


    pliée le bois fossilisé


    (la forêt millénaire)


    refermée sur la nuit
    (et l’iris éphémère)


    comme en travers du lit


    noir, vert


    apposés seuls


    (opposés ?)


    si la page


    est un drap


    doublement


    déplié


    traversant l’étendue
    jusqu’au noir


    (versant est)


    sans verser dans
    la danse adverse


    dianes diaphanes


    lianes de sang





    Yves di Manno, Terre sienne, Éditions Isabelle Sauvage, 2012, pp. 31-32-33.





    YVES DI MANNO


    Yves di Manno
    Image, G.AdC




    ■ Yves di Manno
    sur Terres de femmes

    après Privas… Nicolas Pesquès (I). « du geste une écriture »
    féal (poème extrait de Champs)
    Objets d’Amérique (note de lecture d’AP)
    Terre ni ciel (note de lecture d’AP)
    Yves di Manno | Anne Calas | [par transparence d’une vitre] (extrait d’Une, traversée)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Œuvres ouvertes, Revue de littérature de Laurent Margantin)
    Yves di Manno, Objets d’Amérique, par Auxeméry
    → (sur le site des éditions Corti)
    la fiche consacrée à Objets d’Amérique





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Jacques Roman | [La rature, accouplée à la jouissance d’écrire]




    épreuves raturées
    Source







    [LA RATURE,
    ACCOUPLÉE À LA JOUISSANCE D’ÉCRIRE]




    La rature, accouplée à la jouissance d’écrire, témoigne, érectile en sa poigne, de l’infernale demeure où qui s’écrit, déjà mort, n’est pas encore de ce monde. Peut-être est-elle toujours hantée de ce désir double de qui ne cesse d’aimer ce qu’il écarte, ne cesse d’écarter ce qu’il aime, parce que lui-même écart, lui-même en proie à la rature. Joyce raturant et raturant les épreuves d’imprimerie, réécrivant, ne cessant d’écrire, ajournant le livre, son poids de plomb, sa mise au marbre.


    La rature dit que ça tâtonne, que ça erre, que ça hésite, que ça cherche, que ça tombe, se relève, s’impatiente, dit qu’il y a du jeu et de la marge là où ça s’engage. La rature montre ce que ne montre pas le mot écrit, la rature montre la solitude de ça.


    […]


    La rature, dans la pratique que nous en avons, apparaît toujours suivant l’écriture, coup après coup, alors qu’elle en est l’énergie de la naissance. C’est de la première rature que pouvait émerger l’écriture. C’est dans son geste qu’a lieu la gestation de l’écriture, dans son geste que l’écriture continue d’advenir au monde de la nuit.

    Rature est l’un des petits noms du chaos.




    Jacques Roman, le dit du raturé/////le dit du lézardé, Éditions Isabelle Sauvage, 2013, pp. 24-25-26-27.






    JACQUES  ROMAN


    Jacques Roman 2




    ■ Jacques Roman ▼
    sur Terres de femmes

    Le là embrase son corps (extrait de D’entente avec oui)
    Proférations (lecture d’Isabelle Lévesque)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le Cultur@ctif Suisse)
    plusieurs pages sur Jacques Roman dont une notice bio-bibliographique
    → (sur Terre à ciel)
    un dossier Jacques Roman
    → (sur letemps.ch)
    un entretien avec Jacques Roman





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  • Laurine Rousselet | [en haut du temple]


    En haut du temple l'aveu de lumière
    Ph., G.AdC








    [EN HAUT DU TEMPLE]



    en haut du temple
    l’aveu de lumière
    le tôt de l’espérance
    les pieds agrippés au ciel
    le soleil indivisible gagne l’amour
    la lutte est dans le goût de sel

    les racines dans la permanence
    la vie
    ses pétales
    au sein l’enfant boit

    trouver la trappe
    la pesée du secret
    qui sort de l’ombre pour coucher avec elle ?

    la bouche s’habitue à la clarté
    les révolutions dans le monde
    le silence secoué hurle

    écouter la vérité du cœur
    qui ne dit rien d’autre que son pas




    Laurine Rousselet, Journal de l’attente, Éditions Isabelle Sauvage, Collection « Présent (Im)parfait », 2013, page 72.







    LAURINE ROUSSELET


    Laurine Rousselet
    Source



    ■ Laurine Rousselet
    sur Terres de femmes

    [le concret s’avance au creux de la main] (extrait de Nuit témoin)
    Nuit témoin (note de lecture d’AP)
    [la débâcle vient du réel] (autre extrait de Journal de l’attente)
    [franchir la porte] (extrait de Ruine balance)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    [illisibilité afflux soulèvement]



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Laurine Rousselet
    → (sur le site de France Culture)
    Laurine Rousselet : l’effractionnaire (L’Atelier de la création | 14-15, 18 juin 2013)
    → (sur le site de France Culture)
    Laurine Rousselet dans Ça rime à quoi de Sophie Nauleau pour Journal de l’attente (17 novembre 2013)






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  • Brigitte Mouchel | exil



    Le d-sir de d-part -vanoui englu- de brouillard
    Ph., G.AdC






    exil



    i
    l reste à se souvenir du chemin
    il reste à retrouver le passage
    il reste à s’attacher de ces temps d’ici, calmes
    quitte à perdre sa voix

    mais je reste, échappée

    un voile s’est déchiré depuis longtemps, il pend, calme
    et me laisse en suspens
    le désir de départ évanoui
    englué de brouillard
    reste une vibration sourde et ces temps d’ici, calmes
    il ne fait pas vraiment nuit
    c’est-à-dire pas vraiment
    il fait semblant de jour
    c’est-à-dire je me perds
    c’est-à-dire ne pas dire
    quitte à perdre la voix
    il reste que je reste
    avec un visage sans bouche
    sans pourtant reconnaître le tranquille du temps
    car il ne se peut pas
    car il ne se peut plus, sans bouche
    voix décentrée
    sans…

    sang

    jusqu’au vide




    Brigitte Mouchel, événements du paysage, éditions Isabelle Sauvage, 2010, pp. 65-66.






        Une « poétique du monde » que les quatorze « tableaux » du recueil événements du paysage de Brigitte Mouchel (née le 9 novembre 1959, à Paris), poète et plasticienne. Par petites touches et/ou par collages, celle-ci procède par déboîtements – bégaiements – de la langue. Une langue du quotidien au service d’images qui s’entrechoquent sans perdre leur fluidité. Chacun de ces tableaux est animé d’une vraie présence : un sujet, ici maintenant, riche, même si souvent amputé de son passé, voire de son avenir ; inscrit dans un paysage, à entendre tout autant dans l’acception d’un espace mental que d’un paysage intérieur.






    MOUCHEL






    BRIGITTE MOUCHEL



    ■ Brigitte Mouchel
    sur Terres de femmes

    à tenter de voir dans la nuit ‒ un homme ? (extrait d’Et qui hante)






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  • Stéphane Crémer | Lignes d’eau


    Le chant des mâts
    Ph., G.AdC




    LIGNES D’EAU


    Nul ne revient grandi
    d’aucun pays découvert
    Voyons ce qu’il reste de vent
    dans l’air



    Écoutons la rame
    dans l’onde où elle plonge
    et replonge depuis que nous quittâmes
    un rivage pour l’autre


    […]


    Les rêves invisibles des vents
    se reconnaissent à nos visages
    qui les portent ainsi
    les autan, mistral ou sirocco, noroît,
    tramontane ― aux paysages qui les conduisent



    Que deviendrait l’océan
    s’il engloutissait l’île ?
    L’île, que serait-elle devenue
    s’il ne l’avait abordée ?


    […]


    Ce qui monte avec la marée c’est plus encore
    que le niveau de la mer la profondeur
    des poissons la hauteur des oiseaux
    le chant des mâts et notre confiance
    à perdre pied


    […]


    L’Ouest et l’Est
    n’étant qu’à quelques pas
    la nuit tombe où le jour se lève



    Stéphane Crémer, Lignes d’eau in Le Banc, éditions isabelle sauvage, collection présent (im)parfait, dirigée par Alain Rebours, 2009, pp. 46, 47, 49, 50, 52, 61.





    STÉPHANE CRÉMER


    Stéphane Crémer 2



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de France Culture)
    une fiche sur Stéphane Crémer
    → (sur Poezibao)
    Les éditions isabelle sauvage, par Olivier Goujat


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  • Carole Darricarrère | Élévation du feu


    - le regard sans -ge que tu poses doucement sur elle.
    Ph., G.AdC






    ÉLÉVATION DU FEU, I



    T
    u regardais la mer, tu voyais que la mer, te regardait.

    On ne sait jamais ce qui va vous atteindre dès lors que l’on lève les yeux sur le monde, quelle averse de lumière, quel champ de blé, quelle balle pure cherchant à se loger.

    Ni pourquoi ce moment-là fut qui demeure seul vivant entre les morts.

    Comme un chien orphelin survivant jusqu’à son maître avance distrait dans le jadis abstrait et calme.

    Combien de vers iront ton chemin, combien d’âmes mortes, combien de reflets.

    Dans le grain de tes yeux s’additionne tout ce qui se refuse, le nombre creux, la somme basse mordante de toutes les marées.

    La mer devant s’agite comme un sang benêt s’épuise à se penser loi et reine.

    Quand de grands végétaux mobiles, poursuivent leur chemin, et qu’une étoile souple, s’appuie contre ton dos.

    Tu me dictes la rime au henné, et tu dors dans les parts, comme un qui n’est plus rivé à la forme.

    Ce parfum de rose sous tes aisselles, quand midi mégère par le fond aigre des paniers, et que terre déborde, les urines et les selles, la couronne chauve et le pain des pieds.

    Une lune est là, et bientôt une autre, puis toutes.

    Tu mensonges un aveu depuis la chambre : les mots ne laissent pas de traces.

    Qu’est-ce qui retient la mer de s’en aller, le regard sans âge que tu poses doucement sur elle.


    *


    Je voudrais rêver les yeux ouverts sur l’étoile naine qui luit à Obock […]




    Carole Darricarrère, « Élévation du feu, I » (extrait) in Demain l’apparence occultera l’apparition, Éditions Isabelle Sauvage, 2009, pp. 102-103.






    Carole Darricarrère, Demain l’apparence occultera l’apparition, Éditions Isabelle Sauvage, 2009





    CAROLE DARRICARRÈRE

    CAROLE DARRICARRERE





    ■ Carole Darricarrère
    sur Terres de femmes

    [Bleu est un chemin d’ambiance dans le rouge] (extrait de Beijing Blues)
    Les doubles jeux du (Je) (note de lecture sur le recueil Le (Je) de Léna)
    Face à face avec mes mains
    Imagine qu’un matin… (notice bio-bibliographique)
    Je coupais souvent à travers champs
    Nous vécûmes
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Ulysse (Joyce remixed)
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Carole Darricarrère (+ un extrait du recueil Demain l’apparence occultera l’apparition)




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