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  • Estelle Fenzy, La Minute bleue de l’aube

    par Murielle Compère-Demarcy

    Estelle Fenzy, La Minute bleue de l’aube,
    éditions La Part Commune, 2019 .



    Lecture de Murielle Compère-Demarcy







    L’opus est de tout recueillement, La Minute bleue de l’aube d’Estelle Fenzy ouvre un opéra intimiste et intérieur où tous les sens à l’éveil, les perceptions qu’ils déclenchent, la voix du poème qu’ils murmurent, jouent la partition d’une musique de chambre avant que la symphonie du monde entame avec l’aurore l’ébrouement, voire le vacarme, de ses manifestations. À l’instant précis et trouble où l’aube paraît – dans la clairière où se répondent encore, avec des correspondances subtiles de pénombre et de lumière, la nuit et le jour – la poétesse est à l’écoute et détecte par ses mots les paysages intérieurs / extérieurs :

    « Entends-tu le pouls ralenti

    de la nuit

    L’aube

    comme une paix retrouvée

    une convalescence »

    avant les « premières voitures / sur l’avenue », avant le « bruit d’enfer » des déchets d’une semaine passée qui tombent dans la benne des camions poubelles, avant que

    « [l]a lumière se faufile

    entre les branches

    Flaques de ciel

    où étancher nos soifs ».

    Toutes les lignes de l’univers tremblent, vibrent, au diapason du cœur et du recueillement, à cet instant où la poétesse peut « à l’aube / découvrir (s)on cœur intact / au milieu des cendres » après avoir « un soir / fai(t) un feu avec (s)es poèmes » pour « les entendre crépiter joyeux / Compter les étincelles ».

    La Minute bleue de l’aube d’Estelle Fenzy est ainsi, telle une étincelle d’espoir et de joie ravivant son souffle par-dessus tout, afin que dure le feu du poème.

    « Je suis celle

    qui désire le jour

    et aspire à la nuit

    Les ailes désaccordées

    d’un même oiseau »,

    écrit Estelle Fenzy, l’âme (ré-)conciliatrice des différences, des états ou éléments contraires. Poète-médiatrice, tel le souffleur d’une représentation de cette farce qu’est la vie :

    « Quelle comédie la vie

    Heureusement

    j’ai choisi

    le rôle du souffleur ».

    Le lecteur sent bien qu’une quiétude – même en partie inquiète – porte ces aubes et leurs poèmes. Le silence accompagne, sous-tend, cette partition, « incessant voyage » maintenant « le poème en suspens », oscillation sensible palpable et tendue vers ses interrogations, entre « l’attente et la soif ».

    Le ressenti douloureux de l’absence flotte par intermittences dans le regard de la poétesse, voilé aussi par la mélancolie (l’absence évoquée nous reporte à un livret précédent d’Estelle Fenzy, publié aux éditions La Porte : Sans, dont la poésie contenue et poignante face à la perte d’un être cher avait été remarquée).

    Les poèmes d’Estelle Fenzy crépitent ou frémissent dans l’âtre / l’âme / dans l’espace de la page, tel le craquement doux d’une feuille d’automne sous la marche, tel le souffle avenant d’une étincelle. Leur lumière est celle de l’aube, ni violente ni obscure, à mi-parcours entre la nuit mystérieuse et l’aube frissonnante. Les mots réunis dans le chant matutinal du poème sont « un autre silence », ils avancent sous la peau / sur la carapace du monde, à pas feutrés, sans nous heurter, sans nous brusquer, nous tenant à leur lisière attentifs, alertes et consentants sur le seuil de l’écoute absolue, celle de La Minute bleue de l’aube.

    « Mon poème

    commence par une aube

    une extrémité du jour

    une lisière du temps

    et continue »,

    écrit Estelle Fenzy. L’écriture ici déroule à la pointe du jour et de ses perceptions / émotions la bobine d’un film intimiste tourné sur « un territoire d’aubes éraillées / de ciels parallèles » mais aussi d’aubes légendaires (au sens étymologique de legenda : « ce qui est à lire » ; « l’aube est une légende », écrit d’ailleurs la poétesse), fraîcheur de rosées riches en filigrane de l’ivraie contenue dans le jour qui vient.

    Le sentiment de l’absence circule dans cette « Minute bleue » mais aussi l’amour, la mélancolie, la mort, le bonheur, le laps de la page blanche, le chagrin, des rires d’autant plus éclatants qu’ils secouent l’introspection du silence. Ces rires remontent et fusent de l’enfance.

    « Emmitouflés jusqu’au museau

    les enfants jouent au loup

    au chat à la souris

    Tout le jardin est une course

    J’entrouvre la fenêtre

    Ce n’est pas le froid qui vient

    mais le sillage de leurs rires

    l’éclat de cet instant ».

    « L’éclat de cet instant »… certains de ces poèmes condensent l’aube en leur robe cousue de lettres et de sensations suggestives, d’une lumière instinctive fugace et fugitive, surprenante, à la manière parfois de haïkus.

    « Prends garde

    Cette grenade

    entre tes mains

    dégoupillée

    C’est mon cœur ».

    Leur allure quelquefois aphoristique éclaire le flux poétique qui court / couve au réveil sous les cendres du sommeil encore chaudes, et peut révéler l’un des visages du jour :

    « Le jour tarde à se lever

    Il a dû passer une nuit blanche ».

    La poétesse nous embarque avec elle par la voix du Poème sur le cours apparemment tranquille, silencieux de « l’eau vive de (s)on ruisseau » et nous suivons volontiers sa navigation, quitte à déborder, de sortir parfois du « lit de cailloux » que nous glissons aussi dans notre poche pour nous souvenir d’où nous venons. Nous avançons au fil de l’aube, dans « la Minute bleue » d’un silence autre, messagers lucides de ce qui nous sépare : nous singularise, au coeur d’un univers dont nous sommes partie intégrante et dont nous tissons une part de la totalité dans l’harmonie dissonante de nos gestes et de nos paroles.

    Nous trouvons trace dans La Minute bleue de l’aube de nos vies minuscules, grandies par la voix du Poème à l’écoute du vivant / vécu qui trame et ourdit sa toile translucide, à pas feutrés / comptés / esquivés aussi quelquefois, comme les chats savent guetter pour mieux (re-)bondir dans l’invisibilité éclairante de la nuit – « une perle de sang à l’oreille ». Car l’aube est bondissement – « Aube » avec un « A » majuscule et sans article pourrions-nous écrire, dans la lignée d’un poète qui en célébra les illuminations : Arthur Rimbaud, et qui personnifia lui aussi « la déesse » comme Estelle Fenzy écrit :

    « L’aube s’est jetée

    à ma bouche

    Elle était nue

    Je l’ai aimée ».

    Par la beauté concise et la grâce des mots d’Estelle Fenzy, ces aubes saisies en leur « Minute bleue » nous sont perceptibles à ciel ouvert, qu’elles soient intérieures ou extérieures. Estelle Fenzy fait venir l’aube en notre réalité, autrement dit là où elle existe.

    Le ciel circule aussi en ces poèmes qui lui donnent couleur, envergure, voire un nom même où l’aube en son point indéfini, sans limites déterminées, s’entrevoit mieux que ce qui serait « mesure pâle / entre la nuit et le jour. » Le ciel, libre… où demeurer un peu, en passant ; rassemblant son territoire et ses orages, ses accalmies ; là où respirer avec le silence  : là où le poème nous élève…


    Murielle Compère-Demarcy (MCDem.)
    D.R. Texte Murielle Compère-Demarcy
    pour Terres de femmes







    Estelle Fenzy  La Minute bleue de l'aube 2






    ESTELLE FENZY


    Estelle Fenzy portrait
    Ph. Tous droits réservés




    ■ Estelle Fenzy
    sur Terres de femmes


    [Je n’ai jamais dit adieu] (poème extrait du Chant de la femme source)
    [Faire fi(n) | de l’exiguïté du temps] (poème extrait de Coda (Ostinato))
    Man’za] (poème extrait de Gueule noire)
    [Un seul pays natal](poème extrait de La Minute bleue de l’aube)
    [Rêve silex] [poème extrait de Chut (le monstre dort)]
    [Mon tablier déborde de prières](poème extrait de Mère)
    [Père, | tu le sais](poème extrait de Par là)
    Poèmes Western (lecture d’AP)
    [Retrouver la neige](extrait de Poèmes Western)
    Rouge vive (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Rouge vive (lecture d’AP)
    Sans (lecture d’AP)
    [Toi les yeux moi la voix] (extrait de L’Entaille et la Couture)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions La Part Commune)
    la page de l’éditeur sur La Minute bleue de l’aube






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  • Estelle Fenzy | [Un seul pays natal]




    [UN SEUL PAYS NATAL]



    Un seul pays natal
    Une seule langue maternelle

    Le poème


    ***


    Si tout ce que je touche
    pouvait s’envoler
    Le monde serait plus léger

    Le monde se changerait en oiseau


    ***


    Quelque chose gratte
    à la fenêtre
    lumière et pluie

    Le ciel demande à entrer
    dans la maison


    ***


    Je t’espère
    même en plein jour
    La lumière ne chasse pas les fantômes


    ***


    Ma solitude est un paysage
    Peut-être alors ne suis-je pas
    tout à fait seule


    ***


    Enlacés sur la treille
    la vigne et le jasmin
    se disent des fleurs tendres


    ***


    Chaque nouveau jour
    comme un étranger

    Il a beaucoup à m’apprendre


    ***


    Parfum de mai
    Aube magicienne

    Les rues ont fleuri cette nuit


    ***


    Il y aura toujours une ombre
    une faille une disparition

    où écrire et me retrouver




    Estelle Fenzy, La Minute bleue de l’aube, éditions La Part Commune, 2019, pp. 66-67.






    Estelle Fenzy  La Minute bleue de l'aube 2






    ESTELLE FENZY


    Estelle Fenzy portrait
    Ph. Tous droits réservés




    ■ Estelle Fenzy
    sur Terres de femmes


    [Je n’ai jamais dit adieu] (poème extrait du Chant de la femme source)
    [Faire fi(n) | de l’exiguïté du temps] (poème extrait de Coda (Ostinato))
    Man’za (poème extrait de Gueule noire)
    La Minute bleue de l’aube (lecture de Murielle Compère-Demarcy)
    [Rêve silex] [poème extrait de Chut (le monstre dort)]
    [Mon tablier déborde de prières](extrait de Mère)
    [Père, | tu le sais](extrait de Par là)
    Poèmes Western (lecture d’AP)
    [Retrouver la neige](extrait de Poèmes Western)
    Rouge vive (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Rouge vive (lecture d’AP)
    Sans (lecture d’AP)
    [Toi les yeux moi la voix] (extrait de L’Entaille et la Couture)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions La Part Commune)
    la page de l’éditeur sur La Minute bleue de l’aube






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  • Marie-Hélène Prouteau, Le cœur est une place forte

    par Angèle Paoli

    Marie-Hélène Prouteau, Le cœur est une place forte,
    éditions La Part Commune, 2019.
    Préface de Dominique Sampiero.



    Lecture d’Angèle Paoli




    « LA FRATERNITÉ PLUS FORTE QUE LA MORT »




    C’est sur un cri du poète Paul Celan — « Le cœur est une place forte » — que s’appuie Marie-Hélène Prouteau pour construire son dernier ouvrage. Ce sont ces mots mêmes du poète roumain qu’elle a retenus pour titre de son récit tout à la fois poignant et passionnant : Le cœur est une place forte. Un livre-diptyque composé de deux albums : « Album I : Revenance » / « Album II, Sous les pierres, la mémoire ».

    Il faut attendre la seconde partie du livre pour saisir toute la portée et toute la profondeur de cette composition narrative et rendre ainsi aux absents des deux guerres — guerre de 1914-1918 / Seconde Guerre mondiale —, les uns décimés dans les tranchées, les autres enfouis sous les décombres des villes bombardées, leur place d’ombres parmi les vivants. Car, écrit la poète, auprès d’elles, « je prends leçon d’être ».

    Cette « leçon d’être » commence dès l’« Album I, Revenance », avec la réflexion menée par Marie-Hélène Prouteau autour du livret militaire ayant appartenu à son aïeul. Ce « vieux livret », égaré comme tant d’autres au plus fort de la bataille, a miraculeusement ressurgi bien des années plus tard, un jour de 1961. Il a été remis à l’épouse du soldat breton qui le tient aujourd’hui précieusement à l’abri dans une vitrine de sa salle à manger, parmi les « reliques » des deux guerres. Aux côtés du vieux livret, en effet, reposent les lettres de Paul, le fils « mort pour la France, à la Libération de Mulhouse, en 1944 ».

    Silencieux et aphone, le livret militaire de l’aïeul va jouer le rôle de sésame. Les pages jaunies vont-elles livrer un secret qu’elles semblent ne pas détenir ? Car de ce grand-père soldat, elles ne révèlent rien. Ni les états de service, ni les affectations. Pas même « la mention de la blessure que Guillaume a reçue en 1916. » « Le vieux livret est résolument vide. » Fascinée par le vide laissé par l’histoire de ces « pages jaunies », obsédée par l’énigme restée en suspens sous le silence — enfouissement et résurrection —, Marie-Hélène Prouteau remonte le temps et tente de faire parler le passé. Fouillant les archives, explorant et décryptant les documents qui se révèlent à elle au fur et à mesure qu’elle avance dans ses recherches, l’écrivain n’a de cesse que de rassembler les souvenirs épars qu’elle fait surgir autour de la figure inconnue du grand-père (mort à sa naissance en 1950). Et avec lui, celle de tous ces inconnus que la guerre a fauchés. Infatigable, elle se rend dans les Ardennes, puis dans la Somme. Visite les villages du front. Les cimetières. Prend des notes. Pourtant, elle se défend de faire œuvre d’historienne. « Je n’écris pas de livre savant sur les batailles. Je ne saurais pas », confie-t-elle. Ce n’est pas là son projet. Ce qu’elle cherche à faire c’est « emplir les pages vierges du vieux livret ». Avec, à côté d’elle, son « cahier d’écriture », pour y consigner ses mots à elle. « C’est une écriture de fouilles. Un rien chiffonnière sur les bords », confie-t-elle. Sa quête est « modeste ». Le vieux livret lui sert de guide et elle tient à lui rester fidèle. « C’est la vie élémentaire à l’arrière, par petits traits, qui nourrit ma quête. » Le livret s’anime, murmure et soupire. Peu à peu, des voix se font entendre. Revenance. Des voix qui se lèvent pour dire ce que le soldat Guillaume a désiré taire tout au long de sa vie. Et a tu, profondément enfoui en lui. C’est d’abord « la voix grand-maternelle » et ces simples mots : « Le mal que c’est la guerre ». C’est aussi elle qui confie à sa petite-fille l’histoire incroyable des « quatre-cent-trente livrets militaires perdus au cours des violents combats du 22 août » et retrouvés, intacts, dans le grenier du presbytère de Maissin, dans le Luxembourg belge. Il y a la voix de Sara Gérard, « l’enfantine marraine de guerre », qui se tient au chevet des blessés et des mourants. Qui soigne et accompagne, sans relâche. Puis la voix de Suzanne dont les propos sont transposés en italiques. Cette voix en appelle une autre : celle du poète anglais Wilfred Owen, une « voix forte, lucide et sombre », qui « dit l’insoutenable ». C’est la voix de Victor Enclin, le curé de Tellin, qui consigne dans son journal les faits de guerre et l’horrible spectacle des corps mutilés. C’est l’histoire de tous ceux qui sont passés outre les ordres des Allemands et « ont trouvé le courage de ramasser et de cacher les plaques des morts et les livrets militaires, les sauvant du sort des soldats inconnus… » ; c’est l’histoire du gamin « fossoyeur » à qui l’ordre a été donné d’« enterrer vivants des soldats ». C’est la voix d’Henri de Saint Nazaire qui prend le temps de creuser l’écorce d’un grand hêtre protecteur pour y inscrire son nom. Autant de voix qui parlent de l’horreur et qui permettent de combler le grand vide mutique de Guillaume.

    C’est ce travail patient de relecture du passé qui permet à Marie-Hélène Prouteau de restituer à son aïeul une part de vie et de réalité. Son cahier d’écriture témoigne de « l’invention d’un grand-père ». Une revenance, preuve de l’immense tendresse que la petite fille de Guillaume nourrit à l’égard de l’aïeul.

    Le premier album, en noir et blanc, à la manière de Robert Doisneau, mais néanmoins extrêmement dense et douloureux, exaltant, aussi, s’achève sur un étrange voyage. Celui du Calvaire de Tréhou qui quitte sa Bretagne éternelle en 1932 pour rejoindre le Luxembourg belge. « Un don magnifique » que la Bretagne fait à ses enfants morts loin de chez eux. Un très bel épisode que celui-ci, réconfortant aussi pour ce qu’il révèle d’humanité. La sensibilité de Marie-Hélène Prouteau atteint son paroxysme dans le lyrisme des dernières pages où se croisent poésie, beauté de la nature et musique. Le vieux livret a laissé s’échapper d’entre les pages une carte postale du calvaire du Tréhou. La poète ne peut s’empêcher de penser aussitôt au Stabat Mater de Pergolèse. « La douleur Pergolèse. » Seule susceptible de dire « la plainte de toutes les mères. »

    De l’Album I à l’Album II les choses changent, mais il se trame entre elles des liens étroits, d’étonnantes correspondances. Les retours de l’auteure sur son passé d’enfant et d’adolescente sont fréquents, qui permettent une plus grande proximité du lecteur avec elle. Des réminiscences affleurent, liées au nom de sa ville natale : Brest. Prévert/ Barbara/Montand. Éphémères images de bonheur et de lumière. Et toujours, à proximité, « le cahier où tu écris ». Et soudain l’irruption terrible de la vérité : « Brest dont il ne reste rien ». Avec cette vérité-là reviennent les ombres et ce sentiment douloureux de porter avec soi des « fragments d’histoires », héritage d’un passé qui n’est pas celui de l’auteure, fragments qui pourtant se fondent en elle et la fondent jusqu’à faire partie intégrante de son patrimoine personnel. Et cette phrase dont la formulation particulière rappelle celle qu’avait utilisée l’aïeule :

    « L’émotion que c’est ce nom de ville confondu avec l’image des décombres. »

    Les décombres ? C’est cela qui a été légué à l’auteure. Un pays natal fait de gravats et d’épaves. De ruines à raser. Un paysage de destruction et de reconstruction. Avec, omniprésentes, l’odeur âcre et persistante des gravats et le bourdonnement acharné des pelleteuses. Que s’est-il passé avant ? L’enfant l’ignore. Le silence persiste qui enveloppe les horreurs de la guerre. Des mots terribles circulent pourtant : ruines baraquements pertes bombes crimes de guerre. Qui se chargent d’autres images tout aussi lourdes à porter. Alep Sarajevo Cologne et même Ur. Ur dont la poète a découvert la tablette du Louvre, narrant la destruction de la ville, réduite en cendres. Un chemin de mémoire s’ouvre, pavé des mêmes images. Passé et présent se rejoignent qui relient l’âge adulte et l’enfance. La poète poursuit son entreprise avec méthode, explorant les lieux, fouillant les archives régionales, dépouillant les journaux. Avec toujours le même but. Faire sortir du silence. Ainsi découvre-t-elle, dans le cimetière du village familial la présence de deux tombes jumelles. Celle de son oncle Paul, « mort au combat » à la libération de Mulhouse ; celle d’un jeune aviateur anglais abattu en 1941. Fauchés tous deux en pleine jeunesse — 21 ans et 24 ans —, à trois ans d’intervalle. Reposant côte à côte. Deux gisants bercés par le même vent par la même rumeur océane. Par une même émotion qui étreint la pensée de Marie-Hélène Prouteau.

    Comme dans le précédent album, des voix surgissent. Elles disent l’attente, elles disent l’intense de l’émotion. Comme celle de cette jeune fille, qui, adolescente, a connu la tragédie de l’abri Sadi-Carnot, à Brest :

    « C’est la nuit du 9 septembre 1944. 373 victimes civiles françaises, environ 500 côté allemand périssent asphyxiées, brulées vives dans l’explosion de l’abri. Seules 30 personnes ont pu y échapper. » Un « brasier d’apocalypse » qui a traumatisé durablement la population. « Ce nom de Sadi-Carnot » revient sous la plume comme un leitmotiv dont il est impossible de se libérer. Ce récit de terreur rejoint tant d’autres qui l’ont précédé. Et la liste des villes détruites fait émerger la litanie des catastrophes. C’est l’antique Ur. « C’est Brest, Maissin, Hambourg, Beyrouth, Sarajevo et Alep ravagées. » Ainsi le lien est-il établi entre la Première Guerre mondiale et la Seconde. Entre l’ancien et le nouveau. Et c’est toujours un lien meurtrier.

    « Il existe une étrange circulation entre les choses », écrit Marie-Hélène Prouteau, qui de retour chez elle, s’empresse de glisser entre les pages du vieux livret la photo de la tablette mésopotamienne sur laquelle est inscrite la tragédie d’Ur. Un long poème anonyme qui scande le malheur du peuple de Sumer. Ainsi le vieux livret se transforme-t-il au gré des découvertes. Qui se change « en coffret des voix chuchotées ». La « revenance » est là, toujours présente à l’esprit de l’auteure. Laquelle enrichit sans cesse son travail d’archéologue de la douleur ; que celle-ci s’exprime par l’écriture, par la composition musicale, par la peinture ou par la poésie. La veine des correspondances court d’un bout à l’autre de l’album. Depuis les tablettes d’Ur et le chant sumérien qui les accompagne — création du compositeur tchèque Luboš Fišer ; la gouache du peintre Pierre Péron, Les Racines enfouies. Nous avions une ville, 1972 ; jusqu’aux vers allemands de Paul Celan « Verloren war unverloren ». « Perdu était Non-perdu ». Et la conclusion du poème : « Le cœur est une place forte ». Étrange poème et étrange coïncidence. Celan séjournant en 1961 non loin de Brest, à Trébabu, compose un poème intitulé « Après-midi avec cirque et citadelle » et c’est peut-être le nom de Brest qui fait lever en lui celui de Brest-Litovsk et qui amène sous sa plume le nom du poète russe Ossip Mandelstam :

    « À Brest, face aux cercles de flammes,

    sous la tente où bondissait le tigre,

    j’ai entendu, finitude, ton chant,

    et je t’ai vu, Mandelstam. »*

    Magie de la parole poétique qui arase les murs, fait tomber les frontières et fait se rencontrer ceux que l’Histoire a tenté d’anéantir. Sous les décombres et sous les crimes un même esprit veille, porteur de lumière et d’espoir. C’est là, dans les mots du poète, que Marie-Hélène Prouteau puise sa « leçon d’être ». Et une conviction profonde : « La fraternité plus forte que la mort ».


    ___________
    * Paul Celan, La Rose de personne, édition bilingue, éditions José Corti, 2002, page 99. Traduction de Martine Broda.


    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Marie-Hélène Prouteau  Le coeur est une place forte







    MARIE-HÉLÈNE PROUTEAU


    Marie-helene-prouteau
    Source




    ■ Marie-Hélène Prouteau
    sur Terres de femmes


    L’Enfant des vagues (lecture d’AP)
    La Petite Plage (lecture d’AP)
    Voir Pont-Aven (extrait de Madeleine Bernard, La Songeuse de l’invisible)
    [Monde des limbes pris dans les houles] (extrait de La Vibration du monde)
    La Ville aux maisons qui penchent (lecture d’AP)
    Nostalgie blanche. Livre d’artiste avec Michel Remaud




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Marie-Hélène Prouteau




    ■ Chroniques et lectures (26) de Marie-Hélène Prouteau
    sur Terres de femmes


    Chambre d’enfant gris tristesse
    La croisière immobile
    Anne Bihan, Ton ventre est l’océan
    Jean-Claude Caër, Alaska
    Jean-Louis Coatrieux, Alejo Carpentier, De la Bretagne à Cuba
    Marie-Josée Christien, Affolement du sang
    Guénane, Atacama
    Luce Guilbaud ou la traversée de l’intime
    Denis Heudré, sèmes semés
    Jacques Josse, Liscorno
    Martine-Gabrielle Konorski, Instant de Terres
    Ève de Laudec & Bruno Toffano, Ainsi font…
    Jean-François Mathé, Prendre et perdre
    Monsieur Mandela, Poèmes réunis par Paul Dakeyo
    Daniel Morvan, Lucia Antonia, funambule
    Daniel Morvan, L’Orgue du Sonnenberg
    Yves Namur, Les Lèvres et la Soif
    Jacqueline Saint-Jean ou l’aventure d’être au monde en poésie
    Dominique Sampiero, Chante-perce
    Dominique Sampiero, Où vont les robes la nuit
    Ronny Someck, Le Piano ardent
    Pierre Tanguy, Ma fille au ventre rond
    Pierre Tanguy, Michel Remaud, Ici même





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  • Pierre Tanguy, Ma fille au ventre rond

    par Marie-Hélène Prouteau

    Pierre Tanguy, Ma fille au ventre rond,
    Éditions La Part Commune, 2015.



    Lecture de Marie-Hélène Prouteau


    Pablo-picasso-maternite
    Pablo Picasso, Maternité,
    Pastel, 65 x 50,5 cm
    1905
    Collection privée
    Source







    MATERNITÉ



    Publié aux éditions La Part Commune, Ma fille au ventre rond, le nouveau recueil de Pierre Tanguy, se situe dans la continuité d’une œuvre poétique riche d’une quinzaine de titres. Il reste fidèle à lui-même pour dire le simple et l’essentiel. Dans ces pages, le poète regarde sa fille enceinte.

    C’est à cette métamorphose du corps et de tout l’être que la parole poétique nous convie. Et à une venue au monde.

    Voici une trentaine de courts poèmes, illustrés par une dizaine de dessins de Mariano Otero, peintre qui a exposé un peu partout dans le monde. Les dessins sont au crayon ou au fusain, celui de la page de couverture en couleurs, jeune femme enceinte, un bras masculin posé sur son ventre.

    Car l’ensemble du recueil se centre sur la jeune femme qui porte l’enfant. Le lecteur se trouve ainsi devant une sorte de colloque intime où seront convoqués autour d’elle et de l’enfant porté, la mère de celle-ci, son compagnon qui a sa place dans cette attente et lui-même, père attentif et aimant. « Elle », « Il » : nous ne saurons rien de plus de chacun, le parti-pris de la simplicité et de l’universel étant manifeste.

    J’aime bien que le regard sur cette expérience de la grossesse soit celui d’un homme et, singulièrement, celui d’un père. C’est dire si l’on n’est pas dans L’Art d’être grand-père. Mais bien dans le livre de la fille devenue mère.

    Approche nouvelle, incarnée et audacieuse dans l’acuité sensuelle qui la sous-tend. Car, chez Pierre Tanguy, tout est sensation, émotion, dans chacun de ces instantanés traversés par le mystère de la vie. Il y a la vue, le corps de sa fille, ventre et seins qui se métamorphosent, il y a le toucher qui permet de sentir bouger l’enfant.

    Avec, dans chaque poème, la reprise en refrain de « Ma fille au ventre rond », nous entrons dans une sorte de ballade. Cette rondeur d’elle, corps assoupi en son fauteuil, que son père voit ou imagine, se modifiant mystérieusement en ses formes et en son sein devient pour lui l’emblème de la vie qui augmente. De la vie qui arrondit le temps, qui s’accorde au mouvement de la nature. Car le poète, familier du haïku, est sensible au passage des saisons, ici l’hiver, le printemps.

    Mais cette provision d’avenir n’est pas séparable de la peur, de l’inquiétude. Le poète donne la parole à sa fille, à ses interrogations, à ses certitudes heureuses :

    « Tous mes plants sont morts

    Assommés par le vent et le froid

    Même les plantes aromatiques

    Dit ma fille au ventre rond

    Mais aujourd’hui

    J’ai bien quelqu’un qui vit

    Au creux de mon corps »

    Dans un autre poème, sa fille se tourne vers sa mère pour savoir comment elle a vécu ce moment.

    Et que de projections déjà sur l’enfant à naître ! Le temps des verbes au futur s’ouvre à ces possibles, ainsi la chute des pétales de cerisier est l’occasion pour le poète de faire parler l’enfant :

    « De la neige tombe des arbres

    Dira un jour l’enfant

    Dans les bras de sa mère ».

    Touchante aussi est l’allusion aux ancêtres, suggérés dans les boutures des plus belles fleurs qu’ils ont jadis plantées, la vie ne cessant de continuer dans la ronde des jours. Et par magie, les années s’annulent entre la fille devenant mère et elle, nouveau-née en pleurs dans son premier bain, ou bien entre le poète jeune père et lui, aujourd’hui, attendant l’enfant de son enfant. L’émotion toujours là.

    Le poète nous restitue la beauté et la perfection de cette présence, renouvelée dans le mélange des âges :

    « Ma fille au ventre rond

    Fut un petit enfant

    Sorti d’un ventre rond ».

    Le présent accueille ainsi une fécondité plus grande que lui. Pierre Tanguy s’attache à dire de façon simple cette éclosion merveilleuse :

    « Majesté du ventre rond

    Bonheur des femmes »

    C’est aussi le sens du petit post-scriptum, « L’enfant aux yeux tout ronds ». Maintenant, celui qui n’était pas encore tout à fait dans le monde est là, dans sa vie commençante. Interrogatif, étonné d’avoir perdu la maison bien à lui qu’était le ventre maternel.

    Et le recueil se clôt sur ce final où la rondeur se multiplie en d’heureux échos :

    « L’enfant ouvre ses yeux ronds

    Quand il sent le lait de sa mère

    Il referme ses yeux ronds

    Quand il s’adosse à son sein rond »

    Sur la page d’en face, le très beau dessin de Mariano Otero saisit une mère qui allaite son enfant, dont le tracé et les formes rappellent celle de Picasso dans son tableau Maternité.

    La voix de Pierre Tanguy célèbre la venue à la vie, dans la mémoire des âges. Pas d’excès de mots et une extrême pudeur toujours chez lui. De cette expérience unique, souveraine, qui dépasse nos propres vies, le poète réussit à faire un pur moment de lumière.



    Marie-Hélène Prouteau
    D.R. Marie-Hélène Prouteau
    pour Terres de femmes








    Pierre Tanguy, Ma fille au ventre rond





    PIERRE TANGUY


    Pierre-tanguy
    Source




    ■ Pierre Tanguy
    sur Terres de femmes

    Pierre Tanguy, Michel Remaud, Ici même (lecture de Marie-Hélène Prouteau)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions La Part Commune)
    la fiche de l’éditeur sur Ma fille au ventre rond



    ■ Autres chroniques et lectures (25) de Marie-Hélène Prouteau
    sur Terres de femmes

    Chambre d’enfant gris tristesse
    La croisière immobile
    Anne Bihan, Ton ventre est l’océan
    Jean-Claude Caër, Alaska
    Jean-Louis Coatrieux, Alejo Carpentier, De la Bretagne à Cuba
    Marie-Josée Christien, Affolement du sang
    Yves Elléouët, Dans un pays de lointaine mémoire
    Guénane, Atacama
    Luce Guilbaud ou la traversée de l’intime
    Cécile Guivarch, mots et mémoire en double
    Denis Heudré, sèmes semés
    Jacques Josse, Liscorno
    Martine-Gabrielle Konorski, Instant de Terres
    Ève de Laudec & Bruno Toffano, Ainsi font…
    Jean-François Mathé, Prendre et perdre
    Philippe Mathy, l’ombre portée de la mélancolie
    Monsieur Mandela, Poèmes réunis par Paul Dakeyo
    Daniel Morvan, Lucia Antonia, funambule
    Daniel Morvan, L’Orgue du Sonnenberg
    Yves Namur, Les Lèvres et la Soif
    Jacqueline Saint-Jean ou l’aventure d’être au monde en poésie
    Dominique Sampiero, Chante-perce
    Dominique Sampiero, Où vont les robes la nuit
    Ronny Someck, Le Piano ardent
    Pierre Tanguy, Michel Remaud, Ici même



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  • Valère-Marie Marchand, La Clef des rives

    par Angèle Paoli


    Valère-Marie Marchand, La Clef des rives,
    Mythologies au fil de l’eau,

    Éditions La Part Commune, Rennes, 2014.
    Illustrations réalisées par l’auteur.




    Lecture d’Angèle Paoli


    Les non-dits qui ponctuent ses rêveries lustrales
    Ph., G.AdC







    LES NON-DITS QUI PONCTUENT LES RÊVERIES LUSTRALES




    Elle s’était inventé une histoire ; une histoire d’eau qui lui donnerait « la clef des rives » et des rêves. Une histoire qui ouvrirait sur la mémoire de l’enfance, « la légèreté des larmes », le « sourire des vignes », le « vacillement des guêpes ». L’histoire s’agencerait comme une marelle ; « une marelle impossible à décrire ». Cependant, la marelle existe. Elle a pour titre La Clef des rives. Valère-Marie Marchand l’a imaginée pour nous, lecteurs. Dessinée au fil des pages pour notre plus vif plaisir.

    Sous-titré Mythologies au fil de l’eau, élaboré à partir de récits communs à tous, La Clef des rives est un petit opus hors du commun. Mythologies et réalités scientifiques s’y croisent avec bonheur et élégance, tressent ensemble un singulier ouvrage tout de poésie et de songes.

    Inscrit sous le double parrainage de Gaston Bachelard, dans la lignée de L’Eau et les rêves, et de Pascal Quignard — Boutès —, le recueil se répartit en deux temps ; deux temps d’un même flux : « Les rives de l’éveil / Les rives en sommeil. » La traversée se fait en longeant deux rivages à la fois distincts et inséparables. Mais le lecteur peut guider sa flânerie à sa guise, guéant d’une rive l’autre parmi les formes que peut prendre l’eau depuis les origines du monde, eaux placentaires et eaux lustrales, eaux des glaciers des fleuves des rivières eaux des cascades et des torrents ; eaux calmes des étangs et eaux tempétueuses des abysses, où règnent dieux marins, Océanides et sirènes. Eaux des cieux archaïques et déluges des temps ancestraux, royaumes des planctons miniatures et des géantes baleines. Noé et Jonas. Ulysse et Calypso ; Ulysse et Nausicaa ; Ménélas et Protée ; Protée et Arcimboldo ; Narcisse en proie à ses reflets, Diane et ses sortilèges ; Jean Le Baptiste et Salomé ; la Samaritaine et la Sérénissime ; les eaux du Léthé et celles du Gange… Tous, personnages et lieux, proches ou lointains, alimentent les rêves des hommes, irriguent la mémoire de Valère-Marie Marchand, ouvrant « des parenthèses » qu’à la suite de ses créations, « nul ne songe à refermer. »

    Au commencement furent « les eaux primordiales ».

    « Un peu partout, on se mit à voir différemment, à détailler la surface des vagues, à ramasser les galets en bordure de plage… »

    Un jour vint Léonard, « fruit naturel d’une union de passage. » Léonard observe, Léonard écrit.

    « Ses premiers textes sont de simples marelles tracées à même le sol. Et ses premières interrogations concernent autant les figures du ciel que l’ombre des taillis. »

    Plus tard, « il décrira la complicité entre l’étang et la rivière, le rebond des cailloux en cercles concentriques… » De planche en planche, dessins et écrits organiseront le monde, monde observé et monde rêvé. Léonard « vivra ce que peu osent vivre grâce à des reflets que lui seul devine, grâce à cette encre exhalant une douce odeur de terre. » Ainsi naîtra le très fameux Codex Atlanticus qui rend compte de l’émerveillement toujours renouvelé de Léonard.

    De curieux petits dessins, schémas et cartes, réalisations de Valère-Marie Marchand, illustrent chaque chapitre. On y croise un nautile, un nymphéa, une felouque nazaréenne, la trirème d’Odysseus, chapiteaux et arches, médaillons et miroirs, graphiques et schémas — cycle de la vapeur d’eau et vue en coupe du torrent — cartes calquées sur les cartographies imaginaires… Autant d’images qui parlent à nos mémoires d’enfant, suscitent la curiosité en éveil : l’inventeur du Nilomètre et de « la harpe éolienne » hante-t-il toujours le détroit de Gibraltar ? D’aucuns le disent, qui prétendent avoir vu le spectre d’Athanasius Kircher « rejoindre les rivières souterraines qui relient les continents entre eux. » Les eaux du Léthé sont-elles vraiment « porteuses d’oubli », elles qui « s’évaporent au contact de l’air et passent d’une vie à l’autre sans qu’on s’en aperçoive » ? La mer de Téthys a-t-elle vraiment existé ? Qu’importe, si les hommes continuent de rêver « à ses parois abruptes, à ses falaises et à ses îlots cachés par l’abondance des herbes » ?

    Il faut lire ce petit livre magique. Qui offre une vision du monde élaborée et ludique. Savourer chaque récit. Jusque dans les chutes qui ouvrent sur une réflexion nouvelle, inattendue. Ainsi de Neptune, à qui nous devons sans doute « notre fascination pour les cartes de géographies et pour les lieux où nous n’irons jamais… » Et qui lègue à ses descendants « plus de parenthèses à vivre que d’invitations à conclure… ». Il faut suivre Valère-Marie Marchand dans ses pérégrinations de conteuse et recueillir derrière elle, comme autant de petits palets, les non-dits qui ponctuent ses rêveries lustrales. Le lecteur émerge de leurs rives ébloui et régénéré.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli







    Valère-Marie Marchand
    VALÈRE-MARIE MARCHAND


    Valère-Marie Marchand en bleu
    Source




    ■ Valère-Marie Marchand
    sur Terres de femmes

    Le Grand Bleu (extrait de La Clef des rives)
    [C’est bien connu. Les livres naissent des arbres] (extrait du Premier Arbre)




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions La Part Commune)
    une page sur La Clef des rives





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  • Cécile A. Holdban | [Suspendre ma voix]





    Suspendre ma voix
    Ph., G.AdC







    [SUSPENDRE MA VOIX]



    Suspendre ma voix
    aux rameaux chargés de pluie
    le temps s’alourdit






    Au sel de tes lèvres
    l’onde fraîche du baiser
    rejoint l’océan






    Cécile A. Holdban, Un nid dans les ronces, Éditions La Part Commune, Rennes, 2013, page 69.






    Cécile A. Holdban, Un nid dans les ronces







    CÉCILE A. HOLDBAN


    Cecileaholdban




    ■ Cécile A. Holdban
    sur Terres de femmes

    Ciel passager (présentation publique de Thierry Gillybœuf)
    À la fenêtre (poème extrait du recueil Ciel passager)
    Hiéroglyphes (poèmes extraits du recueil L’Été)
    [Il n’est pas d’autre lieu que celui de l’absent] (poème extrait de La Route de sel)
    Poèmes d’après suivi de La Route de sel (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Poèmes d’après suivi de La Route de sel (lecture d’Emmanuel Merle)
    Toucher terre (lecture d’AP)
    Îles (poème extrait du recueil Toucher terre)
    Xénie
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    [Je ne tuerai point]



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions La Part Commune)
    une page sur Un nid dans les ronces de Cécile A. Holdban





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