Étiquette : éditions La passe du vent


  • Didier Pobel, Un beau soir l’avenir

    par Sylvie Fabre G.

    Didier Pobel, Un beau soir l’avenir,
    Éditions La Passe du vent, 2014.



    Lecture de Sylvie Fabre G.




    Pobel
    Ph., G.AdC







    D’UNE RIVE À L’AUTRE DE LA VIE



    « Ce soir, j’arrête. Ce soir,
    je passe à autre chose. »

    Didier Pobel





    «  J’ai tant rêvé, tout dit, dans mon pays / j’ai joué du feu, de l’air et de la lyre. » Ces deux vers de Charles Cros me reviennent en mémoire à l’instant de parler du dernier livre de Didier Pobel, Un beau soir l’avenir, paru ce printemps aux Éditions La Passe du vent. Drôle de jeu car le feu est celui auquel il s’est brûlé pendant trente ans en auscultant les événements majeurs et mineurs du monde en tant que journaliste dans un grand quotidien régional ; et en reste-t-il autre chose, se demande-t-il, que des cendres dispersées au vent de cette sorte de journal informel qui relate quelques mois de sa vie, de l’été 2010 à l’hiver 2013, après un départ à la retraite vécu comme « une échappée » plus ou moins volontaire ? Drôle de jeu, oui, car aussi celui de l’air et du passage pour l’homme qui arpente ses pays et paysages du dedans et du dehors, qui tente de défroisser les plis des jours, de repasser leurs feuilles pour retrouver le visage tremblé de sa vérité. Et du passé à l’avenir, du matin lointain au soir débutant de sa vie, il cherche « le sentier perdu » où « les mots roulent » au rythme des « coups feutrés de son cœur ». La vraie quête à mener n’est-elle pas en effet pour lui qui a tant rêvé, tout dit, la quête de « cette voix qui sans cesse parlait en lui » et qui est « comme un miroir brûlant », le son enfin accordé de sa lyre ? Pas étonnant alors que résonne aussi en moi, à l’heure où j’écris, la musique de ses vers, présents ou non dans son récit…

    Quelle clef mettons-nous dans la serrure du temps et de la langue pour ouvrir la porte d’une vie ? Parfois un poème — de soi, d’un autre : C’est ma vie il faut que je la reconnaisse / C’est ma vie et c’est moi cette chanson faussée // Un beau soir l’avenir s’appelle le passé // c’est alors qu’on se tourne et qu’on voit sa jeunesse. Celui d’Aragon, placé en exergue de son récit autobiographique par Didier Pobel, lui donne à la fois son orientation, son ton et sa structure, chacun des vers étant l’intitulé d’une partie.

    La première s’ouvre par un retour en arrière sur le « mercredi 30 juin », date à laquelle Didier Pobel a quitté définitivement « le Journal ». Il utilise, comme il le fera à de nombreuses reprises par la suite, des extraits en italiques des carnets qu’il a tenus à l’époque. Il y mentionnait et commentait ce qu’il vivait ou écrivait. Cette mise en abyme lui permet une plongée dans les sentiments qui l’habitaient lors de ce départ vécu dans une sorte de « torpeur ». Or il s’agit, quatre mois après, de ranimer, par delà cet instant, ce qui a fait la réalité, heureuse et malheureuse, d’une carrière professionnelle pensée d’abord comme « une vocation » puisqu’elle avait à voir avec le désir des mots qui le taraudait. Dans le Journal, ce sont ceux qui « informent, expliquent, mettent en perspective » jour après jour la marche souvent terrible du monde qu’il utilise. Didier Pobel analyse « l’étrange mission » du journaliste faite de jeunes espérances et de vieilles désillusions. Sur un mode humoristique, souvent à ses propres dépens, il s’emploie à en dénoncer les rouages ou les effets. Il cible « la mécanique à rhétorique » de la classe médiatique et politique, « le dérisoire des mots » qui mettent sur le même plan « l’annonce messianique » de l’hiver et celle banalisée de la menace terroriste, le « Grand pschitt » des « rendez-vous décisifs » avec le peuple ou les lecteurs. Grand-messe, pseudo-révélations, et désenchantement, rébellion de celui même qui y participe mais n’est pas dupe. Chez Didier Pobel, l’humour caustique, l’ironie sans méchanceté, est un effet de la sensibilité, une protection et un recul dans les situations difficiles. Assez fréquents dans sa poésie, qui s’apparente parfois à celle d’un Jules Laforgue, ils le sont encore davantage dans sa prose. J’ai ri à lire certains passages. Il y a quelque chose de salutaire dans cette capacité à donner à voir « la pièce » et à cerner les rôles. Ici dans le théâtre d’un métier menacé, comme beaucoup, par « les consultants et les banquiers », l’informatisation et le mensonge. Dérive de la société et des hommes qui la font, le monde tel qu’il va, nous murmure l’auteur, ne peut nous faire entendre qu’« une chanson faussée » dans laquelle chacun discerne aussi sa propre voix.

    Et pourtant, rajoute-t-il, on peut sentir parfois « au visage un peu d’air » quand souffle le vent de la fraternité, de l’amour ou de la littérature. Car l’auteur tente, dans ce drôle de journal, de reconnaître et de retenir aussi l’essence positive de la vie en se plaçant « dans l’autre temps », non dépourvu d’attentes et d’angoisses, qui s’ouvre devant lui. Pour mieux se retourner sur le passé, vivre le présent et éclairer l’avenir à l’ombre portée de la mort, il faut encore « croire » aux hommes et aux mots, il faut « Écrire » en accueillant l’inconnu devant soi. Toute l’œuvre poétique de Didier Pobel est empreinte d’un sentiment métaphysique et d’une recherche de sens : « Le néant saute aux yeux lorsque le temps est clair », a-t-il écrit jadis dans Liaisons intérieures et autres lignes, un recueil paru chez Cheyne Éditeur en 1990… On retrouve la même lucidité dans son récit. À la retraite, fini ce qui parfois faisait écran : le brouillard dû au tourbillon des occupations quotidiennes, à l’insouciante jeunesse, à la fièvre de l’actualité permanente, à la rumeur assourdissante du monde. Il n’y a « plus de paroisse » où s’oublier. Le voilà face aux pages mal ou vite tournées de l’histoire publique ou privée et dans le souvenir ou le plaisir d’aigus bonheurs de voyages ou de lectures. Il les médite à la lumière du soir, dans la lenteur et le silence qui entrent en lui. Il « fait les comptes » et le compte de ce qui compte vraiment : la femme et les enfants à qui le livre est dédié, les parents, les amis, tel Charles Juliet, son voisin dans l’Ain, « les monuments » de livres qui l’aident à continuer ou à avancer, les noms des écrivains compagnons sur leurs couvertures, « les pays » et d’abord celui de l’enfance, charnel et mental, auquel on revient comme on revient à la source des mots et des images.

    Si la fontaine des années coule autrement, Didier Pobel sait bien qu’elle va tarir, que son eau deviendra de plus en plus un filet. Alors il se penche pour y abreuver encore sa langue à la présence des aimés, vivants et morts, et aux délices de campagne drômoise ou de ville berlinoise ou vénitienne. Alchimie de poète, l’eau de parole et de mémoire devient une encre qu’il voudrait indélébile mais qui un jour s’effacera, laissant seulement « empreintes d’homme, on ose l’espérer ». Le récit entier n’est-il pas d’ailleurs une déambulation qui, dans ces quatre étapes, emmêle les époques, les âges et les registres, révélant ainsi les ressorts intimes d’une existence ? Critique, révolte et humour, nous l’avons dit, mais aussi ferveur, angoisse et mélancolie, le lot commun. L’auteur cherche peut-être dans l’écriture à résoudre l’éternelle question de l’apaisement chère à Marcel Arland, autre figure tutélaire du livre. Didier Pobel, qui le lit en même temps qu’il écrit son récit, ne retrouve-t-il pas, comme lui, ses racines et ses mots dans La Terre natale ? La Bresse des années 1950-60 et celle d’aujourd’hui sont revisitées à l’aune d’une éternité dont « il ne subsiste qu’un souffle » mais si puissant qu’il faut, vie et mort, l’habiter. À Bény, la maison familiale est à nouveau le lieu où être. Elle met la chambre d’écriture, où clignote maintenant un écran à côté des livres et des carnets, dans la proximité des bois, des étangs baignés de lune et des grands prés sous la brume. Si on écoute, on peut y entendre l’écho des voix proches ou lointaines butant sur le Mont Mion couvert de neige ou sur le mur illuminé d’un « tranquille cimetière ». Chants de père et de mère, de femme, d’enfants ou d’oiseaux, qu’importe la retraite venue ou l’ombre à venir si le chant est pur, on en vient alors à penser, dit Didier Pobel, que « l’avenir a encore de beaux soirs », et des poètes pour l’exprimer. D’une rive à l’autre « la vie s’en vient la vie est là ». Puis elle s’en va. Et l’épilogue nous rappelle que c’est larmes, miracle et énigme.



    Sylvie Fabre G.
    D.R. Sylvie Fabre G.
    pour Terres de femmes







    Didier Pobel, Un beau soir l'avenir







    DIDIER POBEL


    Pobel




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site Auteurs en Rhône-Alpes)
    une fiche bio-bibliographique sur Didier Pobel
    → (sur le site Les vendangeurs littéraires)
    une lecture d’Un beau soir l’avenir par Bernard Revel



    ■ Autres lectures de Sylvie Fabre G.
    sur Terres de femmes

    Caroline Boidé, Les Impurs
    Jean-Pierre Chambon, Le Petit Livre amer
    Jean-Pierre Chambon, Tout venant
    Jean-Pierre Chambon | Michaël Glück, Une motte de terre
    Patricia Cottron-Daubigné, Visage roman
    Ludovic Degroote, Un petit viol, Un autre petit viol
    Pierre Dhainaut, Après
    Alain Freixe, Vers les riveraines
    Luce Guilbaud, Demain l’instant du large
    Emmanuel Merle, Ici en exil
    Emmanuel Merle & Thierry Renard, La Chance d’un autre jour, Conversation
    Angèle Paoli, Lauzes
    Pierre Péju, Enfance obscure
    Pierre Péju, L’État du ciel
    Pierre Péju, L’Œil de la nuit
    Erwann Rougé, Passerelle, Carnet de mer
    Fabio Scotto, La Peau de l’eau
    Roselyne Sibille, Entre les braises
    Une terre commune, deux voyages (Tourbe d’Emmanuel Merle et La Pierre à 3 visages de François Rannou)






    Retour au répertoire du numéro d’août 2014
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Emmanuel Merle & Thierry Renard,

    La Chance d’un autre jour, Conversation

    par Sylvie Fabre G.

    Emmanuel Merle & Thierry Renard,
    La Chance d’un autre jour, Conversation,
    Éditions La passe du vent, 2013.
    Préface de Claude Burgelin.
    Collages de Sonia Viel.



    Lecture de Sylvie Fabre G.



    CE QUELQUE CHOSE QUI ADVIENT ET DEVIENT ENTRE chacun reste dans son paysage
    Image, G.AdC








    CE QUELQUE CHOSE QUI ADVIENT ET DEVIENT ENTRE



    Mais il y a l’autre… Celui que
    j’envisage et qui m’envisage.

    E. M.

    Nous sommes en train de bâtir
    notre propre cathédrale.

    T. R.




    Ouvrir le livre généreux qu’ont publié récemment aux Éditions La Passe du vent les poètes Thierry Renard et Emmanuel Merle et la plasticienne Sonia Viel, c’est ouvrir les pages d’un dialogue à trois auquel ils nous convient et qui met en forme, en mots, en rythme et en images, la vie même. C’est rentrer dans l’intelligence d’une conversation qui nous appelle à saisir la chance d’un autre jour en épousant son essor et son flux, son intensité et sa déréliction, sa coulée et ses épiphanies pour faire advenir et devenir « ce quelque chose entre » qui, par-delà solitude et séparation, unit soi à l’autre.


    Bâtie en trois parties, cette œuvre « cathédrale », « à l’architecture savante, naturelle et légère », comme la définissent et l’espèrent les auteurs, fait résonner leur double voix et différents genres littéraires. L’entretien liminaire d’abord, intitulé symboliquement Paroles données (mais le recueil entier pourrait porter ce titre tant il est en effet ressenti par le lecteur comme un don), nous amène à comprendre comment et pourquoi Emmanuel Merle et Thierry Renard se sont engagés dans l’édification de cet ensemble bruissant qui réunit trois parties illuminées par les collages, vitraux sensibles de Sonia Viel. S’y dessine déjà la singularité des caractères et des styles en même temps qu’est mise au jour leur communauté de cœur et d’esprit. Celle-ci tenant, malgré les interrogations, les doutes et les angoisses, à une foi dans l’aventure humaine et poétique et dans la nécessité du partage. Dans une suite de regards posés sur le monde et sur eux-mêmes, les poètes, par le jeu des questions-réponses et des poèmes adressés, obtiennent un effet de miroir réfléchissant qui aiguise leurs mots et s’accorde aux images de Sonia Viel, d’ailleurs légendées par des vers. Leur propre parcours est mis en résonance avec la rumeur du monde qui les entoure, et les textes, quelle que soit leur forme, parlent la rencontre et montrent ses effets, déterminant leurs choix et la complicité de leur démarche. Leur volonté affichée est de « faire grandir le poème » par la confrontation des expériences et ainsi de rejoindre une vérité de vie et d’écriture qui donne un sens à leur être-au-monde. Tâche immense que « chacun doit recommencer constamment », nous rappellent-ils, mais tâche menée, jour après jour, avec ceux qui sont dans la quête, créateurs ou non, pour trouver « un peu plus de joie » et consentir à la vie et au passage.


    Les deux poètes rendent d’ailleurs grâce aux hommes, tels, entre autres, Camus, Pasolini, Senghor pour Thierry Renard, et Baudelaire, Bonnefoy ou Harrison pour Emmanuel Merle, qui leur ont montré le chemin. Les noms des vivants ou des morts prononcés sont ceux d’une famille de pensée et de sensibilité. Elle comprend aussi les plus proches, anonymes ou non, parents, amis et enfants, qui, dans le rire ou les larmes, les accompagnent. Tous sont « des absolus », dit Emmanuel Merle, dans le temps, inéluctablement limité, qui leur est octroyé sur cette planète. Humains, ils doivent faire face à la beauté et à l’horreur, à l’amour et à la mort et les poètes, comme l’artiste, ne sont là que pour en témoigner. Ils habitent ensemble des lieux disséminés aux quatre coins de l’espace et la deuxième partie du recueil les évoquent comme autant de Pièces détachées, autant de morceaux du monde un instant surgis dans la lumière des jours et de leur regard.


    Le voyage immobile ou réel des poètes dans le recueil est une sorte de va-et-vient sans fin d’un continent à l’autre, d’un pays à l’autre, d’un dehors à un dedans. Il nous fait découvrir leurs terres qui sont à la fois des demeures physiques, émotionnelles et mentales. Les collages subtils de la plasticienne, à la fois réalistes et oniriques, en font pleinement partie. Chacun des auteurs a ses lieux privilégiés, liés à leurs origines, à un savoir et à un art, à leur imaginaire, à des amours. Leur sentiment d’appartenance, mythe ou réalité, s’exprime pleinement.


    Les titres des textes en prose, plus narratifs et réflexifs, qui constituent la deuxième partie, nomment l’ici ou le là-bas. Comme s’il avait dû s’éloigner pour mieux se trouver, c’est sur Une route de Californie qu’Emmanuel Merle redécouvre « la pierre, l’eau et la lumière », un « langage » déjà appris, nous révèle-t-il, au pays de l’enfance dans la proximité de Trois lacs de montagne. Et l’Italie de Thierry Renard n’appartient-elle pas elle aussi « au film de son enfance » ? Elle lui rend, « malgré la crise imposée » et sa souffrance personnelle d’adulte, « la douceur de vivre ». « Sa gaieté explosive », son insoumission, ses errances parfois destructrices sont les siennes. Au Mali ou à Ravenne, en Amérique ou sur le plateau Matheysin, l’habitation poétique du monde est la même et elle irrigue leur moi en réunissant le passé, le présent et l’avenir. Fin et commencement se rejoignent pour faire entendre au lecteur le chant de l’enfance éternelle.


    Nul hasard, la troisième partie, la plus importante, qui donne son titre éponyme au livre, s’ouvre sur une scène d’enfance. La chance d’un autre jour est donnée pour vivre et revivre ce qui nous meut et nous émeut, ici l’alliance d’un châtaignier, d’un train et d’un oiseau qui prend la figure du destin. Deux cent quarante-huit poèmes, du quatrain au sizain, en vers libres, tous numérotés et pourtant circulation des souffles sur la page, se succèdent, établissant une étrange correspondance où alternent les voix des poètes lancés dans l’aventure d’une écriture qui transmue « la solitude en ouverture ». L’intime et le secret d’un quotidien échangé et d’une création partagée nous révèlent leur attachante humanité. Thierry Renard et Emmanuel Merle poursuivent le dialogue entamé et l’authenticité de ce dialogue a cette noblesse qui leur est propre. Car « chacun reste dans son paysage », écrit Claude Burgelin dans sa préface, « tout en accueillant l’autre. »


    Un paysage, oui, nous est offert à chaque poème, avec son rythme propre, lenteur, brièveté ou palpitation :

    « Montagnes, maintenant

    je suis chez moi, de retour,

    après un long périple plat.

    Et vous me transportez

    de l’autre côté du chagrin. »

    Avec ses images aigues et ses mots éclatants, ses envolées et ses chutes, sa tonalité mélancolique ou joyeuse :

    « Et ce matin ça y est, c’est bleu.

    Bleu jusque dans la voix,

    jusque dans le vocabulaire.

    C’est bleu, à plonger à l’envers,

    tête la première dans le ciel. »

    Avec les sensations et les sentiments qu’il procure, les pensées qu’il fait naître :

    « La lucidité est un éclair

    qui nous transperce le cerveau.

    L’éclat de la mort, lui,

    nous submerge à tout instant.

    Tout a déjà été dit. »

    Voilà saisis pour nous la vie dans ses clartés et ses ombres, et l’écriture telle qu’elle va :

    « …La table ce matin est jonchée

    d’épines humides

    et de taches lumineuses.

    Ma poésie aussi. »


    Les mots de l’espoir glissent le long des pages, ils ont cargaison de révolte, de désirs inaccomplis, d’injustices à réparer, mais « l’indispensable fraîcheur » des choses et des êtres, la folie d’amour. Le poète pétri d’inquiétude et d’angoisses est celui qu’« une femme toujours attendait sur le pas de la porte », il dialogue silencieusement avec celui qui éprouve « cette sensation / d’avoir des morceaux de ciel / au fond des poches… ». La poésie dans ce recueil prend en charge la parole refusant toute idée d’au-delà sans rien masquer de la « réalité rugueuse ». Elle fait entendre la voix de la grande douleur du monde, des manques et des blessures, des violences et écrit l’incompréhensible en soi. Elle nous invite pourtant à les dépasser dans la communion des cœurs et à les transfigurer dans le risque de la création. Les deux poètes nous suggèrent que son cri d’appel est porteur d’une éthique et pas seulement d’une esthétique. Il ne s’agit pas pour eux de délivrer un message dogmatique ou une recette miracle mais de frayer un possible chemin qui inclut l’amour et la mort dans leur mystère. Le langage est alors ce chant gagné, intime et universel, où « la chance d’un autre jour » est vécue avec l’arbre, l’oiseau, le ciel et le vent. Quand la terre nous accorde l’éternité de l’instant poétique, l’« Ailleurs ici » devient ce « petit coin de paradis » peuplé du regard, de la main et de la voix de l’autre.


    Dans sa simplicité informelle, la légèreté de son lyrisme et la richesse de ses images plastiques, jamais purement illustratives, ce beau recueil à deux voix, trois regards et quatre mains (car il ne faut pas oublier le préfacier si éclairant dans ses remarques), redonne des forces à nos mots et un élan à la vie.



    Sylvie Fabre G.
    D.R. Texte Sylvie Fabre G.







    Emmanuel Merle & Thierry Renard






    ■ Emmanuel Merle & Thierry Renard
    sur Terres de femmes

    [Jour de pluie ici aussi] (extrait de La Chance d’un autre jour)



    ■ Emmanuel Merle
    sur Terres de femmes

    Amère Indienne
    [Cape Cod]
    Le Chien de Goya (lecture d’AP)
    Cet ancien lieu (poème extrait de Démembrements)
    Démembrements (lecture d’AP)
    Ici en exil (lecture de Sylvie Fabre G.)
    [Le rouge] (extrait de Dernières paroles de Perceval)
    Dernières paroles de Perceval (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Dernières paroles de Perceval (lecture d’AP)
    ils attendent ce qui (extraits du Grand Rassemblement)
    Migrant (extrait d’Habiter l’arbre)
    [Je me discerne davantage dans le miroir de la couleur](extrait des Mots du peintre)
    [Ramper sur la glace](extrait de Nord, seul point cardinal)
    [Tout est matière, sauf ma décision] (extrait d’Olan)
    Tourbe (lecture d’AP)
    [Il n’y a plus d’arbres] (extrait de Tourbe)
    [Une promesse, dis-tu]



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Terres de femmes)
    Sylvie Fabre G. | Une terre commune, deux voyages
    → (sur Terres de femmes)
    Jean-Michel Platier & Thierry Renard | [Nous nous exposons aux regards moqueurs et aux pies inquiètes] (extrait de Crever la route)



    ■ Autres lectures de Sylvie Fabre G.
    sur Terres de femmes

    Caroline Boidé, Les Impurs, par Sylvie Fabre G.
    Jean-Pierre Chambon, Le Petit Livre amer
    Jean-Pierre Chambon, Tout venant
    Patricia Cottron-Daubigné, Visage roman
    Ludovic Degroote, Un petit viol, Un autre petit viol
    Pierre Dhainaut, Après
    Alain Freixe, Vers les riveraines
    Luce Guilbaud, Demain l’instant du large
    Emmanuel Merle, Ici en exil
    Angèle Paoli, Lauzes
    Pierre Péju, Enfance obscure
    Pierre Péju, L’État du ciel
    Didier Pobel, Un beau soir l’avenir
    Erwann Rougé, Passerelle, Carnet de mer
    Fabio Scotto, La Peau de l’eau
    Roselyne Sibille, Entre les braises
    Une terre commune, deux voyages (Tourbe d’Emmanuel Merle et La Pierre à 3 visages de François Rannou)





    Retour au répertoire du numéro de janvier 2014
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes