Étiquette : éditions Obsidiane


  • Maurice Kamto | Phénix


    PHÉNIX





    C’est une terre des confins où se contredisent les rêves.
    À chaque réveil je me retrouve dans le champ des énigmes.

    Je sonderai ton âme tels les lamantins du lac Ossi
    Pour me nourrir des temps primordiaux.
    Je reviens d’une aube qui gémit
    Où se languit la princesse des mangroves,
    Œuvres du Mont des dieux et de l’Océan.
    Sa couronne est sertie des braises qui consumèrent l’aurore
    Écoute ses plaintes inépuisées

    Ses larmes emperlent nos infortunes
    La mort a dédaigné ses faveurs et l’a punie d’une vie frivole

    En elle une violente gésine
    Terre mienne née au croisement des routes
    Forêt de poudre et de dédain
    Voici que tu renais dans nos mémoires
    Sylphide entraînant ses grâces à d’antiques souverains
    Tu aimantes baroudeurs et soupirants frénétiques
    Qui rêvent des nuits d’accomplissement
    Je t’emporte avec moi partout où je vais
    Dans l’intime de mes luttes et déroutes
    Terre séchée à mes semelles de pèlerin

    Je te dessine à la crête de mes rêves d’homme
    Plus haut que le sommet de l’esprit plus délirant que les fastes de Danakil
    Le doute s’est enfui du jour et de sa parole claire
    Et voici que s’inaugure la marche des soleils

    Je veux être présent au couronnement de l’audace
    Quand du sein de l’azur elle repoussera les persiflages
    Les aspergeant d’une joie sertie d’or et de notre volonté d’être
    Elle arbore un blason damasquiné aux armoiries des héros

    Elle a lâché la main de la défaite
    Escaladé les nuées dans un ciel sans limites
    Et nourri les songes

    C’est ainsi que je te rêve
    Buissonnant du monde à venir.





    Maurice Kamto, « Mémoire », Sous la cendre les étoiles, éditions Obsidiane, Collection Le Manteau & la Lyre dirigée par Nimrod, 2021, pp. 78-79.






    Maurice Kamto  Sous la cendre les étoiles 7




    MAURICE KAMTO


    Maurice Kamto denim
    Photo ©D.R.




    Avec Sous la cendre les étoiles, Maurice Kamto nous dévoile « l’aube primordiale » d’un très grand chant où se mélangent l’enfance du poète et celle d’une nation. D’un côté, l’insouciance et le geignement de l’enfant bousculé par l’absence brève mais profonde des figures de l’amour. De l’autre, la difficile parturition d’un nouveau pays. Alors se déploie un panorama où l’attention du poète se manifeste aussi bien à l’égard des enfants des rues, des femmes, des arbres que pour la geste continentale. Lais, laisses et versets du prisonnier recueillis à la lucarne de sa geôle, à l’aurore, lorsque s’aiguisent les déchirures, Maurice Kamto sublime une douleur pudique et une espérance certaine. Son attitude pourrait être la définition même de l’acte poétique. Sous la cendre les étoiles est son troisième recueil de poèmes.
    Avec Maurice Kamto, Léopold Sédar Senghor trouve une digne émule de la poésie épique, mais réinventée, transfigurée (note de l’éditeur).




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de Cameroon Radio Television)
    une fiche biographique sur Maurice Kamto





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  • Joëlle Basso | [tu cours hors d’haleine]


    [TU COURS HORS D’HALEINE]



    tu cours hors d’haleine
    le long du Heilong Jiang
    grand fleuve du Dragon Noir
    union de la Chilka et de l’Argoun
    frontière creusée de larges gorges
    jusqu’au golfe de Sakhaline


    quoi dire sachant louer
    ta charmante énervante calmante fourrure ?
    — j’appelle au secours ta géographie
    tace du doigt le cours du fleuve et de ses affluents
    Soungari Zeïa Oussouri
    — j’abonde les taches à ta robe
    déraille et bégaye
    Ô toi ! beauté piolée
    animal d’aucun bestiaire
    s’il y avait un Très-Haut
    tu serais sa preuve


    toi qui oses travestir tes nerfs tendus
    sous un si doux pelage
    mes griffes à moi m’expulsent
    hors du jardin où je vivote
    terrain clos de mur
    propriété d’avare craintif alors que toi
    ta cambrure où danse le sang
    — Ô te chevaucher !


    tu m’entraînes dehors
    du fin fond de la forêt résineuse
    vers la poudreuse intouchée — hors piste
    plus haut que les glaciers turquoise

    […]



    Joëlle Basso, Ohé ! léopard, éditions Obsidiane, Collection Le Carré des lombes, 2020, pp. 12-15. Dessins de Sébastien Pignon.






    Joëlle Basso 2





    JOËLLE BASSO


    Joëlle Basso portrait denim 2





    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Semaine de la poésie)
    une notice bio-bibliographique sur Joëlle Basso





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  • Jean-Théodore Moulin | Change est mon paradis


    CHANGE EST MON PARADIS, I
    (extrait)




    En ce temps-là
    je me perdais
    dans le miroir aux alouettes

    que me tendait
    un petit dieu pervers.

    En ce temps-là
    le temps ne passait pas,

    Je lisais
    les Chasses du Comte Z.
    et vivais dans l’effroi
    de LA voir surgir
    de l’ombre giboyeuse.

    Profitant
    d’un reste de jour

    je suis sorti,

    le soir tombait
    l’orage grondait encore
    du côté de Montsalvy.

    Je regardai
    le paysage dévasté,
    l’éboulement du temps
    les chemins effondrés…

    Plus rien
    ne venait à sa place…

    des bêtes rôdaient
    autour de la maison

    Il y avait
    sur le pas de la porte
    un enfant triste
    qui regardait
    le soleil se coucher.

    Sorti de la tanière
    à l’heure

    où la première fouine

    naît au poulailler…

    Parti sur les pas
    de l’Homme à la lanterne,
    je me jetai dans l’ombre.

    Le jour couinait
    dans l’entrebâillement

    des portes.



    Jean-Théodore Moulin, Change est mon paradis, I, éditions Obsidiane, Collection Le Carré des lombes, 2020, pp. 9-11. Encres de Pierre Lelièvre.






    Jean-Théodore Moulin  Change est mon paradis




    JEAN-THÉODORE MOULIN


    Moulin
    Source




    ■ Jean-Théodore Moulin
    sur Terres de femmes


    [Mais qui pleure là] (extrait de Bestes & Panneaux)




    ■ Voir aussi ▼


    → (dans la revue numérique de littérature Secousse, Troisième Secousse)
    plusieurs poèmes de Jean-Théodore Moulin [PDF]





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  • Emmanuel Moses, Dona

    par Angèle Paoli

    Emmanuel Moses,
    Dona,
    éditions Obsidiane,
    Collection Le Carré des lombes, 2020.
    Gravures de Frédéric Couraillon.



    Lecture d’Angèle Paoli


    « COMME UNE CASCADE D’OR »





    Dona. Ce pourrait être le prénom d’une tendre égérie. C’est en réalité de présents qu’il s’agit. Ce pluriel neutre du substantif latin donum, qui donne son titre au dernier recueil d’Emmanuel Moses, Dona, est une réminiscence du chant III de l’Énéide. Virgile y confie au devin Hélénos (fils du roi Priam et d’Hécube) le soin de faire charger sur les navires troyens des présents abondants et précieux. Dona dehinc auro. « Ensuite des présents d’or ». Ainsi du moins le donne à lire l’épigraphe choisie par le poète pour l’en-tête de son ouvrage.

    Dons, présents, « précieuseté(s) » caractérisent en effet les poèmes qu’Emmanuel Moses offre à chacun des dédicataires destinataires de ses vers. Quarante-six poèmes, finement ciselés, composent cette offrande poétique qui s’ouvre sur un poème dédié au poète Michel Deguy et se clôt sur un poème « à la mémoire de Pascale Ogier ». Entretemps, en chemin de lecture, nous aurons croisé nombre de poètes, d’artistes, de philosophes ou parfois lieux, tous plus ou moins familiers ou proches du poète, amis éditeurs et parents. Hommes et femmes. D’aucuns davantage connus ou reconnus que d’autres, certains anonymes. Les uns toujours vivants, d’autres disparus. Il arrive aussi que nous saisissions au passage des effets miroir qu’Emmanuel Moses retourne vers sa personne. Quant au projet qui préside à son entreprise, le poète l’aborde en questionnant ses propres ambitions :

    « Il faudrait se demander à qui on parle

    Quand on offre des mots

    À une part de soi-même

    Dont on ne sait rien

    Peut-être est-ce un moyen de fortune

    Pour faire connaissance ? » (« À ma mère »).

    Ce questionnement ne vaut-il pas pour chaque poème de Dona ? On pourrait d’ailleurs lire dans ces vers une amorce de réponse à notre propre questionnement. Ainsi du poème dédié « à la mémoire des martyrs de Bendzin » où, sous la déclaration d’amour à la neige, le lecteur découvre ces vers émouvants :

    « Neige, tu es belle

    […]

    Tu fais de moi, pendant que tu recouvres la ville, les champs, le monde, dirait-on

    Quelqu’un de meilleur, de plus profond

    Et non plus l’ombre, l’étranger

    Le pantin, le condamné

    Qui se partagent mon destin. »

    Dans l’écrin de ce recueil, d’autres noms surgissent. Lucrèce, Sénèque, Socrate, Baudelaire, Shakespeare, Walter Benjamin… Un théâtre de silhouettes s’anime ainsi au fil des pages. Une mosaïque vibrante de couleurs, de mystères et de formes. Mais toujours la mort sous-tend l’énigme du poème. Omniprésente, indépassable, la mort est là qui tient la dragée haute à la vie. La vie est là, elle aussi, avec pépites et joyaux. Chaque poème peut ainsi être pressenti comme une invitation à cueillir et à aimer ce que la vie offre de plus précieux. À ne retenir entre les doigts que les « grains dorés du monde » qui « scintillent, envoûtants », parmi les ombres et les chagrins. Et à privilégier ce qui, face à « l’abîme sans fond », offre « une réparation miraculeuse ».

    Ainsi la vie déploie-t-elle sa multiplicité de lieux et d’objets, de rues, de jardins et de ports, de rumeurs et d’odeurs, de visages et de gestes. De souvenirs et de rêves.

    « Toute l’Afrique dansait devant nos yeux

    Tambours et balafons ensorcelaient la nuit… » (« À la mémoire de Paul le Jéloux »)

    ou encore, dans ces vers :

    « Ce souvenir n’est pas dans l’espace, n’est pas dans le temps :

    C’est d’ailleurs l’irruption d’une sensation plutôt qu’une image complète

    L’odeur de l’herbe parfumée, fraîche, mouillée… » (« À mes parents »).

    C’est que, en arrière-plan, se cache le multiple. Derrière la personne à qui est dédiée le poème, des millions d’autres se révèlent :

    « Entrainés par la pesanteur des jours

    Nous aussi, millions de millions

    Descendons en ligne droite vers le vide » (« À Michel Deguy »).

    Ce qui vaut pour l’un d’entre nous vaut aussi pour tous. Le poète est celui qui éclaire de sa vision intérieure ce que lui seul perçoit de l’autre et, par ses mots, remet l’invisible en pleine lumière. Chaque poème est un janus bifrons où se confrontent vie et mort, bonheur et doute, force et fragilité, insouciance de la jeunesse et préoccupations adultes, tous sentiments contradictoires en proie au passage du temps. Ainsi dans le très beau poème en « hommage à Clément Marot », ces vers annonciateurs du désarroi :

    « Même la neige te le rappelle :

    Tu vas vers l’horizon noir… ».

    En quelques vers à peine, l’enthousiasme du passé fait place au regard désenchanté du présent.

    « Ces plumes immaculées qui tombent en flottant

    […]

    Quelle ivresse elles te procuraient

    De vivre ! D’être au monde… »

    et

    « Maintenant, les cortèges incessants des flocons qui tombent depuis ce matin

    Qui recouvrent lentement les toits, les balustrades, les remblais

    […]

    Ont quelque chose d’éteint et de triste ».

    Plus dramatique et plus sourde est la déception que le poète éprouve face à ses enthousiasmes littéraires de jadis — et subrepticement face à son propre talent créatif de jadis — et à ce qu’il en retient aujourd’hui. Entre renoncement et acceptation :

    « Les mots jaillissaient comme des soleils, comme des aubes enchanteresses »

    « Tu imaginais qu’ils t’ouvriraient par magie des portes dans les murs souterrains

    Mais bientôt tu dégrisais » (« À la Croix-Rousse, Lyon »).

    Une énigme recouvre toute vie, énigme récurrente qui pèse et qui pétrifie. Quelque chose comme un vide ontologique. Lequel génère une perte de sens. Ainsi de ces vers empruntés au poème dédié à Daniel Koren, musicien et comédien :

    « Quelque chose est porté manquant

    Depuis la première heure ».

    Ou encore ces vers où Emmanuel Moses s’adresse à lui-même :

    « Une énigme court sous ta vie

    Comme ces tunnels en arêtes de poisson à Lyon ou Alexandrie » (« À la Croix-Rousse, Lyon »).

    Comment, à la lecture de ces vers, ne pas être saisi par des rapprochements aussi inattendus ? Par un art qui banalise la gravité d’une pensée avec des comparaisons ou associations d’idées qui créent la surprise et qui désarçonnent. Puis font sourire. Même si, derrière le sourire, se blottit le désarroi du poète. La poésie d’Emmanuel Moses a ceci d’unique et de presque exceptionnel qu’elle allie avec aisance et bonheur méditations graves et simples évocations de la vie courante. Traversés par les préoccupations du poète, de sa philosophie, de sa sensibilité si singulière et de cet humour qui le sauve de « la malédiction » originelle, les poèmes de Dona sont autant de pépites qui interrogent. Reconnaissable entre toutes, la langue d’Emmanuel Moses, si délicate à cerner et à enceindre dans d’autres vocables que les siens, est langue mystérieuse. Tout autant mystérieuses sont les gravures oniriques en noir et blanc de Frédéric Couraillon qui ponctuent et rythment le recueil, gravures de silhouettes en mouvement, comme incisées dans les veines du marbre.

    Confronté à sa vulnérabilité et à son incomplétude, accablé par le néant qui le guette, l’être humain a le choix entre maudire sa condition ou bien la dépasser. Emmanuel Moses montre la Voie. Celle-ci est présente dans ces trois vers dont la beauté, comme celle de tant d’autres vers, coule vers sa vérité :

    « Se glisser sous l’ombre bleue des oliviers

    Ouvrir ses bras au soleil dense comme une cascade d’or

    Se fondre dans le fleuve du temps où rien ne doit nous empêcher de nager sans tenir compte du courant » (« À Karim Haouadeg »).



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Emmanuel Moses  Dona




    EMMANUEL   MOSES


    Emmanuel_moses_didier_pruvot_flammarion
    Ph. © Didier Pruvot/Flammarion
    Source





    ■ Emmanuel Moses
    sur Terres de femmes


    [La pluie donne un soir inachevé](poème extrait de Dona)
    [Mais voilà il y a un au-delà des apparences](extrait de Quatuor)
    La fleur « Shortia » (extrait de Polonaise)
    Ivresse (lecture de Gérard Cartier)
    [Derniers feux](extrait d’Ivresse)
    [Aujourd’hui j’ai ouvert le journal de l’éternité](extrait de Dieu est à l’arrêt du tram)
    [Je ferme les yeux](autre extrait de Dieu est à l’arrêt du tram)
    [Je suis allée au puits](extrait de Comment trouver comment chercher)
    [La mer, à peau de cétacé](extrait du Paradis aux acacias)
    Quatuor (lecture d’AP)
    Tout le monde est tout le temps en voyage (lecture d’AP)
    Tardives (poème extrait de Tout le monde est tout le temps en voyage)
    [Mettre un éléphant dans un poème](extrait d’Un dernier verre à l’auberge)
    [Le cahier vide et le cahier qui se remplit](extrait du Voyageur amoureux)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site Les Découvreurs)
    une lecture de Dona par Georges Guillain





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  • Emmanuel Moses | [La pluie donne un soir inachevé]


    Moses 2
    Gravure de Frédéric Couraillon, in Emmanuel Moses, Dona, page 4.








    [LA PLUIE DONNE UN SOIR INACHEVÉ]



    À François Boddaert       



    La pluie donne un soir inachevé
    Je songe à ce corps de chien sur une route de Bourgogne
    À ton ami qui ne verra plus les cerfs dans le blé
    Ce qui manque nous murmure des chansons et des souvenirs
    Des pensées
    Il fait froid à Paris
    Les rues sont vides comme le cœur en chagrin
    Comme ma tête certains matins
    Dieu prenne pitié du chien et de l’homme
    Qui ne connaîtront plus ces hivers d’Europe
    Où le ciel est une muraille
    Où les heures peinent
    Où un peu à la manière de Pénélope devant son métier
    Dans l’attente irraisonnée de son époux royal
    On fait et on défait inlassablement la tapisserie de sa vie.



    Emmanuel Moses, Dona, 3, éditions Obsidiane, Collection Le Carré des lombes, 2020, page 9. Gravures de Frédéric Couraillon. Vignette de couverture de Gérard Titus-Carmel [en librairie le 22 octobre 2020].






    Emmanuel Moses  Dona




    EMMANUEL   MOSES


    Emmanuel_moses_didier_pruvot_flammarion
    Ph. © Didier Pruvot/Flammarion
    Source





    ■ Emmanuel Moses
    sur Terres de femmes


    Dona (lecture d’AP)
    [Mais voilà il y a un au-delà des apparences](extrait de Quatuor)
    La fleur « Shortia » (extrait de Polonaise)
    Ivresse (lecture de Gérard Cartier)
    [Derniers feux](extrait d’Ivresse)
    [Aujourd’hui j’ai ouvert le journal de l’éternité](extrait de Dieu est à l’arrêt du tram)
    [Je ferme les yeux](autre extrait de Dieu est à l’arrêt du tram)
    [Je suis allée au puits](extrait de Comment trouver comment chercher)
    [La mer, à peau de cétacé](extrait du Paradis aux acacias)
    Quatuor (lecture d’AP)
    Tout le monde est tout le temps en voyage (lecture d’AP)
    Tardives (poème extrait de Tout le monde est tout le temps en voyage)
    [Mettre un éléphant dans un poème](extrait d’Un dernier verre à l’auberge)
    [Le cahier vide et le cahier qui se remplit](extrait du Voyageur amoureux)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site Les Découvreurs)
    une lecture de Dona par Georges Guillain





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  • Nimrod | Le roman s’achève



    LE ROMAN S’ACHÈVE



    Pour Gath



    À la ville de Malamdjiga que je n’ai pas revue depuis trente-neuf ans.

    Au vide qui cernait ses abords, semblable à celui de nos routes.

    Au secret qu’ils partageaient – infus, diffus.

    Aux cavernes du souvenir.

    À la nostalgie du vrai lieu.

    À la case de pisé qui nous abrita dans le village de Bouyo, à l’est de Syé.

    À la case de Tougoura.  Elle liait la terre et les épineux à une même couleur, une même parole.

    À la fille rencontrée au puits et sa calebasse d’eau précieuse.

    À l’ardeur de son regard  –  son offrande chue si haut dans l’estime.

    Au vieux dont elle était la fille et envers lequel des paroles remuaient en nous tant de préjugés.

    À l’étoile du jour qui nous conduisit partout.

    À l’étoile de la nuit qui dopait nos sommeils.

    À l’étoile de la route qui inaugura pour nous tant de routes nouvelles dans la brûlure du jour.



    Nimrod, Petit Éloge de la lumière Nature, éditions Obsidiane, Collection Le Manteau & la Lyre, 2020, page 29.





    Nimrod Petit éloge





    NIMROD


    Nimrod 2






    ■ Nimrod
    sur Terres de femmes


    [J’ai aimé ma mère] (poème extrait de Sur les berges du Chari, district nord de la beauté)
    Nimrod | Des « paroles plus précieuses que l’or » (chronique d’AP)
    L’enfant n’est pas mort (lecture d’AP)
    Gens de brume (lecture d’AP)
    [je suis la dernière figure de l’homme] (poème extrait de Babel, Babylone)
    L’herbe (poème extrait d’En Saison)
    Sous les étoiles
    Sur les berges du Chari (lecture d’AP)
    [Tu poseras ton faix] (poème extrait de J’aurais un royaume en bois flottés)
    Le Temps liquide (lecture d’AP)
    En remontant le Lac Tchad (extrait du Temps liquide)
    La Traversée de Montparnasse (lecture d’AP)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la Mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une notice bio-bibliographique sur Nimrod
    → (sur le site du Point)
    un entretien de Nimrod avec Valérie Marin La Meslée
    → (sur le site de la revue Project-îles)
    une rencontre avec Nimrod (24 novembre 2020)






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  • Abdoul Ali War, J’ai égaré mon nom



    J’AI ÉGARÉ MON NOM
    (extrait)





    J’ai égaré mon nom

    Là-bas à la courbe du Yolgambi
    Après un grand chaos    Sous une bâche en plastique

    J’ai égaré mon nom
    Dans un camp de fortune

    Noyé dans la boue par des larmes de souffrance
    Au milieu des pleurs d’enfants

    J’ai égaré mon nom
    À l’endroit où des regards désemparés de parents
    Imploraient un horizon fracassé
    Où un ciel guère bleu vomissait à rendre l’âme

    J’ai égaré mon nom dans ce carrefour bruyant
    De naufragés sur le qui-vive
    Victimes des bombes incendiaires de soudards
    Sourds aux cris de ceux qu’on napalme

    J’ai égaré mon nom
    À l’heure du « sauve-qui-peut sa peau ! »
    Oubliant qui j’étais

    Debout seul face à ce qu’il reste des miens
    Qui ne bougeront plus et vivront de rien

    À la courbe du Yolgambi j’ai vacillé à l’écoute
    De la rumeur annonçant la terre promise

    J’ai vacillé sensible au vacarme de tant d’affligés
    Démunis délaissés que la raison quitte

    J’ai égaré mon nom sur la berge du grand fleuve
    Sur une berge de boue abîmée par tant d’épreuves

    Désormais moins qu’un émissaire
    Porteur d’aucun mandat
    Suis-je un pauvre voyageur
    Condamné dès sa prime jeunesse
    À une quête d’ailleurs sans répit
    Brin de paille volante
    Serai-je emporté par secousses et remous
    Dans un monde persécuté




    Abdoul Ali War, J’ai égaré mon nom précédé de Ode aux pères, éditions Obsidiane, Collection Le Manteau & la Lyre dirigée par Nimrod, 2020, pp. 31-32. [en librairie le 6 mars 2020]





    Abdoul Ali War 2ABDOUL ALI WAR


    Abdou Ali War
    Source




    ■ Voir aussi ▼


    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une notice bio-bibliographique sur Abdoul Ali War






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  • Georg Trakl | Hohenburg [traduction de Guillevic]





    HOHENBURG






    Es ist niemand im Haus. Herbst in Zimmern;
    Mondeshelle Sonate
    Und das Erwachen am Saum des dämmernden Walds.

    Immer denkst du das weiße Antlitz des Menschen
    Ferne dem Getümmel der Zeit;
    Über ein Träumendes neigt sich gerne grünes Gezweig,

    Kreuz und Abend;
    Umfängt den Tönenden mit purpurnen Armen sein Stern,
    Der zu unbewohnten Fenstern hinaufsteigt.

    Also zittert im Dunkel der Fremdling,
    Da er leise die Lider über ein Menschliches aufhebt,
    Das ferne ist; die Silberstimme des Windes im Hausflur.







    HOHENBURG





    Il n’y a personne dans la maison. Automne dans les chambres.
    Sonate en clair de lune.
    Et l’éveil à l’orée de la forêt crépusculaire.

    Toujours tu vois le visage blanc de l’homme
    Loin des tumultes du temps ;
    Sur ce qui rêve s’incline volontiers la ramure verte.

    Croix et soir ;
    Celui qui résonne est pris par les bras pourpres de son étoile
    Qui monte vers des fenêtres inhabitées.

    Ainsi tremble l’étranger dans la pénombre
    Quand doucement il lève ses paupières sur de l’humain
    Au loin ; voix argentine du vent dans le vestibule.




    Georg Trakl, Vingt poèmes traduits et présentés par Guillevic, éditions Obsidiane, 2016, pp. 40-41.






    Georg Trakl  Vingt poèmes




    GEORG  TRAKL


    Trakl01
    Knudd Odde
    Trakl (efter Dea), 2003
    Acrylique et huile sur papier,
    138 x 116 cm
    Source





    ■ Georg Trakl
    sur Terres de femmes

    3 février 1887 | Naissance de Georg Trakl
    [La rosée du printemps]




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la revue temporel)
    « Une quête hallucinée de l’Absolu : regard sur la poésie de Trakl », par Jack Delavenne (26 septembre 2011)





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  • Gérard Titus-Carmel | en traîne d’ocre et de blanc



    EN TRAÎNE D’OCRE ET DE BLANC



    voix tues en traîne d’ocre et de blanc, toutes béantes d’absence,          images pâles et brouillées en surplomb, décrochées des parois de la yourte, une fumée fauve restée vive en son centre, la gardant toujours simple et droite —

    (et dehors le dessin des ombres bleues marbrant les pavés, tordant les heures à notre avantage)

    une douleur, pourtant, au défaut de l’épaule,          une crainte nue qu’on devine sans recours, car attachée à une autre durée, comme le signal de l’effondrement à venir, suivi du froissement sec de la mémoire poussée en ses derniers replis —

    (comment dire cette aigreur surie au cœur de l’été, le souffle rendu rauque et les mots à peine lâchés, irritant durablement les lèvres, une guerre de position, les nerfs portés à vif, prêts à trahir)

    même le jour s’est fermé à la faveur de cette chute       il a transi nos fronts autour de cette figure cryptée qu’il découvre logée en fossile dans le fin mica d’une peau étrangère —




    Gérard Titus-Carmel, Serpentes, III.1, éditions Obsidiane, Collection Le Carré des lombes, 2018, page 24. Dessins et vignettes de Gérard Titus-Carmel [en librairie le 21 août 2018].






    Serpentes





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    NOTE DE L’ÉDITEUR : avec ce premier titre, la collection Le Carré des lombes publiera, deux fois l’an, de courts volumes au format 22 x 21cm, qui mêleront poésie et œuvres graphiques. Après Serpentes, écrit et accompagné par Gérard Titus-Carmel, Le Carré des lombes publiera des livres de Jean-Baptiste de Seynes (et Bazaine), Gérard Noiret (et Jean-Louis Gerbaud), Emmanuel Moses (et Liliane Klapisch)… Premier volume de la nouvelle collection Le Carré des lombes, Serpentes, ainsi nommé en référence aux feuilles de soie intercalées entre deux gravures, est un polyptyque sexpartite, scandé par les encres de Titus-Carmel : « Peau translucide », « serpent de lumière », « voile de brume »… Ce long poème, mélancolique et rêveur, décline les virtualités synonymiques (métaphoriques aussi bien) des feuilles légères qui, d’une stance à l’autre, menacent « qu’une cendre nue recouvre lentement toutes les pages de ce livre ». Mais c’est toujours la fragilité de la parole poétique qui est lovée (d’où la présence du serpent dans les vers) au cœur des poèmes de Titus-Carmel (sa langue riche et gourmande !), fondée sur l’obsession de l’absence, de l’effacement et de la nuit — voir aussi La Nuit au corps ou Travaux de fouille et d’oubli ainsi que ses livres publiés chez Obsidiane.





    GÉRARD TITUS-CARMEL


    Gérard Titus-Carmel
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    ■ Gérard Titus-Carmel
    sur Terres de femmes

    Albâtre, I. 8
    La Nuit au corps
    Oppresse du loin montant





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  • Burns Singer | [That numerous stranger dipped in my best disguise]




    [THAT NUMEROUS STRANGER]



    That numerous stranger dipped in my best disguise
    Worms his way back over the green hills
    Which winds have shaped from beaten miracles
    And which old thunderstorms and well baptise.
    He cuts across it home. His light denies
    The dark it boats of, and his step fulfils
    The courage of the grassblade that he kills
    Dead of the spot he reaches as he dies.
    All silence enters him but leaves no trace.
    Who is that man who walks without a face
    On less than water, on a single word,
    On a mere air that whistles its absurd
    Jubilant anthem in an elegy’s place
    Under the agony and is overheard?





    [CET ÉTRANGER MULTIPLE]



    Cet étranger multiple noyé dans mon meilleur déguisement
    Serpente sur le chemin du retour par les vertes collines
    Que les vents ont sculptées à coups de miracles
    Et que de vieux orages et des puits baptisent.
    Il coupe à travers pour rentrer chez lui. Sa lumière nie
    Les ténèbres dont elle se vante, et son pas honore
    Le courage du brin d’herbe qu’il tue net
    Sur le lieu qu’il atteint en mourant.
    Tout le silence entre en lui mais ne laisse aucune trace.
    Qui est cet homme qui marche sans visage
    Sur moins que de l’eau, sur une parole unique,
    Sur un simple air qui siffle son absurde
    Antienne jubilatoire en un lieu élégiaque
    Et qui, à l’agonie, est entendu par hasard ?



    Burns Singer, Sonnets pour un homme mourant, XXXXVIII, [Sonnets for a Dying Man, Botteghe Oscure, Quaderno XVI, Roma, 1955], édition bilingue, Éditions Obsidiane, 89500 Buzzy-le-Repos, 2017, pp. 92-93. Traduit de l’anglais par Anthony Hubbard et Patrick Maury. Préface de Patrick Maury.






    Burns Singer  Sonnets 2





    BURNS  SINGER


    Burns Singer
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    ■ Burns Singer
    sur Terres de femmes

    [To see the petrel cropping in the farmyard] (autre extrait de Sonnets pour un homme mourant)




    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site de la revue Secousse)
    une notice bio-bibliographique sur Burns Singer et d’autres extraits de Sonnets pour un homme mourant [PDF]
    → (sur La Cause Littéraire)
    une recension de Sonnets pour un homme mourant par Didier Ayres
    → (sur Dailymotion)
    Patrick Maury (Revue Secousse) lit des extraits de Sonnets pour un homme mourant de Burns Singer
    → (sur le site des Lettres françaises)
    Poésies de toutes les latitudes, par Françoise Hàn [PDF]





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