Étiquette : éditions Seghers


  • Anise Koltz | Automne


    AUTOMNE




    En route avec les oiseaux
    pour suivre le cirque du soleil
    où la lumière mugit
    en sautant de sa cage

    en route avec les jongleurs
    les saltimbanques
    et les géants de l’ombre

    en route avec le vent
    crieur du cirque
    et cornac qui offre ses tresses d’or
    et suspend des lampions
    aux arbres

    en route
    avant que les dernières affiches
    programmes
    et billet d’entrées
    ne soient piétinés
    dans les rues




    Anise Koltz, Le Cirque du soleil, éditions Seghers, Collection Autour du monde, 1966, in Somnambule du jour, poèmes choisis, éditions Gallimard, Collection Poésie/Gallimard, 2016, page 18.







    Koltz somnambule



    ANISE KOLTZ


    Anise Koltz
    Source




    ■ Anise Koltz
    sur Terres de femmes


    L’Ailleurs des mots
    Béni soit le serpent
    Les soleils se multiplient (poème extrait du Cri de l’épervier)
    [Dans mes poèmes] (poèmes extraits d’Un monde de pierres)
    [Gémeau] (poème extrait de Soleils chauves)
    Je me transforme (poème extrait de Je renaîtrai)
    [Je suis l’impossible du possible] (poème extrait de Pressée de vivre)
    Ouverte (poème extrait de Je renaîtrai)
    [Qu’ai-je emprunté à la chair maternelle ?] (poème extrait de Galaxies intérieures)





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  • Alain Borne | L’eau seule est nue



    L’EAU SEULE EST NUE





    L’eau seule est nue
    dans la chaleur,
    dormeuse,
    et le désir descend des yeux,
    et le désir
    est une hache,
    arbre très calme,
    est une hache le long de toi.

    Et les joncs peuvent croître
    la source dort,
    le bel érable de ton corps,
    où la sève siffle en silence
    une musique à délivrer,
    la blanche soie de ta clarté
    endort les branches de ton sang
    dont chaque feuille reste à lire.




    Alain Borne, Terre de l’été, Robert Laffont, 1945 ; réédition Editinter, 2001. In Alain Borne par Paul Vincensini, éditions Seghers, collection Poètes d’aujourd’hui n° 224, 1974, page 107.





    Alain Borne par Paul Vincensini






    ALAIN BORNE


    Alain Borne portrait
    Source




    ■ Alain Borne
    sur Terres de femmes


    Regardez mes mains vides (poème extrait de Seuils)




    ■ Voir aussi ▼


    le site Alain Borne
    → (sur le site de la revue Les Hommes sans Épaules)
    une notice sur Alain Borne, par Christophe Dauphin






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  • E. E. Cummings | [goodby Betty, don’t remember me]



    Tabarin By Paul Colin
    Source







    [GOODBY BETTY, DON’T REMEMBER ME]


    30.


    Goodby Betty, don’t remember me
    pencil your eyes dear and have a good time
    with the tall tight boys at Tabari’
    s, keep your teeth snowy, stick to beer and lime,
    wear dark, and where your meeting breasts are round
    have roses darling, it’s all i ask of you —
    but that when light fails and this sweet profound
    Paris moves with lovers, two and two
    bound for themselves, when passionately dusk
    brings softly down the perfume of the world
    (and just as smaller stars begin to husk
    heaven) you, you exactly paled and curled

    with mystic lips take twilight where i know:
    proving to Death that Love is so and so.







    [GOODBY BETTY, NE TE SOUVIENS PAS DE MOI]


    30.


    Goodby Betty, ne te souviens pas de moi
    crayonne tes yeux et prends du bon temps
    au bal Tabarin serrée parmi les grands gars,
    conserve tes dents de neige, au citron-bière tiens-t’en,
    vets-toi de noir, et là où se touchent tes seins ronds
    porte des roses darling, c’est tout ce que je veux —
    surtout quand le jour baisse et que ce doux profond
    Paris marche avec les amoureux, deux à deux
    partant vers eux-mêmes, lorsque avec passion le soir
    fait descendre en douceur un parfum sur terre (juste
    comme de petites étoiles commencent à écailler
    le ciel) toi, exactement toi poudrée frisée

    entre tes mystiques lèvres attrape le crépuscule :
    prouvant à la Mort que l’Amour est ci et ça.



    E. E. Cummings, « Grands Boulevards, Pigalle », Paris, Éditions Seghers, 2014, pp. 108-109. Édition bilingue, traduit de l’anglais et présenté par Jacques Demarcq.






    E. E. Cummings, Paris






    E. E. CUMMINGS


    Vignette cummings
    Source



    ■ e.e. Cummings
    sur Terres de femmes

    Beautiful
    Memorabilia
    [my lady is an ivory garden]



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site American Poems) une
    bio-bibliographie d’e.e. Cummings (+ un choix de 153 poèmes)
    → (sur scribd.com)
    l’intégralité des poèmes d’e.e. Cummings
    → (sur le site de la revue de traduction Palimpsestes)
    Antoine Cazé, « E. E. Cummings : (dé)composition d’adjectifs, inventivité linguistique et traduction », Palimpsestes [En ligne], 19 | 2007, mis en ligne le 01 janvier 2009






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  • 2 octobre 1959 | Mort du poète Jean-Pierre Duprey

    Éphéméride culturelle à rebours



    Je suis allergique à la planète bis
    Image, G.AdC






    Le 2 octobre 1959, le poète et sculpteur Jean-Pierre Duprey met fin à ses jours dans son atelier de la rue du Maine. Deux jours auparavant, il avait déclaré au téléphone à un ami : « Je suis allergique à la planète ». Il venait tout juste de renouer avec la poésie et d’écrire, dans l’enthousiasme, La Fin et la Manière. À la misère sociale et au désarroi sentimental qui était alors le sien était venu s’ajouter un séjour en prison (le poète fut violemment malmené par la police pour avoir uriné, en signe de protestation contre la guerre d’Algérie, sur la tombe du soldat inconnu, à l’Arc de Triomphe). Séjour suivi, du 7 au 30 juillet 1959, d’un séjour à l’hôpital Sainte-Anne. Le poète Alain Jouffroy, qui lui rend alors visite, rapporte ce témoignage :


    Les hurlements qui lui parvenaient la nuit, dans la chambre particulière qu’on lui avait donnée à Sainte-Anne, l’empêchaient de dormir. Quand je venais lui rendre visite, l’après-midi, il se tenait, un immobile sourire aux lèvres, debout à côté de son lit. Je lui tendais des livres sur le vaudou, sur la magie, que ses yeux ne voyaient pas. À mes questions, il répondait évasivement par des « peut-être », des « oui, c’est possible ». Et puis, brusquement, il éclatait de rire, et pendant quelques secondes nous retrouvions une complicité sans nom, sans phrases. En tuant le dialogue, il préservait le surgissement de la vie. Au-delà des mots, tout devenait merveilleusement brûlant, phosphorescent.


    Dans la préface du recueil Un bruit de baiser ferme le monde (le cherche midi éditeur, 2001, pp. 11-12), Sylvain Goudemare écrit :


    Il est grand temps de sortir Duprey du rôle de poète-maudit, maudit par son temps et son époque. Lui donner sa place de « Chevalier Sagittaire », l’évader d’un bazar littéraire où les poètes sont statufiés, tout à la fois poreux et pierreux. Lui qui nous questionne, ne cède pas devant le chantage à la beauté, mais demande, à sa façon : Que cherchez-vous ? Bien plus qu’un exemple, une voix fulgurante, pandémoniaque et angélique, d’un engagement qui se moque de toute autorité.

    Pour le plaisir d’être libre,

    « Et d’être libre comme est libre celui qui est libre alors même qu’on le croit en prison,

    Et qui refuse jusqu’à son nom bien mérité d’homme libre pour en garder le bénéfice. »

    Ceci pour un dictionnaire futur :

    « Dupreyer : v. tr. (XXe siècle, dérivé de Duprey). S’éprendre de l’absolu. »








    ENTRE



    Entre le ballon noir et l’épine du blanc
    Ce qui est, ce qui fait : je suis au balancement
    Ce qu’est l’horizontale à la verticale.
    C’est l’Epineuse noire au gonflement du blanc.

    Chimère, machine au bloc de la mer
    C’est ici que se courbe
    Le serpent lié au mât
    Par un soleil au verbe rouge.
    Voici alors qu’un bleu étale
    Comme un pétale sans fin
    S’est creusé d’une fleur
    Qui n’est ni bleu ni rouge.
    Qui n’est ni blanche ni noire.

    C’est l’Epineuse de voir, l’Effeuillement-fermoir
    La bouche s’est fermée : c’est un rire éclatant.

    (Poème non daté).


    Jean-Pierre Duprey in Jean-Pierre Duprey par Jean-Christophe Bailly, Collection Poètes d’aujourd’hui, numéro 212, Éditions Seghers, 1973, page 153.






    Jean-Pierre Duprey par Jean-Christophe Bailly





    JEAN-PIERRE DUPREY


    Jean-Pierre Duprey
    Ph. Luc Joubert. Doc. “Soleil noir”.
    Source




    ■ Jean-Pierre Duprey
    sur Terres de femmes

    Naufrage
    [Que cherchent les regards]



    ■ Voir aussi ▼

    → (dans L’Art d’aimer, revue d’essais critiques)
    La Vierge du Néant, Sur les premiers poèmes de Jean-Pierre Duprey, par Alexandre Secher
    → (sur Mediapart)
    Une main, demain, billet de Patrice Beray sur Jean-Pierre Duprey (11 mars 2009)
    → (sur le site de la revue Les Hommes sans Épaules)
    une notice bio-bibliographique sur Jean-Pierre Duprey, rédigée par Christophe Dauphin (Cahiers Littéraires n° 11)
    → (sur LaFreniere&poesie)
    une page sur Jean-Pierre Duprey (incluant une notice bio-bibliographique sur Jean-Pierre Duprey, rédigée par Marc Bloch pour l’Encyclopædia Universalis)





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  • Françoise Delcarte |
    [Peut-être, le visage se souvient-il encore]






    Mais,  c’est à peine.  On se dissout plus loin.
    Image, G.AdC








    [PEUT-ÊTRE, LE VISAGE SE SOUVIENT-IL ENCORE]



    Peut-être, le visage se souvient-il encore,  lui.
    Il  doit avoir des yeux comme du fenouil,  des yeux comme
                 une  seule  poignée  de  thym  sauvage  dans  la  main.

    Quelqu’un le regardait, alors.
    Le regardait comme on regarde un oiseau.
    Mais n’a pas aimé l’arbre, la feuille.

    Aujourd’hui, je n’ai plus que des doigts.
    Une vie comme une grande étoile sur la mer.
    Qui s’ajoute aux étoiles.

    Parfois, la nuit, une main appuie sur l’eau la courbe de
                 la barque.
    Mais,  c’est à peine.
    On se dissout plus loin.

    Mémoire.
    Et le jour.
    Et qu’il tombe.
    Une main venue prendre un caillou sur la plage.



    Françoise Delcarte, « Pouvoirs » in Infinitif, Éditions Seghers, 1967 (édition originale), page 30.






    EXTRAIT D’UNE RECENSION D’INFINITIF PAR ROGER BODART (1910-1973)
    (de l’Académie royale de langue et de littérature françaises)
    parue dans Le Soir au lendemain de la publication de l’ouvrage



        « […] Cette œuvre semble née du mariage de forces habituellement antagonistes. La violence qui rend aveugle, ici, mène à l’intelligence. Françoise Delcarte, héritière d’Antonin Artaud, semble hériter en même temps de Montaigne. Elle est ensemble moraliste et exploratrice du délire.
        L’œuvre porte ce titre sec et clair : Infinitif, qui révèle une décision prise une fois pour toutes d’échapper au relâchement de la poésie personnelle qui dit : je, tu, il. « Quand on dit « je », on ment », disait Simone Weil. Françoise Delcarte ne fait que dire « je » et « moi », mais ce « je » se situe à une telle altitude et est tellement confronté à un autre moi, qu’il semble toujours se conjuguer d’une façon impersonnelle, à l’infinitif.
        Chaque vers résonne à la manière d’une de ces très anciennes inscriptions que l’on trouve gravées à même les murs des temples, au fond des plaines d’Anatolie.

        « Ici, un quiproquo de mots , de vie.
        …
        On me prescrit des heures.
        on soigne qui je fus.
        J’irai dire, plus loin,
        Comment on vit en soi.
        À force de fatigues. »

        La coupe de la phrase, sa ponctuation hachée, impérieuse, qui écarte le mot du mot qui le suit confère à chacun de ces mots une dimension, une épaisseur, une dureté insolites. Il semble que l’être qui profère ces mots recèle en lui une multitude d’expériences prénatales.
        Ce livre mince par le volume mais d’une densité presque intolérable enserre en quelques formules brèves le supplice et la joie de vivre. L’être qui brûle au centre de ce supplice et de cette joie, on le sent paradoxalement dans ce qu’il dit et au dehors, comme s’il était à la fois bourreau et victime, objet de plaisir et spectateur. […] »








    FRANÇOISE DELCARTE


    Françoise Delcarte




    ■ Françoise Delcarte
    sur Terres de femmes

    [J’ai besoin d’aller seule] (poème extrait de Sables)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Chroniques Asynchrones)
    « Le contrepoint organique de Françoise Delcarte », par Françoise Noël
    → (sur LaFreniere&poesie)
    une note sur Levée d’un corps d’oubli sur un corps de mémoire de Françoise Delcarte (+ extraits)
    → (sur Orbi, Université de Liège)
    Préface à Infinitif, suivi de Sables, de Françoise Delcarte, par Gérald Purnelle, éditions du Taillis Pré, 2001 [PDF]





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