Étiquette : éditions Unes


  • Esther Tellermann [Un écho     un roman]



    [UN ÉCHO     UN ROMAN]




    Un écho   un
    roman que trace
    la roue embruns
    d’une lune
    partage des étangs
    et des chaumes.
    Vous aurez été le

    cœur de ce qui

    n’a pas cru
    je lavais votre

    bouche
    vous inquiétais
    d’océans et
    de rumeurs.




    Puis j’écrivis
    une lettre comme
    un livre
    qui s’ouvre
    comme un centre
    s’épuise et

    meurt    comme
    sources        se noient
    je défaisais les
    chapitres et

    les deuils
    forêts hantaient
    les infinis
    qui poussent
    dans les silences
    je brûlais
    sous votre nom

    des cendres.



    Esther Tellermann, Éternité à coudre, Éditions Unes, 2016, s.f.






    Esther Tellermann, éternité à coudre





    ESTHER TELLERMANN


    Esther tellermann





    ■ Esther Tellermann
    sur Terres de femmes


    Éternité à coudre (lecture d’AP)
    Carnets à bruire
    Corps rassemblé (lecture d’AP)
    [Pour elle il voulut] (extrait de Corps rassemblé)
    [Je sais vous me disiez de préférer l’ombre] (poème extrait du recueil Le Troisième)
    Je t’ai vu (poème extrait de Contre l’épisode)
    [Jours firent de toi ma teinture]
    [Onde] (poème extrait du recueil Voix à rayures)
    Première version du monde (lecture d’AP)
    Sous votre nom (lecture de Matthieu Gosztola)
    Sûrement je vous tiendrai (poème extrait de Terre exacte)
    [Un mot encore] (poème extrait de Sous votre nom)
    [Puis se ferme | la porte] (poème extrait d’Un versant l’autre)
    Voix à rayures




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur le site de la revue de littérature et de critique Le Nouveau Recueil)
    L’indécise exactitude de la terre : Esther Tellermann, par Michaël Bishop
    → (sur Remue.net)
    François Rannou / « D’où un homme est-il visible ? » | une approche de la poésie d’Esther Tellermann
    → (sur Recours au poème)
    une lecture d’Une odeur humaine d’Esther Tellermann par AP





    Retour au répertoire du numéro de décembre 2016
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Raluca Maria Hanea | [on sonde]




    [ON SONDE]




    on sonde (à mains nues) certaines généalogies
    — fin réseau dentelles déchirant les doigts
    — avance son assurance guerrière
    mon manque d’expérience les similitudes flagrantes


    reconnaissant
    une évidente tendance à occuper du ciel
    ou comment simplifier ces images-tombeau
    franchir la barrière




    quelque chose comme un visage vaque là
    enlevé
    faisant rentrer la fraîcheur


    des draps albumine :

    ton corps j’oublie que c’est toi
    et cette maladresse que je veux à tout prix quitter

    est-ce ? oui. la même matière ?



    Raluca Maria Hanea, Sans chute, Éditions Unes, 2016, pp. 34-35.








    Raluca Maria Hanea, Sans chute






    RALUCA MARIA HANEA


    Ranuca Maria Hanea




    ■ Raluca Maria Hanea ▼

    [on se couche sous les bois] (poème extrait de Babil)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions du Petit Pois)
    une notice bio-bibliographique sur Raluca Maria Hanea
    → (sur remue.net)
    Raluca Maria Hanea | sûre la cave
    → (sur remue.net)
    le site des éditions Unes





    Retour au répertoire du numéro de juin 2016
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Jean-Louis Giovannoni, Sous le seuil

    par Angèle Paoli

    Jean-Louis Giovannoni, Sous le seuil, récit,
    Éditions Unes, 2016.
    Vignette de couverture de Stéphanie Ferrat.



    Lecture d’Angèle Paoli



    « LE REGARD NE CONTIENT PAS ASSEZ »




    Au commencement, cela évoque un journal. Indications temporelles et indications de lieux mises en relief par des interlignages sont parfaitement identifiables au premier regard. Cinq heures / 7h / Midi / 17h / Fin août… Au jardin / Poste de guet / Soleil. D’autres indices apportent des précisions. Lumière totale / Fournaise / Amours moites / Ultimes batailles… La plupart sont elliptiques. Elles semblent jouer le rôle de didascalies pour un théâtre sans paroles. Très vite, dès le second chapitre — il y en a vingt et un —, le lecteur se laisse porter / emporter d’un tableau à l’autre, passant du jardin premier au « chemin de fer abandonné ». Plus loin, changement de décor : le maquis serré, les châtaigniers du Casacconi et ses mises à mort remplacent fleurs et potager. Viennent ensuite le ruisseau, la cave, trous de maquis et trous d’eau, et le jardin, à nouveau. Est-ce le même ou est-ce un autre ?

    Où donc sommes-nous ? Sous le seuil. C’est ainsi que l’annonce le titre du dernier ouvrage de Jean-Louis Giovannoni. Avec cette précision : récit. Qui dit récit dit personnages, dit aussi action. À feuilleter le livre, le lecteur perçoit d’emblée que chaque chapitre est constitué de paragraphes brefs dans lesquels les personnages principaux sont les fleurs les insectes les limaces les blattes les mantes religieuses les cloportes… et très vite, qui gîtent sous « les pierres plates », les mille-pattes scolopendres et pince-oreille. On ne sera pas surpris de constater que le récit est dédié à la poète Stéphanie Ferrat avec qui Jean-Louis Giovannoni a réalisé une série de petits formats consacrés aux « moches », ces créatures qui révulsent la plupart d’entre nous et que le poète affectionne. Sous le seuil, « sous les branches mortes », dans les trous d’eau dans les bassins dans les fossés, galeries souterraines que peuplent les fourmis, mais aussi dans les corolles qui s’ouvrent et se referment, attendant d’être fécondées, vivent et s’affrontent les insectes. Un monde de « cris silencieux » s’anime, imperceptible, invisible, qui vit à nos côtés sans que nous en prenions conscience. Sauf lorsqu’une sangsue vient à saigner un mollet, ou un moustique à dévorer une peau appétente.

    L’enfant est présent aussi. Peut-être est-ce le même que le garçonnet du Voyage à Saint-Maur (Éditions Champ Vallon, 2014) ? D’autres enfants, garçons et filles, se mêlent à ses jeux. Des corps nus parfois se rejoignent dans la moiteur des draps. Et tandis que les couples s’accouplent sur les lits, les insectes copulent dans les herbes du jardin et les chambres nuptiales. Une même force vitale ébranle les uns et les autres, les minuscules et les humains, mis sur le même plan, sans distinction hiérarchique. Les « moches » occupent le terrain principal du récit, cédant parfois la place aux enfants acteurs des mêmes sévices des mêmes petites cruautés ordinaires vis-à-vis des insectes que les insectes et divers animaux entre eux.

    L’œil panoramique de Jean-Louis Giovannoni balaie des espaces différents puis, pareil aux insectes qui d’un seul coup vrillent sur un autre ou fondent sur les pétales d’une fleur, il fonce sur l’objet qui l’occupe. Gros plan sur les trompes les tubulures les ouvertures les vagins les queues (du lézard) les mandibules les pulpes les chairs visqueuses… Tout cela vibre et vit — loin des cris grognements et hurlements humains — avec une frénésie inépuisable sur plus de 120 pages, et le lecteur fasciné d’assister à ces batailles luttes mises à mort et danses érotiques s’interroge. Comment diantre le poète parvient-il à tenir le rythme d’un bout à l’autre sans que faiblisse la tension d’une pareille explosion cosmique ? Cela vient sans doute de ce que Jean-Louis Giovannoni est tout à la fois acrobate entomologiste et poète de talent. Il y a d’abord toute la richesse et la diversité d’un vocabulaire approprié. Ainsi des « sangsues qui se collent aux plis tendres » :


    « Deux cent quarante dents par bouche, capables de cisailler les peaux les plus coriaces. Deux ventouses pour adhérer : buccale et caudale ».


    Ou encore, à propos des cloportes :


    « Ma documentation est formelle : le cloporte n’est pas un insecte mais un crustacé. Il se cache sous les pierres, les souches pourrissantes ; fréquente les coins humides, les souterrains, les caves, les cabanes de jardinier, les couches inférieures du compost… tout ce qui gît dans le noir, sans air. » (chap. 8)


    Il y a cette proximité entre les insectes et les humains, chacun étant impliqué dans la vie, sans séparation aucune entre les espèces. Une fois franchi le seuil, une fois rendues visibles les activités des « moches », rien ne sépare plus les uns des autres. Le contexte est le même et chacun évolue à côté de son comparse, le plus souvent avec méfiance et agressivité. Les pulsions d’Eros et de Thanatos sont identiques pour tous. Jean-Louis Giovannoni donne à voir sous un autre angle ce que nous sommes. Une façon de nous mettre à distance pour mieux nous penser.


    « Morts – réactions immédiates, les corps se cherchent aussitôt. Attirances. Parades Sons et odeurs. Mâles et femelles frémissent à l’approche […]

    Août venu, les mantes religieuses attendent aussi le mâle. Ici, dans les herbes hautes, plusieurs prétendants pour une femelle de grande taille.

    Aucun n’ose.

    Va-et-vient dans les feuillages. L’attirance grandit. Elle ouvre ses ailes et vole plus près d’eux.

    Le plus déterminé la regarde sur trois-cent-soixante degrés, s’avance, attiré par la longueur de ses pattes, la finesse de ses attaches. Elle l’observe de son côté sans bouger. Il la contourne, monte sur son dos, et la pénètre.

    Semence projetée… Il ne s’enfuit pas. Elle le saisit entre ses pattes et serre.

    Tête coupée, dévorée, le mâle continue à décharger, à agiter son abdomen. » (p. 62)


    Il arrive qu’un « nous » surgisse, qui inclut les insectes et le narrateur (sans doute aussi le lecteur). Le point de vue se déplace. Vision interne.


    « Nous suçons nuit et jour, et nos femelles pondent sans arrêt. Demain, nous serons des centaines, des milliers. »


    Bousculant la syntaxe, le poète fait sauter le pronom personnel « je ». Celui-ci n’en est pas moins présent :


    « Rostre planté, m’accroche ».


    Plus loin, dans une cuisine :


    « Nuits et jours identiques. Ne vais plus vers les fenêtres. L’odeur du papier collant m’attire de plus en plus. Les vols se font rares dans la pièce. L’espace est pourtant dégagé.

    Collées les unes sur les autres. Nos ailes… pendant des heures, essayent encore.

    Vu d’en-bas, rien ne bouge.

    Ne vois plus la lumière. Asphyxie lente. Morts tournés vers l’ampoule éteinte. » (p. 41)


    Les phrases du récit sont brèves, souvent réduites au groupe sujet-verbe-complément. La ponctuation forte. Les actions s’enchaînent, notées au présent. Tout se passe ici et maintenant. Dans un rythme en phase avec celui des insectes. Le style heurté ne laisse aucune place pour le sentiment. Tout lyrisme est exclu. Tout est taillé dans le vif. À la serpe, au couteau, sans ménagement. La tension est extrême, qui refuse toute complaisance envers les animaux, envers les hommes. Chaque scène est envisagée avec le même regard cru et net, qui met tout le monde à égalité :


    « Un garçon se blesse avec un morceau de ferraille. Le sang coule le long de ses jambes. Il continue de jouer sur les voies ferrées, près des fèces de chiens.

    Dans le tunnel, des hommes se soulagent. »


    Un regard scientifique, volontairement objectif, propre à se protéger de toute forme de souffrance et de commisération. Pourtant non dénué d’une pointe d’humour. Ainsi de ce passage que je situe volontiers en Corse :


    « Juin venu, on nettoie fossés et marais.

    Les restes, les os, les lambeaux de tissu collés aux herbes, le cadavre des bêtes… on les brûle tout au long de la journée. Les vêtements et les chaussures aussi. Les carcasses de voitures, les bicyclettes rouillées et les sommiers vont aux biffins.

    À la Saint-Jean, l’été peut commencer. »


    Si l’on pousse un peu plus loin la similitude, on peut s’autoriser à penser qu’insecte et poète vivent la même chose. Peut-être même le poète se livre-t-il, en connaisseur, et ce, dès le début de son récit :


    « Suis de taille — me glisse. Fleur serrée… bourdons et cétoines ne peuvent espérer, tenus en respect sur le seuil. Ailleurs, ils entreront de plain-pied. Pistils et tubes s’agitent déjà.

    La chambre nuptiale est au fond […]

    Le nectar abonde. Plusieurs plongent ovules et spermes retroussés. À chaque fleur son ouverture. Préfère les souples, les larges pour butiner jusqu’à épuisement. Ivre, sans force, à la dernière suis tombé dedans. »


    « Sous le seuil » se mue parfois en « sous ma peau ». Il suffit d’une chute du jeune garçon dans les ronciers insulaires pour qu’au travers des griffures s’introduisent les staphylocoques, hantise de l’enfance, et que s’efface pour un long temps la montagne tant aimée :

    « Depuis ce matin, la montagne ne bouge plus en moi. » Les îles proches lointaines s’estompent à leur tour dans la brume matutinale. Elbe, Montecristo, Pianosa.

    Si « le regard ne contient pas assez », l’écriture est là, qui colmate le manque.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





    Giova seuil JEAN-LOUIS GIOVANNONI


    Giovannoni
    Ph. © Fabienne Vallin
    Source





    ■ Jean-Louis Giovannoni
    sur Terres de femmes


    [Ne me laisse pas ici parmi les ombres !] (extrait de L’air cicatrise vite)
    [Aucune sortie possible] (extrait d’Envisager)
    Ce que l’immobile tient pour geste (extrait de Pastor, Les Apparitions de la matière)
    Envisager (note de lecture de Tristan Hordé)
    L’Échangeur souterrain de la gare Saint-Lazare (lecture d’AP)
    [Vue imprenable] (extrait de L’Échangeur souterrain de la gare Saint-Lazare)
    [Huitième voyage à Saint-Maur]
    Îles circulaires
    [Il faut si peu de chose]
    Issue de retour (note de lecture d’Isabelle Lévesque)
    Issue de retour (note de lecture d’AP)
    [Je ne sais pourquoi l’autruche me fascine autant] (extrait de Journal d’un veau)
    [Le jour se lève] (extrait de Sous le seuil)
    Mère
    [Notre voix] (extrait de Ce lieu que les pierres regardent)
    [Nous venons d’un pays qu’on ne peut plus toucher] (extrait de On naît et disparaît à même l’espace)
    [Pourras-tu encore témoigner…] (extrait des Mots sont des vêtements endormis)
    [toujours cette envie de t’ouvrir]
    [Tout se cicatrise] (extrait de Garder le mort)
    [Troisième voyage à Saint-Maur]
    Jean-Louis Giovannoni | Stéphanie Ferrat, « Les Moches » (note de lecture d’AP)
    Jean-Louis Giovannoni | Marc Trivier, Ne bouge pas ! (note de lecture d’AP)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Secousse-20)
    Dans le microcosme (une lecture de Sous le seuil de Jean-Louis Giovannoni, par Gérard Cartier) [PDF]
    → (sur Terres de femmes)
    3 février 1984 | Lettre de Raphaële George à Jean-Louis Giovannoni (+ La Main de Raphaële George, par Jean-Louis Giovannoni)
    → (sur le site de la Maison des écrivains et de la littérature)
    une notice bio-bibliographique sur Jean-Louis Giovannoni
    → (sur Secousse-08)
    un entretien de Jean-Louis Giovannoni avec Anne Segal & Gérard Cartier (novembre 2012)





    Retour au répertoire du numéro de mai 2016
    Retour à l’ index des auteurs
    Retour à l’ index des « Lectures d’Angèle »

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Jean-Louis Giovannoni | [Le jour se lève]


    [LE JOUR SE LÈVE]




    Le jour se lève.

    La chaleur monte. Insectes sur le thym et la lavande au bord du jardin.

    Vibration de l’air avant les premiers rayons. Les flaques sont couvertes de moustiques et de moucherons.


    7 h.

    Les formes s’allongent. Ombres attaquées. Arrivent les premières abeilles.


    Les corolles s’ouvrent lentement et les feuilles se déploient. Le jour avance. Le bleu sombre se soustrait. Des vols de papillons gagnent les plantes. Ils cherchent des fleurs tubulaires pour y glisser leur trompe.


    Corps chauffés. Le soleil décuple les sons et les odeurs. Les plants se découvrent. Nus. Les ombres tombent au sol, foulées par tant.



    Lumière totale.

    Les fleurs, les plantes ne savent pas marcher. Sépales écartés et angiospermes pressés pour des valses d’abeilles, d’insectes. Allant d’une plante à l’autre, se glissant dans chaque réceptacle.

    Tubulures délicates d’un rouge carmin sur fond jaune nacré, leur fragrance unique attire les petits insectes. Rapidement — les dégrafent.

    Suis de taille — me glisse. Fleur serrée… Bourdons et cétoines ne peuvent espérer, tenus en respect sur le seuil. Ailleurs, ils entreront de plain-pied. Pistils et tubes s’agitent déjà.

    La chambre nuptiale est au fond.



    Jean-Louis Giovannoni, Sous le seuil, récit, Éditions Unes, 2016, pp. 11-12. Vignette de couverture de Stéphanie Ferrat.






    Jean-Louis Giovannoni, Sous le seuil




    JEAN-LOUIS GIOVANNONI


    Giovannoni
    Ph. © Fabienne Vallin
    Source





    ■ Jean-Louis Giovannoni
    sur Terres de femmes


    [Ne me laisse pas ici parmi les ombres !] (extrait de L’air cicatrise vite)
    [Aucune sortie possible] (extrait d’Envisager)
    Ce que l’immobile tient pour geste (extrait de Pastor, Les Apparitions de la matière)
    Envisager (note de lecture de Tristan Hordé)
    [Vue imprenable] (extrait de L’Échangeur souterrain de la gare Saint-Lazare)
    [Huitième voyage à Saint-Maur]
    Îles circulaires
    [Il faut si peu de chose]
    Issue de retour (note de lecture d’Isabelle Lévesque)
    Issue de retour (note de lecture d’AP)
    [Je ne sais pourquoi l’autruche me fascine autant] (extrait de Journal d’un veau)
    Mère
    [Notre voix] (extrait de Ce lieu que les pierres regardent)
    [Nous venons d’un pays qu’on ne peut plus toucher] (extrait de On naît et disparaît à même l’espace)
    [Pourras-tu encore témoigner…] (extrait des Mots sont des vêtements endormis)
    Sous le seuil (note de lecture d’AP)
    [toujours cette envie de t’ouvrir]
    [Tout se cicatrise] (extrait de Garder le mort)
    [Troisième voyage à Saint-Maur]
    Jean-Louis Giovannoni | Stéphanie Ferrat, « Les Moches » (note de lecture d’AP)
    Jean-Louis Giovannoni | Marc Trivier, Ne bouge pas ! (note de lecture d’AP)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Terres de femmes)
    3 février 1984 | Lettre de Raphaële George à Jean-Louis Giovannoni (+ La Main de Raphaële George, par Jean-Louis Giovannoni)
    → (sur le site de la Maison des écrivains et de la littérature)
    une notice bio-bibliographique sur Jean-Louis Giovannoni
    → (sur Secousse-08)
    un entretien de Jean-Louis Giovannoni avec Anne Segal & Gérard Cartier (novembre 2012)





    Retour au répertoire du numéro de mai 2016
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Fernando Pessoa | [Hommes de barre !]



    [HOMMES DE BARRE !]




    Hommes de barre ! hommes des machines ! hommes des mâts !
    Eh-eh-eh-eh-eh-eh-eh !
    Peuple à casquette, peuple en chemise de tricot,
    Peuple à la poitrine brodée d’ancres et de bannières croisées !
    Peuple tatoué ! peuple à pipe ! peuple du bastingage !
    Peuple bruni par tant de soleil, hâlé par tant de pluie,
    La pureté aux yeux de tant d’immensité devant eux,
    La hardiesse au visage de tant de vents qui l’ont battu sans relâche !
    Eh-eh-eh-eh-eh-eh-eh !
    Hommes qui avez vu la Patagonie!
    Hommes qui êtes passés par l’Australie !
    Qui avez rempli vos yeux de côtes que jamais je ne verrai !
    Qui avez touché terre sur des terres où jamais je n’irai !
    Qui avez acheté des objets grossiers dans les colonies à la proue des brousses !
    Qui avez fait tout cela comme si ce n’était rien,
    Comme si c’était naturel,
    Comme si la vie était cela,
    Comme si là ne s’accomplissait pas même un destin !
    Eh-eh-eh-eh-eh-eh-eh !
    Hommes de la mer d’aujourd’hui! Hommes de la mer passée !
    Commissaires de bord ! esclaves des galères ! combattants de Lépante !
    Pirates du temps de Rome ! Navigateurs de la Grèce !
    Phéniciens ! Carthaginois ! Portugais élancés de Sagres
    Pour l’aventure indéfinie, pour la Mer Absolue, pour réaliser l’Impossible !
    Eh-eh-eh-eh-eh-eh-eh !
    Hommes qui avez élevé des stèles, qui avez nommé des caps!
    Hommes qui avez négocié pour la première fois avec des noirs !
    Qui les premiers avez vendu les esclaves des terres nouvelles !
    Qui avez donné le premier spasme européen aux négresses stupéfaites !
    Qui avez rapporté l’or, le verre, les bois odorants, les flèches,
    Des côtes explosées de verdure !
    Hommes qui avez saccagé de tranquilles villages africains,
    Qui avez fait fuir ces races au bruit des canons,
    Qui avez tué, volé, torturé, gagné
    Les prix de Nouveauté offerts à ceux qui, tête baissée,
    Se jettent sur le mystère des mers nouvelles ! Eh-eh-eh-eh-eh!
    Vous tous en un seul, vous tous en vous tous comme en un,
    Vous tous mélangés, entrecroisés,
    Vous tous sanglants, violents, haïs, redoutés, sacrés,
    Je vous salue, je vous salue, je vous salue !
    Eh-eh-eh-eh ! Eh-eh-eh-eh ! Eh-eh-eh-eh-eh-eh-eh !
    Eh-lahô-lahô-laHO-lahà-à-à-à !


    Je veux partir avec vous, partir avec vous,
    Avec vous tous à la fois
    Partout où vous êtes allés !
    […]



    Fernando Pessoa, Ode maritime, poème d’Álvaro de Campos, Éditions Unes, 2016, pp. 20-21. Traduit du portugais et accompagné par Thomas Pesle.





    Ode maritime.gif 2




    FERNANDO PESSOA


    Vignette Pessoa
    Vignette de Almada Negreiros (D.R. éditions Unes)




    ■ Fernando Pessoa
    sur Terres de femmes

    [Ce soir l’orage a roulé] (extrait du Gardeur de troupeaux)
    Les Îles Fortunées
    Sous un ciel bas et sombre
    Ulysse
    13 juin 1888 | Naissance de Fernando Pessoa
    13 juin 1930
    14 septembre 1931
    29 janvier 1932
    11 juin 1932





    Retour au répertoire du numéro de mars 2016
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Yann Miralles | [qui n’a pas vu ces visages]



    [QUI N’A PAS VU CES VISAGES]




    qui n’a pas vu ces visages
    (dans le film)
    offrant à la fois
    la crasse qui les écrase et le halo
    de lumière
    qui les fait infinis

    qui n’a pas vu
    ces personnages tenant du sous-
    prolétaire et du prophète

    (archétypes se cherchant corps
    et clochards à l’orée de la gloire) —

    qui n’a pas vu cela
    ne sait pas qu’ici
    la parole se fait chair
    et le terrain vague page
    d’évangile

    le terrain vague de ton visage :
    je tutoie
    comme le fait la caméra
    qui le fixe
    dans le plan
    ses cheveux en proie au vent
    qui souffle
    les creux et bosses
    toutes les aspérités
    de sa face
    où la lumière
    afflue / se diffuse
    comme ses paroles (ou comment
    filmer
    le discours sur la montagne)
    qui viennent du trou
    noir de la bouche remuant —
    tes paroles
    parvenant
    jusqu’à nous
    l’infini
    pour les siècles des siècles



    Yann Miralles, Des terrains vagues, Variations, Éditions Unes, 2016, pp. 24-25. Vignette de couverture de Jérémy Liron.






    Yann Miralles, Des terrains vagues







    YANN MIRALLES


    Yann Miralles
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de BLDD)
    une fiche sur Des terrains vagues, Variations
    → (sur Ta résonance de Martin Ritman)
    un entretien avec Yann Miralles
    → (sur Terre à ciel)
    plusieurs poèmes de Yann Miralles (+ un mini-entretien de Cécile Guivarch avec Yann Miralles)
    le site des éditions Unes





    Retour au répertoire du numéro de février 2016
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Ludovic Degroote, zambèze

    par Angèle Paoli

    Ludovic Degroote, zambèze,
    Editions Unes, 2015.



    Lecture d’Angèle Paoli



    Pas tout à fait logbook ni tout à fait carnet de route
    Ph., G.AdC







    « QUOI QU’ON ÉCRIVE, ON ÉCRIT DE L’INTÉRIEUR »




    Pas tout à fait logbook ni tout à fait carnet de route, zambèze de Ludovic Degroote se rapproche pourtant du journal de voyage. Avec le titre comme pierre d’amarre pour un départ imminent. Un journal qui cherche à échapper aux stéréotypes du genre, descriptions exotiques et exaltées du touriste en mal d’aventure sauvage, safaris aux couleurs de clichés cartes postales, aux poncifs inhérents à la bonne ou mauvaise conscience de l’européen nanti. Ludovic Degroote s’y refuse, attentif à ne pas tomber dans le piège du « ça vous fait frederic rossif ». Pas tout à fait récit non plus, zambèze procède par fragments non datés auxquels viennent se juxtaposer des notations qui prennent soudain l’allure de poèmes. Récit poétique alors ? Pour la lectrice que je suis, cela ne fait aucun doute. Une rêverie agrémentée de divagations, petites digressions liées aux auteurs fréquentés par l’adulte, retours en arrière sur d’autres voyages, réflexions qui s’alimentent dans l’enfance puisent dans l’imagerie imprimée dans la mémoire, souvenirs de lectures anciennes qui engendrent d’autres réflexions s’imbriquant les unes dans les autres pour former un puzzle où s’articulent les pièces d’une personnalité — et d’une voix reconnaissable entre mille —, transplantée à un moment donné de sa vie dans un paysage autre. Personnalité attachante sensible qui laisse vagabonder sa pensée au fur et à mesure que se déroule le voyage (en famille) le long du fleuve ou à l’intérieur des terres, trois semaines au moins, peut-être quatre. La seule date vraiment mentionnée est celle du quinze juillet deux mille treize. C’est sur cette date-sésame que s’ouvre le récit :

    « j’ouvre ce cahier au bord du zambèze — huit heures du matin, soleil frais ».

    Une première phrase à la tonalité neutre. Ludovic Degroote ne se laisse pas prendre dans les filets-poncifs du pittoresque. À quoi s’occupe-t-il donc, alors, au cours de cette traversée africaine ? À penser et à tenter de se définir, sans prétention sans jeu théâtral sans se prendre pour un « monsieur important », avec lucidité ; avec une touchante modestie.

    « je traverse l’afrique et je n’en fais rien, je veux dire que je n’en fais rien sur le plan politique ou moral, je continue de la traverser comme tant d’autres choses, non parce qu’elles ne me touchent pas, mais parce que je mets d’œuvre en action ce qui rappelle les bonnes œuvres, non l’action… »

    En cours de voyage, toujours poursuivant la consigne de ses notes dans son cahier, le poète confie à la page la réflexion suivante, à la fois interrogation sur le devenir de ce cahier et sur la forme que prendra son travail, s’il le poursuit :

    « je ne sais si je ferai quelque chose de ces notes : un poème sans doute, des fragments, ou les deux, comme j’aime glisser de l’un à l’autre, quand la prose s’effiloche et devient un vers, mais cela me semble difficile ici, je vois mieux deux ou trois poèmes adossés à des séries de fragments… »

    Voilà qui définit parfaitement cet ouvrage et qui me confirme dans mon approche.

    Il faudra attendre février 2015 pour que se referme le cahier zambèze et que s’achève le long travail d’écriture : « wimereux — la madeleine — août 2014 — février 2015. » Là prend fin une autre forme de voyage.

    Disséminées dans les fragments, de petites touches permettent de discerner ce qui caractérise l’état d’esprit du voyageur Ludovic Degroote. Ainsi de celle-ci, qui conduit le poète à se poser la question : comment faire pour éviter de faire « littéraire » ? Sa nature profonde veille, qui le tient à l’écart de l’esprit-de-la-littérature-de-voyage :

    « anti-gide, anti-leiris, anti-michaux des amazonies, non par principe, mais parce que je n’en ai ni les ressorts ni les moyens — pas plus que ponge et ses structures savantes ; rien qu’un petit bout de poème qui voudrait bien voyager s’il pouvait sortir de mon crâne… »

    Dès lors que sont ex-posées ces évidences, comment faire pour éviter les clichés inhérents à ce genre d’écriture ? Ludovic Degroote avoue son impuissance à y parvenir tout à fait. Pourtant le simple fait de priver les noms propres de leurs majuscules contribue à les ramener au rang des objets ordinaires et à leur faire partager une semblable existence. Ainsi les noms géographiques habituellement drapés du mystère de l’Afrique noire rejoignent-ils la cohorte des noms usuels, propres au pays visité — kafue chongwe mfuwe lodge vervet zambie livingstone baobab crocodile phacochère lusaka…

    Pour tout ce qu’il croise d’animaux de la savane, de gestes, de paysages, le poète s’en tient à des énumérations succinctes, d’abord parce qu’il affirme ne rien retenir, sinon ce qu’il voit :

    « je ne retiens rien qu’arbustes, fleurs, jaunes, ce que mes yeux ont vu, ni les mots ni les noms

    avec les mots et les noms j’ai beaucoup de mal ».

    Il semble également être la proie d’une forme de renoncement qui l’oblige à s’en tenir à un style exclusivement informatif :

    « avons quitté kiambi hier matin — sept heures de route pour livingstone : paysages variés, que dire de plus insignifiant, il faudrait détailler, faire un travail de scientifique ou de romancier, pas le mien, végétation plus ou moins serrée, arbres à collines, plaines, cultures maraîchères, cultures extensives… »

    Pourtant, un mot émerge parmi d’autres, qui retient l’attention du poète. « latérite ». Lié à la couleur rouge, couleur de prédilection de Ludovic Degroote, le mot entraîne le poète dans une déclinaison aux rebondissements multiples, qui procèdent par associations de mots de sons puis d’idées. De sorte qu’à partir d’un seul mot, c’est toute une composition personnelle et passionnante — jubilatoire — qui se déploie, d’une ramification à l’autre.

    « rouge latérite » :

    « aussitôt j’ai pensé à combiner le mot latéral, écrire par exemple couleur latérale en pensant latérite, pour que le poème joigne les deux mots, à moins que je ne veuille cacher la chose, ce qui n’est pas le cas, ni tomber dans l’opacité dont se chargerait une telle expression ; si je construis le poème en ne pensant qu’à moi, je le réduis, si je l’écris en pensant au lecteur je le réduis aussi — mieux vaut ne penser à personne, sauf au poème

    j’aurais pu écrire : latérale latérite mais cela m’aurait semblé forcé dans la mesure où la latérite évoque d’abord la couleur des routes, pas celle d’un trottoir ou d’un bas-côté, on voit l’ornement que les jeux de sonorités auraient fabriqué

    difficile de se représenter le rouge sans croiser le mont juliau de nicolas pesquès : dire jaune, c’est dire la couleur et le geste de soi face au monde que produit le langage, mais l’entreprise de pesquès est l’entreprise d’une vie, d’une œuvre ; mon rouge à moi je l’ai croisé ici, en zambie, là, près de sienne ou dans le vaucluse, plus haut dans ma vie, lorsque, enfant, nous étions allés au mont des récollets chercher des fossiles, dents de requins, à moins que ma mémoire ait fabriqué à partir d’événements différents un épisode qui n’appartient qu’à elle, à la manière de cet orgue de barbarie dont parle proust… »

    Ainsi procède le poète, « à sauts et à gambades » siens. Ainsi en est-il aussi de ses considérations sur les chutes. Des chutes du Zambèze aux siennes propres ; chutes personnelles faites de déceptions et de désillusions auxquelles il dit n’avoir pas été préparé ; « chutes victoriennes » d’où ricocher sur « les chutes vues au gabon » puis sur la « cascade de couz », « au goût de vacances » ; de là, vagabondage dans le pays grand-maternel de Chambéry où il croise Jean-Jacques Rousseau à qui il consacre trois grands paragraphes qui s’enchaînent dans un même souffle ; le tout s’achevant sur un retour à « la belle cascade de couz » et à la chute conclusive sur le Zambèze :

    « de là à penser qu’il n’y a rien pour moi dans ces chutes, ce serait une jouissance égocentrique, à quoi je ramènerais cet endroit, qui en serait honteuse ; disons qu’elles m’ont épaté, saisi, étonné, frappé, mais pas ému, exprimant par là qu’elles m’ont laissé sur place au lieu de m’emmener… »

    Le poète poursuit sa traversée, avec lui-même en miroir. Le paysage défile en effet sans qu’il parvienne vraiment à se départir de lui-même, à s’évader de ce qui le constitue profondément. Se défaire de ses peurs, peur de se mettre en route de s’abandonner à l’esprit du voyage peur d’être rattrapé par ses « pieuvres » innombrables tant physiques que psychiques qui le guettent et l’attendent au tournant et, par-dessus tout, celle de la solitude dont la présence le submerge

    — « tout coule

    sur le zambèze aussi j’emmène mes bas

    en bas je suis toujours seul

    où que je sois dans le monde » —

    et cette mélancolie qui le poursuit, où qu’il aille et quoi qu’il fasse. Avec ce sentiment de décalage amusé et bienveillant — qui fait sourire — qui caractérise le regard qu’il porte sur lui-même :

    « je fais observer aux enfants cette incroyable variété de paysages, ils me charrient en chœur dès que j’ouvre la bouche dans la voiture; il faut bien que je joue au père, je ne dis pas que je n’y prends pas plaisir… »

    Les fragments de zambèze se suivent sans interruption(s) (autres que les interlignes qui les séparent) formant le déroulé d’un fleuve livré à son rythme propre avec ses pauses intermédiaires de part et d’autre du seul point-virgule. Je cherche les confortables « bouées » d’écriture dont parle le poète dans josé tomas, et je tombe sur la magie de cette phrase, qui procède par transposition d’univers et qui imprime, par dérives silencieuses, des images émouvantes inattendues, de celles grâce auxquelles j’entraperçois, de manière imprévisible, l’arrière-pays mental du poète :

    « pirogues silencieuses comme au temps de l’angélus, les doigts joints aux filets, nous aussi dans la barque on dérivait au bruit du clapot, la canne à la main

    chacun à sa hauteur… »

    Ainsi, « quoi qu’on écrive, on écrit de l’intérieur ».

    Ce qui est écrit là, au cœur de zambèze, est admirable. Le livre à peine refermé, « j’ai envie de rester ».



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Zambèze








    LUDOVIC DEGROOTE


    Vignette ludovic degroote
    Source



    ■ Ludovic Degroote
    sur Terres de femmes

    [Autour figé, amorti, sans attente] (extrait de La Digue)
    Am Timan, Tchad (extrait de ligne 4)
    [chacun nous vivons avec des polyphonies intérieures] (extrait de Monologue)
    [j’aimerais faire quelque chose de tout ça] (extrait de josé tomás)
    josé tomás (lecture d’AP)
    Monologue (Sotto voce de Jean-Louis Giovannoni)
    Retisser la trame déchirée (note de lecture de Sylvie Fabre G.)
    un peu plus au bord
    3 ciels d’ici
    Christine Delbecq | Ludovic Degroote, ChaosCarton



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Recours au poème)
    « méfie-toi du pathétique » (lecture de Monologue de Ludovic Degroote par Angèle Paoli)






    Retour au répertoire du numéro de décembre 2015
    Retour à l’ index des auteurs
    Retour à l’ index des « Lectures d’Angèle »

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Geoffrey Squires | [L’obscurité nous a mis à la dérive encore]



    [DARKNESS HAS SET US ADRIFT AGAIN]



    Darkness has set us adrift again
    without our knowing it we have become
    children of the early morning tide
    while we lay and dreamed, the night
    slipped us our moorings

    we have been offered immortality
    but we prefer to take our chance
    out of homesickness perhaps
    or out of pride, or fear
    of another Troy

    yesterday I thought I saw again
    behind me on the horizon smoke
    from the burning city and a vision of
    my son praying, washing his hands
    in the grey surf






    [L’OBSCURITÉ NOUS A MIS À LA DÉRIVE ENCORE]



    L’obscurité nous a mis à la dérive encore
    sans que nous le sachions nous étions devenus
    enfants de la marée matinale
    alors que nous étions couchés et rêvions, la nuit
    a largué nos amarres

    on nous a offert l’immortalité
    mais nous préférons tenter notre chance
    par mal du pays peut-être
    ou par fierté, ou par peur
    d’une nouvelle Troie

    hier j’ai cru voir à nouveau
    derrière moi dans l’horizon la fumée
    d’une cité en flammes et la vision de
    mon fils priant, lavant ses mains
    dans les vagues grises



    Geoffrey Squires, Pierres noyées, édition bilingue, Éditions Unes, Nice, 2015, pp. 78-79. Traduit de l’anglais (Irlande) par François Heusbourg. Vignette de couverture de Robert Groborne.






    Pierres-noyees





    GEOFFREY SQUIRES


    Geoffrey Squires
    Source



    ■ Geoffrey Squires
    sur Terres de femmes

    Sans titre (extrait)
    [The sound changes as it moves] (extrait de Paysages et silences)





    Retour au répertoire du numéro d’octobre 2015
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Emily Dickinson | [We learned the Whole of Love]




    [WE LEARNED THE WHOLE OF LOVE]



    We learned the Whole of Love —
    The Alphabet — the Words —
    A Chapter —then the mighty Book —
    Then — Revelation closed —

    But in each Other’s eyes
    An Ignorance beheld —
    Diviner than the Childhood’s
    And each to each, a Child —

    Attempted to expound
    What neither — understood —
    Alas, that Wisdom is so large —
    And Truth — so manifold!






    [NOUS AVONS APPRIS L’AMOUR TOUT ENTIER]



    Nous avons appris l’Amour tout Entier —
    L’Alphabet — les Mots —
    Un Chapitre — puis le grand Livre —
    Puis — la Révélation s’est refermée —

    Mais dans les yeux de l’autre
    Une Ignorance observait —
    Plus divine que celle de l’Enfance
    Et l’un pour l’autre, un Enfant —

    Tentait d’expliquer
    Ce qu’aucun de nous — ne comprenait —
    Hélas, que la Sagesse est si vaste —
    Et la Vérité — si variée !



    Emily Dickinson, Nous ne jouons pas sur les tombes, Éditions Unes, 2015, pp. 26-27. Traduit de l’américain par François Heusbourg. Avant-propos de Caroline Sagot Duvauroux [ouvrage à paraître le 15 septembre 2015].






    ____________________________

    NOTE DE L’ÉDITEUR : difficile d’aborder l’œuvre d’Emily Dickinson, qui n’a jamais composé de recueil, et dont les 1 800 poèmes sont répartis sur une période de 30 ans. Durant cette vaste période, son écriture et ses préoccupations changent, certains de ses proches disparaissent, sa santé s’altère… ce qui rend délicate l’appréhension de cette œuvre qui ne semble pouvoir s’approcher que frontalement.

    L’éditeur a pris ici le parti de présenter un choix de poèmes recueillis dans les limites arbitraires d’une année d’écriture, ici 1863, qui est l’année la plus productive de l’auteur. La sélection publiée, organisée comme un véritable livre et non pas comme une succession de textes, comporte une soixantaine d’entre eux (sur les 300 écrits dans la période) réunis par la proximité de leurs thèmes : la solitude, les limites de la mortalité humaine, la vie quotidienne dans une petite ville de province, et ce dialogue si particulier qu’Emily Dickinson entretenait avec ce qu’on pourrait appeler ses lecteurs invisibles, quelque part entre la confession, le journal et la correspondance. Il naît un trouble au fil de la lecture, comme un rapport d’exclusivité entre l’auteur et le lecteur, la sensation d’une relation de l’un à l’autre ; une voix qui chuchote par-dessus le temps et dont la vitalité intime ne s’altère pas.






    Couverture Dickinson



    EMILY DICKINSON


    Emily Dickinson Guidu
    Image, G.AdC





    ■ Emily Dickinson
    sur Terres de femmes


    10 décembre 1830 | Naissance d’Emily Dickinson
    15 mai 1886 | Mort d’Emily Dickinson
    [As imperceptibly as Grief]
    [Je compte]
    Quatrains
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait d’Emily Dickinson (+ Lettre à Thomas W. Higginson)





    Retour au répertoire du numéro de septembre 2015
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Caroline Sagot Duvauroux | [Être serait-il le reflet d’une hypothèse… ?]




    Sagot Des mots un peu vides cherchent un ordre de bataille autour du vide.
    Ph., G.AdC







    [ÊTRE SERAIT-IL LE REFLET D’UNE HYPOTHÈSE… ?]




    Être serait-il le reflet d’une hypothèse qui comprend le toucher la vue ou l’ouïe ? seul je touche et voit puis nous buvons au reflet


    Je fut-il le verbe d’aime dont tu fut le sujet ?


    Et peut-être d’aller car nous allions plutôt que nous n’étions


    Se taire ? je se taisant ne tait pas grand-chose d’autre qu’aller si du moins grand-chose fut aller


    D’œil et d’oreille et d’aventure
    si d’aventure nous fûmes


    Restait un corps, écrit Dumas à la fin de Bragelonne, dieu avait rappelé les âmes


    Des mots un peu vides cherchent un ordre de bataille autour du vide. Serait-ce l’absence ?


    L’absence peut-elle ce que la présence récolte à la syntaxe ?


    Tu, ne sera jamais dit je. Jamais !


    Tu oriente, je va. Tu est un nom je n’est qu’un verbe. Tu implique je qui n’implique pas tu. Tu est un nom, je nomme. Je est un pronom que tu prénomma. Je t’ai nommé tu. Tu ne m’as pas nommée je. Tu est le lieu que je légenderait en disparaissant. En tu j’appareille, en je tu échoue


    Racontait-il

    Tu est le nom de ta mère et de mon fils. Je n’est rien sans naître. Tu existe, je naît

    Racontait-il

    Car je transite jusqu’à tu. Dans la transitivité inversée de tu m’existe d’exister

    J’éclate l’orage mais tu tombes la foudre

    Sinon tombe la foudre

    Racontait-il

    La foudre gouverne

    Reprenait-il

    Faut-il cesser d’écrire quand
    on n’a plus qu’une chose à dire ?
    Non, si tu peux la dire
    Je ne peux pas la dire
    Alors tais-toi
    Non


    Il faut bien épuiser le sujet pour qu’entre 2 soubresauts, un narrateur accueille les tribus d’Omega et même s’il sait que les épreuves sont plus complexes que les éventualités, il faut bien qu’il raconte encore ou alors. Il vient de si loin


    Prends place, narrateur, je l’altéré définitif nous débouche une bouteille à Tanger



    Caroline Sagot Duvauroux, ’j, Editions Unes, 2015, pp. 58-59-60. Vignette de couverture de Claude Royet-Journoud.





    JSagot Duvauroux





    CAROLINE SAGOT DUVAUROUX


    Caroline Sagot Duvauroux 2




    ■ Caroline Sagot Duvauroux
    sur Terres de femmes

    Le Livre d’El d’où (lecture d’AP)
    [La poésie ne traduit pas] (extrait du Livre d’El d’où)
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    Le silence serait-il l’enjeu de la parole ? (un autre extrait du Livre d’El d’où)
    L’eau puissante ? (extrait de Aa Journal d’un poème)
    [Baie](extrait de Canto rodado)
    Le Buffre (lecture de Tristan Hordé)
    [Je dissone] (extrait de L’Herbe écrit)
    Mais avant (extrait du Buffre)
    Le Vent chaule (lecture d’AP)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur remue.net)
    « L’intime dehors » (une conversation du 23 août 2012 avec Caroline Sagot Duvauroux)
    → (sur Ta résonance)
    Cacophonie vs. polyphonie ou la musicalité de tout dans l’œuvre poétique de Caroline Sagot Duvauroux (par Serge Martin)


    Retour au répertoire du numéro de mai 2015
    Retour à l’ index des auteurs


    » Retour Incipit de Terres de femmes