Étiquette : éditions Unicité


  • Laurence Bouvet | Perpétuelle et nue l’étoile


    PERPÉTUELLE ET NUE L’ÉTOILE



    comme une femme
    faite de plusieurs alcools
    de plusieurs nuits superposées

    sur le chemin des crêtes elle va
    parmi les parfums de linge propre
    et les marelles d’antan
    dos éparpillé ventre décousu
    arraché du rien du manque
    sans mémoire à venir
    sans visage réfléchi
    et pour dormir le jour
    la douceur inédite d’un sein blanc halluciné




    femme faite de plusieurs alcools
    de plusieurs nuits superposées
    la lune pleine achève son risque
    au sommet des montagnes
    plus infinie que notre sang

    une voix blonde murmure :

    chaque dormeuse dans sa langue de craie
    sait où puiser ses profondeurs





    femme faite de plusieurs alcools
    de plusieurs nuits superposées
    quand le temps d’y penser à peine

    seul le poids d’un nuage rassemble le ciel

    femme faite et défaite
    épuisée de dire les corps
    dans ce mouvement de hanche
    et de chute consentie




    Laurence Bouvet, À hauteur du trouble, éditions Unicité, 2021, pp. 23-25. Dessins couverture et intérieur : Robert Lobet.






    A-hauteur-du-trouble4




    LAURENCE BOUVET


    Laurence_Bouvet_Setka_Film_moyen
    Ph. d’après Setka films




    ■ Laurence Bouvet
    sur Terres de femmes


    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Ce vers quoi
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Laurence Bouvet (+ un poème extrait de Comme si dormir)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur La Pierre et le Sel)
    « Laurence Bouvet, poésie en vie », un article de Pierre Kobel
    → (sur La Pierre et le Sel)
    « Comme si dormir », un entretien de Laurence Bouvet avec Pierre Kobel (28 mai 2013)
    → (sur Recours au poème)
    une notice bio-bibliographique sur Laurence Bouvet





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  • Anne-Emmanuelle Fournier | [Quand s’épuise la lumière]



    Dans les replis de l’heure fantôme. jpg
    Des silhouettes bruissent      dans les replis de l’heure fantôme
    Ph., G.AdC






    [QUAND S’ÉPUISE LA LUMIÈRE]



    Quand s’épuise la lumière
    de lents oiseaux nous traversent
    portés par une marée invisible
    presque silence            presque

    froissement


    L’air du soir est une odeur
    qui s’incline sur les cheveux
    des nuées d’insectes montent      comme en rêve
    à la lisière mouvante
    où l’herbe devient brume


    Des silhouettes bruissent      dans les replis de l’heure fantôme
    multitudes.

    Qui voudrait alors
    d’un autre monde ?




    Anne-Emmanuelle Fournier, « Vers l’estive », La Part d’errance, éditions Unicité, Collection Le Vrai Lieu dirigée par Laurence Bouvet, 2021, page 29. Préface de Jean-Yves Masson. Gravures de Régis Rizzo.






    Anne-Emmanuelle Fournier  La Part d'errance 3





    ANNE-EMMANUELLE FOURNIER


    Anne-Emmanuelle-Fournier_3917
    Source




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Unicité)
    la page de l’éditeur sur La Part d’errance d’Anne-Emmanuelle Fournier
    → (sur Recours au Poème)
    une notice bio-bibliographique sur Anne-Emmanuelle Fournier





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  • France Burghelle Rey | [qu’importe le temps]


    [QU’IMPORTE LE TEMPS]




    qu’importe le temps si je crée mon lieu
    les mois les années sont des ruines
    que mes mots déblaient

    avec ces maîtres qui font mon destin
    avec le présent de ma voix comme espoir

    je ne regrette plus mes prières d’enfant

    et m’adresse ici
    à vous mes lecteurs
    mes amis mon avenir
    ô murs de ma maison !

    de ruines en ruines
    j’édifierai mon lieu
    mes murs comme des mots
    mes mots comme des murs
    sans souvenir l’émotion retrouvée

    pour des ruines nouvelles
    et regardant l’avenir
    j’édifierai l’espoir
    qui sous les rêves bat

    sans crainte de l’échec mais triomphe du désir
    et fuite de la fin
    quand seul vaut le procès
    j’avancerai

    et si sans émotion
    je soulevais tous les cœurs
    miracle des mots sans la vie

    quand guérira cet automne malade
    où pourrissent les pétales de l’été ?

    l’air est lourd de souvenirs
    mais j’ai tué le passé
    et la maison blanche est à vendre

    qui alors se souviendra
    du fou du village et des rêves de l’enfance
    si je n’y reviens pas ?





    France Burghelle Rey, «III – L’Automne bleu », Lieu en trois temps suivi de L’un contre l’autre : Gegenüber, Poésie, éditions Unicité, 91530 Saint-Chéron, 2020, pp. 129-131.






    France Burghelle Rey  Lieu en trois temps



    FRANCE BURGHELLE REY


    France Burghelle Rey NB





    ■ France Burghelle Rey
    sur Terres de femmes


    Après la foudre (lecture de Philippe Leuckx)
    Trop (extrait du Bûcher du phénix)
    Les Tesselles du jour (extraits)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Lumière du poème




    ■ Voir aussi ▼


    le blog de France Burghelle Rey
    → (sur le site des éditions Unicité)
    la fiche de l’éditeur sur Lieu en trois temps de France Burghelle Rey





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  • Marie-Philippe Deloche | Philippe Bouret | [Partition du jour naissant]



    Vague
    Collage photographique, G.AdC





    [PARTITION DU JOUR NAISSANT]




    Partition du jour naissant
    Dans la chambre
    Sous le drap

    Les objets lentement se dessinent
    Le temps reprend
    Attend ses couleurs



    Assis là
    tout près
    s’extraire
    du cadre
    dans l’oubli
    capter
    l’instant
    fulgurance
    de la gueule

    Taille directe
    dans l’éther
    à la lame

    Le trait s’essouffle
    à la forge
    des soupirs
    quand l’éclair
    poinçonne
    la langue

    Mirage cruel
    par temps de pluie




    L’atmosphère balbutie des lettres
    C’est un peu vague dans ma tête
    Paroles malentendues se décalent
    entre les arbres
    Variations qui vont et viennent
    jusqu’au silence




    Marie-Philippe Deloche | Philippe Bouret, De si longtemps avant les mots, Une conversation poétique, poèmes, éditions Unicité, Collection Le Vrai Lieu dirigée par Laurence Bouvet, 91500 Saint-Chéron, 2020, pp. 114-116.




    __________________
    NOTE : Les textes de Marie-Philippe Deloche sont en romain et celui de Philippe Bouret en italique.





    Deloche 3




    MARIE-PHILIPPE DELOCHE


    Deloche portrait





    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Recours au Poème)
    une page consacrée à Marie-Philippe Deloche






    PHILIPPE BOURET


    Philippe Bouret NB





    ■ Philippe Bouret
    sur Terres de femmes


    Claudine Bohi, Philippe Bouret, Cet enfant sans mot qui te commence (lecture d’AP)




    ■ Voir encore ▼


    → (sur lelitteraire.com)
    Marie-Philippe Deloche & Philippe Bouret, De si longtemps avant les mots (lecture de Jean-Paul Gavard-Perret)





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  • Francis Coffinet | [Si tu hésites entre deux chemins]


    [АКО СЕ ВЪЛНУВАШ МЕЖДУ ДВЕ ПОСОКИ]




    Aко се вълнуваш между две посоки
    не избирай паметта
    а с изъхващия лист
    цтигни до корена


    недей се доверява на жаравата
    не слушай центъра на муэиката
    эащити скалата си, дъжда си.






    [SI TU HÉSITES ENTRE DEUX CHEMINS]




    Si tu hésites entre deux chemins
    ne choisis pas celui de la mémoire
    mais celui de la feuille creuse
    et gagne la racine


    ne te fie qu’à la méditation des braises
    n’écoute que le centre de la musique
    protège ton roc, ta bruine.



    Francis Coffinet, « La terre et la tempe », 12, in Je suis de la maison du songe, poèmes, éditions Unicité, Collection Le Vrai Lieu, dirigée par Laurence Bouvet, 2020, pp. 120-121. Préface d’Alain Borer. Traduction en langue bulgare par Nikolaï Kantchev.





    Francis Coffinet  Je suis de la maison du songe 2



    FRANCIS COFFINET


    Francis Coffinet  portrait
    Source




    ■ Voir aussi ▼


    le site de Francis Coffinet
    → (sur le site des éditions Unicité)
    la fiche de l’éditeur sur Je suis dans la maison du songe





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Hélène Révay | [J’ai ce matin dans la tête…]


    [J’AI CE MATIN DANS LA TÊTE…]




    J’ai ce matin dans la tête
    des festins inavoués,
    des heures tranquilles passées
    sous le soleil du midi
    à flâner et à rêver tout bas
    à la clarté des choses qui naissent
    avec le plus de certitude dans l’imagination.

    J’ai ce matin dans la tête des fêtes
    qui ne trouvent jamais l’aube,
    des offrandes à donner et à recevoir.

    Ce n’est pas que le temps me manque.

    J’ai l’intuition ferme
    que nous guidons notre temps,
    que nous le tordons à notre avantage,
    que nous ne nous calculons que
    par rapport à notre tâche.

    J’ai ce matin dans la tête
    un flux incessant à l’oreille
    et le son des cloches matinales
    pour guider mon éveil.




    Hélène Révay, J’emprunte la route qui rend fou l’horizon [Recours au poème éditeurs, 2015], éditions Unicité, Collection Le Vrai Lieu dirigée par Laurence Bouvet, 91530 Saint-Chéron, 2020, pp. 24-25.





    Helene Révay  J'emprunte la route qui rend fou l'horizon 3




    HÉLÈNE RÉVAY


    Helene Revay2
    Ph. Tous droits réservés




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Recours au Poème)
    une notice biographique sur Hélène Révay
    → (sur le site des éditions Unicité)
    la fiche de l’éditeur sur J’emprunte la route qui rend fou l’horizon





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    » Retour Incipit de Terres de femmes

  • Fabrice Farre | L’oiseau de jour…


    L’OISEAU DE JOUR…




    L’oiseau de jour surgit tout à coup
    des masses les plus sombres. Avec lui
    reviennent les contours, puis la chair :
    cette preuve que nous ne sommes pas
    d’ailleurs. Pourtant, l’aile touche l’absence
    où nous n’avons que faire des certitudes.
    Là-haut, une fois le pôle atteint, la plume et le cri
    s’effacent ; le lieu n’a plus aucune
    consistance. Nous voici rivés au port sans bateau,
    l’ultime recours est de croire peut-être au ciel.




    Fabrice Farre, Avant d’apparaître, 24, poésie, éditions unicité, Collection Le Vrai Lieu dirigée par Laurence Bouvet, 2020, page 30.





    Fabrice Farre  Avant d'apparaître 4




    FABRICE FARRE


    Fabrice-Farre-690x1024
    Source




    ■ Fabrice Farre
    sur Terres de femmes


    Moitié (poème extrait de La Figure des choses)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Recours au poème)
    une notice bio-bibliographique sur Fabrice Farre
    → (sur le site des éditions unicité)
    la fiche de l’éditeur sur Avant d’apparaître de Fabrice Farre
    → (sur Terre à ciel)
    un entretien avec Clara Regy
    → (sur le n° 8 de la revue Levure littéraire)
    une page sur Fabrice Farre





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Irène Dubœuf | Lisières



    LISIÈRES
    (extrait)




    Quand trop de voix familières
    jonchaient le bas-côté des jours
    j’écrivais
    pour détourner le temps
    prendre le pouls de la mémoire
    dans le ravissement d’un arrêt sur image.

    Mais déjà le chemin s’effaçait
    à la lisière des mots

    et l’on n’entendait plus que des voix
    indistinctes
    rudes comme la rouille
    des faux abandonnées

    et l’image n’était plus
    qu’un obscur reflet
    qui à tout moment
    pouvait blesser la lumière.





    Irène Dubœuf, « Lisières » in Effacement des seuils, éditions Unicité, 2019, page 45. Aquarelles couverture et intérieur : Catherine Sourdillon.





    Irene Duboeuf  Effacement-des-seuils





    IRÈNE DUBŒUF


    Irene Duboeuf 2
    Source




    ■ Irène Dubœuf
    sur Terres de femmes

    [Incertitude du ciel] (extrait de Cendre lissée de vent)
    [Une lueur confuse s’empare de la terre] (extrait de Triptyque de l’aube)




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des editions Unicité)
    la fiche de l’éditeur sur Effacement des seuils
    le site d’Irène Dubœuf
    → (sur le site de la revue en ligne Possibles, nouvelle série [n° 4, janvier 2016])
    une page consacrée à Irène Dubœuf
    → (sur Terres de femmes)
    Amedeo Anelli | Gli invisibili (traduction inédite d’Irène Dubœuf)





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  • Anne-Lise Blanchard, Les jours suffisent à son émerveillement

    par Michel Ménaché

    Anne-Lise Blanchard, Les jours suffisent à son émerveillement,
    Éditions Unicité, 2018.



    Lecture de Michel Ménaché




    À l’âge où l’avenir se rétrécit, vient le temps des nostalgies, des souvenirs prégnants ou des brumes de mémoire, la brûlure récurrente des séparations et des deuils. Anne-Lise Blanchard revient sur les instants de bonheur, les chagrins, les surprises de l’existence dans un recueil achronique de fragments autobiographiques, à la troisième personne. « Elle » fait jaillir le merveilleux là où les gens pressés ne perçoivent que l’ordinaire banalité du quotidien. Depuis Hölderlin, cette aptitude de l’accueil relève d’une sensibilité exacerbée à habiter poétiquement le monde. Et c’est en poète que l’auteure cisèle ses proses sensuelles dans lesquelles les odeurs, les couleurs, les rires et les larmes retrouvent leur fraîcheur native. Émotion et légèreté s’accordent dans une tonalité délicate. Avec une économie de mots, un art de l’ellipse qui fixent l’éphémère sur la page, sans lui briser les ailes…

    Dès les premières pages, le rapport tactile et olfactif aux êtres aimés est prépondérant. Enfant, la narratrice reconnaît la présence de la mère à l’odeur de fleur d’oranger  :


    « elle embrasse sa main. Elle se cache dans son cou ».


    Elle a grandi, vécu une première relation amoureuse. Ellipse suggestive  :


    « Ils apprennent leurs mains les yeux fermés. Sans mots. Sans oreilles. »


    Et quand elle va devenir mère, il y a comme un renversement des rôles sous la peau :


    « Elle est de plus en plus légère. L’enfant la porte ».


    Joie profonde éprouvée comme une harmonie totale avec la nature :


    « Ses pieds dansent et l’enfant danse avec elle à l’unisson des mousses et des sources. »


    Du souvenir d’une naissance proche à celui d’une disparition imminente, on retrouve la même confiance, la même tendresse partagée, sobrement évoquée :


    « Elle n’a pas peur. Elle emporte le dernier sourire. »


    Parfois, c’est un détail infime qui a retenu un instant l’attention et qui ne s’est pas effacé de la mémoire, un oiseau qui s’est invité à table, posé sur une assiette. Un autre jour, le sauvetage d’un chaton juste né dont la mère trop âgée n’a pas de lait. Un ciel d’hiver derrière la vitre. Théâtre des choses vues. Parti pris de l’œil.

    Quelques scènes plus intenses recréent un lien fort après des années d’éloignement. Par exemple, un malentendu filial enfoui qui se dénoue au hasard. De passage chez ses parents, la narratrice entend une sonate au piano qu’elle n’identifie pas, demande à la mère si c’est la radio. Celle-ci lui apprend que c’est le père qui joue. Elle n’en revient pas, s’approche, très émue :


    « Elle pleure. Allégeance. »


    Le père lève le voile sur cet instrument qu’elle aussi, enfant, aurait voulu apprendre à jouer. C’était l’époque des vaches maigres, les premières années difficiles après le rapatriement des Français d’Algérie. Réponse abrupte :


    « Mais ma petite, tu voulais que je te dise que je n’avais pas un rond. »


    Autre souvenir marquant d’une visite au cimetière décrite en quelques touches brèves d’une fine poésie. Nettoyage et fleurissement de la tombe familiale. Apaisement intérieur. Délicatesse des trois dernières phrases, parfait tercet lyrique en prose :


    « Un nuage passe sur le soleil. Le soir peut descendre. Elle a bordé ses morts. »


    Une vie d’amour mais une vie émiettée par l’absence répétée du « visiteur », père des deux enfants. L’ellipse métaphorique touche le lecteur avec justesse :


    « Elle l’attend. Sa vie entière est une salle d’attente dont elle aura eu à cœur de renouveler les couleurs. »


    Sans doute ont-ils dansé leur vie mais quand la famille se retrouve démembrée, la solitude pèse encore davantage. Chagrin et nostalgie :


    « Elle pleure tout ce qui s’est défait […] Enfants où êtes-vous ? »


    « Écrire, c’est justifier une vie », affirme Annie Ernaux. Pour Anne-Lise Blanchard, c’est aussi, par-delà les blessures de l’existence, dans la ferveur de l’instant, infuser la joie et les larmes dans l’encre.



    Michel Ménaché
    D.R. Texte Michel Ménaché
    Pour Terres de femmes







    Blanchard 400px






    ANNE-LISE BLANCHARD


    Anne-Lise Blanchard
    Source




    ■ Anne-Lise Blanchard ▼
    sur Terres de femmes


    [Combien de joies vivons-nous en une vie ?] (extrait des Jours suffisent à son émerveillement)
    Éclats
    [La nuit vient en dormant] (extrait d’Épitomé du mort et du vif)
    Le Soleil s’est réfugié sous les cailloux (lecture d’AP)
    [Hurlements sirènes] (extrait du Soleil s’est réfugié sous les cailloux)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Elle est à marée




    ■ Voir aussi ▼


    le site personnel d’Anne-Lise Blanchard
    → (sur le site des éditions unicité)
    la fiche de l’éditeur sur Les jours suffisent à son émerveillement




    ■ Autres lectures de Michel Ménaché
    sur Terres de femmes


    Mireille Fargier-Caruso, Comme une promesse abandonnée
    Maram al-Masri, Métropoèmes
    Paola Pigani, Le Cœur des mortels
    Florentine Rey, Le bûcher sera doux






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  • Anne-Lise Blanchard | [Combien de joies vivons-nous en une vie ? ]



    [COMBIEN DE JOIES VIVONS-NOUS EN UNE VIE ?]




    Combien de joies vivons-nous en une vie ? Elle ne saurait les compter. Parfois un visage ou un paysage la traversent, elle sourit. Parfois un air de musique ou une odeur, elle sourit. Parfois un geste ou un silence, elle sourit.



    […]



    Depuis que la maison est vide, elle va à la plage en fin d’après-midi. Une bande d’ombre recouvre déjà le sable. Elle nage nue dans le rayon de soleil. Ses doigts fendent l’eau brièvement, ses pieds restent souples. Plus chaude que l’air en cette saison, l’eau glisse sous son corps. Elle entend sa respiration régulière. Parfois, elle se retourne et se laisse porter par le ressac. Elle contemple le ciel. Quand le froid compresse la tête, elle reprend la nage. Les bronzeurs ont quitté la plage. Elle cherche la bande de sable encore tiède sous le soleil qui faiblit. Vous nagez vite. Elle ouvre les yeux, le regarde. Il est jeune, calme. Il pourrait être son fils. Il a posé ses vêtements à côté. Elle sourit, l’interroge. Lui aussi vient tard, quand il a terminé son travail. Il ouvre des restaurants. Il lui indique les meilleurs de la région, ils sont rares. Ils bavardent, elle oublie l’heure jusqu’à ce qu’elle frissonne. Vous avez froid. Ses doigts effleurent sa cuisse. Puis il lui tend sa robe. Ils sont silencieux dans leurs sourires. Une entre-vie.



    […]



    Elle ralentit le pas. Elle se laisse distancer, elle n’est pas pressée. Elle regarde tout ce vert, tout ce rose qui se précipite sur le chemin. Une telle éclosion est comme une offrande à l’amour qui la balaie. C’est un chœur chatoyant dont elle veut qu’il persiste. Elle limite son vœu à un an, elle se résigne. Elle n’ose pas être excessive avec le bonheur. Elle le voit enfin qui surgit après un massif de rhododendrons. Elle le regarde avancer d’un pas têtu, paysan. Pourtant aérien. Il lui fait un petit signe de la main. Il avance les mains croisées, les pouces dans les passants des bretelles du sac. Il dépose un baiser dans son cou. Le soleil se fait plus doux sur ses épaules. Avec soin il rajuste son sac. Elle se laisse faire dans une sorte d’extase. Elle aime regarder ses gestes, sa façon de réfléchir en même temps. Rester là à le regarder. Dans la profusion des couleurs. Pour ne pas avoir peur d’une fin.



    Anne-Lise Blanchard, Les jours suffisent à son émerveillement, Éditions Unicité, 2018, pp. 7, 52, 58.






    Blanchard 400px






    ANNE-LISE BLANCHARD


    Anne-Lise Blanchard
    Source




    ■ Anne-Lise Blanchard ▼
    sur Terres de femmes

    [La nuit vient en dormant] (extrait d’Épitomé du mort et du vif)
    Les jours suffisent à son émerveillement (lecture de Michel Ménaché)
    Éclats
    Le Soleil s’est réfugié sous les cailloux (lecture d’AP)
    [Hurlements sirènes] (extrait du Soleil s’est réfugié sous les cailloux)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Elle est à marée




    ■ Voir aussi ▼

    le site personnel d’Anne-Lise Blanchard
    → (sur le site des éditions unicité)
    la fiche de l’éditeur sur Les jours suffisent à son émerveillement






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