Étiquette : éditions


  • Manuel Daull | [écrire c’est]



    [ÉCRIRE C’EST]



    écrire
    c’est, je
    crois — venir muet
    sur ce territoire-là
    attendre
    que ces voix se révèlent
    pas à moi seulement
    mais c’est moi qui viens là
    pour les entendre
    c’est moi
    qui tente
    de leur faire de la place
    de leur rendre la parole
    qui mets mon attention à leur écoute
    le reste
    n’est qu’une histoire de place
    même ici
    la mienne comme la leur
    une histoire
    d’humilité et de priorité
    de sincérité simplement

    j’aime
    cette idée de parole rendue
    l’Ager Publicus
    de la langue belle en pâture
    en friche
    la belle jachère
    dont on fait
    les plus beaux bouquets de vivaces
    parfois mieux
    que des plantations
    nées de votre main

    je
    viens là faire paître mon troupeau — je
    suis à l’écoute
    j’écris
    l’impersonnel de nos vies
    nos beaux transports de l’intime
    un intime qui n’est pas le mien

    je
    suis cet homme
    dont l’attention, ici
    se traduit juste
    par l’écoute
    et la parole rendue
    un petit homme
    qui regarde
    les choses à la hauteur
    de ses yeux
    et qui le sait



    Manuel Daull, La Vie à l’usage, éditions LansKine, 2016, pp. 58-59-60.






    Manuel Daull  La Vie à l'usage





    MANUEL DAULL


    Manuel Daull  jpg
    Source




    ■ Manuel Daull
    sur Terres de femmes

    [je connais depuis longtemps la fragilité des hommes] (extrait de Fragiles )




    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site des éditions LansKine)
    la fiche de l’éditeur sur La Vie à l’usage
    le site de Manuel Daull
    → (sur YouTube)
    Manuel Daull lit quelques extraits de La Vie à l’usage





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Albertine Benedetto | Glottes



    Manège de la liste des souvenirs des courses des idées des bouts de phrases glanées
    Ph., G.AdC






    GLOTTES
    (extrait)




    ….me Virginia par la bouche de Mrs Dalloway qui dit qu’elle achètera elle-même les fleurs pour le soir ça n’est pas neuf mais c’est dans moi aussi cette coulée verbale une bouillie le plus souvent les mille riens qui font une existence quelque chose de pitoyable si on y pense trop tellement de matière comme une boue et le verbe nous tient la tête hors sinon ces choses de la vie si petites nous prendraient entièrement alors les mots braves fourmis en colonnes serrées qui vont à leur affaire sans se poser de questions classent rangent trient nomment nettoient jusqu’à la cendre l’insignifiance du vivre on voudrait bien parfois que ça s’arrête parce que ça tourne à l’obsession ce manège de la liste des souvenirs des courses des idées des bouts de phrases glanées ce matin au café entrées elles aussi dans la sarabande ce gaspillage des mots cette merveille tout ça parce qu’on se croit vivant à passer repasser la bande des étiquettes des fois qu’on se perdrait qu’on ne saurait plus où ça se trouve la vie à vivre alors la zique en fond sonore meuble le temps ainsi le verbe jusqu’à la fin l’éternité je crois n’est pas autre chose que le silence la bande son coupée net pfuitt effacée en une fraction de seconde mais tant que alors ça parle rien à faire tous ces mots qui ne servent à rien sinon à défier la mort défilement scories de l’espace et du temps si on les enlevait on resterait stupide si on ne se disait que les mots vrais de ceux qu’on ne prononce pas à la légère même tout bas même pour soi les mots qui font peur et battre le cœur et rire on serait comme des blocs vides privés de la circulation incessante de ces mots ridicules qui ne veulent rien dire mais qui sont là juste pour leur alignement comme sur les monuments aux morts des villages de France ou ceux du Mémorial du World Trade Center tous les mêmes à force d’insignifiance même quand les nouvelles du monde t’arrivent en caravanes radioscopiques te traversent comme si tu étais un jardin rafraîchissant te traversent la guerre la bourse les sans-logis les noyés de la nuit entre deux continents comme toi dans ta vie un radeau entre nuit et jour qui sait si tu y arriveras mais soudain tu as honte des derniers mots pourtant ils se sont élancés à la suite des autres tu n’y peux plus rien comme pour le reste ça avance tout seul dans ta tête et ailleurs c’est pareil à croire que personne n’est maître qu’on fait semblant d’hésiter de choisir quand les mots se bousculent et font toute l’histoire même celle que tu aurais préférée tenir secrète tes blessures intimes pas toujours belles à voir même celle dont tu te fiches tu n’es qu’une éponge à mots il arrive que ce soit toujours le même qui s’obstine tu refais le geste inlassablement d’une qui tord le même linge jusqu’à le presser de toute l’eau et le mettre à sécher au vent et au soleil sauf que pour toi il n’y a ni vent ni soleil juste l’eau à presser tellement que tu dois en avoir la cervelle toute rouge ou verte à force tu vas devenir mousse mais tu sais que jamais les mots ne prennent racine ils finissent par s’arracher même quand ça patine ça finit par avancer avec une secousse un hoquet ça reprend la ligne et ça file droit les mots laissent la place aux mots dans l’interstice du sommeil il y les mots du rêve morts nés mais au réveil tu continues avec juste un peu plus d’ombre des mots en creux des mots imprononcés qui alourdissent le train tu voudrais bien fermer l’accès t’asseoir au milieu d’eux ne pas toujours marcher au milieu des avalanches des éboulis déblayer un peu le chemin goûter la transparence te tenir prête pour accueillir le mot celui qui te ferait danser au lieu d’avoir le nez sur les choses pas moyen de prendre un peu de hauteur c’est toujours rasibus les mots ne t’aident pas ils t’enfoncent même si tu fermes les oreilles que tu éteins radio ordinateur que tu te fais sourde à la jacasserie du monde parce que tu ne veux plus de ce désert où des hommes crient tu sais qu’il faudrait aller plus loin dans la clôture t’amputer peu à peu des nouvelles des aimés et puis ne plus bouger parce que la moindre oscillation tu le sais provoque le tangage des mots et que l’inquiétude de vivre passe par ce roulis tu le sais alors tu vas continuer sans savoir jusqu’où tu pourras le supporter si à force de bavardage tu n’en auras pas assez de ces parasites com…



    Albertine Benedetto, « Glottes » in Glossolalies, éditions de l’Amandier | Poésie, Collection Accents graves Accents aigus, 2013, pp. 22-23-24.






    Albertine Benedetto, Glossolalies
    ALBERTINE BENEDETTO


    Albertine Benedetto.
    Source




    ■ Albertine Benedetto
    sur Terres de femmes


    [Ordinaire] (extrait du Présent des bêtes)
    [Si calme le piano] (extrait de Sous le signe des oiseaux)
    Vider les lieux (lecture d’AP)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Baltique



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Recours au Poème)
    une notice bio-bibliographique sur Albertine Benedetto
    (sur le site des éditions de l’Amandier)
    la fiche de l’éditeur sur Glossolalies





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Colette Deblé | Figure(s) libre(s)

    Chroniques de femmes – EDITO

    Chronique d’Isabelle Lévesque


    Colette Deblé, La même aussi,
    Éditions Æncrages & Co,
    Collection Oculus, 2009.
    Texte et linogravures originales (3) de Colette Deblé.





    Colette Deblé 1





    Figure(s) libre(s)
    COLETTE DEBLÉ





    Je suis la généalogie de ce qui n’est plus.
    C.D.



    Lire et voir La même aussi, de Colette Deblé, dans la collection de livres-autoportraits d’artistes des éditions Æncrages& Co.

    Oculus. Et la voix. Par le hublot de la première de couverture, percevoir l’abstraction filée, couleur soleil (jaune, orange en bascule). Le feu et l’air, l’envolée. Il faut tourner la page pour saisir l’ensemble : un visage, une femme. Chevelure dentelée, autoportrait.

    Les noms seront puisés dans l’histoire de l’Art, la couleur inventera le présent. Projet construit d’extraire des toiles les femmes. Redevenues, elles tremblent, leurs couleurs composées se métamorphosent. Pas question de les fixer : en terre, argile, la roue tourne. Pas pétrifiées, le dégradé figure le devenir et l’osmose. Une femme lit en peignant le destin. Le destin des fées devient, non un fil brisé, une relecture brillante et signifiante de ce que fut (est/sera) : la femme. Légère, en lutte, assoiffée : ce qui est commun, c’est ce pochoir infaillible et relu. Voici La même aussi, pas un manifeste, le creuset des années passées à dévoiler l’être d’une femme, à travers toutes les autres.

    « La vérité n’est que dans la répétition, l’acharnement à être. »

    À s’en mordre les doigts vivants, à saigner, à ressusciter. L’oubli est fossoyé, terre livrant les corps enchantés, désabusés, victorieux. Dès le premier texte, l’« arrachement » : ce mot exprime la méthode. Long, violent effort pour que la mémoire se fonde sur l’extraction (la naissance) d’un détail. Topique, le modèle, la femme érigée devenue « elle-même », une autre donc grâce à la reproduction singulière, la re-lecture de Colette Deblé. Pas une oubliée ne restera tapie (cachée) au fond du puits de l’histoire.

    Après l’autoportrait en ouverture, deux autres linogravures accompagnent le texte. La première vient de la Madonna del Parto, de Piero della Francesca, peinte vers 1455. Sur la fresque visible à Monterchi, en Italie, Marie est entourée de deux anges exactement semblables, mais symétriques, en miroir dirait-on, reflet dont les couleurs sont inversées. Le peintre aurait utilisé le même carton. Ces deux anges écartent les pans de rideaux d’un baldaquin. Dans la gravure de Colette Deblé, seule figure la femme enceinte, une main sur la hanche, l’autre glissée dans l’entrebâillement de la robe, sur son ventre rond. Fini, le décor irréel qui lie cette femme à un destin voulu par d’autres. Elle est là, seule ― de tout son poids.





    Colette Deblé, La Madonna del parto





    La deuxième gravure est extraite d’un autoportrait d’une femme au destin d’exception : Sofonisba Anguissola 1. Née à Crémone, en Lombardie, entre 1528 et 1535. Son père, noble et humaniste, lui fit apprendre la peinture. Elle excellait en particulier dans l’art du portrait et, pour cela, fut appelée à la cour du roi d’Espagne Philippe II. Vasari et Michel-Ange louèrent son talent. Étant noble, elle ne pouvait pratiquer la peinture comme profession, mais obtenait des cadeaux et faveurs pour ses toiles. Van Dyck, qui fit son portrait en 1623, dit qu’elle avait 96 ans, qu’elle n’y voyait plus guère et conservait un esprit très vif. Elle n’avait cessé de peindre que lorsque sa vue ne lui avait plus permis de continuer. Elle mourut à Palerme en 1625 ou 1626. Elle réalisa, tout au long de sa vie, entre dix et vingt autoportraits. La Sofonisba que nous voyons ici jouait du clavecin, mais le clavecin a disparu. Disparus aussi, le fond sombre, et cette autre femme qui regarde le spectateur, sans doute une servante. Sofonisba a les mains tendues vers le clavier. Elle a été arrachée à son siècle, à son âge, mais aussi à l’ombre du tableau, au noir de sa robe, à sa condition sociale et à ses veuvages.

    « Virgo parturia », pour la première silhouette, une femme peintre qui ajoutait « virgo » à son nom quand elle signait ses tableaux avant son premier mariage. Femmes qui naissent et font naître, à qui appartient leur corps ? à qui leur vie ?

    Toutes deux vivent parmi nous, en notre temps.

    S’obstiner, garder tête haute et l’effort :

    « J’arrache, extrais, isole, ravis, détache, extirpe la femme du contexte, paysage, situations, activités, compagnons, compagnes, représentations, places, mises en scène mythologiques, toilettes, intimités, vanités, époques, patrie. »

    Loi d’exception qui ferait de chacune l’unique mais, en sa descendance, toutes les autres unies : un sort commun pour valoir force faite femme. Et nous, face au temps, La même aussi : dressée. La figure tout à coup surgie – reste suspendue, ici et ailleurs, vibre partout. Colette Deblé, à la main, découpe le tissu léger, enfante, sage-femme faite sœur de toutes. « [A]rrachement », dit-elle : extraction, découpe et elles-toutes roulées voyagent pour être vues. Tour du monde, les femmes dépliées puis accrochées vont dans chaque galerie réveiller les murs d’un cri, pas lamentation, le premier né infini (la femme s’enfante en renaissant). À proliférer, « urgence ». J’aime ce multiple assigné au papier, l’hyperbole infinie de la destinée au féminin en grâce et en lutte :

    « Je suis le trait qui retient les choses, le trait de l’apparition, la mémoire, celui qui reste contre la mort. »

    Être ou suivre (ambiguïté de l’homonymie « je suis ») ? Fil de la vie, chemin que nous sommes. Confusément orchestrés : je et le trait. L’inéluctable bifurque. Les femmes de Colette Deblé ne sont ni des saintes ni des vierges figées. Vivantes, elles officient du côté polymorphe et hirsute de la vie (paysannes, révolutionnaires, religieuses, indiennes : fleurs en faune, attraction de l’archétype et typologie du divers contre tout ce qui fige). De ceux qui ne sont plus là, peintres, hommes souvent épris de silhouettes peintes, l’artiste a gardé le vivant vivace et tournoyant. La danse folle ne finit pas, à son commencement elle remonte toujours pour ne pas perdre.

    Les lavis de Colette Deblé n’épuisent pas la couleur : ils ôtent les traits, donnent au cœur de l’œuvre l’impression glissée d’un passage insensible, l’eau dilue ce qui pourrait être fixe :

    « Je suis le trait qui reste sous le lavis, l’eau qui efface le trait. »

    Mère de chacune, comme s’il s’agissait pour Colette Deblé de prolonger sa propre mère en utilisant la figure multipliée de toutes les singularités puisées dans les toiles. Sauver chacune, lui rendre sa généalogie inventée et devenir, à chaque fois, cette femme peinte qui traverse le temps pour vivre ici et aujourd’hui, « [d]e se fondre. / D’être en fusion. » Peindre pour apprivoiser la peur.

    « Je suis le trait.

    Je suis celui qui suit.

    Celui qui est. »

    Et face à la toile nous rêvons, surpris lorsque nous retrouvons le contexte (clos) de la toile d’origine. La libération a eu lieu, le décloisonnement n’a pas exclu le contexte originel, il l’a fait glisser vers le mouvement infini de la re-présentation et de la couleur fuyant le point fixe qui pourrait l’entraver.



    D.R. Texte Isabelle Lévesque
    pour Terres de femmes





    ________________________________
    1. Sur Sofonisba Anguissola, lire : « Les autoportraits de Sofonisba Anguissola, femme peintre de la Renaissance », par Michelle Bianchini – Revue Italies n°3/1999 – https://italies.revues.org/2600







    Colette Deblé, La même aussi






    COLETTE DEBLÉ


    Colette deblé 6
    Ph. D.R. Steve Seiler
    Source




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de Thierry Delcourt)
    Colette Deblé, entre appropriation et subversion, par Thierry Delcourt
    → (sur Arts-Up)
    Chimie de Colette Deblé ou les Elles du désir, par Jean-Paul Gavard-Perret



    ■ Notes de lecture (55) d’Isabelle Lévesque
    sur Terres de femmes


    Max Alhau, Les Mots en blanc
    Marie Alloy, Cette lumière qui peint le monde
    Gabrielle Althen, Soleil patient
    Françoise Ascal, Noir-racine précédé de Le Fil de l’oubli
    Edith Azam, Décembre m’a ciguë
    Gérard Bayo, Jours d’Excideuil
    Mathieu Bénézet, Premier crayon
    Claudine Bohi, Mère la seule
    Paul de Brancion, Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre
    Laure Cambau, Ma peau ne protège que vous
    Valérie Canat de Chizy, Je murmure au lilas (que j’aime)
    Fabrice Caravaca, La Falaise
    Jean-Pierre Chambon, Zélia
    Françoise Clédat, A ore, Oradour
    Loïc Demey, Je, d’un accident ou d’amour
    Sabine Dewulf, Et je suis sur la terre
    Pierre Dhainaut, Après
    Pierre Dhainaut, Ici
    Pierre Dhainaut, Progrès d’une éclaircie suivi de Largesses de l’air
    Pierre Dhainaut, Vocation de l’esquisse
    Pierre Dhainaut, Voix entre voix
    Armand Dupuy, Mieux taire
    Armand Dupuy, Présent faible
    Estelle Fenzy, Rouge vive
    Bruno Fern, reverbs    phrases simples
    Élie-Charles Flamand, Braise de l’unité
    Aurélie Foglia, Gens de peine
    Aurélie Foglia, Gens de peine
    Philippe Fumery, La Vallée des Ammeln
    Raphaële George, Double intérieur
    Jean-Louis Giovannoni, Issue de retour
    Cécile A. Holdban, Poèmes d’après suivi de La Route de sel
    Sabine Huynh, Les Colibris à reculons
    Sabine Huynh, Kvar lo
    Lionel Jung-Allégret, Derrière la porte ouverte
    Mélanie Leblanc, Des falaises
    Gérard Macé, Homère au royaume des morts a les yeux ouverts
    Béatrice Marchal, Au pied de la cascade
    Béatrice Marchal, Un jour enfin l’accès suivi de Progression jusqu’au cœur
    Jean-François Mathé, Retenu par ce qui s’en va
    Dominique Maurizi, Fly
    Dominique Maurizi, La Lumière imaginée
    Emmanuel Merle, Dernières paroles de Perceval
    Nathalie Michel, Veille
    Isabelle Monnin, Les Gens dans l’enveloppe
    Jacques Moulin, L’Épine blanche
    Cécile Oumhani, La Nudité des pierres
    Emmanuelle Pagano, Nouons-nous
    Hervé Planquois, Ô futur
    Sofia Queiros, Normale saisonnière
    Jacques Roman, Proférations
    Pauline Von Aesch, Nu compris





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Sanda Voïca, Épopopoèmémés

    par Angèle Paoli

    Sanda Voïca, Épopopoèmémés,
    éditions Impeccables, 2015.



    Lecture d’Angèle Paoli



    RESTER VRAIE DANS LA VÉRITÉ DU VENT




    Devenir immortelle ou comment rejoindre l’immortalité en un recueil de 37 poèmes ? En un certain nombre de jours inclus entre le 28 novembre 2011 et le 3 février 2015. Non pas en quatre années consécutives, mais en deux années — 2011/2012 —, deux années suivies d’une ellipse de deux autres années et d’une reprise avec un seul poème pour ouvrir et clore l’année 2015. Trente-sept poèmes écrits entre états de veille et insomnies, jours qui s’étirent entre neige, pluies et vents, chat qui sommeille sur le divan, jardin où s’ébrouent arbres et oiseaux où nichent/nident pigeons et mouettes, où s’élucubrent les pensées trébuchantes et néanmoins sonnantes de Sanda Voïca. Est-ce cela le rêve susceptible de raccommoder la fêlure, de recoudre les bords d’une faille profonde ensemencée de souvenirs de guerre, d’exils liés à « l’adolescentine » mémoire ? Voïca Sanda se dit, s’écrit, pas encore assez nue, dans son Épopopoèmémés, jouant et se jouant des redondances syllabiques, hésitant/roulant entre épopée personnelle du quotidien et poèmes se coulant en elle entre veille et sommeil. Poèmes de mère/mémé/mémère aussi bien ? Ou de quelque aventurière un brin pied-noir s’évertuant dans son é-po-po-po (dis, mon frère ! la parenthèse est de moi) pour s’étonner en pataouète de ce qui surgit à l’intérieur du cadre bien sage de la page et se livrer à l’invention ? Nenni, mais plutôt immortalisée dans son poison/poisson fugu japonais sur lequel la poète clôt son livre :

    « un poison à moi-même : j’ai besoin d’être toxique/mortelle pour devenir immortelle », conclut-elle.

    Immortelle/immortalisée, elle l’est peut-être aussi par le poisson stylisé — une marène lisse et droite à queue pourtant fourchue — qui traverse l’admirable composition triangulée de Pablo Dúran sur la première de couverture de cet ouvrage des éditions Impeccables.

    Immortelle ? Impeccable ? Faut-il voir dans ce livre un péché délogé/racheté par l’impeccabilité  ? Et la Sanda qui se « voïcise » ou la Voïca qui se « sandalise » vise-t-elle la perfection, l’absolu d’un idéal à atteindre, poursuivant sa quête de proème en proème, mélange fusionnement de prose poétique poésie narrative plus proche de la prose que « du » poème auquel les textes datés et titrés tenteraient d’échapper ?

    Quoi qu’il en soit, ce recueil très sérieux échappe. Il échappe aux règles, aux pensées formatées et normées. Il échappe aux multiples conventions du ποιεῖν, poiein, que tout un chacun pratique. Il échappe parce que Sanda Voïca est libre. Évoluant dans ses digressions avec une aisance et une désinvolture tout aussi inégalées que déconcertantes.

    « Je vous le dois, ce récit du jour.
    Des courses, il ne faut pas oublier le récit des courses :
    D’abord les betteraves — je vais pisser rouge pendant deux jours.
    Avocats, pas assez mûrs, que je palpe
    Et sous ma paume droite leurs écailles saillantes sont comme la chair de poule des fesses de mon mari sous mes caresses.
    Du pain : de campagne et polka : la même pâte, le même prix et des noms différents :
    La croûte de l’un lisse, de l’autre incisée par des traits croisés :
    Dormez ou dansez — j’ai pris les deux, sans différence de prix.
    Et je l’écris – je l’aurais écrit, même si je ne te l’avais pas dû.
    Dû et pendu : c’est fait et fini. » (in 6e poème, Je te le dois*) « Quel doigt », ajoute-elle en note clin-d’œil ?

    Inventant des néologismes, des listes cocasses jeux de mots à foison, glissant d’une idée à l’autre sans se préoccuper de bienséance, ponctuant certains textes de refrains, Sanda Voïca baroquise. « Je baroquise énormément. Art florissant. » (in 16e poème, Le tour du monde en 80 poèmes). Et c’est jubilatoire. Rien n’arrête Sanda. Elle est libre Sanda. Ce pourrait être le titre chanté d’un de ses « épopopoèmémés », sur le modèle de « Il est libre Max » d’Hervé Cristiani. Elle est inventive drôle inattendue protéiforme, et l’on rit en la lisant. Même si elle doute s’interroge se regarde et pleurer et rire. Même si elle est aux prises avec une inquiétude existentielle. Ou identitaire :

    « Je le crois, oui : je tombe de plus en plus souvent dans une sanda ou dans une voïca inconnues à mon adresse —
    Mais que j’explore avec plaisir.
    Ou avec tremblements : je tremble, jour et nuit — j’ai la tremblote.
    Mais pourquoi ceci ? Ni peur, ni malheur, ni soucis — juste l’inquiétude d’être. Ici.
    La vieille inquiétude fait peau neuve.
    Je m’assandisse de plus en plus.
    Ni Sandra, ni Alexandra — je tremble.
    Ni Săndica, ni Sandokan ou sandalette — je tremble… » (in 24e poème, Je m’a-sandisse ou voïcise de plus en plus.)

    Elle est lucide aussi. Car, malgré tous ses efforts, elle ne peut échapper totalement à la théorie de l’« innutrition » littéraire dont elle dénonce le carcan. Car Sanda Voïca est bigrement cultivée. Ses lectures sont innombrables et sa culture — plurielle — très originale. D’ailleurs, le lecteur croise dans son univers nombre de patronymes qui lui sont inconnus et sur lesquels il lui faut prendre le temps de se renseigner. Mais des Maîtres dominent, qui mènent la danse de l’écriture. Non pas Émile Faguet qui la poursuit de ses théories, mais plutôt Isidore Isou, que l’on rencontre en chemin, avec son film Traité de bave et d’éternité. Et Roland Barthes, Maurice Blanchot, Philippe Sollers et tant d’autres. Même si la poète cherche à se dégager de l’emprise que tous ont sur elle, si elle cherche à les tenir en respect et à distance, ils sont là. À ses côtés, lovés dans son subconscient, qui ne demandent qu’à se manifester à l’improviste. Il y a Maître Sam (il y en a même deux, Sam Beckett et Sam Dudouit), il y a Maître Popol (Ioan Es. Pop), grand poète roumain. Il y en a beaucoup d’autres, disséminés dans les textes. Peintres artistes romanciers musiciens. Il y a aussi et surtout le poète et ami Alain Jouffroy, avec qui Sanda Voïca entretenait une correspondance suivie. Il y a les livres de chevet — Berlin Alexanderplatz, d’Alfred Döblin — qui sans cesse reviennent sous la plume. Et toutes sortes de leitmotive qui imposent leur rythme et leur écran d’images au fur et à mesure que surviennent les poèmes. Et, avec tout cela, la musique la pluie le vent la ville de Coutances le domaine du Vaudon, où vivent Sanda Voïca son mari et son chat. C’est là que se déroule le quotidien encombré d’actes et de gestes incompatibles avec le retrait en soi-même que nécessite l’écriture. Mais il faut bien vivre et faire acte de présence :

    « Qu’est-ce que tu fais ? » [lui demande Samuel dans le 5e poème, Je suis ici]
    Je lui réponds : « Je suis ici ». Et je sais que je suis ici, sans trop de mots. »

    Elle est ici, parmi nous, pareille à une poupée russe, la plus grande enfermant en elle la poupée d’avant, celle qui vivait en Roumanie, et, s’imbriquant l’une dans l’autre, toutes les autres poupées qui lui ont succédé depuis. Comment reconnaître la Sanda d’aujourd’hui parmi les autres ? Laquelle est la vraie, tant aujourd’hui et hier se chevauchent s’éludent, veille et lendemain croisant leur inanité sonore, leur vacuité, dans le silence de la forge créatrice de Sanda Voïca :

    « Il fallait me croire : la poupée russe c’était moi il y a vingt ans :
    Le même regard concentré, fixé, intériorisé, halluciné même,
    La même façon de me tenir debout et surtout de serrer entre les bras-mains
    Moi — mon blouson en cuir, la poupée — ses roses ; plutôt son propre corps est fait de roses,
    Elle les serre de tout son corps.
    Leurs plis en tourbillon infini ressemblent aux plis de mon blouson,
    en plis finis ». (in 8e poème, Souffler n’est pas jouer. Et pourtant…)

    Dans cet ensemble d’« épopopoèmémés » la poète dessine pour nous une série d’autoportraits à géométrie variable. Autoportrait en « fumeuse d’opium potentielle » ; autoportrait de « baroquisante » ; autoportrait d’une femme à l’étroit dans son entonnoir (passage d’une année à l’autre où rien ne se passe et où tout passe…) ; autoportrait à la poire, où se bousculent allusions et références. Les deux Sam, Blanchot et Barthes, Ryoko Sekiguchi, Ludovic Janvier, Alfred Döblin, Thibaut (de Champagne ?), Sollers, Alain Jouffroy, Pablo Dúran, Marcelin Pleynet, Mozart et Godard, Saint Augustin… et Guillaume Apollinaire :

    « Enchanteresse, non pas pourrissante, à la Apollinaire (voir son Enchanteur pourrissant !)
    Mais… puante : je pue de plus en plus la littérature ! » (in 10e poème, Le Roman de la poire continue). Toujours cette obsession de l’innutrition. « Je m’innutritionne énormément », confie-t-elle dans Blowin’ in the wind (12e poème).

    Autoportrait en ignorante. Le 17e poème, Poème de l’ignorance est un sommet !

    « Trouve les auteurs : injonction soudaine et éternelle.
    Je me soumets à l’ordre, car il converge à l’ordre de mon crâne… »

    La poète dresse alors une liste substantielle de titres et d’auteurs d’horizons divers. On pense à ces exercices où il convient de cocher la bonne case ou de corréler par une flèche un auteur et un titre. Drôle de jeu qui en laisserait plus d’un(e) sur la rive !

    Minaudière désirante incandescente inventeresse insaisissable rabâchante. « On a le droit de rabâcher, je vous ai déjà dit tout ça hier », insiste-t-elle. Adepte du ressassement (inclus dans le titre-même), la poète inextricable privilégie les associations/répulsions des contraires (« nourrissant » / « pourrissant »), laisse fuser jusqu’à elle, par la cavité malodorante de la bouche, ou assise sur la cuvette des water-closets, les inventions qu’aucune barrière ni censure ne viennent endiguer. Champ de bataille de l’écriture, le lit est le lieu privilégié de Sanda Voïca, celui où elle vocalise verbalise vocifère ses gloses, affirmant et revendiquant ses droits à la mollesse, aux « équilibres singuliers ».

    Au-delà de toutes ses jongleries et inventions, derrière les masques dont le visage se recouvre — « Je garde mes masques même dans mes poèmes » — se perçoivent des accents déchirants qui pétrifient l’âme et bouleversent :

    « Ma vie toute entière tartinée de marmelade de prunes.
    Quel ange restaurais-je avec cela ? », conclut la poète dans le 16e poème (in Le tour du monde en 80 poèmes)

    Ou encore, cette phrase déchirante :

    « Ma parole d’aujourd’hui vous restera à jamais étrangère » (15e poème in Parle, Charles, parle !)

    Heureusement, il y a la tempête il y a le vent. « Le vent qui va et vient ». Dans sa vérité. C’est en lui que se trouve la voie :

    « Rester vraie dans la vérité du vent » (16e poème).

    Et, pour le lecteur (que Sanda Voïca se détrompe !), le plaisir inépuisable de lire et de relire ces fascinants poèmes. Ces épopopoèmémés, jamais lus ni rencontrés ailleurs que sous la plume poissonneuse de la poète, offrent une traversée du langage foisonnante. Et jubilatoire.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Sanda Voïca, Épopopoèmémés





    SANDA  VOÏCA


    Sanda-bio
    Source



    ■ Sanda Voïca
    sur Terres de femmes

    Les Maîtres et les Autres (poème extrait d’Épopopoèmémés)
    La rose inerme (poème extrait d’Exils de mon exil)
    Trajectoire déroutée (lecture de Murielle Compère-Demarcy)
    [Que faire de la fille partie ?] (poème extrait de Trajectoire déroutée)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la revue Secousse, 18)
    une lecture d’Épopopoèmémés, par François Bordes
    → (sur Encres Vagabondes)
    une lecture d’Épopopoèmémés, par Geneviève Huttin
    → (sur Libr-critique)
    une lecture d’Épopopoèmémés, par Jean-Paul Gavard-Perret
    → (sur La Cause Littéraire)
    une lecture d’Épopopoèmémés, par Didier Ayres
    → (sur Levure Littéraire)
    une notice bio-bibliographique sur Sanda Voïca
    Paysages écrits, le site de la revue numérique de Sanda Voïca & Samuel Dudouit
    le blog des impeccables





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  • Patrick Laupin | [Je suis d’accord avec Descartes]




    En finir avec le | démourant ordinaire et le noir absolu | du sans réponse
    Ph., G.AdC






    [JE SUIS D’ACCORD AVEC DESCARTES]




    Je suis d’accord avec Descartes Plutôt
    changer l’ordre de mes désirs que l’ordre
    du monde Je donne tout au visage des
    rêves qui ont bercé ma vie J’ai goût de
    revenir au monde des choses fruitées,
    banales, rondes, sensuelles, gorgées
    de sève et de lumière Je sais qu’elles
    accomplissent le cycle d’un éternel retour
    en chaque parcelle d’existence Racine et
    tombeau de mon caractère au fond c’est
    dur de faire compagnie avec les autres
    j’aime pourtant encore l’autre voix
    comme notre voix à tous Pieça Icicaille
    Jeudi jardin des Vénus En finir avec le
    Démourant ordinaire et le noir absolu
    du sans réponse Poussière d’avoir dit le
    seul silence de ce pays je me recueille en
    folie et je défais pierre à pierre l’édifice
    de la brute intérieure dans la tanière
    de sa peur




    Patrick Laupin, Le Dernier Avenir, poèmes, La rumeur libre Éditions,
    Collection de poésie nouvelle série n° 33, 2015, page 97. Prix Kowalski 2015.







    Patrick Laupin, Le Dernier Avenir 2






    PATRICK LAUPIN


    Patrick Laupin




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Recours au Poème)
    une lecture du Dernier Avenir par Annie Estèves






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  • Sabine Péglion | [Ombre noire]



    [OMBRE NOIRE]



    Ombre noire        déchiquetée
    transpercée d’étoiles


    elles y sombrent
    une à une


    un chant
    à gorge de plumes
    s’élève
    nous poursuit


    Aube      incertaine
    éclats de plumes
    dans la déchirure du ciel

    le regard s’attarde
    recueille l’oscillation
    lointaine
    du nid

    légère
    l’ombre se retire



    Sabine Péglion, Le Nid, éditions La tête à l’envers, 2015, pp. 14-17. Encres de Sabine Péglion.






    Sabine Péglion, Le Nid





    SABINE PÉGLION


    Sabine Peglion




    ■ Sabine Péglion
    sur Terres de femmes

    Sabine Péglion | Jacques Bret, Australie, notes croisées (note de lecture de Cécile Oumhani)
    Naxos (extrait de Ces mots si clairsemés)
    [La glace dans les verres] (extrait de Derrière la vitre)
    [L’eau s’écarte] (extrait de Faire un trou à la nuit)
    Prendre le temps (extrait de Traversée nomade)
    Que sais-tu
    [Tu sais il n’est de lieu] (extrait d’Écrire à Yaoundé)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Malhabile





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  • Esther Tellermann | [un mot encore]



    Guidu son de cordes
    « Aujourd’hui vint
    un son de cordes
    sur les 3 univers. »
    Ph., G.AdC







    [UN MOT ENCORE]



    Un mot encore
    fut notre tempe
    et nous étions
    parcourant les écorces
    en dessus et en

    dessous.
    Dans les métamorphoses
    et les césures

    à rebours
    des peuples muets
    inscrivions

    dans les craies
    le rythme des

    royaumes.
    Aujourd’hui vint
    un son de cordes
    sur les 3 univers.
    Derrière tes doigts
    je vis monter

    la fugue
    valses lentes
    transfigurent

    la douleur.



    Esther Tellermann, Sous votre nom, Éditions Flammarion, Collection Poésie/Flammarion dirigée par Yves di Manno, 2015, page 80.






    ____________________
    NOTE DE L’ÉDITEUR



    Sous votre nom poursuit la quête obstinée d’Esther Tellermann, ce rêve d’une indicible épopée qui traverse les époques et les contrées, dans l’aura d’un temps arrêté. Ce nouvel ensemble – dont les trois mouvements, malgré leurs différents rythmes, composent un seul et même chant – reprend bien sûr les grands thèmes de son œuvre, sa méditation notamment sur l’érosion des règnes et le pouvoir de la nomination. Une inflexion plus intimiste la caractérise aussi depuis Contre l’épisode, dans la distance que supposent l’extrême tension de ses vers, la lumière et la rigueur de sa prosodie. Ni d’ailleurs ni d’ici (comme on a pu l’écrire dans Europe) la poésie d’Esther Tellermann s’ancre ainsi – et s’inscrit – dans une terre insituable dont le langage n’est pas la métaphore, mais l’écho le plus insistant. » Ce dont Sous votre nom apporte, une fois encore, la troublante démonstration.







    Esther Tellermann, Sous votre nom






    ESTHER TELLERMANN


    Esther tellermann





    ■ Esther Tellermann
    sur Terres de femmes


    Carnets à bruire
    Corps rassemblé (lecture d’AP)
    [Pour elle il voulut] (extrait de Corps rassemblé)
    Éternité à coudre (lecture d’AP)
    [Je sais vous me disiez de préférer l’ombre] (poème extrait du recueil Le Troisième)
    Je t’ai vu (poème extrait de Contre l’épisode)
    [Jours firent de toi ma teinture]
    [Onde] (poème extrait du recueil Voix à rayures)
    Première version du monde (lecture d’AP)
    Sous votre nom (lecture de Matthieu Gosztola)
    Sûrement je vous tiendrai (poème extrait de Terre exacte)
    [Un écho     un roman] (extrait d’Éternité à coudre)
    [Puis se ferme | la porte] (poème extrait d’Un versant l’autre)
    Voix à rayures




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur YouTube)
    une présentation de Sous votre nom à la Maison de l’Amérique latine le vendredi 23 octobre 2015 (Institut du Tout-Monde, Cycle « Le chant du monde »). Interventions d’Esther Tellermann, d’Yves di Manno et de Jean-Baptiste Para
    → (sur le site de la Maison des écrivains et de la littérature) une
    fiche bio-bibliographique sur Esther Tellermann
    → (sur Recours au poème)
    Une lecture d’Une odeur humaine d’Esther Tellermann par AP





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  • Pierre Dhainaut, Voix entre voix

    par Isabelle Lévesque

    Pierre Dhainaut,
    Voix entre voix,
    éditions L’Herbe qui tremble, 2015.
    Peintures d’Anne Slacik.



    Lecture d’Isabelle Lévesque




    Mais non, la nuit ne tombe pas, les poèmes,
    mieux que nous, pour nous, entretiennent le feu.


    Pierre Dhainaut



    Dans le titre l’écho, un mot répond à un autre, identique ? Passé par les deux noms, le mot « entre » serait-il préposition, verbe ou simple caisse de résonance ? Trait d’union, ce mot charnière qui offre une expression où balance, à gauche et à droite de la préposition, chaque terme1.

    Pierre Dhainaut choisit avec soin ses titres : ce triptyque énonce une poétique ; ce faisant, l’allitération semble allonger le premier son consonne en tête de « voix », passé par le souffle. L’entendre comme dans les conques qui lui sont chères : avant d’être écrit, le poème requiert accueil, une écoute consentie que la conscience ne guide pas. Alors il se révèle.

    Ce livre, le troisième de Pierre Dhainaut aux éditions L’herbe qui tremble, laisse entrer les arbres d’Anne Slacik dans son tissu, écorce insinuée là où le souffle régulier impose son rythme. Présence tutélaire : « nous ne sommes jamais seuls en compagnie des arbres », écrit à la fin du livre le poète dans un texte de présentation de ces peintures. Les arbres d’Anne Slacik semblent faire corps avec le ciel. Liée au bleu en couverture, leur matière s’impose par la présence des feuilles. Le trajet de la couleur révèle l’arbre. La verticalité guide notre perception (notre ascension).

    Pour ce titre, trois mots, trois parties, celles du livre inspiré et construit. Pour les deux premières, « Échographies (I et II) », le même nom, la troisième diffère : « L’approche autrement dite ». Mais la seconde partie est différente des deux autres, puisqu’il s’agit de notes en prose.

    Dans le premier poème d’« Échographies I », trois noms : Les forêts, les falaises, le seuil… Le troisième unit les deux premiers : « Les forêts, les falaises, le seuil était le même […] ». Poète et lecteur « sur le seuil », en approche : nous voilà dans les limbes du livre (le second poème est intitulé « Préliminaires »), en attente. Quelque chose a cessé. « [L]es dons du vent, tu les as épuisés. » L’évocation d’un « visage » sera l’amorce pour retrouver « la passion d’acquiescer, de comprendre ».

    Les échographies ont-elles permis de suivre le développement prénatal de l’enfant ? Mais il n’en est rien dit. Un enfant est né. Il ne parle pas, mais il voit, entrevoit :

    « il fait plus, de ses yeux vifs, immenses,

    que voir, recevoir la lumière ».

    Nous pouvons l’observer et garder nos interrogations vaines. « Il parlerait, il nous dirait son origine ». Voici le premier seuil : l’origine, l’infini d’avant.

    Cette naissance ouvre à l’enfance miraculeuse dont le berceau associé à la lumière éveille les vers. Ainsi alternent le présent certain de l’accomplissement et le futur d’une certitude éprouvée à l’indicatif du prophète sans Dieu, pour un « visage ébloui » faisant taire les limites portées par les négations repoussées, excluant le lourd assaut de l’empêchement pour la confiance et la promesse.

    Naissance, l’enfant qui « n’a pas crié » fait d’abord craindre pour lui le deuxième seuil, celui de la mort. Il ne crie pas, ne parle pas. Mais un jour « il envoie / un signe de connivence » qui va redonner espoir. Un signe, moins qu’un mot, comme ces ultrasons qui permettaient de le voir avant même sa naissance. Quelques syllabes prononcées en désordre dénouent le jour de la nuit et, peu à peu, entrent dans le poème.

    Le poème suivant, « Résidence « Le Tiers Temps » », approche le deuxième seuil. Cheminement identique, « dans la neige » augurale et fragile. Personnes âgées dans la résidence qui les retient, leur conscience s’éveille au passage d’un enfant (sur les étagères, les photographies d’enfants l’annonçaient), la neige entre eux, ce trait d’union :

    «  Ce n’est qu’au soleil des poèmes

    que les oiseaux sont la mémoire de nos traces,

    elles fondent, elles resplendissent. »

    Peuvent se rejoindre « fondre » et « fonder », leur homophonie à la troisième personne du pluriel unit le paradoxe apparent, disparaître en naissant. Les vers l’expriment, les syllabes du dernier long mot élargissant à l’accomplissement la promesse des oiseaux, sur le seuil d’une nuit sans fin. Pour ces pensionnaires dans des chambres « pareilles », qui, comme le nouveau-né, « se taisent », réagissent peu aux sollicitations, la nuit vient.

    « Que sont mi ami devenu / Que j’avoie si près tenu / Et tant amé ? », demandait Rutebeuf. « Je cuit li vent les m’a osté. » S’il s’agissait, dans la complainte du poète du XIIIe siècle, de trahison, il s’agit dans « À la mort de R.2 », du franchissement du second seuil.

    « En si grand nombre des amis sont partis,

    ils ont franchi ce que notre ignorance appelle

    un seuil. »

    Souvenirs du temps de partage, de saisons heureuses ou difficiles, de « l’effroi » et de l’« espérance » : « nous habitions la maison de l’écoute ».

    Nous entrons dans le souvenir des imparfaits éternels (« les vagues accouraient, se brisaient, / s’apaisaient, ressuscitant les arbres »). Ressac et le mouvement identique, flux/reflux, il n’en finit pas. Parallélismes, séquences doubles en un balancement « où se réconcilient, où se fécondent / les rêves, les regards, le langage ». La redite assoit un rythme nécessaire, « l’air ou l’arche », renforcé par les sons proches.

    Les amis partis interrogent sur le sens des paroles dernières : comment savoir qu’elles le seront ? Peuvent-elles devenir paroles de poème ? Devant l’ami mort, le poème manque. D’aucun secours, celui « où nous avons cru oublier la mort ». « L’écriture est d’ici. » L’écriture, oui, mais la parole ?

    C’est avril et le lilas, dans une couleur « blanche ou mauve », exhalant un parfum qui ouvre les perceptions et la parole pour « restaurer l’enfance où notre neige / comme un parfum annonçait son retour ». Les poèmes « devenus anonymes / […] refusent, jour et nuit, de dire adieu. »



    Pierre Dhainaut, comme il aime à le faire pour beaucoup de ses livres, accompagne les poèmes en vers de notes en prose, ici placées au cœur du livre : « Échographies II ». Est-ce le « entre » du titre, le trait d’union entre les deux « voix » ? Il s’agit d’un véritable Art poétique qui éclaire les poèmes sans jamais les commenter. Déclarations de principes, aphorismes ou apophtegmes. Prose qui affirme la supériorité du poème.

    Les textes en prose confirment ce que le poème a exprimé :

    « Le premier mot, si nous pouvions le dire, ce serait « oui ». »

    Lien clair établi entre le poème et la note, l’acquiescement est le même et une fonction assignée, la transmission. Laisser la surprise guider l’écriture, ne pas emprunter les chemins fréquentés : « tu accueilleras l’imprévisible ». Le choix des mots importe cependant : « sont-ils exacts, sont-ils au bon endroit ? » Les ratures en témoignent qui, sur la page, portent trace de l’activité « loyale » d’écrire. Entre le souffle (le vent) et les mots, la connivence, pour écrire le poème et « [p]lutôt que la prose les vers », leur disposition aérienne amène à suspendre la lecture, à accroître l’attention portée aux mots.

    Ceux-là, si souvent « rebelles », sont donnés au poète qui reste « à l’écoute ». Son souffle est-il le sien ? Ou bien est-il traversé par le souffle des mots eux-mêmes qu’il doit écrire puis ordonner et vérifier ? « Nous aiderons les mots à respirer, nous qui respirons si mal. » Le poète ne contraint pas les mots, il les attend. Souvent ils viennent la nuit, quand le contrôle est le plus faible3. Au matin il écrit, sa patience est « parturiente ». Gloire aux poèmes du matin que la nuit délivre !



    La troisième partie porte en intitulé « L’approche autrement dite. » C’est que les deux premières parties désignaient aussi l’approche, celle de l’origine et celle de la fin, les deux seuils. Première approche par des poèmes en vers (généralement de dix ou douze syllabes), la seconde par la prose, puis la troisième en neuf strophes (ou poèmes) de cinq vers courts, de deux à six syllabes. Le pronom le plus utilisé, « tu », peut s’adresser au poète comme au lecteur. Pas de noms propres dans le livre, des pronoms parfois incertains, le poème échappe à son auteur et devient anonyme, autonome. Il vit sa vie de poème.

    Ces quintils sont parfois de vrais préceptes :

    « Dès le seuil remercie :

    après ton départ

    la glycine

    refleurira,

    même en octobre. »

    Se condense, dans ces courts poèmes, tout ce que nous avons lu dans les deux premières parties.

    Pierre Dhainaut a dédié son livre à Jean Malrieu, « l’auteur de Possible imaginaire ». Dans ce dernier recueil, Jean Malrieu a intitulé « Approches de biais » et « Approches de face » deux sous-parties de la première partie (« Approches d’un village ») : exprimant ainsi la difficulté d’approcher l’inconnaissable. La parole lancée du poème tente de le dire comme les ultrasons de l’échographie peuvent montrer l’enfant à naître.

    Peur écartée, « les rameaux / sont allègres », le mot « neige » retrouvé, devenu sésame, accompagne de sa « légère […] empreinte » la voix. Il vit librement le mot dont les sonorités sur les lèvres amorcent le poème. C’est peut-être l’enfant qui dans le secret de son âge augural initie la première note retenue du texte, course du poème amorcée par ces mots que « l’oreille » accueille et « accompagne » vers le poème.


    Passant de « [f]lamme » à « lame », selon « l’écho » : Voix entre voix, « souffle entre les souffles », d’autres viennent. Le poète médiateur, depuis la « maison de l’écoute », offre son âme4 fidèle au passage des syllabes pour devenir, enfin et sans cesse, parole de neige, notre bien commun.



    Isabelle Lévesque
    D.R. Texte Isabelle Lévesque
    pour Terres de femmes
    (13 octobre 2015)






    _________________________
    1. Ces expressions sont nombreuses en français, elles figent apparemment en une forme toute faite une idée, un mouvement : tête à tête, pied à pied, jour après jour… C’est l’inverse ici : par son homonymie avec le verbe, ce groupe nominal ouvre le livre au vent que Pierre Dhainaut a déjà célébré comme l’autre nom du poème.
    2. Rüdiger Fischer, né en 1943, est décédé le 4 juin 2013. Éditeur des éditions En Forêt / Verlag Im Wald, en Allemagne, il a traduit et édité de nombreux poètes français, anglais, italiens, grecs, israéliens et tchèques, en allemand.
    On pourra lire une version précédente de ce poème, Là où le plein air / tient lieu de mémoire / à l’avant du poème / s’il est dédié à Rüdiger, sur le site des éditions L’herbe qui tremble.
    3. Saint-Paul-Roux, le « Magnifique », quand il dormait dans son manoir de Camaret, mettait sur la porte de sa chambre un panneau indiquant : « Ne pas déranger : le Poète travaille. ».
    4. Le mot apparaît dans une première version du poème : « Une flamme, une lame, / l’écho faiblit ensuite : / il n’y a pas de son ultime, / celui d’ »âme », d’autres voix / le font à présent retentir. » Une partie des textes de Voix entre voix a été publiée dans la revue Diérèse n°64, automne-hiver 2014-2015, sous l’intitulé « L’erre du temps », suivi de « Comme les enfants les poèmes » (publication accompagnée d’une lecture, « Changer l’écoute », par Isabelle Lévesque). La lecture comparée des deux versions permet d’entrer dans l’atelier du poète.






    Pierre Dhainaut, Voix entre voix






    PIERRE DHAINAUT


    Pierre dhainaut profil 3





    ■ Pierre Dhainaut
    sur Terres de femmes

    Après (lecture de Sylvie Fabre G.)
    Pierre Dhainaut, Après (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Voir de face (poème extrait d’Après)
    Ici (lecture d’Isabelle Lévesque)
    [Que respirent avant tout les mots] (poème extrait d’Ici)
    [Dès le seuil remercie] (poème extrait de Voix entre voix)
    [Ce qu’est devenue la couleur] (poème extrait de Progrès d’une éclaircie)
    Horizons, fontanelles… (poème extrait de Vocation de l’esquisse)
    [Nous étions seuls, de trop, dans nos miroirs] (poème extrait de De jour comme de nuit)
    [Ne nous en prenons pas à l’invisible] (poème extrait d’État présent du peut-être)
    [Sortir sous l’averse] (poème extrait d’Et même le versant nord)
    [Orage, tempête, séisme] (poème extrait de La Nuit, la nuit entière)
    Pour voix et flûte (lecture de Sabine Dewulf)
    D’abord et toujours, 4 (poème extrait de Pour voix et flûte)
    [Où que tu ailles] (poème extrait de Rudiments de lumière)
    Passerelles
    Printemps dédié (poème extrait de L’Autre Nom du vent)
    Progrès d’une éclaircie suivi de Largesses de l’air (lecture d’Isabelle Lévesque)
    [Soudain la tête se redresse] (autre poème extrait de La Nuit, la nuit entière)
    Rituel d’adoration (poème extrait de Transferts de souffles)
    Vocation de l’esquisse (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Pierre Dhainaut | Caroline François-Rubino, Paysage de genèse, 10
    Pierre Dhainaut | Caroline François-Rubino | [Laissons les mots sourdre d’eux-mêmes] (autre extrait de Paysage de genèse)
    Pierre Dhainaut | Isabelle Lévesque | L’origine de l’écriture | [Si léger… tu cours] (extraits de La Grande Année)
    Pierre Dhainaut | Isabelle Lévesque, La Grande Année (lecture d’AP)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    une page consacrée à Pierre Dhainaut



    ■ Autres notes de lecture (54) d’Isabelle Lévesque
    sur Terres de femmes


    Max Alhau, Les Mots en blanc
    Marie Alloy, Cette lumière qui peint le monde
    Gabrielle Althen, Soleil patient
    Françoise Ascal, Noir-racine précédé de Le Fil de l’oubli
    Edith Azam, Décembre m’a ciguë
    Gérard Bayo, Jours d’Excideuil
    Mathieu Bénézet, Premier crayon
    Véronique Bergen, Hélène Cixous, La langue plus-que-vive
    Claudine Bohi, Mère la seule
    Paul de Brancion, Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre
    Laure Cambau, Ma peau ne protège que vous
    Valérie Canat de Chizy, Je murmure au lilas (que j’aime)
    Fabrice Caravaca, La Falaise
    Jean-Pierre Chambon, Zélia
    Françoise Clédat, A ore, Oradour
    Colette Deblé, La même aussi
    Loïc Demey, Je, d’un accident ou d’amour
    Sabine Dewulf, Et je suis sur la terre
    Pierre Dhainaut, Après
    Pierre Dhainaut, Ici
    Pierre Dhainaut, Progrès d’une éclaircie suivi de Largesses de l’air
    Pierre Dhainaut, Vocation de l’esquisse
    Armand Dupuy, Mieux taire
    Armand Dupuy, Présent faible
    Estelle Fenzy, Rouge vive
    Bruno Fern, reverbs    phrases simples
    Élie-Charles Flamand, Braise de l’unité
    Aurélie Foglia, Gens de peine
    Philippe Fumery, La Vallée des Ammeln
    Laure Gauthier, kaspar de pierre
    Raphaële George, Double intérieur
    Jean-Louis Giovannoni, Issue de retour
    Cécile Guivarch, Sans Abuelo Petite
    Cécile A. Holdban, Poèmes d’après suivi de La Route de sel
    Sabine Huynh, Les Colibris à reculons
    Sabine Huynh, Kvar lo
    Lionel Jung-Allégret, Derrière la porte ouverte
    Mélanie Leblanc, Des falaises
    Gérard Macé, Homère au royaume des morts a les yeux ouverts
    Béatrice Marchal, Au pied de la cascade
    Béatrice Marchal, Un jour enfin l’accès suivi de Progression jusqu’au cœur
    Jean-François Mathé, Retenu par ce qui s’en va
    Dominique Maurizi, Fly
    Dominique Maurizi, La Lumière imaginée
    Emmanuel Merle, Dernières paroles de Perceval
    Nathalie Michel, Veille
    Isabelle Monnin, Les Gens dans l’enveloppe
    Jacques Moulin, L’Épine blanche
    Cécile Oumhani, La Nudité des pierres
    Emmanuelle Pagano, Nouons-nous
    Hervé Planquois, Ô futur
    Sofia Queiros, Normale saisonnière
    Jacques Roman, Proférations
    Pauline Von Aesch, Nu compris





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  • Corse_3 Angèle Paoli | Vuràghjine

    (extrait des Feuillets de la Minotaure)




    Vura
    Aquatinte numérique, G.AdC







    VURÀGHJINE
    (extrait des Feuillets de la Minotaure)



    Vague la vague vague vagit vuràghjine jusqu’au vertige divagante vague lunules mirages vaguement bus dans la lumière diffractée à travers cils et miroir elle nage ingénue et sa rage sillage tue jusqu’au ravage vertige les nuages vaguement vus à travers cils et ciels plissés rivages ourlés filent fugaces images tracent ta vie dans les plis de la vague vaguement lasse une immortelle pâle gît au cœur de la page plage vierge qui signe les délices du temps délivré de l’absence vague éclisse qui lisse son treillis inlassable d’algues sens délivré de la vague fugace vaguement qui fuse sa liesse diffuse évide sa nasse môle délesté des corps grappes jadis arrimés à sa masse nonchalante elle nage visage écalé par la fraîcheur de l’air bras et cuisses dos et ventre caressés par la tiédeur de l’eau vertige du corps séparé sirène verdoyante dans l’écreigne de sable et museau affûté par les lames des algues de sel ciel renversé par la vague vagissante vuràghjine vorace jusqu’au vertige tu divagues dans l’âpreté des couleurs et des lignes nues vaguement livrées au vol d’un épervier qui trace sa vague invisible entre ciel et mer terre et silence abrupt à l’aplomb de la plage galets lourds et algues douces qui hébergent ton corps abandonné au silence de la vague divaguante jusqu’au vertige vaguement bu à travers cils perlés d’eau lumière diffractée sur le blanc de la roche éclats de l’été englouti tu rêves tu nages sur l’horizon désert livré à la mouvance indolente infinie de la vague qui vagit jusqu’au vertige délice. Vuràghjine.


    Angèle Paoli, Les Feuillets de la Minotaure, récit-poèmes, Éditions de Corlevour, 2015, page 82.







    Couv.jpg






    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions de Corlevour)
    la page de l’éditeur sur Les Feuillets de la Minotaure




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  • Bruno Fern, reverbs     phrases simples

    par Isabelle Lévesque

    Bruno Fern, reverbs     phrases simples,
    Éditions NOUS, Collection disparate, 2014.



    Lecture d’Isabelle Lévesque


    Nous sommes un fil et nous voulons savoir la trame.
    Ph., G.AdC







    [PRENDRE AU MOT]



    Sur la ligne de départ, énoncé de la règle de reverbs : « Ce livre est uniquement composé de phrases simples. » D’emblée l’angle grammatical, un seul verbe conjugué par phrase, pas plus. Exercice à contrainte. Primaire, collège, au choix. Des réminiscences.

    Pas sens unique cependant, la polysémie, à l’attaque, est annoncée en se fondant sur « contenir » : un verbe conjugué « contenu » dans la phrase simple, une foule « contenue » par la police dans une manifestation. L’homonymie ouvre le champ sémantique, le déplaçant d’un mot au même mot. Sur place. Case départ : effets en chaîne, un même signifie plusieurs. Simple n’est pas univoque.

    La langue et l’écho : font corps. Tout ce qui résonne en elle. Associés en phrases simples, les mots font corps mais corne l’écho de phrases autres, polysémiques, enchaînées. Le texte de Bruno Fern fourmille de ces glissements (de son, de sens) :


    « Les paramètres ne sont pas toujours réunis.

    Ce sont des branches, en somme, mais pas du même arbre.

    La forêt cache son jeu. »


    L’arbre est-il derrière le sens ou devant, déplié ? Pataugent aussi les pronoms : « il », l’auteur, en sa biographie se dissimule à force de « s’emmêler les pinceaux ». On ne sait plus qui du coup. Longue démonstration de phrases alignées, courtes, un seul verbe conjugué, c’est la condition, mais elle rebondit (retentit) dans les pronoms (la question qui). Parfois, les mots s’agglutinent en fin identique (arbrisseaux, panneau, lambeau, page 22), c’est plus commode si ça sonne :


    « Les sons parasites renforcent le taux d’écoute. »


    Très sérieusement, nous sourions : nous réfléchissons, la phrase se mord la queue perdue dans les sons, nous relisons. Nous nous amusons.


    « Passons. »


    « The book must go on. » Et taux d’écoute aussi sûrement multiplié par phrase simple en anglais : on utilise (on se gausse) des formules habituelles, on change la donne – un mot. Go on !

    Ce qui n’existe pas peut « s’écrire ou s’écrier ». C’est pratique :


    « Une simple inversion de lettres joue un rôle. »


    Acte, scène, drôle. On pose des opérations, des règles (« Dans une série discrète la variable… »), un personnage (la phrase simple) pour « retrouver des fondamentaux » et à partir de là le livre bouge avec ses phrases simples. Mêlant les axiomes, les entorses, les registres. Flaubert et sa correspondance côtoie le retour (« dans les dents ») des « phrases-boomerangs ». Vivant son heure de gloire : éloge de la phrase simple. Louées les expressions toutes faites à couper, répartir autrement dans la phrase :


    « La souplesse entre également en ligne.

    De compte des mots ratent. »


    Comme les références multiples aux livres utilisés à l’école (Orsenna et les « tribus de mots » dans La grammaire est une chanson douce). Les référents s’alignent, bruissent. La grammaire a des oreilles et des évasions ludiques :


    « L’appareil brandi dans le plus simple appareil.

    Là c’est une phrase nominale »


    Homonyme à l’entrée, à la sortie et la variante instituée : sans verbe « exprimé ». « C’est donc une phrase hantée. » Où le verbe, membre fantôme de phrase amputée ? Comme revient, se précise la définition de la phrase, des motifs (sonores) sont repris. L’enfant naît, il crie. La phrase aussi dans le poème « émet des vibrations ». On parle par les cordes vocales, les poumons (par deux, sauf si la guerre détruit cette règle : grand blessé), les muscles, le corporel facilite l’émission, la flexion pour les figures libres du « skate-park ». Glissement des définitions de cours (grammaire) aux règles physiques de déplacement. Le sens circule là, débride la grammaire, s’écarte. Réflexion en acte : le texte faisant ce qu’il dit expérimente, l’écriture


    « Dévoile la hauteur de la marche.

    (Soyez prudents en descendant du livre.) »


    Sens propre / sens figuré. Prendre au mot. Le texte de Bruno Fern le fait. On dévale, l’escalier du savoir grammatical s’incarne dans la phrase simple (plus si affinités). Remonter à l’ancien français, faire jouer les sens :


    « Certains considèrent ça comme un vrai bordel.

    Au XIIe siècle, ce mot qualifiait une petite maison, une cabane.

    Il relevait donc de l’architecture. »


    Grammaire à bâtir. Comme découle ensuite du thème lancé par l’ancien français le retour aux modernes, « le sujet capitaliste » veut « aménager son intérieur au moindre coût ».

    Toutes séparées par un espacement régulier [un même interlignage]. Pas une exception, les phrases coulent de source et glissent sur les sens.

    La règle que s’est fixée l’auteur pour ce livre connaît quand même un sérieux accroc : une phrase complexe (citation de Gustave Flaubert) !


    « Nous sommes un fil et nous voulons savoir la trame. »


    Bruno Fern se justifie en note, arguant du fait que Flaubert lui-même est « une exception ». Le poète dénonce une langue qui se veut simple. Celle de la guerre, de l’horreur économique, de la consommation, de la publicité, des informations télévisées à la hiérarchisation brutale et révélatrice est omniprésente :


    « Un type de phrase correspondrait à un type d’État.

    Les leurs exigent la clarté maximale.

    Ex. I : Les marchés doivent être rassurés.

    Ex. 2 : L’âge médian de décès des sans-abri à Marseille est de 41 ans pour les femmes.

    Elles (leurs phrases, pas ces femmes) impactent le paquet en ventes flash. »


    La première phrase citée est de Natalie Quintane. Les citations sont nombreuses dans le livre, comme autant de « reprises » réalisées avec des fils de couleurs très diverses : François Villon, Paul Celan, Tristan Tzara, Louis Zukofsky, Gilles Deleuze… 33 citations1 . Henri Droguet a compté 963 phrases2… Le chiffre 3 et ses multiples semblent jouer3 un rôle dans l’élaboration de ce livre.

    Les citations-reprises sont généralement des phrases. Mais elles peuvent également intervenir comme fragments :


    « Ex. 2 : placez votre argent en toute quiétude à 4,28 % garantis les premiers mois. »


    Une note indique que les mots en italiques sont de Primo Levi. Ils sont tirés du poème placé par Primo Levi en tête de son livre : Si c’est un homme4 . Contre-courant : la locution adverbiale à contexte inverse fait déraper le sens (antiphrase à décrypter).

    De la fabrique à texte, quelles sont les deux « mamelles » ?

    « Tissage est l’une des mamelles », est-il dit page 27. « Le décalage est la seconde mamelle », trouve-t-on page 34. C’est donc un tissu de mots, avec trame et chaîne. Dans un sens et dans l’autre. Mais ce tissu, parce qu’il est vivant, connaît forcément parfois des accrocs ou des « décalages ».


    « Quoi qu’il en soit, c’est autant une affaire de reprises. » (page 27 également)


    Les citations d’auteurs célèbres ne sont pas les seules à constituer le texte. D’autres paroles le tissent :


    « Le discours publicitaire est devenu le maître des discours. [citation de Dominique Quessada]

    1, 2, 3, slogan !

    C’est une pétrification généralisée. »


    Tout réduit à l’efficacité univoque et maîtrisée. Date à respecter, promotion validée :


    « Avec elle c’est sur-le-champ ou dans 3 jours dernier carat. »


    Le poète nous « conduit hors de la grammaire », il « lutte avec la langue », la langue porte la difficulté de dire et d’entendre.

    Dans reverbs, le lecteur, qui aurait gardé le souvenir de ses leçons de grammaire de CE 1, constate très vite que les phrases simples ne le sont pas. Plusieurs, autrement ponctuées, pourraient constituer une phrase complexe :


    « Quoi qu’il dise il.

    Produit à la source soi-disant contrôlable.

    Se trame dans tous les coins se.

    La change la.

    Donne le.

    Change en quoi qu’il dise il.

    Roule son caillou non identique. »


    Ici le lecteur découvre des phrases agrammaticales. Certains mots hésitent : « Produit » et « change » sont-ils des noms ou des verbes ? « se » + « la » = cela ? Tout se complique et se défait. Langue en acte, phrase à la coupe syntaxique impossible et le sens alors, au milieu de ces phrases séquencées, déconstruites, comme un système usé invalidé.

    Un nom peut-il devenir verbe ?


    « Chacun sexe en son temps. »


    « Chacun » serait-il déterminant alors et la phrases nominale lancée, nouvelle, créée ?

    Livre tissu, reverbs peut aussi se lire comme un jeu de l’oie. Bien que séparées de blanc, les phrases se suivent, s’enchaînent. Mais on peut sauter d’une page à l’autre, d’une case à l’autre. Parfois, des retours s’imposent :


    « Une simple inversion de lettres joue un rôle.

    Parfois il est vital.

    Cet adjectif devrait faire reculer de 8 phrases. »


    Reculons donc « de 8 phrases » :


    « Il suffit de modifier l’axe de vie.

    Remarque 5 : ce dernier mot est ambigu. »


    Peaux de banane, les chutes sont des rebonds (reverbs : sens et sons). « [M]eurt » se répète en « sursis », « balle » qui « attend son heure sans manifester la moindre impatience ». Dans les filets sémantiques, un mot se trouve pris pour se reproduire dans un autre qui va altérer, amplifier, orienter son sens. Personnification au passage, trace de jeu, d’enfance qui malaxe les règles en les utilisant, bon an mal an, riant :


    « Le tour est joué.

    Le jour est tué. »


    Les sons dépliés se cousent, et patchwork des reprises :


    « Je parle sous moi. »


    La reprise, ici, c’est une citation de la Rapsodie du sourd de Tristan Corbière :


    « – Rien – Je parle sous moi… Des mots qu’à l’air je jette

    De chic, et sans savoir si je parle en indou…

    Ou peut-être en canard, comme la clarinette

    D’un aveugle bouché qui se trompe de trou. » 5


    Ce poème de Tristan Corbière s’achève lui-même par une citation : « Le silence est d’or. (Saint Jean Chrysostome6 ) »

    Or le sourd de la Rapsodie apprend sa surdité de la bouche d’un « homme de l’art » et il comprend d’autant mieux qu’il n’entend pas du tout ce qu’il lui dit. D’où une série de questions qu’il se pose. Il finira par ne plus comprendre du tout ce qu’on lui dira en répondant au hasard. Il parlera lui-même sans savoir exactement ce qu’il dit et déclarera à celle qu’il aime :


    « – Soyez muette pour moi, contemplative Idole,

    Tous les deux, l’un par l’autre, oubliant la parole,

    Vous ne me direz mot : je ne répondrai rien…

    Et rien ne pourra dédorer l’entretien. » 7


    Dans reverbs, Bruno Fern nous montre ces discours si nombreux et stéréotypés que nous n’entendons plus l’essentiel. Brouillage :


    « La plupart du temps, la langue est soit compacte, soit désagrégée.

    Le score final est à peu près pareil dans les 2 cas.

    En gros, elle ne tient pas.

    Elle s’écroule sur elle-même (d’un seul bloc) ou en dehors. »


    Le sourd « parle sous lui », et la langue « s’écroule sur elle-même ». Image concrète du sport, du score, ballon rond, rond en l’air et l’oreille n’entend plus :


    « Des balles partent en l’air ou dans les pieds.

    Elles ne sont cependant pas perdues pour tout le monde.

    Ne tombent pas dans celle d’un sourd. »


    Brouillage du message qui n’atteint pas son but et la page agglutine les phrases télescopées d’un discours uniforme pris dans le rebond du texte :


    « Une mise à jour dure de la feuille. »


    Les phrases perversement simples de la publicité répétées jusqu’à plus soif, code usé car figé, les « éléments de langage » stratégiquement martelés par les politiques, le volume sonore des spots publicitaires sciemment gonflé, tous ces mots vides de sens réverbérés à l’infini nous menacent d’une surdité généralisée.

    Alors, d’abord le silence (il est d’or, Tristan Corbière l’a rappelé). Et puis la langue des poètes, celle des écrivains ou des philosophes qui savent que tout n’est pas simple, que beaucoup de questions sans réponse se balancent et gonflent en sphère de reverbs, sens mouvants et glissants des mots.

    Ainsi le livre de Bruno Fern réverbère des fragments de discours publicitaires, politiques, journalistiques ; et aussi de nombreuses citations, parfois littérales (en italiques) ou transformées.


    « Son origine remonte.

    Descend les fleuves évidemment impassibles au cycle de l’eau. »


    Rimbaud revient pour « empêcher l’auditoire de s’endormir ».

    Le mur ne fait pas que renvoyer les sons : on peut « rentrer dans le mur », plein fouet, de face, « [i]l y a du lancer puis du retour à l’envoyeur ». Retour au titre aussi, à ce qui s’amplifie, se diffuse comme dans une salle de concert, la phrase ou « réverbération » de la « langue morte », « [e]lle continue pourtant à briller ».



    Isabelle Lévesque
    D.R. Texte Isabelle Lévesque





    __________________
    1. 33 citations répertoriées à la fin. Mais elles sont bien plus nombreuses.
    2. À lire sur : Poezibao du 22/02/2014
    3. Jacques Jouet, l’oulipien, est lui-même cité.
    4. « Vous qui vivez en toute quiétude
    Bien au chaud dans vos maisons,
    Vous qui trouvez le soir en rentrant
    La table mise et des visages amis,
    Considérez si c’est un homme
    Que celui qui peine dans la boue,
    Qui ne connaît pas de repos,
    Qui se bat pour un quignon de pain,
    Qui meurt pour un oui pour un non. […] »
    Primo Levi, Si c’est un homme, traduction de Martine Schruoffeneger (Julliard, 1987)
    5. Tristan Corbière, Rapsodie du sourd, in Les Amours jaunes (1873)
    6. Attribution abusive à celui qui fut surnommé Chrysostome, Bouche d’Or, en raison de son éloquence…
    7. Aux ombres de Damon de Malherbe, Tristesse de Musset, Chant d’automne de Baudelaire, Cierges de Cavafy, Le bateau ivre de Rimbaud, Le pont Mirabeau d’Apollinaire… Toute une anthologie pourrait être composée avec ces poèmes cités, où auxquels il est fait allusion, poèmes qui « réveillent » le sens des mots en les contextualisant autrement. Métalangage, beaucoup permettent de prolonger la réflexion (ou la rêverie) sur la difficulté de dire ou d’entendre, de croire aussi à une parole suspecte, et même mensongère…







    Fern, reverbs 4








    BRUNO FERN


    Bruno Fern
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Libr-critique)
    une recension de reverbs    phrases simples, par Fabrice Thumerel
    → (sur Libr-critique)
    [Chronique] La contrainte faite style (à propos de Bruno Fern, Reverbs), par Typhaine Garnier
    → (sur Poezibao)
    une recension de reverbs    phrases simples, par Henri Droguet
    → (sur remue.net)
    une recension de reverbs    phrases simples, par Jacques Josse



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