Étiquette : Edoardo Sanguineti


  • Edoardo Sanguineti, Laborintus II



    Edoardo Sanguineti  Laborintus II
    Source







    LABORINTUS II
    (estratto)




    proprium opus humani generis totaliter accepti
    est actuare semper totam potentiam intellectus possibilis:
    per prius ad speculandum
    et secundario propter hoc ad operandum
    per suam extensionem
    et quia quemadmodum est in parte sic est in toto
    et in homine particulari contingit
    quod sedendo et quiescendo
    prudentia et sapientia
    ipse perficitur
    patet quod genus humanum
    in quiete sive tranquillitate pacis
    ad proprium suum opus
    quod fere divinum est
    iuxta illud «minuisti eum paulo minus ab angelis»
    liberrime atque facillime se habet
    unde manifestum est quod pax universalis
    est optimum eorum que ad nostram beatitudinem ordinantur
    hinc est quod pastoribus de sursum sonuit
    non divitiae non voluptates non honores non longitudo vitae non sanitas non robur non pulchritudo
    sed pax






    LABORINTUS II
    (extrait)




    l’œuvre propre du genre humain pris dans son ensemble
    est de transformer sans cesse en acte toute la puissance possible de l’intellect :
    en premier lieu pour spéculer
    et en deuxième lieu opérer en conséquence
    pour son extension
    et puisqu’il en va ainsi du tout comme de ses parties
    et qu’il advient à l’homme particulier
    qui sait s’asseoir et se reposer
    de s’accomplir lui-même
    par prudence et sagesse
    il est clair que le genre humain
    dans le repos c’est-à-dire tranquillité de la paix
    trouve très librement et facilement
    à se donner à son œuvre propre
    laquelle est presque divine
    selon la parole « à peine le fis-tu moindre que les anges »
    d’où il est évident que la paix universelle
    est la meilleure des choses ordonnées pour notre béatitude
    d’où vient que des hauteurs retentit aux bergers
    non pas richesse ni voluptés ni honneurs ni longueur de vie ni santé ni force ni beauté
    mais paix



    Edoardo Sanguineti, Laborintus II, Revue littéraire L’Ours Blanc, n° 6, éditions Héros-Limite, 1205 Genève, mars 2015, pp. 14-15. Traduction française de Vincent Barras.




    _____________

    NOTE DU TRADUCTEUR (extrait) : le poème Laborintus II est constitué d’un montage complexe de passages tirés de l’Ancien et du Nouveau Testament, des Étymologies d’Isidore de Séville, de la Vita Nova, du Banquet, du traité De la Monarchie et de l’Enfer de Dante, de commentaires médiévaux sur la Divine Comédie de Benvenuto da Imola et de Pietro Alighieri, fils de Dante, des Cantos d’Ezra Pound, des Four Quartets de Thomas S. Eliot, mêlant ces fragments composés en des langues diverses à des extraits de ses propres recueils Laborintus (1954) et Purgatorio de l’Inferno (1963) ainsi qu’à des parties originales.

    Loin d’être un simple collage de citations, un banal syncrétisme, ce poème impose le principe d’un décalage et d’une confrontation généralisée : entre les différentes langues utilisées, entre l’emploi du latin, langue « morte » et « liturgique », et celui des langues vivantes, entre la langue de Dante et l’italien contemporain, entre les blocs sémantiques juxtaposés avec leurs inflexions contradictoires, entre les niveaux phonétique et typographique. En résulte une écriture âpre et tendue, instrument organisateur du discours poétique à l’énergie éruptive et chaotique, une écriture servie, qui plus est, par la disposition typographique rigoureuse, entendue comme une prosodie spatiale.






    Ours blanc 2




    EDOARDO SANGUINETI


    EDOARDO SANGUINETI
    Image, G.AdC




    ■ Edoardo Sanguineti
    sur Terres de femmes


    Ballade des femmes
    Corollaire (lecture de Marie Fabre)
    [ma come siamo, poi, noi ?] (extrait de Corollaire)
    je t’explore, ma chair
    Wirrwarr
    18 mai 2010 | Mort d’Edoardo Sanguineti




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur le site de Jacques Demierre)
    Edoardo Sanguineti | Luciano Berio, Laborintus II (interview de Vincent Barras & Jacques Demierre + concert du mardi 15 janvier 2013 par Vincent Barras & Jacques Demierre, Ensemble Contrechamps, Ensemble Séquence)
    → (sur le site Luciano Berio)
    Laborintus II (note de Luciano Berio)
    → (sur YouTube)
    Edoardo Sanguineti | Luciano Berio, Laborintus II (concert du 30 septembre 2009 à la Cité de la Musique)
    une bio-bibliographie d’Edoardo Sanguineti sur le site du cipM (centre international de poésie Marseille)
    → (sur YouTube) une interview d’Edoardo Sanguineti (Source : Feltrinelli editore)





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  • Edoardo Sanguineti, Corollaire

    par Marie Fabre

    Edoardo Sanguineti, Corollaire,
    Éditions Nous, Collection Now, 2013.
    Édition bilingue.
    Traduit de l’italien par Patrizia Atzei et Benoît Casas.
    Préface de Jacques Roubaud.



    Lecture de Marie Fabre


    Cette serve Italie forzitaliénée . Genova 2005
    Ph., G.AdC







    [UNE POÉTIQUE FUNAMBULESQUE]




    Poursuivant leur travail salutaire de défrichage du territoire poétique italien, les éditions NOUS offrent aujourd’hui aux lecteurs français, après Zanzotto et De Angelis, l’occasion de découvrir l’une des figures majeures de la poésie contemporaine italienne, Edoardo Sanguineti. Né en 1930, Sanguineti a d’abord été l’un des chefs de file de la néo-avant-garde italienne du Gruppo ’63, aux côtés de Nanni Balestrini ou encore d’Antonio Porta, représentant d’une génération qui a voulu rompre les cadres d’une poésie italienne perçue comme trop provinciale et trop frileuse. Au cours des années, son travail poétique ne perd rien de sa radicalité formelle, s’arrondissant cependant au fil d’un travail plus autobiographique, où le poète tire le meilleur parti de l’anecdote et du mot d’esprit. Le recueil Corollaire (1997), traduit par Patrizia Atzei et Benoît Casas, se place dans la lignée de Postkarten (1978), appliquant la fameuse recette stendhalienne du « petit fait vrai »1. Le poète nous y convie à le suivre dans ses errances mondiales, nous livrant au fil de compositions numérotées un ensemble de poèmes oscillant entre la carte postale adressée, le sonnet revisité, la déclaration d’amour, le rébus et le testament.

    Le premier poème, programmatique, nous fournit l’introduction rêvée à l’œuvre entière de Sanguineti. « Acrobate » est le premier mot du recueil, qui s’ouvre par un autoportrait en forme de définition du dictionnaire :


    acrobate (n.m.) est celui qui marche tout en pointe (de pieds) : (tel, du moins,
    pour l’étymon) : mais ensuite il procède, naturellement, tout en pointe de doigts, aussi,
    de mains (et en pointe de fourchette) : et sur sa tête : (et sur les clous,
    en fakirant et funambulant) : (et sur les fils tendus entre deux maisons, par les rues
    et les places : dans un trapèze, un cirque, un cercle, sur un ciel) :
    il voltige sur deux cannes, flexiblement, enfilée dans deux verres, deux chaussures,
    deux gants : (dans la fumée, dans l’air) : pneumatique et somatique, dans le vide
    pneumatique : (dans de pneumatiques plastiques, dans des fûts et bouteilles) : et il saute mortellement :
    et mortellement (et moralement) il tourne :

    (ainsi je me tourne et saute, moi, dans ton cœur) :


    Nous voilà donc introduits à une poétique funambulesque, où le rythme se réinvente dans la ponctuation qui fait avancer le poème par précisions successives, sur la « pointe des doigts », en de gracieux sauts périlleux. Jacques Roubaud fait remarquer dans sa Préface la « cohérence formelle et sémantique » exceptionnelle de cette œuvre, forgée dans une constance que Sanguineti poursuit depuis ses premiers recueils. Notons donc la disposition du poème, avec ses marques « déposées » que sont : les deux points venant suspendre et rouvrir à tout moment le propos, ponctuation « pneumatique », signature invitant à poursuivre par-delà la conclusion, et les parenthèses incessantes qui enferment digressions, explications, gloses ironiques, understatements. Au fil des années, Sanguineti s’est forgé bien plus qu’un style : c’est un ton, une voix, une posture à la fois maladroite, pointilleuse et dégagée que l’on retrouve de recueil en recueil.

    Frappe dès l’abord, malgré les énigmes multiples et le goût de la cryptoréponse (poème 2 : « qu’est-ce que je te demande, si tu me le demandes, je te cryptoréponds ainsi : »), l’éminente sympathie de cette poésie enlevée, où le poète assume (ce n’est pas la première fois !) la posture du vieux, accumulant les bilans tout en soufflant sur les braises d’un désir encore juvénile, la morale de l’histoire poussant toujours vers le copulo ergo sum du poème 32. Un hédonisme dont le poète aura fait sa profession de mécréant : impossible de ne pas lire en miroir le testamentaire « je n’ai cru en rien : » de Postkarten (50) et l’épigraphique « j’en ai joui, moi, de ma vie : » de Corollaire (3). Ainsi le recueil marie volontiers la sophistication extrême à la quotidienneté dans ses plaisirs élémentaires :


    à la fin (comme madrigalaient ces presque aurorales voix mixtes d’Antioquia),
    c’est la tristesse qui est la muerte lenta :

    je laisse de côté les choses simples (las pequeñas, las queridas) :
    et j’en viens au point qu’elles recommandaient (tout comme Mercedes) : muchacho, no partas ahora :
    (entonces, c’est vrai que je ne peux pas le rêver, vieillard, el regreso) : mais c’est encore plus vrai, et bien
    plus effrayant, que l’amour est simple : (y las cosas simples las devora el tiempo) :
    (si la transcription Juan Diego est correcte) :

    c’est vrai, enfin, c’est vraiment vrai, que j’ai aimé
    ma vie : (la vie) : c’est ainsi, dans cette luz major, qu’aujourd’hui, les filles, je me meurs :



    Au bout du compte, même le mea culpa du poète « épouvantable encyclopédie de conneries encouillonnées, de semi-criminelles/supergaffes » se clôt dans la tendresse :


    ce que j’ai eu, je le garde ainsi : (pourvu que je te garde, moi je me garde, à l’identique) :


    L’acrobate ne se contente pas cependant de discussions graveleuses et de déclarations. La poésie de Sanguineti garde aussi toute sa vocation critique, dans l’enregistrement d’une réalité néocapitaliste mondialisée (ses 4×4, ses hôtels Hilton, ses pré-pubères en chaleur fans de Take That). Le tout dans un joyeux plurilinguisme babélico-bordélique, qui nous mène de residencia en retiro, d’aéroport (Tegel) en taxi, d’universitaires pisans sur une plage de Tibériade en macédoniens buvant du cognac à Alger. C’est tout le bric-à-brac culturel cosmopolite de nos sociétés qui apparaît alors, passant à travers les perceptions, le corps, la langue, les rencontres, les contradictions du poète, selon une méthode d’immersion chaotique jamais reniée. La dimension politique de sa poésie est à nouveau réaffirmée à travers l’incursion dans le territoire de la « poesia civile », là où le poète-sénateur (car l’acrobate a plus d’un tour dans son sac, et Sanguineti est aussi essayiste, traducteur, professeur, politicien), comme un Pétrarque ou un Leopardi de son temps, engage le « lecteur coélécteur » à libérer « cette serve Italie forzitaliénée », ce « pays bordélisé berlusconisé » par le « simple secours d’un bulletin sagace » (48). Et le clerc organique2, l’intellectuel toujours gramscien de conclure :


    cher camarade prolétaire,

    je sais bien que le Quatrième état a presque perdu, chemin faisant,
    sa conscience de classe, il y a de ça un moment (même si pas pour toujours, j’espère
    bien) — et pas le Tiers état, parce que le bourgeois c’est le bourgeois, avec un esprit encore fortement
    conscient de lui-même : et le capitalisme c’est le capitalisme (c’est le souverain — le suprême) :
    (et il n’y a pas forcément une grande envie de communisme, là, maintenant, par ici) :

    mais là
    — là il faut voter, pour commencer, contre les libertés et leurs seigneuries : contre nos
    servitudes et chaînes :

    il faut les relever, tous ensemble, tombés dans cette boue,
    à nouveau, ces quelques vieux drapeaux : (et nous réveiller, entre temps, à notre rêve)  :



    Pour l’Italie, on sait que cette année-là (1996) fut celle de l’élection de Prodi, mais on connaît aussi la suite jusqu’à aujourd’hui, sans un brin d’utopie.

    Reste à saluer le travail à la fois précis et créatif des deux traducteurs-éditeurs (qu’on pourrait donc qualifier de passeurs organiques, sinon d’acrobates) pour ce volume soigné, mais surtout pensé jusqu’au format et à la mise en forme originale du recueil bilingue, où le lecteur italianophile pourra trouver, après la traduction française, l’intégralité du texte italien.



    Marie Fabre
    D.R. Texte Marie Fabre
    pour Terres de femmes




    _________
    NOTES
    1. Voir la célèbre recette de Postkarten (49). Le recueil fait partie des rares ouvrages traduits en français, aux éditions L’Âge d’Homme, 1990 (trad. Vincent Barras).
    2. C’est le titre d’un recueil d’essais de Sanguineti : Il chierico organico, Scritture e intellettuali (Milan, Feltrinelli, 2000), lui-même tiré d’un article écrit par Sanguineti en 1988 sur « Gramsci et la figure de l’intellectuel organique ».






    Sanguineti





    ________
    NOTE d’AP : ancienne élève de l’École normale supérieure (Lettres et Sciences humaines), Marie Fabre est agrégée d’italien. Après un « master 2 » à l’université de Bologne sur Italo Calvino et Elio Vittorini, elle a soutenu en décembre 2012 (sous la direction de Christophe Mileschi, à l’Université Stendhal – Grenoble 3) une thèse de doctorat sur les rapports entre utopie et littérature chez ces mêmes auteurs. Marie Fabre est aujourd’hui maître de conférences en études italiennes à l’École normale supérieure de Lyon.






        EDOARDO SANGUINETI


        Edoardo Sanguineti
        
    Source




        ■ Edoardo Sanguineti
        sur Terres de femmes


    [ma come siamo, poi, noi ?] (poème extrait de Corollaire)
    Ballade des femmes
    je t’explore, ma chair
    Laborintus II (extrait)
    Wirrwarr
    18 mai 2010 | Mort d’Edoardo Sanguineti
    4 juillet 1969 | L’Orlando Furioso mis en scène par Luca Ronconi (interview d’Edoardo Sanguineti)




        ■ Voir aussi ▼


    → (sur cairn.info) Edoardo Sanguineti (1930-2010). Niva Lorenzini, Jacqueline Risset, traduit de l’italien par Martin Rueff, in Po&sie 2010/1-2 (N° 131-132), pp 3-11.






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  • Edoardo Sanguineti | [ma come siamo, poi, noi ?]



    [MA COME SIAMO, POI, NOI ?]


    15.



    Ma come siamo, poi, noi (gli italiani)?

    la questione fu presa di petto, e strenuamente
    sviscerata, una sera, a una cena, al Montefiore del Mishkenot, con alcuni opulenti
    semibulgari (e con semibulgaressa, o bulgaressa proprio, solidissima):

    (es.:
    siamo sensuali? sessuali? sensibili?): (siamo sessuatamente sensati?): (sensatamente
    sessuati?): (tutto dipende, alla fine, dalla lingua che ti sei scelto): (dalla lingua
    che ti sei subito, sopratutto): (e qui, come da tanti squisiti fumi passavi, sei stato
    violentato da scariche di implacabili fotografie (e di implacabili lingue) passive):
    (e la lingua passiva, lo vedi, anzi lo senti (sensibilmente lo senti, se lo senti):
    (se la senti): la lingua è già, da sola, un’ansiogena anfibologia: sessualmente
    sensata, per l’appunto):

    tale mi fu l’ultima sera, che mi fu l’ultima cena, e che fu,
    come da programma, intiera, un sexy-booze and –schmooze:

    (gaio usque ad mortem):







    [MAIS COMMENT SOMMES-NOUS, SOMME TOUTE, NOUS ?]


    15.



    Mais comment sommes-nous, somme toute, nous (les italiens ?)

    la question fut prise de front, et vaillamment
    disséquée, un soir, à un dîner, au Montefiore du Mishkenot, avec quelques opulents
    semi-bulgares (et avec une semi-bulgaresse, ou véritable bulgaresse, solidissime) :

    (par ex . :
    sommes-nous sensuels ? sexuels ? sensibles ?) : (sommes-nous sexuellement sensés ?) : (sexués
    de manière sensée ?) : (tout dépend, en fin de compte, de la langue que tu t’es choisie) : ( de la langue
    que tu as subie, surtout) : (et ici, comme par tant d’exquises fumées passives, tu as été
    violé par les décharges d’implacables photographies (et d’implacables langues) passives) :
    (et la langue passive, tu le vois, ou plutôt tu le sens (sensiblement tu le sens, si tu le sens) :
    (si tu la sens) : la langue est déjà, à elle seule, une anxiogène amphibologie : sexuellement
    sensée, précisément) :

    telle fut pour moi la dernière soirée, qui fut pour moi le dernier dîner, et qui fut,
    comme prévu, tout un sexy-booze and -schmooze :

    (gaio usque ad mortem) :




    Edoardo Sanguineti, Corollaire | Corollario [Corollario, Feltrinelli editore, 1997], Éditions Nous, Collection Now, 2013, pp. 27 et 85. Édition bilingue. Traduit de l’italien par Patrizia Atsei et Benoît Casas. Préface de Jacques Roubaud.





    Sanguineti





        EDOARDO SANGUINETI


        Edoardo Sanguineti
        
    Source




        ■ Edoardo Sanguineti
        sur Terres de femmes


    Corollaire (lecture de Marie Fabre)
    Ballade des femmes
    je t’explore, ma chair
    Laborintus II (extrait)
    Wirrwarr
    18 mai 2010 | Mort d’Edoardo Sanguineti
    4 juillet 1969 | L’Orlando Furioso mis en scène par Luca Ronconi (interview d’Edoardo Sanguineti)




        ■ Voir | écouter aussi ▼


    une bio-bibliographie d’Edoardo Sanguineti sur le site du cipM (centre international de poésie Marseille). On peut aussi y entendre Edoardo Sanguineti (et non pas Sanguinetti) dire à voix haute un extrait de Postkarten (Éditions l’Âge d’Homme, 1985). Edoardo Sanguineti [« a toujours estimé que ses poèmes étaient destinés essentiellement à la fonction vocale. »]
    → (sur YouTube) une interview d’Edoardo Sanguineti (Source : Feltrinelli editore)






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  • 18 mai 2010 | Mort d’Edoardo Sanguineti

    Éphéméride culturelle à rebours



    Le 18 mai 2010 meurt à l’hôpital de Gênes, sa vie natale, le poète Edoardo Sanguineti.







    EDOARDO SANGUINETI
    Image, G.AdC






        C’est cependant à Turin, dans les années d’après-guerre (il est né le 9 décembre 1930) que Sanguineti accomplit son triple apprentissage : culturel, politique et poétique. À la sortie du lycée, les jeunes gens de sa génération allaient écouter Salvatore Quasimodo, et le soir, ils allaient écouter Casella jouer du Bach. Il a une vingtaine d’années lorsqu’il compose Laborintus (publié en 1956). Œuvre expérimentale en vers, ce recueil poétique, qui témoigne chez le poète de la nécessité de trouver de nouveaux modes d’expression, est l’œuvre majeure du poète. Au mouvement ascensionnel de l’itinéraire dantesque, Sanguineti oppose le déplacement horizontal du labyrinthe. Seul susceptible, selon lui, de déjouer les mécanismes de la société bourgeoise. Tout en jonglant avec les différents registres lexicaux et stylistiques, Sanguineti pratique la fragmentation du langage, témoignage de déstructurations plus vastes en relation étroite avec la crise des valeurs traditionnelles. D’autres œuvres suivront, proches du journal en vers, à tonalité ironique ou parodique. Catamerone (1951-1971) ; Wirrwar (1972) ; Postkarten (1972-1977) ; Stracciafoglio (Brouillon, 1977-1979), Scartabello (Cahier de brouillon, 1980) ; Alfabetto apocalittico (1984).

        Grand intellectuel, poète d’avant-garde fondateur du Groupe 63, critique littéraire et théoricien contesté, Edoardo Sanguineti a été tout au long de sa vie un homme engagé (tant dans ses choix politiques que dans son métier d’universitaire et de professeur de littérature), cherchant à concilier révolution littéraire et révolution politique.

        Composé de vingt-et-un huitains, un par lettre de l’alphabet italien, l’Alfabetto apocalittico (écrit en 1982 et publié en 1984) exploite avec talent et humour la veine ludique de l’Oulipo, à la manière de Queneau, de Perec et de Roubaud. Ci-dessous, deux lettres de l’alphabet (C et P) :






    Sanguineti cascato
    Source




    C


    cascato è il cavo cielo & la cometa
    cresta è di cotte croste & cruda creta:
    celibe è il cosmo in chiara crisi cronica,
    cubo cilindro & circumsfera conica:
    crocida il corvo, cuculia il cuculo,
    chiucchiurla il chiurlo& crepita col culo:
    cecato mi è il colòn, cacato ho il cazzo,
    chiudi ’sta cantilena, can cagnazzo:


    C


    chu est le ciel creux & la comète
    crête est de cuite croûtes & de craie crue :
    célibataire est le cosmos, en criante crise chronique,
    cube, cylindre & circumsphère conique :
    le corbeau croasse, coucou coucoute,
    le courlis courlotte & avec son cul crépite :
    clos cette cantilène, clebs d’un clébard :





    Edoardo Sanguineti, pisciano
    Source




    P


    pisciano a pioggia piovre & pipistrelli,
    pace promulgo a paggi & a pazzarelli:
    pace proclamo, perché porto pena,
    porto palpebre & pinne di polena:
    poppano i porci pozzi & pescicani,
    piegano i ponti porri & pellicani:
    poesia prosaica, pratica permessa,
    penna mi sei, sei piuma, & pia promessa:


    P

    pissent en pluie pieuvres & pipistrelles,
    paix je promulgue pour pages & patraques :
    paix je proclame, parce que j’apporte la peine,
    des paupières j’apporte & des palmes de proue :
    pompent les porcins puits & poissonnailles,
    poésie prosaïque, permise pratique,
    plume tu m’es, tu es plume & pieuse promesse :



    Edoardo Sanguineti, Alfabetto apocalittico (écrit en 1982), Galleria Rizzardi, 1984. Traduction française in Po&sie, numéro 109, 1975-2004, Trente ans de poésie italienne, Belin, 2004, page 214 (traduction de Philippe Di Meo).




    EDOARDO SANGUINETI


    Edoardo Sanguineti
    Source




    ■ Edoardo Sanguineti
    sur Terres de femmes


    Ballade des femmes
    Corollaire (lecture de Marie Fabre)
    Laborintus II (extrait)
    [ma come siamo, poi, noi ?] (extrait de Corollaire)
    je t’explore, ma chair
    Wirrwarr
    4 juillet 1969 | L’Orlando Furioso mis en scène par Luca Ronconi (interview d’Edoardo Sanguineti)




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur Popinga)
    L’Alfabeto apocalittico di Edoardo Sanguineti
    → (sur Vociferazioni) Alfabeto apocalittico, N, lu par Edoardo Sanguineti
    une bio-bibliographie d’Edoardo Sanguineti sur le site du cipM (centre international de poésie Marseille). On peut aussi y entendre Edoardo Sanguineti dire à voix haute un extrait de Postkarten (Éditions l’Âge d’Homme, 1985). Edoardo Sanguineti [« a toujours estimé que ses poèmes étaient destinés essentiellement à la fonction vocale. »]
    → (sur YouTube) une interview d’Edoardo Sanguineti (Source : Feltrinelli editore)
    → (sur cairn.info) Edoardo Sanguineti (1930-2010). Niva Lorenzini, Jacqueline Risset, traduit de l’italien par Martin Rueff, in Po&sie 2010/1-2 (N° 131-132), pp 3-11.






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  • Edoardo Sanguineti | Wirrwarr


    EDOARDO SANGUINETI
    Image, G.AdC





    1.


    (e:eh!); è nascosta; e devo dire, e voglio (per intanto) dire; (e
    per emozione): eh!; dire: eh, meine Wunderkammer! mein
    Rosenfeld!; (corno di unicorno!); (cercando (per esempio) l’exaltation
    vague);
                   e scendendo (il 22 aprile) per Rue Royale, poi per Rue
    du Bois; e devo dire: tu sei un granchio (per insinuazioni) petrificato; e:
    è nascosta (nevrotico stigma) dentro la mia bocca; (e la cosa
    è incominciata); (…); (forse, veramente); (non ricordo, di preciso,
    quando, nemmeno); e tu sei un camaleonte (per inibizioni) secco; nascosta
    sopra la mia lingua; (ma la cosa); (…); (ma quella notte, non la
    racconto) (…); (e scendendo verso Rue de la Montagne, verso il Marché
    aux Herbes, cercando); nascosta così, a scavare; a scavare qui; (eh!)
    e a scavare qui, sempre (cercando); cercando (eh! qui!); nella mia
    bocca, nella mia lingua: questo grotesque: questo grotesque
    triste:
                scrisse : è del capricorno? è tornato (più ardente
    di prima); (era un frammento di conversazione); poi scrisse: nel caso che;
    e sopra: nel caso che LUI fosse (e: nel caso che LUI); e sotto: nel
    caso (e: nel; e: ne; e: n);
                                                   e: in tormento; (e per incutere
    terrore: (disgusto, forse); nelle ragazze, anche);
                                                                                                    e il 24
    febbraio scrisse: je ne pense plus; perchè tu sei una
    mosca, un ragno (in gelatina); (in un pezzo, in confusione, d’ambra);
    PS. in realtà trattasi di SAG
                                                          (e qui, eh! qui
    segue una lunga linea, una freccia); (una lingua); (oscena);
                                                                                                                           ittari;
    e: O (una ciambella deforme che termina nella pagina (oscena); nella pagina
    seguente);
                         je ne médite plus; perché scrisse (: e tu sei un teatro
    anatomico): vedi E3 sopra la carta (ma pensa 6D, con il Parc d’Egmont,
    nella notte, e con il conservatorio, e con l’albergo stesso
    d’Egmont, e con tutto, insomma, con tutto); e perché
    scrisse: j’écris; (e: j’écris encore); (e:j’écris moins);
                                                                                                            encore moins:



    Edoardo Sanguineti, Wirrwarr, in Mikrokosmos. Poesie 1951-2004, Editore Feltrinelli, Collana Universale economica, 2004, pagina 41. A cura di Erminio Risso.


    1.


    (et : eh !) ; elle est cachée ; et je dois dire, et je veux
    (entre-temps) dire ; (et sous le coup de l’émotion) : eh ! ;
    dire : eh, meine Wunderkammer ! meine Rosenfeld ! ;
    (corne d’unicorne !) ; (cherchant (par exemple)
    l’exaltation Vague) ;
                                            et descendant (le 22 avril) la Rue
    Royale, puis la Rue du Bois ; et je dois dire : tu es un
    crabe (par insinuations) pétrifié ; et : elle est cachée
    (stigmate névrotique) dans ma bouche ; (et la chose a
    commencé) ; (…) ; (peut-être, vraiment) ; (précisément, je
    ne me souviens pas, pas même quand,) ; et tu es un
    caméléon (par inhibitions) sec ; cachée sur ma langue ;
    (mais la chose) ; (…) ; (mais cette nuit, je ne la raconte
    pas) (…) ; (et descendant vers la Rue de la Montagne, vers
    le Marché aux Herbes, cherchant) ; cachée ainsi, à
    creuser ; à creuser ici ; (eh !) ; et à creuser ici (cherchant) ;
    cherchant (eh ! ici !), dans ma bouche, dans ma langue :
    ce grotesque : ce grotesque
    triste :
                  il écrivit : est-il du
    capricorne ? il est revenu (plus ardent qu’auparavant) ;
    (c’était un fragment de conversation) ; puis il écrivit :
    dans le cas où ; et au-dessus : dans le cas où LUI était
    (et : dans le cas où LUI) ; et au-dessous : au cas (e : au ; et :
    en ; et : n) ;
                         et : en tourment ; (et pour inspirer
    de la terreur : (du dégoût, peut-être) ; chez les filles
    aussi) ;
                  et le 24
    février il écrivit : je ne pense plus ; parce que tu es une
    mouche, une araignée (en gélatine) ; (dans un morceau,
    en fusion, d’ambre) ;
    P.S . en réalité il s’agissait de SAG
                                                                        (et ici, eh ! ici
    fait suite une longue ligne, une flèche) ; (une langue) ;
    (obscène) ;
                           ittari ;
    et : O (un savarin difforme qui finit sur la page (obscène) ;
    à la page suivante) ;
                                                                       je ne médite plus ; parce
    qu’il écrivit ( : et tu es un théâtre anatomique) : voir E3
    au-dessus de la carte (mais pense 6D, avec le Parc
    d’Egmont, dans la nuit, et avec le conservatoire, et avec
    l’hôtel d’Egmont lui-même, et avec tout, bref, avec
    tout) ; et parce qu’il écrivit : j’écris ; (et : j’écris
    encore) ; (et : j’écris moins) ;
                                                              encore moins :



    Edoardo Sanguineti, Wirrwarr in La Nouvelle Revue Française, octobre 2007, n° 583, pp. 212-213. Traduit par Philippe Di Meo.





    EDOARDO SANGUINETI


        Edoardo Sanguineti

        Source




        ■ Edoardo Sanguineti
        sur Terres de femmes


    Ballade des femmes
    Corollaire (lecture de Marie Fabre)
    Laborintus II (extrait)
    [ma come siamo, poi, noi ?] (extrait de Corollaire)
    je t’explore, ma chair
    18 mai 2010 | Mort d’Edoardo Sanguineti
    4 juillet 1969 | L’Orlando Furioso mis en scène par Luca Ronconi (interview d’Edoardo Sanguineti)




        ■ Voir aussi ▼


    → (sur cairn.info) Edoardo Sanguineti (1930-2010). Niva Lorenzini, Jacqueline Risset, traduit de l’italien par Martin Rueff, in Po&sie 2010/1-2 (N° 131-132), pp 3-11.




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