Étiquette : Édouard Glissant


  • Édouard Glissant | Gabelles, V, VI, VII



    Matta Glissant 2
    Roberto Matta, eau-forte en couleur
    pour l’édition originale numérotée
    du Sel noir d’Édouard Glissant,
    éditions du Seuil, 1960
    (35 exemplaires, papier vélin neige)







    GABELLES, V


    Comme s’enfuit ce sel dans la forteresse du jour

    Comme tarit le sel dans la main où la mer

    A mis l’écume de son sein

    Et nul n’épuisera la nuit, nul en cette main

    Ne boira l’amour,

    Ainsi ai-je levé de votre cendre les fagots, en vain

    Gardé vos granges, vos moissons, et vos resserres closes,

    Et vide fut l’aurore et plus tarie la rose.




    GABELLES, VI


    Il n’est bruit que du sang que la mer convoya. Il n’est tempête que de sang.

    L’amère odeur nous vient, respirez-la, mes houles. Il n’est bruit

    Que de l’obscur encens des peuples qu’on a pris au feu de notre temps

    Qui meurent à porter l’épais des mers et le relent

    De très hautes planètes.




    GABELLES, VII


    Ainsi près des rocs jadis lancés au ciel, qui tombèrent

    Comme jeux tristes d’un titan ou écumes de cet amour

    Je vois l’air palpiter de brûlures, je vois le chaume

    La terre fraîche où fut mis le sel, l’écurie des vagues

    Pour un cheval qu’on taille, qui hennit parmi les flammes

    Pour un cœur qu’on lacère et qui s’ensable doucement.

    Tels les jouets farouches d’un cyclone, ensevelis.



    Édouard Glissant, « Gabelles », Le Sel noir [éditions du Seuil, 1960], éditions Gallimard, Collection Poésie/Gallimard n° 175 , 1983, pp. 102-103. Préface de Jacques Berque.





    Glissant montage 2





    ÉDOUARD  GLISSANT


    Glissant portrait
    Source



    ■ Édouard Glissant
    sur Terres de femmes


    Versets (poème extrait de La Terre inquiète)




    ■ Voir aussi ▼

    le site du Centre international d’études Édouard Glissant
    → (sur le site des éditions Gallimard)
    la fiche de l’éditeur sur Le Sel noir






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  • Édouard Glissant | Versets


    Glissant versets
                                       Ph., G.AdC






    VERSETS



                                                               1

         Qui voit la mort, il ne sait pas les poivriers sertissant d’or
        Ce haut livre de cimes où prend le fleuve son étal, ni ô mystère
        Sur le sable les coqs, dormeurs inattendus.

        C’est le sable d’azur semé de sable noir, c’était la larme
        Qu’hier nous enterrions sur le rivage, près des voiles mortes.
        Et les gommiers, rêves du vent, de voiles vives,

        Ornent à peine la plaie muette des rochers ! C’est tout là-haut
        La solitude, puis un mouton que l’on égorge pour la fête,
        Tissant la lie de cette mort, quand vient le jour.



                                                               2

        Et le poète se connaît, pourtant s’adresse un plein d’autans,
        De tempêtes : c’est une mer qui se requiert, ne se trouvant.
        Comme une mer jalouse, elle-même amante, se déchire,
        Déchaînée ― jusqu’aux arbres, qu’elle ne peut atteindre.



                                                               3

        J’étreignais le sable, j’attendais entre les roches, j’embrassais
        L’eau puis le sable, les rochers — ce cœur des choses rêches, — puis un arbre ! M’écriant
        Que le langage se dénoue et que telle baigne, en ce lieu,
        Qui aurait allumé plus pur encore le mirage.
        ― Les trois orties de l’ignorance ont poussé devant ma porte !

        Quel est ce lieu, quel est cet arbre sur la falaise
        Et qui ne cesse de tomber ?



    Édouard Glissant, La Terre inquiète [éditions du Dragon, 1955] in Anthologie de la poésie française, Gallimard, Collection Poésie/Gallimard, 2000, pp. 324-325. Édition de Jean-Baptiste Para. Préface de Jorge Semprun.





    Glissant  La Terre inquiète
    ÉDOUARD  GLISSANT


    Glissant portrait
    Source




    ■ Édouard Glissant
    sur Terres de femmes


    Gabelles, V, VI, VII (poèmes extraits du Sel noir)




    ■ Voir aussi ▼

    le site du Centre international d’études Édouard Glissant






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