Étiquette : Elisa Biagini


  • Elisa Biagini, Depuis une fissure

    par Angèle Paoli

    Elisa Biagini, Depuis une fissure, édition bilingue,
    éditions Cadastre8zéro, Collection Donc
    dirigée par Bernard Noël, 80000 Amiens, 2017.
    Traduit de l’italien par Roland Ladrière et Jean Portante.



    Lecture d’Angèle Paoli


    JE M’ÉCRIS D’ENTRE LES NŒUDS






    Bernard Noël Vignette
    Bernard Noël, Vignette de première de couverture
    (dessin au stylo)
    Depuis une fissure, éditions Cadastre8zéro, 2017.







    De même qu’à l’évidence un souffle peu ordinaire donne corps à la parole de la poète italienne Elisa Biagini, de même il m’a fallu une respiration ample avant de me lancer à la poursuite des poèmes de ce recueil (Depuis une fissure). C’est que j’avais déjà eu l’opportunité, le 18 avril 2008, de me confronter au très haut niveau d’exigence de cette poésie (lors d’un échange poétique qui se tint à Fiesole, dans le cadre d’un Printemps des poètes italo-corse organisé par l’Institut universitaire européen). Par la suite, l’occasion m’a également été donnée d’en traduire quelques extraits inédits ICI MÊME ET (dont certains ont été repris dans le premier numéro de la revue Place de la Sorbonne [mars 2011] et dans une composition musicale de Marta Gentilucci, créée à l’ircam-Centre Pompidou le 2 juin 2012). Ce n’est pas sans un certain trouble que je reviens à la rencontre de la poésie singulière de cette grande poète florentine. Impatiente et curieuse que je suis d’en redécouvrir l’« insolite » et fulgurante beauté. Aussi est-ce avec une modestie non dénuée d’appréhension que j’explore ici même Depuis une fissure, publié en volume sous le titre Da una crepa en 2014 chez Giulio Einaudi editore, et tout récemment paru (décembre 2017) en édition bilingue, dans une traduction en français de Roland Ladrière et de Jean Portante, aux éditions amiénoises Cadastre8zéro.

    Sous le titre Depuis une fissure, le recueil rassemble quatre sections d’inégale longueur, dont la dernière, également intitulée Depuis une fissure, ne comporte que cinq poèmes. C’est à Paul Celan et à Emily Dickinson, deux poètes chers à son cœur, qu’Elisa Biagini consacre les deux dialogues centraux principaux : « Donner de l’eau à la plante du rêve » (dialogue avec P. Celan) et « Les dents tachées d’encre : photographies » (dialogue avec E. Dickinson). Une section intermédiaire, très brève, « L’Excursion », consacrée à son grand-père Dante, sépare les deux dialogues. Ces poèmes, davantage narratifs, évoquent un autre versant du travail d’écriture d’Elisa Biagini. Ils explorent, par forage, le terreau familial, ici celui de Dante qui descendait dans les mines :

    « Maintenant est le temps de la

    mine de la terre

    qui m’effleure la tête,

    du parler endurci,

    de la lampe éteinte. »

    Et la poète, comparant son travail d’écriture à celui de l’aïeul creusant et cisaillant la roche dans les dédales de la terre, conclut par ces vers :

    « ceci est un travail

    de coupe et de remplissage,

    il importe peu si c’est la pierre ou

    le mot. »

    C’est peut-être à partir de la fissure qui lézarde les murs de sa résidence d’écriture, dans les Marches (peu après le séisme qui détruisit en avril 2009 la ville de L’Aquila, dont est originaire Jean Portante), que la poète observe le monde, le pense et l’écrit. Ainsi la fissure (à la fois réelle et métaphorique) qui craquèle tout, alentour et au-delà, objets et personnes, jusqu’à la mort, permet-elle de voir ce que l’œil grand ouvert ne voit pas. Dans le même temps, la fissure (fente, scissure, césure, couture…) conduit à réduire la focale de l’objectif. L’œil s’attache à ne saisir que l’indispensable tout en élaguant décortiquant écalant jusqu’à l’os l’objet qui l’occupe. La poète « dessique » émonde jusqu’à l’extrême jusqu’à la dernière peau la strophe qu’elle travaille. Ce qu’il reste de ce travail de sape, c’est le plus souvent une strophe par page. Car la poésie d’Elisa Biagini est tenue enserrée comprimée sous le boisseau. Quelques vers, à peine. Elisa Biagini bannit toute forme d’épanchement. Et se refuse à tout lyrisme, à toute tentation ou tentative de consolation. Mais sécheresse ne signifie en rien froideur ni absence. Il y a là tout un paradoxe qui surprend et désarçonne. Cette fissure, elle se cache aussi dans l’un des poèmes du dialogue avec Paul Celan. Un poème d’aveu où se dit (je n’ose dire « s’avoue ») la proximité de la poète florentine avec le poète roumain :

    « La fissure qui part

    de toi marque

    le pas

    dans le proche. »

    La fissure, ce passage étroit où s’originent et s’ancrent tous les désastres, est le creuset dans lequel s’enracine la poésie d’Elisa Biagini. Elle est au cœur de l’ensemble de son œuvre et, bien sûr, omniprésente dans les cinq derniers poèmes qui donnent au recueil son titre. Ce leitmotiv émouvant (d’où vient donc cette émotion qui submerge, malgré la poète et malgré soi, à la lecture ?) égratigne la page. Quelque chose étreint que l’on ne saurait dire :

    « je m’écris entre les

    fissures, dans les nœuds

    du bois, dans la

    poussière sous le tapis :

    l’obscurité, qui attend

    d’entrer, se grumèle

    de cernes [s’aggruma d’occhiaie] »

    C’est dans le poème d’ouverture de Depuis une fissure qu’est revendiqué et que s’affirme le refus du lyrisme. Un poème qui s’apparente à un manifeste. Un art poétique — en trois strophes — qui rejette et choisit la verticalité et non l’horizontalité :

    «… fuis la mélodie de la parole,

    la voix qui te sourit les dents refaites […]

    […] pêche de ce noir

    l’encre qui dit la parole

    verticale. À son ombre grandissent

    les questions, l’espace s’ouvre

    à la respiration de la pensée.

    Non la parole horizontale qui envahit,

    mais le blanc des marges, la pause qui

    couvre l’absence de toi à moi. »

    Dans ce poème d’ouverture se dit aussi l’omniprésence du corps. Œil main paupière voix dents pupille respiration… Dans un même mouvement pendulaire qui met le corps au centre s’exprime le refus de la chaleur et du confort qui apaise ; ou, au contraire, l’ouverture de la pensée qui questionne. Ainsi se joue la respiration vitale qui donne à la parole du poème son existence et sa forme. Sa corporéité.

    Ce premier poème est suivi de deux exergues qui se font écho l’un l’autre et annoncent le contenu de l’œuvre. Deux vers de Paul Celan, deux d’Emily Dickinson. Un même balancement, un vocabulaire identique disent la proximité grande de Paul Celan avec « La Dame blanche ». Il me semble bien d’ailleurs avoir lu, sous la plume d’Elisa Biagini (un entretien journalistique), que si ces deux poètes avaient vécu à la même époque, il ne fait aucun doute qu’ils se seraient rencontrés. Et peut-être aimés :

    « et tu joues avec les haches

    et à la fin tu resplendis comme elles » (Paul Celan)

    « elle maniait ses mots comme des lames —

    ainsi resplendissaient-ils de lumière — (Emily Dickinson)

    D’un côté la lame de l’autre la hache. Les armes coupantes se rejoignant avec éclat dans la lumière. Elles sont l’arme dont le poète se sert pour élaguer la langue la dépecer la désosser pour en atteindre la moelle. Car la langue doit être coupante incisive concise. Le tranchant (mais aussi le risque) de la lame et de la hache, gage de la rigueur, s’impose à la poète florentine comme il s’est imposé avant elle à Paul Celan et à Emily Dickinson.

    Dans le dialogue d’Elisa Biagini avec Paul Celan, les fragments empruntés au poète roumain, détachés de leur contexte et insérés en italiques, sont les « détonateurs » dont Elisa Biagini se sert comme déclencheurs des « déflagrations » poétiques que sont ses poèmes. Très condensés, les poèmes dénoncent le trop-plein et le débord de la parole courante, anecdotique et étouffante, laquelle submerge la parole poétique et la noie. La langue couramment se disperse, elle se perd dans l’abondance et le profus. Il faudrait qu’elle se résigne à l’impesanteur et à la modestie. Le travail du poète est de trancher, d’ôter à la langue le redit et le ressassement afin de permettre à la parole de reprendre vie :

    « Quand la bouche

    crache la parole,

    il y a un temps, un

    entre “moi et toi”,

    qui est une motte

    tranchée par la lame

    ver qui après

    reprend vie. »

    La même image est reprise plus loin avec la variante de la racine :

    « — Ce qui fut déraciné se rassemble à nouveau —

    le nom, le nom, la main, la main :

    sur ma main

    pose la feuille

    qui ne peut croître

    à cette lumière :

    passe-lui un gant

    car le vent l’écorche,

    mets-la en poche

    qu’elle n’en renaisse. »

    Qu’ils soient vers ou racines, les fragments du corps de la langue élaguée se reforment, vivifiés.

    Se contraindre à ces entailles ne se fait cependant pas sans souffrance ni sans effort :

    « Je marche

    par soustraction

    et mon souffle trébuche,

    ses joues

    prennent la couleur du sel » confie la poète.

    Dans la poésie de Paul Celan, Elisa Biagini cherche un étançon. Qu’elle glisse sous la sienne. Non pour répéter mais pour agir sur la citation. Pour « donner la parole » à « la parole donnée », comme le dit le critique italien Riccardo Donati. Dans une sorte de supplication singulière, Elisa Biagini fait appel à son ami roumain :

    Compte-moi parmi les amandes. (Zähle mich su den Mandeln)

    L’image de l’amande, sa petitesse dans la « paume », sa douceur cachée, disent la confiance de la poète florentine et le lien étroit qu’elle entretient avec son aîné. Un lien familier quasi physique qui se dit dans ce poème :

    « Avec les yeux

    ciseaux je te retaille

    le profil, je t’arrête

    avec la lame du temps

    qui ne rouille jamais. »

    Ou encore dans celui-ci, à prédominance amoureuse et sensuelle :

    « Mes lèvres, les

    tiennes, sont

    les fentes

    où tombent

    les monnaies, clefs

    des portes qui

    s’ouvrent ailleurs. »

    D’elle à lui, le corps est un médiateur complice. Il offre à la poète florentine le pouvoir de se mettre au diapason du poète roumain. Cette complicité intense se poursuit par-delà la mort du poète. Sa disparition — une « arête » — fait d’Elisa Biagini une figure d’écorchée.

    « Sur l’arête du

    congé, j’écorche

    ma respiration.

    Le souffle

    ravaudé d’un

    fil plus obscur :

    d’abandon. »

    À travers la quête d’une fusion possible, Elisa Biagini rejoint le poète au plus près de ce qu’il fut et de ce qu’elle cherche à être :

    « J’appuie le front

    contre la vitre, je regarde dans la

    nuit de tes mots,

    la voix devient blanche de

    silence, les ombres

    s’épaississent entre les dents :

    je suis toi, quand je suis moi. »

    Ainsi la voix de Paul Celan, voix unique, qui pique et qui attise, — « voix / qui fait grincer / la mienne — » (confie Elisa Biagini dans un autre poème) ouvre-t-elle sur d’autres espaces. La parole poétique peut alors advenir :

    « Et le papier crépite

    tout près de l’os,

    marque de blanc

    le doigt. »

    À la fois proche et autre est le dialogue avec Emily Dickinson. De même concision et de même densité, les poèmes répondent au même souci d’élagage. Ici les matériaux qui permettent à Elisa Biagini de construire ses poèmes sont un peu différents. Si des vers en italiques sont bien disséminés dans les poèmes, la poète ne cite pas les vers anglais correspondants. Peut-être pour rendre plus diffuse la présence de la poète d’Amherst. Plus évanescente. Et toutes les majuscules (à une exception près) ont disparu. Le décor est celui de la chambre d’Emily Dickinson. Tel qu’on l’imagine. C’est celui de son univers. Peuplé d’objets familiers, fenêtre, fauteuil, cheveux, gants, maille, mouchoir, livre, tiroir… Objets avec lesquels négocier. Car les objets se rebiffent, qui donnent fort à faire à l’habitante des lieux. Partant, à son amie poète :

    « tu racontes l’herbe

    renversée, la plume

    encastrée, la pluie

    recueillie à l’intérieur

    de l’oreille

    (et le silence, ici

    perd de son poids). »

    Aussi ordinaires sont-ils, les objets permettent à Elisa Biagini de circonscrire « le champ du récit ». Et la méthode de travail est la même, celle de la « négation » énoncée dans ces quatre vers :

    « un pas à la fois, par négation,

    je trace le périmètre à notre

    champ du récit — lettres denses

    pour soutenir le vent des sons. »

    Doués de pouvoir, les objets inversent l’ordre naturel des choses, y compris celui du corps. L’univers d’Emily Dickinson s’entremêle, dont elle est seule à comprendre la trame étrange :

    « tu comptes tes

    pieds cherchant le

    sommeil à l’ouïe,

    tu écoutes le poisson dans

    l’oreille traduisant l’eau ridée

    du verre ».

    La nature (toujours, avec Elisa Biagini, les choses se meuvent du dedans vers le dehors) se joue elle aussi de la poète, lui impose ses fantasmagories :

    « il souffle du

    carreau le vent

    de 3 heures, il déplace la

    main de l’écrit,

    il fait de la jupe

    une voile. »

    Ou encore

    « rayon de lune qui

    force le

    tiroir, s’enroule autour

    de la cheville

    (tu remontes mes couvertures

    pour la nuit —

    le papier est rugueux et les

    virgules piquent).

    Si les objets et la nature même sont imprévisibles et se dérobent sous les pas, le corps, lui, est complice de la rencontre avec l’autre, incarné par le « tu ». Ce « tu » omniprésent qui fait face à un « je » plus discret — « je te regarde », « je trace », « je te suis », « je bute ». La respiration, le souffle, le visage, l’oreille et les sons, la main… sont autant de points de rencontre possibles avec le corps de l’autre. C’est par l’ouïe et par la voix que passe l’échange, qu’un toucher subtil passe de l’un à l’autre ou de l’une à l’autre. Par le corps s’opère la symbiose nécessaire qui permet de se fondre dans l’univers de l’autre et dans ses empreintes, d’habiter sa silhouette. Ainsi de ce poème inspiré à Elisa Biagini par le vers présent dans une lettre qu’adresse Emily Dickinson à Thomas W. Higginson :

    « The Ear is the last Face »

    « l’oreille est le dernier

    visage. puis je te suis

    avec une bougie à

    l’horizon, où

    tu te baignes les pieds

    dans l’obscurité. »

    L’acmé de la rencontre a lieu dans l’ultime poème de cette section — « Impatient of the fewest words » (dialogue entre Emily et Paul). Elisa Biagini se plaît à mettre en scène un échange imaginaire entre les deux poètes. Ce contact physique qui passe par le partage de gestes érotiques conduit à la connaissance de l’autre. Celle qui ouvre la voie à la parole poétique :

    « Debout, sur le seuil,

    mon œil dans ta

    main, ta langue sur mon oreille :

    c’est ainsi que nous nous connaissons,

    en nous touchant, parce que

    la pupille est dilatée

    par l’effort, les papilles

    comme papiers de verre.

    Si le plancher cède, si la

    voix sombre,

    c’est ici,

    dans l’air

    que nous tient

    la parole-branche. »

    Un dernier poème clôt l’ensemble du recueil, — « contre le vent » —, très beau poème dans lequel Elisa Biagini confie ce qui reste entre ses mains, une fois l’œuvre accomplie. Les amis choisis se sont retirés mais leur parole demeure sous les mots de la poète et leur silence continue de l’éclairer. Une fois l’œuvre accomplie, reste l’ultime citation empruntée à Emily Dickinson :

    « I take — no less than skies

    rien moins que les cieux — pour moi. »

    Une vocation personnelle d’Elisa Biagini à pousser son regard toujours plus loin, vers un horizon qui ouvre toujours plus vaste.

    Une étrange et non moins poignante beauté se dégage de l’ensemble de cette œuvre longuement mûrie. À la beauté intrinsèque des poèmes vient se greffer la beauté de l’ouvrage en lui-même : la qualité éditoriale (discrétion de la typographie et aération de la mise en page) et la qualité du façonnage (cahiers cousus, couverture à double rabat) dues à la maison Cadastre8zéro et à l’ancienne imprimerie Paillart d’Abbeville. La première et la quatrième de couverture étant illustrées par le directeur de collection lui-même, le poète et écrivain Bernard Noël. Deux vignettes extraites d’un dessin au stylo. Que l’on pourrait imaginer issues des « Chosins ».



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Elisa Biagini  Depuis une fissure






    ELISA BIAGINI



    Elisa Biagini 2





    ■ Elisa Biagini
    sur Terres de femmes

    [Les nuits se ferment] (poème extrait de Depuis une fissure)
    Nel bosco | Dans le bois (note de lecture d’AP)
    La gita (poème extrait de Da una crepa)
    Sotto i castagni (extrait du recueil L’ospite) (+ notice bio-bibliographique)
    Elisa Biagini au Centre d’Études Poétiques de l’ENS de Lyon (13 mai 2008, chronique de Marie-Ange Sebasti)
    Anne Sexton | Elisa Biagini | Due mani… Due voci (trois poèmes extraits de Nel bosco, avec leur traduction en français par AP)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Da una crepa (traduction inédite d’AP)
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le portrait d’Elisa Biagini (+ un poème extrait du recueil L’ospite, un poème extrait d’Acqua smossa et un poème extrait de Da una crepa. Traduction inédite d’AP)




    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site des editions Cadastre8zéro)
    la fiche de l’éditeur sur Depuis une fissure d’Elisa Biagini
    → (sur La Cause Littéraire)
    une lecture de Depuis une fissure par Philippe Leuckx
    le site personnel d’Elisa Biagini
    → (sur Lyrikline)
    dix poèmes d’Elisa Biagini dits par Elisa Biagini (+ traduction française)
    → (sur Italies)
    Anthologie bilingue d’Elisa Biagini, par Estelle Ceccarini
    → (sur Italies)
    La poésie d’Elisa Biagini, images de l’intime et démystification du monde, par Estelle Ceccarini
    → (sur Poetry International Web) une
    bio-bibliographie d’Elisa Biagini (+ de nombreux poèmes)
    → (sur Nazione Indiana)
    Domande da una crepa: intervista a Elisa Biagini
    → (sur le site de Chelsea Editions)
    une page sur Elisa Biagini





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  • Elisa Biagini | [Les nuits se ferment]




    [MI SI CHIUDONO LE NOTTI]




    Mi si chiudono
    le notti dentro
    il palmo,

    ti tocco
    e sei d’inchiostro.



    Troppe cose gia dette,
    troppo già respirato,

    nel palmo
    solo una pietra risputata,
    piccolo come
    una mandorla

    (il dolce è troppo
    nascosto e troppo
    duro il guscio).

    Contami tra le mandorle.1



    La lingua vola ovunque, rotola,
    gettala via, gettala via,
    e cosí la riavrai
    2 :
    sarà un frullare d’orecchio,
    un’ala che s’apre a misurare il cielo.







    [LES NUITS SE FERMENT]




    Les nuits se ferment
    dans ma
    paume,

    je te touche
    et tu es d’encre.



    Trop de choses déjà dites,
    déjà trop respiré,

    dans la paume
    rien qu’une pierre recrachée,
    petite comme
    une amande

    (le doux est trop
    caché et trop
    dure la coquille).

    Compte-moi parmi les amandes.



    La langue vole un peu partout, roule,
    jette-la, jette-la
    ainsi tu l’auras à nouveau
    :
    ce sera un battement d’oreille,
    une aile qui s’ouvre pour mesurer le ciel.




    __________________
    1. Zähle mich zu den Mandeln
    2. wirf sie weg, wirf sie weg,|dann hast du sie wieder




    Elisa Biagini, « Donner de l’eau à la plante du rêve (dialogue avec Paul Celan) », Depuis une fissure (Da una crepa, Giulio Einaudi editore, Collezione di poesia 421, 2014, pp. 11-13), édition bilingue, éditions Cadastre8zéro, Collection Donc dirigée par Bernard Noël, 80000 Amiens, 2017, pp. 18-23. Traduit de l’italien par Roland Ladrière.






    Elisa Biagini  Depuis une fissure






    ELISA BIAGINI



    Elisa Biagini 2





    ■ Elisa Biagini
    sur Terres de femmes

    Depuis une fissure (note de lecture d’AP)
    Nel bosco | Dans le bois (note de lecture d’AP)
    La gita (poème extrait de Da una crepa)
    Sotto i castagni (extrait du recueil L’ospite) (+ notice bio-bibliographique)
    Elisa Biagini au Centre d’Études Poétiques de l’ENS de Lyon (chronique de Marie-Ange Sebasti)
    Anne Sexton | Elisa Biagini | Due mani… Due voci (trois poèmes extraits de Nel bosco, avec leur traduction en français par AP)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Da una crepa
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le portrait d’Elisa Biagini (+ un poème extrait du recueil L’ospite, un poème extrait d’Acqua smossa et un poème extrait de Da una crepa. Traduction inédite d’AP)




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    le site personnel d’Elisa Biagini
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    dix poèmes d’Elisa Biagini dits par Elisa Biagini (+ traduction française)
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    Anthologie bilingue d’Elisa Biagini, par Estelle Ceccarini
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    La poésie d’Elisa Biagini, images de l’intime et démystification du monde, par Estelle Ceccarini
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    bio-bibliographie d’Elisa Biagini (+ de nombreux poèmes)
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    Domande da una crepa: intervista a Elisa Biagini
    → (sur le site de Chelsea Editions)
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  • Elisa Biagini | La gita



    LA GITA
    (brano)




    “Devo rassegnarmi a non poter qui
    raddrizzare nulla”
    NATHAN ZACH

    Un vento che m’impasta
    col soffione, che mi
    fonde le suole mentre
    faccio la mia
    cernita: quale sasso
    ti ricorda, il suono
    di quale sirena.


    Adesso è il tempo della
    miniera della terra
    che mi sfiora il capo,
    del parlare indurito,
    della lampada spenta.






    IMGP3828
    Ph., G.AdC





    Scale dentro la roccia
    grattano il fondo, dove
    si sudano sassi e il cuore
    gorgoglia.






    IMGP3829
    Ph., G.AdC





    Ci scendiamo in miniera
    seguendo briciole di
    pirite, ci si scende
    con gli occhi, coi ginocchi,
    ci si scende a cercare
    la traccia, la goccia
    che ha segnato la pietra
    col cadere, che fa la
    memoria traboccare.

    (ci sciogliamo
    col caldo, goccia
    a goccia, ci
    rimpastiamo
    al mare.

    ci ritroviamo,
    nodo nella
    palpebra.)

    Dentro ascolto il
    legno del sostegno,
    conto le micce che
    aprono alla vista,
    ci raduno prima
    della volata,

    ci cerco
    nel buio e nel calore.

    Ci cerco, a noi due:
    tu nube di memoria,
    io che mi sfuggo
    come di mercurio,
    tremito di termometro
    che ingoio, vetro e tutto.

    (Un treno dal buio,
    un piede per binario,
    un occhio accecato che
    ti cerca,

    un treno
    nel buio, che t’aspetta.)


    […]



    Elisa Biagini, La gita in Da una crepa, Giulio Einaudi Editore, Collezione di poesia 421, 2014, pp. 53-54.







    Da una crepa








    L’EXCURSION
    (extrait)




    « Je dois me résigner à ne pouvoir ici
    rien redresser »
    NATHAN ZACH




    Un vent qui me pétrit
    dans le pissenlit, qui fait
    fondre mes semelles pendant
    que je fais mon
    tri : quelle pierre
    te rappelle, le son
    de quelle sirène.

    Maintenant est le temps de
    la mine de la terre
    qui m’effleure la tête,
    du parler endurci,
    de la lampe éteinte.

    Escaliers à l’intérieur de la roche
    grattent le fond, où l’on
    sue des pierres et le cœur
    gargouille.

    Nous y descendons dans la mine,
    en suivant des miettes de
    pyrite, on y descend
    avec les yeux, les genoux,
    on y descend chercher
    la trace, la goutte
    qui a marqué la pierre
    avec la chute, qui fait
    déborder la mémoire.

    (Nous nous diluons
    avec la chaleur, goutte
    à goutte, nous
    nous mélangeons
    à la mer.

    Nous nous retrouvons,
    nœud dans la
    paupière.)






    IMGP3826
    Ph., G.AdC





    Dedans j’écoute le
    bois du soutien,
    je compte les mèches qui
    ouvrent la vue,
    je m’y joins avant
    l’envol,

    j’y cherche
    dans l’obscurité et la chaleur.





    IMGP3827

    Ph., G.AdC





    J’y cherche, nous deux :
    toi nuée de mémoire,
    moi qui m’échappe
    comme du mercure,
    tremblement de thermomètre
    que j’avale, verre et tout.

    (Un train de l’obscurité,
    un pied pour chaque voie,
    un œil aveuglé qui
    te cherche,

    un train
    dans l’obscurité, qui t’attend.)

    [… ]



    Elisa Biagini, « Sept poètes italiens d’aujourd’hui » in Inuits dans la jungle, Numéro 5, 2014, pp. 26-27-28. Poème traduit de l’italien par Jean Portante.





    ______________________________
    NOTE d’AP : une anthologie bilingue (italien-anglais) des poèmes d’Elisa Biagini a paru en 2013 chez Chelsea Editions sous le titre The Guest in the Wood: A Selection of Poems 2004-2007, et a obtenu le prix BTBA 2014 (Best Translated Book Awards for poetry).







    Inuits 5






    ELISA BIAGINI


    Elisa Biagini 2




    ■ Elisa Biagini
    sur Terres de femmes

    Nel bosco | Dans le bois (note de lecture d’AP)
    [Les nuits se ferment] (poème extrait de Depuis une fissure)
    Depuis une fissure (note de lecture d’AP)
    Sotto i castagni (extrait du recueil L’ospite) (+ notice bio-bibliographique)
    Elisa Biagini au Centre d’Études Poétiques de l’ENS de Lyon (chronique de Marie-Ange Sebasti)
    Anne Sexton | Elisa Biagini | Due mani… Due voci (trois poèmes extraits de Nel bosco, avec leur traduction en français par AP)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Da una crepa
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le portrait d’Elisa Biagini (+ un poème extrait du recueil L’ospite, un poème extrait d’Acqua smossa et un poème extrait de Da una crepa. Traduction inédite d’AP)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    le site personnel d’Elisa Biagini
    → (sur Lyrikline)
    dix poèmes d’Elisa Biagini dits par Elisa Biagini (+ traduction française)
    → (sur Italies)
    Anthologie bilingue d’Elisa Biagini, par Estelle Ceccarini
    → (sur Italies)
    La poésie d’Elisa Biagini, images de l’intime et démystification du monde, par Estelle Ceccarini
    → (sur Poetry International Web) une
    bio-bibliographie d’Elisa Biagini (+ de nombreux poèmes)
    → (sur Nazione Indiana)
    Domande da una crepa: intervista a Elisa Biagini
    → (sur le site de Chelsea Editions)
    une page sur Elisa Biagini






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  • Elisa Biagini | Sotto i castagni



    [SOTTO I CASTAGNI]




    Castagne
    Ph., G.AdC






    Sotto i castagni raccogli i ricci
    per una tua corona
    dei giorni feriali,
    e ti ci togli lo smalto con quel sangue,
    i ricami, gli orli, il punto a croce
    chilometri di roba :
    perduta con quei fili
    tra i castagni
    giri in tondo da anni
    su una sedia,
    hai il tuo bozzolo duro come schermo
    e nessuna finestra.




    Elisa Biagini, L’ospite, Giulio Einaudi Editore, Torino, 2004, pagina 6.







    [SOUS LES CHÂTAIGNIERS]



    Sous les châtaigniers tu ramasses les bogues
    pour ta couronne
    des jours de labeur,
    et tu ôtes ton vernis avec ce sang,
    les broderies, les ourlets, le point de croix
    des kilomètres d’accessoires :
    perdue avec ces fils
    au milieu des châtaigniers
    tu tournes en rond depuis des années
    sur une chaise,
    ton cocon a la dureté d’une carapace
    et pas de fenêtre.



    Traduction inédite d’Angèle Paoli





    Lospite2





    __________________________________________

    NOTE d’AP : j’ai traduit trois autres poèmes d’Elisa Biagini (accompagnés d’une courte notice) pour le premier numéro de la revue internationale de poésie Place de la Sorbonne dont le lancement officiel a eu lieu le 14 mars 2011 à Paris. Comme l’a souligné Estelle Ceccarini (Maître de Conférence à l’Université de Provence) dans la revue Italies (13, 2009), Elisa Biagini « appartient à cette génération de jeunes poètes italiens que l’on ne peut enfermer » dans aucun « courant&nbsp». Pour en savoir plus sur Elisa Biagini, se reporter à l’encadré ci-dessous.





    ELISA BIAGINI

    ELISA BIAGINI




    Elisa Biagini est née le 26 octobre 1970 à Florence où elle vit et enseigne actuellement, après un long séjour aux États-Unis où elle a soutenu un doctorat et enseigné dans plusieurs universités. Diplomée d’histoire de l’art (elle a consacré sa tesi di laurea à Ketty La Rocca), elle a publié à ce jour sept recueils : Questi nodi (Gazebo edizioni, Firenze, 1993), Uova (Zona edizioni, Genova, 1999), L’ospite (Giulio Einaudi Editore, Torino, 2004), Acqua smossa (LietoColle, Como, 2005), Fiato. Parole per musica (Edizioni d’If, Napoli, 2006), Nel bosco (Giulio Einaudi Editore, 2007) et Da una crepa (Giulio Einaudi Editore, 2014 ; trad. fr. Depuis une fissure, Cadastre8zéro, 2017). Il faut ajouter à ces recueils les textes de Morgue in VI Quaderno italiano di poesia (antologia poetica curata da Franco Buffoni, Marcos y Marcos, Milano, 1998) et Intreccio di ciglia, e-book et audio-livre d’Elisa Biagini et du musicien Filippo Gatti (2013). Une anthologie bilingue (italien-anglais) des poèmes d’Elisa Biagini a paru chez Chelsea Editions en 2013 sous le titre The Guest in the Wood: A Selection of Poems 2004-2007, et a obtenu le prix BTBA 2014 (Best Translated Book Awards for poetry).

    Elisa Biagini a aussi établi et coordonné l’édition de l’anthologie poétique Nuovi poeti americani (Giulio Einaudi Editore, 2006), où sont représentés douze jeunes poètes américains, dont Elizabeth Alexander, Lucille Clifton, Louise Glück, Sharon Olds et Alicia Ostriker. Elisa Biagini a également participé à plusieurs anthologies collectives, dont Nuovissima poesia italiana (Mondadori, Milano, 2004) et Parola plurale (Sossella editore, Roma, 2005).



    ■ Elisa Biagini
    sur Terres de femmes

    Nel bosco | Dans le bois (note de lecture d’AP)
    [Les nuits se ferment] (poème extrait de Depuis une fissure)
    Depuis une fissure (note de lecture d’AP)
    Elisa Biagini au Centre d’Études Poétiques de l’ENS de Lyon (chronique de Marie-Ange Sebasti)
    Anne Sexton | Elisa Biagini | Due mani… Due voci (trois poèmes extraits de Nel bosco, avec leur traduction en français par AP)
    La gita (poème extrait de Da una crepa)
    → (dans l’anthologie Terres de femmes)
    Da una crepa
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le portrait d’Elisa Biagini (+ un poème extrait du recueil L’ospite, un poème extrait d’Acqua smossa et un poème extrait de Da una crepa. Avec leur traduction en français par AP)


    ■ Voir | écouter aussi ▼

    le site personnel d’Elisa Biagini
    → (sur Lyrikline)
    dix poèmes d’Elisa Biagini dits par Elisa Biagini (+ traduction française)
    → (sur Poetry International Web) une
    bio-bibliographie d’Elisa Biagini (+ de nombreux poèmes)
    → (sur le site de la revue culturelle brésilienne Agulha) un
    entretien d’Elisa Biagini (en portugais) avec Prisca Agustoni



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  • Elisa Biagini | Da una crepa



     matière semblable<br />
au blanc d’oeuf, enduit dégoulinant de la fissure » title= »matière semblable au blanc d’oeuf, enduit dégoulinant de la fissure » src= »https://terresdefemmes.blogs.com/.a/6a00d8345167db69e20120a782ca59970b-300wi » /></a><br /><EM><SMALL><a href=Ph., G.AdC






    DA UNA CREPA

    per O.L.



    mi scrivo tra le
    crepe, nei nodi
    del legno, nella
    polvere sotto il tappeto:

    il buio, che aspetta
    d’entrare, s’aggruma
    d’occhiaie.

                *

    come su foglio
    accartocciato
    che si liscia
    resta il
    segno
                crepa
    a coloraci
    l’inchiostro.

    (noi ci imbeviamo
    d’infiniti spigoli.)

                *

    mi si vede solo
    in controluce,
    materia come
    chiara d’uovo,
    patina gocciolata
    dalla crepa:
    un alfabeto braille
    d’ossa che vogliono
    uscire.

                *

    e la schiena si
    crepa, astuccio
    di semi
    che spingono,
    che s’aprono in rami,
    cespuglio di dita
    che mai giunge a toccare,
    che taglia l’aria d’unghia.



    Elisa Biagini
    D.R. Texte inédit
    Elisa Biagini pour Terres de femmes






    D’ENTRE LES FISSURES



    je m’écris d’entre les
    fissures, d’entre les nœuds
    du bois, dans
    la poussière sous le tapis :

    l’obscurité, qui attend
    d’entrer, s’engrumèle
    de cernes

                   *

    comme sur une feuille
    recroquevillée
    que l’on lisse
    reste la
    trace
                fissure
    à colorer
    notre encre.

    (nous nous imprégnons
    d’arêtes infinies.)

                   *

    on me voit seulement
    à contre-jour,
    matière semblable
    au blanc d’oeuf,
    enduit dégoulinant
    de la fissure :
    un alphabet braille
    d’os qui veulent
    s’évader.

                   *

    et le dos se
    fissure, gousse
    de semences
    qui poussent,
    qui s’ouvrent en branches,
    buisson de doigts
    qui ne parvient jamais à toucher,
    qui taille l’air de ses ongles.



    Traduction inédite d’Angèle Paoli




    ___________________________________________________
    Notes d’AP : 1. Ces vers d’Elisa Biagini (et leur traduction) ont servi de support à une composition musicale de Marta Gentilucci, créée à l’ircam-Centre Pompidou le 2 juin 2012.
    2. Alessandro De Francesco et Isabel Violante préparent actuellement une édition française des poèmes d’Elisa Biagini.
    3. Le recueil Da una crepa a paru chez Einaudi en avril 2014.






    ELISA BIAGINI

    ELISA BIAGINI




    ■ Elisa Biagini
    sur Terres de femmes

    Nel bosco | Dans le bois (note de lecture)
    Sotto i castagni (extrait du recueil L’ospite) (+ notice bio-bibliographique)
    Elisa Biagini au Centre d’Études Poétiques de l’ENS de Lyon (chronique de Marie-Ange Sebasti)
    Anne Sexton | Elisa Biagini | Due mani… Due voci (trois poèmes extraits de Nel bosco, avec leur traduction en français par AP)
    La gita (poème extrait de Da una crepa)
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le portrait d’Elisa Biagini (+ un poème extrait du recueil L’ospite, un poème extrait d’Acqua smossa et un poème extrait de Da una crepa. Avec leur traduction en français par AP)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    le site personnel d’Elisa Biagini
    → (sur Lyrikline)
    dix poèmes d’Elisa Biagini dits par Elisa Biagini (+ traduction française)
    → (sur Poetry International Web) une
    bio-bibliographie sur Elisa Biagini (+ de nombreux poèmes)
    → (sur le site de la revue culturelle brésilienne Agulha) un
    entretien d’Elisa Biagini (en portugais) avec Prisca Agustoni



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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Elisa Biagini à Lyon

    Chroniques de femmes – EDITO

    Chronique de Marie-Ange Sebasti



    Lospite







        Poète originaire de Florence, Elisa Biagini, qu’Angèle Paoli a récemment présentée sur Terres de femmes, était l’invitée d’Alessandro De Francesco, professeur à l’ENS Lettres et Sciences Humaines de Lyon, le mardi 13 mai, dans le cadre de son séminaire « Initiation à la poésie italienne contemporaine » pour une « lecture conférence » centrée sur le travail d’écrivain d’Elisa Biagini.

        Deux ouvrages emblématiques de son projet poétique ont été choisis pour la lecture, en italien par leur auteur, en traduction française par Alessandro De Francesco, après leur présentation éclairante : L’ospite, paru chez Einaudi à Turin en 2004, et Nel bosco (Einaudi, 2007), le plus récent.

        Elisa Biagini définit le premier comme un roman en vers construit à partir de la figure de sa grand-mère, avec laquelle un dialogue est entamé. Mais elle insiste sur le fait qu’il n’y a pas dans ce texte de dimension biographique, cette figure restant métaphorique dans ce qu’elle appelle une sorte de manifeste sur le thème du corps à partir de trois éléments : la maison, la nourriture, le corps. On saisit donc d’emblée l’ambition de ce poète pour qui la méthode est l’élément fondamental du processus d’écriture. Cette méthode implique un contrôle strict de la dimension émotionnelle de l’écriture qui en exclut nécessairement la spontanéité.

         Le recueil Nel bosco, reprenant ce thème prégnant du corps, est évidemment le fruit de cette méthode et développe ce manifeste. Il s’agissait pour l’auteur de réécrire l’histoire du Chaperon rouge, en la lisant d’abord dans toutes les versions possibles, puisqu’elle existe dans toutes les cultures, pour recréer la valeur symbolique des personnages. À la question d’un auditeur estimant que cette poésie peut relever d’une sorte de « nombrilisme autoréférentiel », Elisa Biagini répond qu’elle a choisi un thème qui passe par la nécessité de raconter sa propre expérience. Elle acquiert sa connaissance du monde par le biais du corps et sa poésie, à travers son expérience individuelle, à l’égal de celle d’Emily Dickinson, par exemple, est en quelque sorte « politique ». Son travail d’écriture naît d’un refus de ce qu’elle appelle « une poésie de la consolation », actuellement très présente en Italie, qui a tendance à « consoler », c’est-à-dire à donner des réponses au lieu de poser des questions.

        La lecture de plusieurs extraits des trois sections du recueil Nel bosco est complétée, dans un souci de lecture alternative, par une courte vidéo « sans prétention artistique », réalisée dans un bois hivernal de Toscane, qui souligne le caractère fortement « élémentaire » de cette poésie.

        Alessandro De Francesco noue alors un dialogue avec son invitée en comparant les deux ouvrages présentés. S’il reconnaît des éléments stylistiques identiques, il voit entre eux une grande différence dans la forme, proche de celle du haïku dans les poèmes encore plus elliptiques de Nel bosco, mais aussi dans le « panorama expressif ». Il constate dans ce recueil une dimension conceptuelle plus poussée. Le champ sémantique relève à ses yeux d’une façon plus systématique d’une certaine « récupération très personnelle d’une forme de lyrisme » où le cœur (physique) est présent en tant que moteur.

        Dans sa réponse, l’auteur, fidèle à la ligne de sa poétique, défend vivement l’analogie entre les deux textes, dont chacun crée un espace émotionnel très concentré (la maison, le bois). Si pour Paul Celan, un auteur dont elle se sent proche, la langue est « patrie », elle précise qu’elle la voit quant à elle comme un « espace », et cet espace est, dans l’écriture, précisément celui d’une « intervention politique ». Plusieurs auditeurs interviennent sur ce thème riche, récurrent dans son exposé, ainsi que sur la pensée de Celan ou sur les caractéristiques et l’évolution de la poésie en Italie.

        La hache, instrument de menace, mais aussi de nettoyage, figure clairement le travail du poète tel que l’entend Elisa Biagini, car dans « un monde de palabres où les projets ne peuvent vraiment aboutir », la tâche de la poésie est « de ramener à la substance des choses ». On se prend à rêver avec elle de la victoire « politique » de la métaphore.


    Marie-Ange Sebasti
    D.R. Texte Marie-Ange Sebasti





    Nel_bosco_2





    ■ Elisa Biagini
    sur Terres de femmes


    Nel bosco | Dans le bois (lecture d’AP)
    [Les nuits se ferment] (poème extrait de Depuis une fissure)
    Depuis une fissure (lecture d’AP)
    Sotto i castagni (extrait du recueil L’ospite)
    Anne Sexton | Elisa Biagini | Due mani… Due voci (trois poèmes extraits de Nel bosco, avec leur traduction en français par AP)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Da una crepa
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le portrait d’Elisa Biagini (+ un poème extrait du recueil L’ospite et un autre extrait d’Acqua smossa)




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    le site personnel d’Elisa Biagini
    → (sur Lyrikline)
    dix poèmes d’Elisa Biagini dits par Elisa Biagini (+ traduction française)
    → (sur Poetry International Web) une
    une bio-bibliographie d’Elisa Biagini (+ de nombreux poèmes)
    → (sur Terres de femmes)
    Portrait de Marie-Ange Sebasti





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Elisa Biagini | Nel bosco | Dans le bois

    Elisa Biagini, Nel bosco,
    Giulio Einaudi Editore, 2007.



    Elisa Biagini
    Source







    À LA CROISÉE DES CHEMINS DE LECTURE



        Pénétrer « dans le bois » d’Elisa Biagini et s’enfoncer dans son réseau de ramifications, à la recherche des traces et des sassi semés d’une section à l’autre du recueil Nel bosco [non encore traduit en français], c’est prendre le risque de se perdre, après elle, dans l’opacité d’un monde qui mène à l’écriture. Une opacité d’avant-la-naissance, jouxtant la mort.
        Sans doute la mort, présente dès avant la mise-au-monde, préside-t-elle ici à l’écriture. Car Nel bosco — qui s’ouvre sur — et s’ancre dans — un poème de Paul Celan daté de 1945-1946, « La mano piena d’ore/Die Hand voller Stunden) », extrait du recueil Pavot et Mémoire —, est dédié au poète juif allemand, et porte, pour annoncer et clarifier l’exergue poétique, cette parenthèse d’Elisa Biagini : (« pour P.C., suicidé au cours du premier mois après ma* conception »).
        Autre suicide qui hante Elisa Biagini, celui de l’américaine Anne Sexton, citée en exergue de La sorpresa nell’uovo/La surprise dans l’œuf, seconde section de Nel bosco : « Fact : Death too is in the egg »//« Constat : La mort aussi est dans l’œuf. »
        Le nécessaire égarement dans les bois — « La perdita necessaria nei boschi » — énoncé par Bartolo Cattafi, le retour à l’œuf des origines, l’écriture poétique, peuvent-ils être une véritable alternative au suicide ? Rien, dans Nel bosco, qui permette de l’affirmer ni de l’infirmer.



    Une poésie cyclique


         Paru en 2007 chez Giulio Einaudi, Nel bosco regroupe trois sections : Cappuccio rosso, La sorpresa nell’uovo, Gretel o del perdersi. De ce triptyque, le premier et le troisième volet renvoient explicitement, dès le titre, à l’univers du conte et à ses données archétypales. Chaperon rouge reprend certaines des figures et images essentielles du conte de Perrault (XVIIe siècle). Gretel, dont la présence est annoncée dans un poème de La surprise dans l’œuf (i « sassolini di Gretel » // « les petits cailloux de Gretel »), est inspirée du personnage féminin du conte de Grimm, Ansel et Gretel. Indissociable de Gretel dont il est le grand frère, Ansel est en apparence le grand absent du recueil. Celui auquel il n’est jamais fait allusion. C’est oublier que Celan est l’anagramme de Antschel (Ansel), le vrai nom du poète juif allemand.
         Au centre du triptyque, La surprise dans l’œuf. L’œuf, figure parfaite du monde du dedans auquel il faut, un temps, revenir et dont il faut ensuite émerger. Cette trilogie de poésie narrative semble inscrire le recueil Nel bosco dans un long poème cyclique de mort et de re-naissance.



    La figure du dedans


         Doublement annoncée dès le titre Nel bosco, la figure du dedans est une figure omniprésente dans la poésie d’Elisa Biagini. Elle se décline, polymorphe et plurielle, tout au long du recueil, à partir de mots clefs qui sont autant de cailloux disséminés dans les poèmes : bois ou œuf, ventre maternel, matrice, placenta, tronc creux de l’arbre, gousse, étui **, maison-cercle, serre. Images de l’intime sur lesquelles viennent se greffer de multiples surgeons : poche, assiette creuse, écorce, épluchure. Mais aussi capuchon et panier, attributs essentiels du Chaperon rouge. Toutes ces figures familières dérivent du topos initial du « bois ». Lieu fondateur de la poésie d’Elisa Biagini, le bois est une invite constante à se perdre. À retourner dans la bouche de la mère : « Ritorna qui/in bocca alla tua/mamma // Retourne ici/dans la bouche de ta maman », intime à l’enfant la voix injonctive qui parle dans le poème. C’est que la forêt et le ventre maternel sont de même nature. Ronds de la même rondeur de roue, du même mouvement de cercle répétitif et mécanique auquel il faut retourner. Tous deux enveloppants, englobants, construits sur le même principe d’ingestion et de digestion. De déjection. Et l’enfant d’être recrachée par le bois dans le poème-parenthèse ronde — d’où surgit la forme parfaite de l’œuf, rondeur sans fissure, sans brèche. L’enfant délivrée de sa peur peut enfin se diriger, ronde de sa propre rondeur avec pour seule boussole, son propre omphalos/nombril.



    La métaphore du corps


         La forêt conduit au ventre et les griffures des branches sont semblables aux écorchures infligées par la mère. Un lien étroit (cordon, lacet, tendon), tissé de dégoût davantage que d’amour, unit la fille à la mère. Le corps de l’une y joue le rôle de miroir pour l’autre. Corps-miroir dans lequel se boire et se flairer, se perdre et se chercher. Inclus dans celui de la mère, le corps de l’enfant, « l’ultimo posto dove nascondersi // « ce lieu ultime où se cacher », est comme lui voué aux mêmes images de pâte et de beurre, de farine à malaxer, de sucre et d’œuf à mélanger, de blancheur de lait pareille à celle de la peau. Ou de pain durci, semblable à « la voix cassée comme du papier au soleil // voce seccata/come carta al/sole ». Le corps, métaphorisé en négatif à travers les ingrédients alimentaires qui composent le panier de l’enfant-chaperon rouge, est un corps morcelé. Semblable en cela à celui de la mère-grand (la mère, chez Biagini) que le loup a dépecé, morceau après morceau dans le conte de Perrault. Ces morceaux, il faut pourtant les porter avec soi. Tout en sachant qu’ils formeront le corps de l’adulte à venir — un corps dé-composé dès son origine, indépendamment du loup.



    Le retour à l’œuf primordial


         De cette contradiction originelle résulte sans doute le désir de l’enfant de se tenir à l’écart du monde, de se protéger de l’extérieur en rabattant son capuchon sur ses oreilles. Mieux encore, de retrouver l’espace gigogne dans lequel le « je » de l’enfant fusionne « en cinémascope » avec celui de la mère. De retourner à l’œuf primordial. Un retour mis en scène à travers les poèmes de La surprise dans l’œuf.
        À partir du microcosme fœtal dans lequel elle évolue, la voix du « je » comprimé dans l’enveloppe utérine recrée le monde. Poisson à fleur d’eau, le « je » évoque sa vision de derrière le « hublot » de la bouche maternelle. Le « corps creux », écran qui sépare du souffle extérieur calamiteux, n’en est pas moins perçu comme une lentille déformante, peu fiable pour décrypter le monde. Quant au corps miniaturisé de l’enfant, mosaïque d’éléments disparates, miettes et tessons, il est un microcosme aveugle, privé de lumière et de visibilité, un miroir sombre dans lequel il est difficile de suivre l’évolution de ses propres cellules. Ou encore un écheveau inextricable, prisonnier d’un habitacle inconfortable. D’autant plus inconfortable que l’œuf contient « due gusci, matrioska // deux coquilles, matrioska ». La présence inattendue d’une sœur jumelle ? Telle pourrait être la surprise qui se joue dans l’œuf.
        Pour autant ce n’est pas cette présence incongrue qui incite la voix dominante à vouloir mettre un terme à ce « campement » et à fermer « le nombril avec la main ». Privée de lumière et « pulvérisée de X et Y », tel est le regard que la fillette porte sur elle-même et sur l’aventure de sa conception. « Billes sur le plancher ».



    Sasso/sesso


         Complexe est la poésie d’Elisa Biagini. Loin d’apporter des réponses aux questions qui se posent, le troisième volet du triptyque, Gretel o del perdersi, garde secrète une part de mystère. La re-naissance promise prend des chemins de traverse et semble sans cesse vouloir se dérober. Ce court traité poétique sur la nécessité de « se perdre » met l’accent sur l’image clef du caillou. Semé de poème en poème (dans le conte de Grimm, c’est Ansel qui sème à plusieurs reprises les cailloux puis les miettes derrière lui pour pouvoir retrouver le chemin de la maison), le caillou-pain durci est associé à la trace, au semis, au fil, au sentier, au chemin, aux pas, au trajet. À la direction à suivre et aux actions de tourner, marcher, se perdre, chercher et s’interroger.
        « Che cosa cerco andando/in tondo e ancora/in tondo? // Qu’est-ce que je cherche à tourner ainsi en rond encore et encore ? », se demande la voix du poème qui clôt le recueil ? Du même ovale obsédant que l’œuf — (L’ovale di mia/bocca per/tragitto // L’ovale de ma/bouche pour/trajet) —, le caillou contamine le corps et l’espace dans lequel il évolue. Pareil au « poing serré qui jamais plus ne s’ouvrira », le caillou — sasso en italien —, euphoniquement très proche du sexe — sesso en italien. Un sexe clos sur lui-même ? Confronté aux violences de la naissance et se refusant à la vie ? Peut-être. Le corps de l’enfant demeure une carte géographique où déchiffrer les égarements, un « fichier » où sont consignés les tracés des errements et des rencontres (retrouvailles) avec soi. Un « corpo che si cerca/…si rivolta come calza // corps qui se cherche…/et se retourne comme une chaussette ». Un corps noué — « io con un/filo annodato ad/ogni dito // moi avec un/fil noué à/chaque doigt », contraint d’entrer par une « porte sans nom » dans un monde hostile, un monde coupant où « les pas sont des coups de hache ». Pourtant, le pouls de la fillette palpite et l’incite à flairer la terre, ce « chaudron-cloche » qui l’appelle, ou encore à débusquer « les doigts-clochettes » des feuillages. Elle tire à elle une étoile, participe à la transformation minuscule du monde. Mais le monde du dehors est cruel, il recrache et tousse, égratigne au passage le « verre de la pupille » et retient l’enfant, « foglia, tra le/pagine di un libro // feuille/entre les pages d’un livre ». La fillette, « moneta caduta nel pozzo // monnaie tombée dans un puits ».



    Chemins de lecture


        Tout à la fois énigmatique et familière, la poésie d’Elisa Biagini, d’une extrême concision et densité, déconcerte. Centrés autour d’images accessibles et inattendues, les poèmes, ouroboroï roulés sur eux-mêmes (dialectique de la vie et de la mort attestée par l’omniprésence de la queue, prolongement du corps), sont un espace clos qui diffuse ses formes et entrelacs à l’ensemble de l’œuvre. À travers le prisme d’images inattendues, Elisa Biagini explore un monde complexe de sensations « primitives », créant ainsi un univers parallèle foisonnant de ramifications. Un monde étrange et mystérieux qui joue sur la frontière sensible et poreuse intérieur/extérieur. Un espace poétique soudain réversible — « è il bosco che mi segue // c’est le bois qui me suit » — et à ce point interchangeable qu’il est difficile de choisir entre une vision négative ou positive du monde.

        Nel bosco, un parcours poétique qui place le lecteur à une exaltante croisée des chemins.


    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli


    * C’est moi qui souligne.
    ** En latin, vagina.




    Nel_bosco_2




    Note d’AP : le mardi 13 mai 2008, dans le cadre du séminaire « Initiation à la poésie italienne contemporaine » dirigé par Alessandro De Francesco, Elisa Biagini a été l’invitée du Centre d’Études Poétiques de l’Ecole Normale Supérieure Lettres et Sciences Humaines de Lyon (en partenariat avec l’Institut Culturel Italien de Lyon). Elle y a notamment parlé de son « expérience d’écriture ».
        « On me demande souvent pourquoi j’écris de la poésie : écrire, c’est s’obliger à redécouvrir le réel et à le regarder avec des yeux différents. Même si l’on parle de détails apparemment privés (car je crois que l’on ne peut écrire « honnêtement » que de ce que l’on connaît), on raconte quand même l’expérience de tous, du « mal de vivre » commun à tous. C’est pourquoi j’aime penser ma poésie comme une poésie « politique », comme un médium qui analyse l’expérience de vivre et les contradictions qui en découlent, un médium qui vise à faire réfléchir le lecteur, et non pas à le consoler. Écrire, c’est un acte de responsabilité qui présuppose une conscience pleine et constante des actions accomplies. Il y a, bien sûr, de l’abandon, mais celui-ci doit être maîtrisé. » (Elisa Biagini)





    ■ Elisa Biagini
    sur Terres de femmes

    Anne Sexton | Elisa Biagini | Due mani… Due voci (trois poèmes extraits de Nel bosco, avec leur traduction en français)
    [Les nuits se ferment] (poème extrait de Depuis une fissure)
    Depuis une fissure (note de lecture d’AP)
    Sotto i castagni (extrait du recueil L’ospite) (+ notice bio-bibliographique)
    Elisa Biagini à l’ENS de Lyon (chronique de Marie-Ange Sebasti)
    La gita (poème extrait de Da una crepa)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Da una crepa
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le portrait d’Elisa Biagini (+ un poème extrait du recueil L’ospite, un poème extrait d’Acqua smossa et un poème extrait de Da una crepa. Avec leur traduction en français par AP)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    le site personnel d’Elisa Biagini
    → (sur Lyrikline)
    dix poèmes d’Elisa Biagini dits par Elisa Biagini (+ traduction française)
    → (sur Poetry International Web) une
    bio-bibliographie sur Elisa Biagini (+ de nombreux poèmes)
    → (sur le site de la revue culturelle brésilienne Agulha) un
    entretien d’Elisa Biagini (en portugais) avec Prisca Agustoni
    → (sur Georgiamada) un
    entretien d’Elisa Biagini (en italien) avec Giovanni Choukhadaria (Stilos, 19 juillet 2005)
    → (sur YouTube)
    nel bosco (une animation flash de Marina Gasparini)
    → (sur YouTube)
    Elisa Biagini spiega perché leggere poesia





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  • Anne Sexton | Elisa Biagini | Due mani… Due voci

    «  Poésie d’un jour  »



    Sexton biagini








    TWO HANDS


    From the sea came a hand,
    ignorant as a penny,
    troubled with the salt of its mother,
    mute with the silence of the fishes,
    quick with the altars of the tides,
    and God reached out of His mouth
    and called it man.
    Up came the other hand
    and God called it woman.
    The hands applauded.
    And this was no sin.
    It was as it was meant to be.

    I see them roaming the streets:
    Levi complaining about his mattress,
    Sarah studying a beetle,
    Mandrake holding his coffee mug,
    Sally playing the drum at a football game,
    John closing the eyes of the dying woman,
    and some who are in prison,
    even the prison of their bodies,
    as Christ was prisoned in His body
    until the triumph came.

    Unwind, hands,
    you angel webs,
    unwind like the coil of a jumping jack,
    cup together and let yourselves fill up with sun
    and applaud, world,
    applaud.


    Anne Sexton, The Awful Rowing Toward God (1975), in The Complete Poems, Boston, Houghton Mifflin Company, 1981 ; First Mariner Books edition, 1999, p. 421.






    DEUX MAINS


    La mer apporta une main,
    aussi niaise qu’un sou,
    corrodée par le sel de sa mère,
    rendue muette par le silence des poissons.
    Elle arriva rapide sur l’autel de la mer
    et Dieu la saisit de Son Verbe
    et il l’appela homme.
    L’autre main monta à la surface
    et Dieu l’appela femme.
    Les mains applaudirent.
    Et ceci n’était pas un péché.
    C’était comme cela devait être.

    Je les vois sillonnant les rues :
    Levi se plaint de son matelas
    Sarah scrute un cafard
    Mandrake tient dans la main une tasse de café
    Sally joue du tambour lors d’une partie de football
    John ferme les yeux de la femme à l’agonie
    il y en a qui sont en prison,
    et même dans la prison de leur corps,
    comme le Christ fut prisonnier de Son corps
    avant que le triomphe advint.

    Déliez-vous, mains,
    vous angéliques lacis,
    déliez-vous comme le ressort d’une sauterelle
    unissez-vous en forme de coupe et emplissez-vous de soleil :
    et maintenant, applaudissements, monde,
    applaudissements.


    Traduction Angèle Paoli





    _______________________________________
    NOTE d’AP :

    C’est au cours de ma lecture du recueil Nel bosco (Einaudi, 2007), et plus particulièrement de La Surprise dans l’œuf (La sospresa nell’uovo) d’Elisa Biagini que je suis « tombée » sur cette troublante dédicace à Anne Sexton : « Fact : death too is in the egg/Constat : la mort aussi est dans l’œuf » (The Operation, 2, All My Pretty Ones, 1962 ; in The Complete Poems, Boston, Houghton Mifflin Company, 1981 ; First Mariner Books edition, 1999, p. 57). D’où le choix du poème ci-dessus. Choix qui acquiert une pertinence accrue pour qui sait qu’Elisa Biagini a enseigné aux Etats-Unis et a édité en 2006 chez Einaudi une anthologie des nouveaux poètes américains.

    En dehors de la Toile, il n’existe pas encore de traduction française de la poésie d’Anne Sexton*. Pas davantage de traduction française de quelque recueil que ce soit d’Elisa Biagini **. Ci-dessous, trois poèmes d’Elisa Biagini, rencontrée vendredi 18 avril 2008 aux Premières rencontres poétiques de Fiesole.

    Elisa Biagini sera le 13 mai 2008 l’invitée du Centre d’Études Poétiques de l’ENS de Lyon (en partenariat avec l’Institut Culturel Italien et le département d’italien). Elle y parlera notamment de son expérience d’écriture.


    * A paraître en 2021, aux éditions des Femmes, une édition française des poèmes d’Anne Sexton, sous la conduite de Sabine Huynh.
    ** Depuis la rédaction de cette note (avril 2008), plusieurs poèmes ont été publiés et traduits en français dans la revue Italies (Revue d’études italiennes, Université de Provence, Poètes italiens d’aujourd’hui, 2009/1, n° 13, pp. 43-54), précédés d’une communication d’Estelle Ceccarini (maître de conférence à l’Université de Provence)[« La poésie d’Elisa Biagini, images de l’intime et démystification du monde » (id., pp. 27-42)], et également dans la revue Inuits dans la jungle (numéro 5, janvier 2014), dans une traduction de Jean Portante. La traduction que j’ai effectuée des trois poèmes ci-dessous a aussi été publiée dans le premier numéro de la revue de poésie Place de la Sorbonne (mars 2011, pp. 129-131), en même temps qu’une notice sur Elisa Biagini (page 158). En 2017 a paru aux éditions Cadastre8zéro (dans la collection Donc dirigée par Bernard Noël) la traduction française de Da una crepa, par Roland Ladrière et Jean Portante : Depuis une fissure.





    VOCE SCRITTA


    Voce scritta
    sul vetro, pelle
    affondata di
    lana, unghie come
    cadute sul tappeto:

    ma per te ho
    scarpe di
    campanelli, ogni
    voltarmi carta
    vetrata sul tuo
    muro.


    Elisa Biagini, La sorpresa nell’uovo in Nel bosco, Giulio Einaudi Editore, 2007, p. 60.





    Papier_de_verre_sur_ton_mur
    Ph., G.AdC





    VOIX ÉCRITE


    Voix écrite
    sur le verre, peau
    coulée de
    laine, ongles comme
    tombés sur le tapis :

    mais pour toi j’ai
    des chaussures à
    clochettes, chaque
    fois que je me retourne papier
    de verre sur ton
    mur.


    Traduction Angèle Paoli





    PERDUTA ?


    Perduta ? è il bosco
    che mi segue, che beve
    la mia ombra, mi
    svuota, tronco cavo:
    io foglia, tra le
    pagine di un libro.


    Elisa Biagini, Gretel o del perdersi, in Nel bosco, p. 110.





    Le_bois_qui_boit_mon_ombre
    Ph., G.AdC





    PERDUE ?


    Perdue ? C’est le bois
    qui me suit, qui boit
    mon ombre, me
    vide, tronc creux :
    moi feuille, entre les
    pages d’un livre.


    Traduction Angèle Paoli





    NEL BOSCO


    Nel bosco
    gli occhi sono
    sganciati come
    bottoni, la bocca
    un’asola.
                   Il viso tutto
    un pugno che
    si chiude.


    Elisa Biagini, Gretel o del perdersi, in Nel bosco, p. 121.





    Dans_le_bois_les_yeux_sont_dgrafs_2
    Ph., G.AdC





    DANS LE BOIS


    Dans le bois
    les yeux sont
    dégrafés comme
    des boutons, la bouche
    une boutonnière.
                                    Le visage entier
    un poing qui
    se ferme.


    Traduction Angèle Paoli





    ■ Elisa Biagini
    sur Terres de femmes

    Nel bosco | Dans le bois (lecture d’AP)
    [Les nuits se ferment] (poème extrait de Depuis une fissure)
    Depuis une fissure (lecture d’AP)
    Sotto i castagni (extrait du recueil L’ospite) (+ une notice bio-bibliographique)
    Da una crepa [Anthologie poétique Terres de femmes (29)]
    Elisa Biagini à l’ENS de Lyon (chronique de Marie-Ange Sebasti)
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le portrait d’Elisa Biagini (+ un poème extrait du recueil L’ospite, un poème extrait d’Acqua smossa et un poème extrait de Da una crepa. Avec leur traduction en français par AP)




    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur American Poems) une
    biographie d’Anne Sexton (+ 172 poèmes)
    le site personnel d’Elisa Biagini
    → (sur Lyrikline)
    dix poèmes d’Elisa Biagini dits par Elisa Biagini (+ traduction française)
    → (sur Poetry International Web)
    une bio-bibliographie d’Elisa Biagini (+ de nombreux poèmes)





    ■ Anne Sexton
    sur Terres de femmes


    Her Kind
    When man enters woman




    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur YouTube)
    Short clips of Anne Sexton reciting some poetry and excerpts from home movies
    → (sur YouTube)
    Anne Sexton reading her poem With Mercy For The Greedy
    → (sur YouTube)
    Anne Sexton reading her poem The Starry Night
    → (sur YouTube)
    Anne Sexton reading her poem The Truth the Dead Know
    → (sur YouTube)
    Anne Sexton reading her poem Her Kind, 1966
    → (sur Poetry Foundation)
    une page sur Anne Sexton
    → (sur anne-sexton.blogspot.fr)
    de nombreux poèmes (12) d’Anne Sexton (+ leur traduction en français par Michel Corne)
    → (sur le blog Quelques pages d’un autre livre ouvert)
    une bio-bibliographie (en français) d’Anne Sexton
    → (sur PoemHunter.com)
    Poems of Anne Sexton
    → (sur Arlindo Correia)
    de nombreux poèmes d’Anne Sexton (traduits en espagnol, en italien et en portugais)
    → (sur lyrikline blog)
    Readings to remember: Anne Sexton





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