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Étiquette : Emmanuel Moses
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Emmanuel Moses | [La mer, à peau de cétacé]
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Emmanuel Moses | [Le cahier vide et le cahier qui se remplit]
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Éléonore de Monchy | Arcasse
ÉLÉONORE DE MONCHY
Tout tombe
■ Éléonore de Monchy
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Emmanuel Moses | La fleur « Shortia »
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Emmanuel Moses, Ivresse
par Gérard CartierEmmanuel Moses, Ivresse,
éditions Al Manar, Collection Poésie, 2016.
Dessins de Rachel Moses-Klapisch.
Lecture de Gérard CartierEN BOTTES DE SEPT LIEUES
Il y a des livres qui s’emparent d’un thème, la mort d’un être cher, la descente d’un fleuve, la célébration d’un amour, et qui, jouant sur cette corde unique, nous saisissent : la grâce efficace. D’autres qui sont des recueils d’instants disparates, qui embrassent tout ce qui fait l’existence, indistinctement, et dont la cohérence tient à l’organisation d’ensemble ou à la forme d’écriture, nous comblant par leur liberté : la grâce suffisante. Ivresse est de ceux-ci.
Le recueil s’ouvre avec un beau poème sur l’enterrement d’un oncle dans la boue du cimetière hébraïque de Chevilly-Larue, dont le ton rappelle certaines pages élégiaques des Bâtiments de la Compagnie asiatique (Obsidiane, collection Les Solitudes, 1993) ; il se clôt sur la vision de défunts sortant d’un bois pour jouir de la lumière ; en chemin, notre auteur s’est souvenu de son père à la vue d’un hôpital, a regretté sa bien-aimée, s’est indigné que d’anciens nazis meurent dans leur lit, a voyagé en train et déambulé en ville, a écrit un poème d’anniversaire où il est question de Janus et du Psalmiste, s’est désolé de ce qu’il est, a renouvelé le carpe diem et s’est piqué à la « guêpe des adieux », explorant à peu près toutes les émotions humaines, joie, mélancolie, colère, folie, chagrin, méchanceté : rien de ce qui est humain n’est à Moses étranger.
Tout en parcourant la mappemonde des sentiments, il rappelle à lui la poésie du passé, dont on entend ici et là un écho discret, principalement de cette galaxie de poètes que l’on dit (souvent injustement) mineurs : car c’est l’ironie qui domine ces pages, et une désinvolture (témoin cette exergue empruntée à Tchékhov : « vaut mieux être poète que rien du tout ») qui prend racine chez certains poètes du Moyen Âge et de l’âge baroque, Villon, Saint-Amant (« J’écris ce poème du fond de mon lit… »), Mathurin Régnier. Mais Moses est la liberté même, d’un bond de ses bottes de sept lieues le voilà à la fin du XIXe siècle, saluant fraternellement Laforgue, le voilà au XXe, s’abouchant avec Max Jacob (« Dans l’ascenseur de mes rêves il y aurait un garçon en livrée bleue et ganses dorées… »), avec Francis Carco (« Odeur nocturne / Odeur de seringat… »), le voilà chez lui, dans ce siècle, retrouvant une « réalité qui fait grise mine et interdit de rêver ».
S’il s’abandonne parfois à la gravité, pour se souvenir (ainsi, à propos de l’étoile jaune : « …je suis un fils de cette faune / Promise à l’infini chagrin ») ou s’indigner – l’Histoire, comme on le sait, assez souvent bégaye –, si l’âge qui s’insinue donne à certains vers une tonalité mélancolique, très vite sa fantaisie le reprend et, avec elle, le désir du monde. La plupart de ces pages semblent écrites dans la vitesse et la jubilation (l’ivresse ?), sans trop s’embarrasser de perfection formelle, tablant plutôt sur la liberté, l’imagination ou la spontanéité de l’enfance (« Groseilles, l’enfance n’a fui qu’en apparence… »), dans un jeu permanent entre feinte et vérité qui redouble le jeu des rimes.
[…]Mauvais père et mauvais fils au dernier automneCi-devant mauvais mari, que Dieu me pardonnePoète perdu au décours de l’âgeÀ qui ne reste que le privilège de la rageFrère absent, employé peu fiableNeveu sans cœur, débiteur insolvableEnthousiaste et velléitaireFaux polyglotte et vrai suicidaire
Fumeur sans suite dans les idéesErmite reclus entre les murs de tous les cabinetsEnnemi du bruit dont retentissent les lieux publicsRêvant de finir ma vie d’hôtel chic en hôtel chicLa tête à demi-morteTant l’oubli s’y déchaîne d’une main forteLe cœur en capilotadeCollectionneur de rebuffades, dégringolades et débandades.
Ce livre, tout de nerfs et d’humeur, dépourvu de la moindre lourdeur, on s’en veut d’en parler en faisant jouer les ressorts de la machine pensante. Il le faut pourtant, car s’il y a une unité dans ce livre, ce n’est pas la figure de Protée de l’auteur qui la lui donne, mais la forme des poèmes : des vers non mesurés mais rimés ou assonancés. On y retrouve un plaisir qu’on avait presque oublié, celui d’entendre la rime commander au sens (« Je fais un pas puis je m’arrête / Un nuage m’accable, une pétarade m’étête » ; ou bien : « Tu brûlerais ta bibliothèque / Tu pousserais des cris aztèques »), parfois à trois ou quatre vers d’écart. Quant au schéma formel, après une série de poèmes de cinq quintils, il devient plus mobile : quatrains, strophes libres, distiques (« chacun possède son rythme caractéristique / Le mien est peut-être le distique »).
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Emmanuel Moses | [Derniers feux]
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Emmanuel Moses | [Je suis allée au puits][JE SUIS ALLÉE AU PUITS]
Je suis allée au puits
j’avais à abreuver les bêtes de mon père
la nuit tombait et je me hâtais
un serviteur m’attendait sous le chêne
l’histoire commença ainsi et là au bord du puits
c’est affaire divine
une affaire de maîtres et de serviteurs
un amour né à la tombée du jour
une seule corde pincée délicatement
sous un œil délicat
le jasmin se mêlait à la fraicheur
par la bouche de celui qui demandait à boire
s’exprimait toute la soif du monde –
un jour froid comme l’acier m’ouvrit les yeux
sa blancheur n’avait rien d’ordinaire
on entendait de brèves volées de cloches
au-dessus des arbres qu’agiotait le vent du matin
une musique d’amour jouait dans mon sein
c’est curieux
un sentiment de jeunesse
gonflait l’espace
Emmanuel Moses, Comment trouver comment chercher, Obsidiane, 2012, page 30.
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