Étiquette : Eugène Fromentin


  • 14 mars 1682 | Mort de Jacob Van Ruysdael

    Éphéméride culturelle à rebours


    Le 14 mars 1682 meurt Jacob Van Ruysdael (ou Van Ruisdael), le plus célèbre paysagiste hollandais du XVIIe s. Il est inhumé dans l’église Saint-Bavon de Haarlem.

    Parmi ses œuvres les plus célèbres figurent Buisson, Bord de marais, La Tempête, La Forêt, Paysage fluvial, Cimetière juif, Moulin de Vijk, Le Coup de soleil, La Plage et les dunes de Scheweningen, Torrent de montagne, Après la tempête…






    Jacob_Isaacksz__van_Ruisdael_-_Road_through_Corn_Fields_near_the_Zuider_Zee_-_WGA20492
    Jacob Isaacksz VAN RUYSDAEL,
    Chemin à travers champs de blé près du Zuiderzee, v. 1660-1662
    Huile sur toile, 44,8 x 54,6 cm
    Musée Thyssen-Bornemisza, Madrid
    Tous droits réservés







    EUGÈNE FROMENTIN, LES MAÎTRES D’AUTREFOIS (extrait)



    « De tous les peintres hollandais, Ruysdael est celui qui ressemble le plus noblement à son pays. Il en a l’ampleur, la tristesse, la placidité un peu morne, le charme monotone et tranquille.

    Avec des lignes fuyantes, une palette sévère, en deux grands traits expressément physionomiques — des horizons gris dont l’infini se mesure — il nous aura laissé de la Hollande un portrait, je ne dirai pas familier, mais intime, attachant, admirablement fidèle et qui ne vieillit pas. A d’autres titres encore, Ruysdael est, je crois bien, la plus haute figure de l’école après Rembrandt ; et ce n’est pas une mince gloire pour un peintre qui n’a fait que des paysages soi-disant inanimés et pas un être vivant, du moins sans l’aide de quelqu’un.

    […]

    Ruysdael peint comme il pense, sainement, fortement, largement. La qualité extérieure du travail indique assez bien l’allure ordinaire de son esprit. Il y a dans cette peinture sobre, soucieuse, un peu fière, je ne sais quelle hauteur attristée qui s’annonce de loin, et de près vous captive par un charme de simplicité naturelle et de noble familiarité tout à fait à lui. Une toile de Ruysdael est un tout où l’on sent une ordonnance, une vue d’ensemble, une intention maîtresse, la volonté de peindre une fois pour toutes un des traits de son pays, peut-être bien aussi le désir de fixer le souvenir d’un moment de sa vie. Un fonds solide, un besoin de construire et d’organiser, de subordonner le détail à des ensembles, la couleur à des effets, l’intérêt des choses au plan qu’elles occupent ; une parfaite connaissance des lois naturelles et des lois techniques, avec cela un certain dédain pour l’inutile, le trop agréable ou le superflu, un grand goût avec un grand sens, une main fort calme avec le cœur qui bat, tel est à peu près ce qu’on découvre à l’analyse dans un tableau de Ruysdael.

    Je ne dis pas que tout pâlisse à côté de cette peinture, d’éclat médiocre, de coloris discret, de procédés constamment voilés : mais tout se désorganise, se vide et se découd.

    […]

    On ne se figure Ruysdael ni très jeune, ni très vieux ; on ne voit pas qu’il ait eu une adolescence, on ne sent pas davantage le poids affaiblissant des années. Ignorât-on qu’il est mort avant cinquante-deux ans, on se le représenterait entre deux âges, comme un homme mûr ou de maturité précoce, fort sérieux, maître de lui de bonne heure, avec les retours attristés, les regrets, les rêveries d’un esprit qui regarde en arrière et dont la jeunesse n’a pas connu le malaise accablant des espérances. Je ne crois pas qu’il eût un cœur à s’écrier : Levez-vous, orages désirés ! Ses mélancolies, car il en est plein, ont je ne sais quoi de viril et de raisonnable où n’apparaissent ni le tumultueux enfantillage des premières années ni le larmoiement nerveux des dernières ; elles ne font que teinter sa peinture en plus sombre, comme elles auraient teinté la pensée d’un janséniste.

    Que lui a fait la vie pour qu’il en ait un sentiment si dédaigneux ou si amer ? Que lui ont fait les hommes pour qu’il se retire en pleine solitude et qu’il évite à ce point de se rencontrer avec eux, même dans sa peinture ? On ne sait presque rien de son existence, sinon qu’il naquit vers 1630 [sic], qu’il mourut en 1681 [sic], qu’il fut l’ami de Berchem, qu’il eut Salomon Ruysdael pour frère aîné et probablement pour premier conseiller. Quant à ses voyages, on les suppose et l’on s’en doute : ses cascades, ses lieux montueux, boisés, à coteaux rocheux, donneraient à croire ou qu’il dut étudier en Allemagne, en Suisse, en Norvège, ou qu’il utilisa les études d’Everdingen et s’en inspira. Son grand labeur ne l’enrichit point, et son titre de bourgeois de Haarlem ne l’empêcha pas, paraît-il, d’être fort méconnu… »




    Eugène Fromentin, « Hollande, VII », Les Maîtres d’autrefois, Œuvres complètes, Éditions Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1984, pp. 695-698-703. Édition établie par Guy Sagnes.





    ■ Voir aussi ▼

    24 octobre 1820 | Naissance d’Eugène Fromentin





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  • 24 octobre 1820 | Naissance d’Eugène Fromentin

    Éphéméride culturelle à rebours


    Le 24 octobre 1820 naît à La Rochelle Eugène Fromentin.







    Fromentin_5_2
    Eugène Fromentin (1820-1876)
    Souvenir d’Ezneh (Haute-Egypte) [détail],
    dit aussi Femmes égyptiennes au bord du Nil, 1876
    Huile sur toile, 120 x 105 cm
    Paris, musée d’Orsay
    © photo RMN, Hervé Lewandowski






    24 octobre [1869]. Dimanche, jour anniversaire de ma naissance. Marché une partie de la nuit ; mouillé vers 3 heures au pied de Minieh.

    Levé à 5 heures, couru dans toute la ville. Elle est jolie, ressemble tout à fait aux ksours sahariens, mais tout à fait ; me rappelle Laghouat. Propreté relative, bazars ; aspect bourgeois ; nombreuses canges amarrées. Mosquées. Des bergeronnettes au bord du fleuve, des hirondelles sous la toiture des bazars. Ciel entièrement couvert, vent frais du Nord. Un palais du vice-roi. Beaucoup de soldats arnautes dans les rues. Population infime, misérable et criblée d’ophtalmies. Un bon nombre de gens aisés, propres. Somme toute, une petite province. Pas de ruines antiques. Il est 10 heures, et nous attendons encore le départ annoncé pour 7 heures ; voilà l’exactitude égyptienne !

    [Au crayon :] 1 heure. Toujours la chaîne arabique à gauche, baignant dans le Nil ses premières pentes de sable jaune ou de terre ocreuse. Ses gradins supérieurs rocheux sont revêtus de cette belle couleur gris lilas que je saurais peindre, que je voudrais rendre par un mot juste, sans le pouvoir.

    À droite, la campagne a reconquis sur le fleuve en décroissance sa vraie rive, exhaussée de terre brune. Hautes plantations de douras. Mille détails charmants de la vie agricole ; Nous passons à une toute petite portée de pierre du rivage.

    Village avec palmiers. Partout des cultures, ce qui manque absolument sur la rive opposée.
        Depuis Le Caire et le Mokattan, c’est toujours le désert plat et montueux, le sable, la terre nue ou la pierre qui bordent immédiatement le Nil. La fertilité n’existe que sur la rive libyque ; l’autre, dès le départ, confine au désert.

    Nous sommes à quinze mètres de la rive, pas davantage. Des petites canges toutes noires, c’est charmant.

    Des chadoufs, arrosant déjà les cultures, d’où le Nil se retire à peine. Une vingtaine de canges autour de nous.

    Enfants sur la rive ; buffles, petits bœufs roux. Troupeau de moutons le long des douras. (Campagne couverte de blés verts, au commencement de juin en France.)

    Les douras ont près de dix pieds ; nous les mesurons en voyant des hommes au bord du champ; hommes sombres, noirs ou bleu foncé, se détachant sur le vert transparent des douras.

    Toujours des champs en fête. Les palmiers au-delà ne montrent que leurs éventails, éclairés d’en haut, sombres et sans modelé. Âne noir. Tout bleu violet sur la terre bitumeuse.

    Chadoufs. Travailleurs tout le long du rivage. Enfants et jeunes gens tout nus, couleur de terre.

    Le Nil tournant, la chaîne arabique pierreuse et la rive opposée verdoyante viennent se rejoindre derrière nous et ferment l’horizon comme un rideau, moitié riant, moitié désolé.

    Trois ou quatre palmiers, tout à coup sur un banc de grève nue. Pas un seul coloriage nulle part : du vert nuancé, du gris, le fauve azuré du fleuve, le bleu tendre du ciel. Tous les fellahs habillés de noir ou de brun.



    Eugène Fromentin, Carnet I in Carnets du voyage en Égypte, Bibliothèque de La Pléiade, Éditions Gallimard, 1984, pp. 1062-1063.





    EUGÈNE FROMENTIN


    Eugène Fromentin
    Source



    ■ Eugène Fromentin
    sur Terres de femmes

    24 mai 1853 | Eugène Fromentin, Un été dans le Sahara



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site du musée d’Orsay)
    Eugène Fromentin Souvenir d’Ezneh (Haute-Egypte)




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