Étiquette : Europe


  • Louise Glück | Snowdrops


    Louise Gluck Nobel
    Les ouvrages de Louise Glück, tels qu’exposés à l’Académie suédoise de Stockholm,
    lors de l’annonce, le 8 octobre 2020, du prix Nobel de Littérature 2020.
    Ph. © HENRIK MONTGOMERY / AFP.
    Source







    SNOWDROPS




    Do you know what I was, how I lived? You know
    what despair is; then
    winter should have meaning for you.

    I did not expect to survive,
    earth suppressing me. I didn’t expect
    to waken again, to feel
    in damp earth my body
    able to respond again, remembering
    after so long how to open again
    in the cold light
    of earliest spring —

    afraid, yes, but among you again
    crying yes risk joy

    in the raw wind of the new world.




    Louise Glück, The Wild Iris, New York: Ecco Press, HarperCollins Publishers, 1992, page 6. The Pulitzer Prize for Poetry 1993.






    Louise Glück  The Wild Iris







    PERCE-NEIGES




    Sais-tu ce que j’étais, et comment je vivais ? Tu sais
    ce qu’est le désespoir, alors
    l’hiver devrait avoir du sens pour toi.

    Je ne m’attendais pas à survivre,
    tant la terre me réprimait. Je ne m’attendais pas
    à m’éveiller de nouveau, à sentir
    dans la terre humide mon corps
    capable de répondre à nouveau, se rappelant
    après si longtemps comment se rouvrir
    dans la lumière froide
    des tout premiers jours du printemps —

    apeuré, oui, mais de nouveau parmi vous
    pleurant oui risque joie

    dans le vent cru du nouveau monde.




    Louise Glück, L’Iris sauvage in Revue Europe, n° 1009, mai 2013, page 307. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Nathalie De Biasi.






    PERCE-NEIGES




    Sais-tu ce que je fus ? comment je vécus ? Toi qui sais
    ce qu’est le désespoir ; alors,
    l’hiver devrait avoir un sens pour toi.

    Je ne m’attendais pas à survivre,
    la terre m’ayant supprimé. Je ne m’attendais pas à
    m’éveiller à nouveau, sentir
    dans la terre humide mon corps
    capable de réagir à nouveau, se souvenir
    après si longtemps comment éclore à nouveau
    dans la lumière froide
    du printemps précoce —

    apeuré, oui, mais à nouveau parmi vous
    à pleurer, oui, risquer la joie

    dans le vent cru du nouveau monde.




    Louise Glück, L’Iris sauvage, édition bilingue, poèmes, éditions Gallimard, Collection Du monde entier, 2021, page 35. Traduit de l’anglais (États-Unis) et préfacé par Marie Olivier.






    Louise Glück  L'Iris sauvage




    LOUISE GLÜCK


    Louise Glück
    Ph. © Katherine Wolkoff





    Louise Glück
    sur Terres de femmes


    Vespers (poème extrait de L’Iris sauvage)





    Voir aussi ▼


    → (sur Poetry Foundation)
    une notice bio-bibliographique sur Louise Glück
    → (sur ActuaLitté)
    La poétesse américaine Louise Glück, Prix Nobel de Littérature 2020
    → (sur cairn.info)
    d’autres poèmes issus de L’Iris sauvage, traduits et présentés par Marie Olivier
    (in Po&sie 2014/3-4 [n° 149-150], pp. 46 à 53)






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  • Christian Dotremont | Kara




    Alechinsky
    Pierre Alechinsky, Rectangles et noeuds II, 1965.
    Eau-forte exécutée pour illustrer un poème de Christian Dotremont
    dans Paroles peintes II, éditions Lazare Vernet, Paris, 1965.
    Tirage : 15 épreuves signées imprimées en sanguine.







    KARA




    Kara petit nœud de rien du tout
    deux mains serrées au sein des glissements

    Petit ruban de terre sur les cheveux
    sur les fourrures des monts et des vaux

    Drap tendu qui sèche entre les
    Gorges sur les bras de la première pluie

    Karapitale des bois
    de l’âge que j’avais quand je serai vieux

    Où les rennes tordent un cri
    les yeux à l’égyptienne

    Pincée de cordes de cornes
    à tue-tête avec le rien

    Mon grand Nord qui dort la gueule ouverte
    sur toi petit piège chaud

    Lasso assis sur la carte
    blanche de l’espace étalé

    Karasciure de neige dans la
    menuiserie des arbres

    Du bois dont on fait les fleurs
    les racines hautes et les ramures basses

    Entre racines et racines
    un renne qui traîne un renne

    Qui mange un doigt de lichen
    dépassant de l’hiver



    ____________________________
    Ce poème daté de 1961 n’a pas été repris dans les Œuvres poétiques complètes de Christian Dotremont publiées au Mercure de France. Il fait partie d’un ensemble de quatre poèmes parus avec une lithographie de Pierre Alechinsky dans Paroles peintes II, Paris, Lazare-Vernet, 1965.



    Christian Dotremont, Paroles peintes II, éditions Lazar-Vernet, Paris, 1965, in Europe, revue littéraire mensuelle, « Christian Dotremont », n° 1079, mars 2019, pp. 72-73.






    Dotremont Europe




    CHRISTIAN DOTREMONT


    Christian-Dotremont Portrait
    Source




    ■ Christian Dotremont
    sur Terres de femmes


    [Et nous avons traversé toutes sortes de bonnes choses] (extrait d’Ancienne éternité)
    Quand l’avez-vous vue ? (autre extrait d’Ancienne éternité)




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Les Hommes sans épaules)
    une notice bio-bibliographique sur Christian Dotremont





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  • Andrès Sánchez Robayna, Patmos (extrait)




    PATMOS (extrait)



    Au commencement, un nom, sa muette résonance.

    Rien d’autre qu’un nom ? Tu sais bien qu’ainsi commence,

    et peut-être ainsi finit,
    la vibration du soleil sur le versant, dans le couchant

    de septembre,
    sur la couleur du chardon,
    une couleur indistincte,
    entre l’acceptation et l’abandon, comme si
    dans l’aubépine brillait la lumière finissante,
    que personne ne contemple. Ainsi le commencement.

    Le commencement. Un nom, deux syllabes qui jaillissent
    comme la langue de l’eau sur le rivage.
    Elles glissent ainsi que deux petites vagues
    sur cette plage déserte,
    et font tinter des galets,
    s’entrechoquer des cailloux sous la lumière du temps.

    Le nom. Ne glisses-tu pas, toi, à l’intérieur de l’ombre,
    entre noms et rivages, entre les noms véritables
    et la lumière qui sauve ?
    Mais ne dis pas qu’un nom n’est rien d’autre qu’un nom,
    il contient le matin, et le soir qui s’éteint, tamisé

    par le temps,
    deux syllabes s’enflammant dans le brasier de juillet.
    Le vent s’agite en elles, et dans la canne sifflante.

    Le nom te convoquait. Tu connaissais le signe.

    Il n’y a peut-être rien d’autre que tu connaisses,
    ce son obscur des noms, les paroles

    obscures,
    les archétypes,
    comme sur la page d’Hölderlin,
    lue en juillet,
    quand le soleil est un ravissement.

    Va aux syllabes
    indestructibles.

    C’est le son obscur qui convoque ainsi
    dans les montagnes de l’île.



    […]




    Andrès Sánchez Robayna, Patmos, in Europe, Revue littéraire mensuelle, novembre-décembre 2018 n° 1075-1076, pp. 242-243. Traduit de l’espagnol par Claire Laguian.





    ANDRÉS SÁNCHEZ ROBAYNA


    Andres-Sanchez-Robayna
    Source




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur la plateforme Vimeo en ligne)
    Patmos. Ainsi le commencement (vidéo-poème)
    → (sur YouTube)
    Patmos, lu par Andrés Sánchez Robayna (2012)
    le site d’Andrès Sánchez Robayna





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  • César Vallejo | Chapeau, Manteau, Gants



    Cafe de la Regence
    Paris : Le Café de la Régence, en 1900







    CHAPEAU, MANTEAU, GANTS



    En face de la Comédie-Française, se trouve le Café
    de la Régence ; il y a là une salle
    cachée, avec un fauteuil et une table.
    Lorsque j’entre, la poussière immobile est déjà debout.

    Entre mes lèvres faites liège, le bout
    d’une cigarette fume, et dans la fumée l’on voit
    deux intenses fumées, le thorax du Café,
    et dans le thorax un oxyde profond de tristesse.

    Il importe que l’automne se greffe sur les automnes,
    il importe que l’automne s’intègre dans les bourgeons,
    le nuage dans les semestres ; dans les pommettes, la ride.

    Il importe de passer pour fou en postulant
    que chaude est la neige, fugace la tortue,
    simple le comment et le quand fulminant !



    César Vallejo, Poèmes Humains in Europe, revue littéraire mensuelle, novembre-décembre 2017, n° 1063-1064, page 23. Traduit de l’espagnol par Florence Delay.







    Vallejo







    SOMBRERO, ABRIGO, GUANTES



    Enfrente a la Comedia Francesa, està el Cafè
    de la Regencia ; en él hay una pieza
    recóndita, con una butaca y una mesa.
    Cuando entro, el polvo inmovil se ha puesto ya de pie.

    Entre mis labios hechos de jebe, la pavesa
    de un cigarrillo humea, y en el hume se ve
    dos humos intensivos, el tórax del Café
    y en el tórax, un óxido profundo de tristeza.

    Importa que el otoño se injerte en los otoños,
    importa que el otoño se integre de rotoños,
    la nube, de semestres ; de pómulos, la arruga.

    Importa oler a loco postulando
    ¡qué calida es la nieve, qué fugas la tortuga,
    el cómo qué sencillo, qué fulminante el cuándo !



    César Vallejo, Poemas humanos (1923-1938), Les Éditions des Presses modernes, Au Palais Royal, juillet 1939. Supervision de Georgette Marie Philippart.





    CÉSAR VALLEJO


    Vallejo-portraitpicasso1
    Pablo Picasso, Portrait posthume
    de César Vallejo,
    1938





    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Esprits Nomades)
    César Vallejo, Une alchimie de l’incandescence et de la révolte
    → (sur le site de Libération)
    Vallejo, Valse trilce, par Philippe Lançon





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  • Mahmoud Darwich | Des vœux



    DES VŒUX



    Ne me dis pas : Que ne suis-je vendeur de pain en Algérie
    Afin d’entonner un chant avec un rebelle !
    Ne me dis pas : Que ne suis-je gardien de troupeaux
    Au Yémen
    Afin de célébrer de ma voix les révoltes !
    Ne me dis pas : Que ne suis-je garçon de café à La Havane
    Afin d’exalter les victoires des démunis !
    Ne me dis pas : Que ne suis-je portefaix à Assouan
    Afin de chanter les rochers !

    Ô mon ami !
    Le Nil ne pourra jamais se déverser dans la Volga
    Ni le Congo dans l’Euphrate ou le Jourdain
    Tout fleuve a sa source, son courant, sa vie !
    Ô mon ami, notre terre n’est pas stérile
    Toute terre a son jour de naissance
    Toute aube, son rendez-vous avec un rebelle !



    Mahmoud Darwich, « Poèmes anciens (1964-1977) », in Europe, revue littéraire mensuelle, janvier-février 2017, n° 1053-1054, page 34.






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    MAHMOUD DARWICH


    Mahmoud-Darwish




    ■ Mahmoud Darwich
    sur Terres de femmes

    Je demeure vivant
    Si le jeune homme était un arbre



    ■ Voir aussi ▼

    le site de la revue Europe (présentation du n° 1053-1054 – Mahmoud Darwich – janvier/février 2017 + sommaire et préface en PDF)





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Paul Celan | Tübingen, Jänner




    TÜBINGEN, JÄNNER



    Zur Blindheit über-
    redete Augen.
    Ihre — “ein
    Rätsel ist Rein-
    entsprungenes” —, ihre
    Erinnerung an
    schwimmende Hölderlintürme, möwen-
    umschwirrt.

    Besuche ertrunkener Schreiner bei
    diesen
    tauchenden Worten:

    Käme,
    käme ein Mensch,
    käme ein Mensch zur Welt, heute, mit
    dem Lichtbart der
    Patriarchen: er dürfte,
    spräch er von dieser
    Zeit, er
    dürfte
    nur lallen und lallen,
    immer-, immer-
    zuzu.

    (“Pallaksch. Pallaksch.”)







    TÜBINGEN, JANVIER



    Les yeux saoulés de mots re-
    disant d’être aveugle.
    Leur — « Énigme ce qui
    est pur
    surgissement » — leur
    souvenir de
    tours Hölderlin flottant dans les
    tourbillons de mouettes piailleuses.

    Visites de menuisiers noyés à
    ces
    mots en plongée :

    Si venait,
    si venait un homme,
    si venait un homme au monde aujourd’hui, avec
    la barbe de lumière des
    Patriarches : il pourrait,
    s’il parlait de ce
    temps, il
    pourrait
    seulement bredouiller et bredouiller
    toujours, rebredouiller tou-
    jours, -jours

    (“Pallaksch, Pallaksch.”)



    Paul Celan, «  Tübingen, janvier » in revue littéraire mensuelle Europe, septembre-octobre 2016, n° 1049-1050, pp. 188-189. Traduction de Jean-Pierre Lefebvre.






    Celan Europe




    PAUL CELAN


    Paul_celan
    Dirk Hagner, Portrait de Paul Celan
    Reduction woodcut on washi, 2000
    102 x 57 cm
    Source




    ■ Paul Celan
    sur Terres de femmes

    23 novembre 1920 | Naissance de Paul Celan
    La main pleine d’heures
    Lob der Ferne
    Lointains
    Stimmen
    TANT D’ASTRES
    13 février | Paul Celan, Tout en un
    5 décembre 1960 | Lettre de Nelly Sachs à Paul Celan
    Jeudi 11 décembre 1969 | Lettre de Paul Celan à Ilana Shmueli
    Correspondance Nelly Sachs | Paul Celan (lecture d’AP)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur Lyrikline)
    Paul Celan disant lui-même dix de ses propres poèmes





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  • Jacques Dupin | La mèche



    Dupin 3
    Ph. angèlepaoli







    LA MÈCHE (extrait)




    Éteinte dans sa tombée
    une phrase épanouie
    frissonne dans l’aléa
    des copeaux qui se dispersent


    l’armature du tonneau
    se tend à crever la panse
    du gueux assoiffé de mots


    l’intérieur du vin ouvert
    comme un théâtre de consonnes
    tangue dans les vertèbres


    le hoquet est sublimé
    par la secousse de l’air
    sous la voûte du cellier


    il reste à jeter au feu
    les douelles du tonneau
    et la griffe du poème




    Jacques Dupin, « La mèche » in revue littéraire mensuelle Europe, n° 998-999 consacré à Jacques Dupin, juin-juillet 2012, page 22.





    JACQUES DUPIN


    Portrait of Jacques Dupin  Francis Bacon 1990
    Source



    ■ Jacques Dupin
    sur Terres de femmes

    4 mars 1927 | Naissance de Jacques Dupin
    22 janvier 1948 | Jacques Dupin, Lettre à René Char
    Les graines brûlent sans souffrir
    Pierre de soleil
    Tendre est la sonorité



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur remue.net)
    un dossier Jacques Dupin
    → (sur YouTube)
    Soirée d’hommage à Jacques Dupin, le 4 mars 2013, Maison de l’Amérique Latine à Paris. Par Jean Frémon, Yves Bonnefoy, Georges Raillard, Michel Deguy, Alain Planès, Florence Delay, Jean-Christophe Bailly.
    → (sur P/oésie, le blog d’Alain Freixe)
    Entretien avec Jacques Dupin, « sourcier de l’ordinaire éclat »





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • 24 mars 1996 | Claude Esteban, Les ronces m’ont déchiré

    CLAUDE ESTEBAN  maintenant je sais qu-il est un lieu o- les contraires se r-pondent
    Ph., G.AdC






    LES RONCES M’ONT DÉCHIRÉ



    Les ronces m’ont déchiré, le gel
    a crevassé mon âme

    et j’ai dit que cette lande était maudite,
    mauvaise et sans espoir

    maintenant je sais
    qu’il est un lieu où les contraires
    se répondent

    que le feu peut dormir dans une pierre ou
    traverser le croc d’un serpent

    mes amis, je vous avais
    perdus comme tant d’autres choses
    dans mon rêve

    voilà que nous nous retrouvons, souriants
    sur le seuil du monde, presque guéris.


    24 mars 1996



    Claude Esteban, Poèmes inédits, in revue Europe, mars 2010, n° 971, page 39.





    CLAUDE ESTEBAN


    CLAUDE ESTEBAN



    ■ Claude Esteban
    sur Terres de femmes

    Bleu, bleu surtout (poème extrait de La Mort à distance)
    Suis-je (poème extrait du même recueil)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Semenoir)
    lire au soleil Claude Esteban…
    → (sur Un nécessaire malentendu)
    Claude Esteban/Dans le fleuve



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