Étiquette : Faber and Faber


  • Seamus Heaney | Bog Queen

    «  Poésie d’un jour »

    choisie par Thierry Gillybœuf






    Seamus Heaney (1)
    Source 1 (à droite)
    Source 2 (à gauche)








    BOG QUEEN



    I lay waiting
    between turf-face and demesne wall,
    between heathery levels
    and glass-toothed stone.

    My body was braille
    for the creeping influences:
    dawn suns groped over my head
    and cooled at my feet,

    through my fabrics and skins
    the seeps of winter
    digested me,
    the illiterate roots

    pondered and died
    in the cavings
    of stomach and socket.
    I lay waiting

    on the gravel bottom,
    my brain darkening,
    a jar of spawn
    fermenting underground

    dreams of Baltic amber.
    Bruised berries under my nails,
    the vital hoard reducing
    in the crock of the pelvis.

    My diadem grew carious,
    gemstones dropped
    in the peat floe
    like the bearings of history.

    My sash was a black glacier
    wrinkling, dyed weaves
    and phoenician stitchwork
    retted on my breasts’

    soft moraines.
    I knew winter cold
    like the nuzzle of fjords
    at my thighs –

    the soaked fledge, the heavy
    swaddle of hides.
    My skull hibernated
    in the wet nest of my hair.

    Which they robbed.
    I was barbered
    and stripped
    by a turfcutter’s spade

    who veiled me again
    and packed coomb softly
    between the stone jambs
    at my head and my feet.

    Till a peer’s wife bribed him.
    The plait of my hair,
    a slimy birth-cord
    of bog, had been cut

    and I rose from the dark,
    hacked bone, skull-ware,
    frayed stitches, tufts,
    small gleams on the bank.




    Seamus Heaney, North, Faber and Faber, London, 1975 [paperback edition, 2001], pp. 25-27.







    North








    REINE DE LA TOURBE



    Couchée j’attends
    entre la tourbe et le mur du domaine,
    entre les strates recouvertes de bruyère
    et la pierre aux dents de cristal.

    Mon corps était du braille
    pour les puissances rampantes :
    les soleils de l’aube frôlèrent ma tête
    et gelèrent à mes pieds,

    à travers tissus et peaux
    les sucs de l’hiver
    m’ont digérée,
    les racines ignorantes

    méditèrent et moururent
    dans les cavités
    de l’estomac et des orbites.
    Couchée j’attends

    sur la dalle couverte de gravier,
    mon cerveau s’assombrissant,
    une jarre de frai
    fermentant sous terre

    rêve d’ambre en mer Baltique.
    Des baies meurtries sous mes ongles,
    la richesse vitale étiolée
    dans la cruche du pelvis.

    Mon diadème se cariait,
    les gemmes sont tombées
    dans la tourbe de glace
    comme les voies de l’histoire.

    Ma ceinture était un glacier noir
    et ridé, des étoffes teintes
    et des broderies phéniciennes
    ont roui sur les moraines

    lisses de mes seins.
    J’ai connu le froid de l’hiver
    pareil au groin des fjords
    sur mes cuisses –

    le vêtement trempé, les lourds
    langes des peaux.
    Mon crâne a hiberné
    dans le nid mouillé de ma chevelure.

    Qu’ils m’ont volée.
    Je fus ébarbée
    et dépouillée
    par la bêche d’un cureur de tourbe

    qui me recouvrit de mes voiles
    et tassa doucement la suie
    entre les chambranles de pierre
    à ma tête et à mes pieds.

    Jusqu’à ce que le subornât la femme d’un pair.
    La natte de mes cheveux,
    cordon ombilical limoneux
    de la fondrière, a été tranchée

    et je me suis relevée des ténèbres,
    os ébréchés, cerveau conscient,
    coutures effilochées, toupets,
    petits éclats sur le talus.




    Traduction inédite de Thierry Gillybœuf
    pour Terres de femmes.
    D.R. Texte Thierry Gillybœuf.






    SEAMUS HEANEY


    Seamus-heaney




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Poetry Foundation)
    une bio-bibliographie (en anglais) de Seamus Heaney
    → (sur williamgfrench)
    An Analysis of Seamus Heaney and Some of The Poems In North.



    ■ Autres traductions de Thierry Gillybœuf
    sur Terres de femmes

    Fabiano Alborghetti | Canto 13
    Eugenio De Signoribus | microelegia
    Stanley Kunitz | The Quarrel
    Robert Lowell | Burial
    Marianne Moore | Son bouclier
    Marianne Moore | Extrait de Poésie complète, Licornes et sabliers
    Salvatore Quasimodo | Le silence ne me trompe pas
    Leonardo Sinisgalli | Nomi e cose
    Derek Walcott | To Norline
    Andrea Zanzotto | Così siamo





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