Étiquette : Fabio Pusterla


  • Philippe Jaccottet | [Les larmes quelquefois montent aux yeux]


    [LES LARMES QUELQUEFOIS MONTENT AUX YEUX]




    Les larmes quelquefois montent aux yeux
    comme d’une source,
    elles sont de la brume sur des lacs,
    un trouble du jour intérieur,
    une eau que la peine a salée.

    La seule grâce à demander aux dieux lointains,
    aux dieux muets, aveugles, détournés,
    à ces fuyards,
    ne serait-elle pas que toute larme répandue
    sur le visage proche
    dans l’invisible terre fît germer
    un blé inépuisable ?





    Philippe Jaccottet, À la lumière d’hiver, éditions Gallimard, Collection Blanche, 1977, in Œuvres, Bibliothèque de la Pléiade, éditions Gallimard, 2014, page 579. Édition établie par José-Flore Tappy, avec Hervé Ferrage, Doris Jakubec et Jean-Marc Sourdillon. Préface de Fabio Pusterla.







    Jaccottet Pléiade




    PHILIPPE JACCOTTET


    Jaccottet Poncet
    Ph. © F. Poncet
    Source






    ■ Philippe Jaccottet
    sur Terres de femmes


    Accepter ne se peut (poème extrait d’Airs)
    Tout à la fin de la nuit (autre poème extrait d’Airs)
    [Toute fleur n’est que de la nuit] (autre poème extrait d’Airs)
    (Tombeau du poète)[The poet’s tomb] (poème extrait de Cahier de verdure)
    [Considérez le ciel solaire] (poème extrait du Dernier Livre de Madrigaux)
    1er janvier 1950 | Philippe Jaccottet, Agrigente (poème extrait de L’Effraie et autres poésies)
    [Sois tranquille, cela viendra !] (autre poème extrait de L’Effraie et autres poésies)
    [Encore des fleurs ? | Flowers again ?] (poème extrait d’Et, néanmoins)
    Toute fleur qui s’ouvre (poème extrait d’Et, néanmoins)
    Ponge, Pâturages, Prairies (note de lecture d’AP)
    3 décembre 1971 | Lettre d’André Dhôtel à Philippe Jaccottet
    Mai 1977 | Philippe Jaccottet, La Semaison
    Septembre 1981 | Philippe Jaccottet, La Seconde Semaison
    26 juin | Philippe Jaccottet, L’Ignorant
    20 avril 2001 | Philippe Jaccottet, Truinas
    Le Grand Prix Schiller 2010 remis à Philippe Jaccottet




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur le site de la Radio Télévision suisse)
    un entretien avec Philippe Jaccottet (émission En personne du 21 avril 1975)





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  • Fabio Pusterla | Corps d’étoiles




    CORPO STELLARE




    Mi segui con un pensiero, sei un pensiero
    che non devo nemmeno pensare, come un brivido
    mi strini piano la pelle, muovi gli occhi
    verso un punto chiaro di luce. Sei un ricordo
    perduto e luminoso, sei il mio sogno
    senza sogno e senza ricordi, la porta che chiude
    e apre sulla corrente di un fiume impetuoso. Sei una cosa
    che nessuna parola può dire e che in ogni parola
    risuona come l’eco di un lento respiro, sei il mio vento
    di foglie e primavere, la voce che chiama
    da un punto che non so e riconosco che è mio.
    Sei l’ululato di un lupo, la voce del cervo
    vivo e ferito a morte. Il mio corpo stellare.




    Fabio Pusterla, Corpo stellare, Marcos y Marcos, Collana Gli Alianti, 178, Milano, 2010, pagina 106.






    Corpo-stellare-cop







    CORPS D’ÉTOILES




    Tu me suis comme une pensée, tu es une pensée
    que je ne dois même pas penser, comme un frisson
    tu me roussis doucement la peau, bouges les yeux
    vers un point clair de lumière. Tu es une chose
    qu’aucun mot ne peut dire et qui dans chaque parole
    résonne comme l’écho d’une respiration lente, tu es
    mon vent de feuilles et de printemps, la voix qui appelle
    d’un lieu inconnu que je reconnais et qui est mien.
    Tu es le hurlement d’un loup, la voix du cerf
    vivant et blessé à mort. Mon corps d’étoiles.




    Fabio Pusterla, Pierre après pierre, anthologie de poèmes, édition bilingue, éditions MétisPresses, Genève, 2017, page 85. Traduit de l’italien par Mathilde Vischer.






    Fabio Pusterla  Pierre après pierre






    FABIO PUSTERLA


    Fabio Pusterla
    Source




    ■ Fabio Pusterla
    sur Terres de femmes

    Arte della fuga
    Au-delà des vagues
    Caparìca
    Due rive
    Entre-deux
    Esquisse en poudre de gypse, 6
    La fugitive
    Une vieille (+ bio-bibliographie)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de culturactif.ch)
    une notice bio-bibliographique sur Fabio Pusterla







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  • Fabiano Alborghetti | Canto 13






    Il laissait errer son regard tout en prenant l’air attentif les dimanches de foi
    Ph., G.AdC







    CANTO 13.


    Divagava con lo sguardo nel mimare l’attenzione
    le domeniche di fede, il vestito tra gli scranni
    moglie e figlio giusto accanto

    se devoti o ammaestrati non sapeva. Interrogando
    il volto in croce interrogava il come il quando
    e se qualcosa per preghiera gli venisse ritornato

    e quante occhi può contare chi dall’alto vede e veglia
    e vede tutti per davvero? C’è premura di salvezza offerta in cielo?
    Questa è vita da canile sussurrava non sentito:

    siamo in mano alla pietà, ringraziamo dei frammenti
    che pensiamo siano ascolto. Cosa resta della fame non saziata?
    Imparare a comportare è la questione:

    nel bisogno ognuno un credo, un estrarre un amuleto
    che risveglia a giorni alterni un potere d’intervento.
    Son diverso ripeteva a bassa voce, son diverso

    e guardava gli esegeti di quel Cristo appeso in croce
    reso quota per martirio: si chiedeva e se non basta?
    Basta credere nell’uno si diceva calcolando

    o più efficace l’occasione, tutto il caso degli opposti?


    Fabiano Alborghetti, Registro dei fragili, 43 canti, Edizioni Casagrande, 2009, pagina 30. Prefazione di Fabio Pusterla.






    Fabiano_alborghetti_registro_11







    CHANT 13.



    Il laissait errer son regard tout en prenant l’air attentif
    les dimanches de foi, les beaux habits dans les travées
    épouse et fils juste à côté

    sans savoir s’ils étaient pieux ou bien dressés. Interrogeant
    le visage en croix il interrogeait le quand et le comment
    lui demandait si la prière lui vaudrait quelque chose en retour

    et combien d’yeux peut-il compter celui qui d’en haut voit et veille
    et les voit-il tous pour de vrai ? Se soucie-t-on d’un salut offert au ciel ?
    C’est une vie de chien murmurait-il sans qu’on l’entende :

    nous sommes aux mains de la piété, nous remercions pour les fragments
    où nous croyons voir une écoute. Que reste-t-il de la faim inassouvie ?
    Il faut apprendre comment se comporter :

    dans le besoin chacun son credo, sortir une amulette
    qui réveille un jour sur deux une force d’intervention.
    Je suis différent répétait-il à voix basse, je suis différent

    et il regardait les exégètes de ce Christ en croix
    devenu cote par le martyre : il se demandait et si ça ne suffit pas ?
    Suffit-il de croire en un seul se disait-il en calculant

    ou plus efficace selon les circonstances, tout le débat des contraires ?


    Fabiano Alborghetti, Registre des faibles, 43 chants (Registro dei fragili, 43 canti), Éditions d’en bas, Collection bilingue, Lausanne, 2012, page 43. Traduit de l’italien par Thierry Gillybœuf. Préface de Fabio Pusterla. Coédition avec Le Centre de traduction littéraire de Lausanne et Le Service de presse suisse.







    Alborghetti, Registre










    FABIANO ALBORGHETTI


    Fabiano Alborghetti.2
    [Ph. Alain Intraina – Fotostellanove – DR]
    Source




    ■ Voir | écouter aussi ▼

    le site officiel de Fabiano Alborghetti
    → (sur RTS.ch)
    Fabiano Alborghetti, David Collin et Jean Richard (directeur des Éditions d’en bas) dans Entre les lignes (une émission du 4 mars 2013)
    → (sur YouTube)
    Fabiano Alborghetti lit un extrait de Registro dei fragili (Canto 17)



    ■ Autres traductions de Thierry Gillybœuf
    sur Terres de femmes

    Eugenio De Signoribus | microelegia
    Seamus Heaney | Bog Queen
    Stanley Kunitz | The Quarrel
    Robert Lowell | Burial
    Marianne Moore | Son bouclier
    Marianne Moore | Extrait de Poésie complète, Licornes et sabliers
    Salvatore Quasimodo | Le silence ne me trompe pas
    Leonardo Sinisgalli | Nomi e cose
    Derek Walcott | To Norline
    Andrea Zanzotto | Così siamo







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  • Le Grand Prix Schiller 2010 remis à Philippe Jaccottet

    Chroniques de femmes – EDITO/SOMMAIRE



    LE GRAND PRIX SCHILLER REMIS À PHILIPPE JACCOTTET LE 13 MAI 2010
    en préambule aux Journées littéraires de Soleure


    PHILIPPE JACCOTTET
    Image, G.AdC







    UN PUR MOMENT DE GRÂCE

    Chronique de Laurence Verrey



    Un regard grave, empreint de bienveillance. Regard d’un contemplatif, traversé encore d’enfance et d’étonnement, qui sait toute la fragilité d’exister, et abandonne parfois son inquiétude dans un sourire. Une voix ô combien ferme, dont l’autorité claire saisit d’emblée, venue rappeler dans un phrasé net, scandé avec force, l’exigence d’une vocation de poète à laquelle il répondit très tôt.

    Ce regard et cette voix, dans leur simplicité, Philippe Jaccottet les a offerts au public, jeudi 13 mai 2010, à Soleure, alors que lui était remis le Grand Prix Schiller couronnant l’œuvre d’une vie. En termes limpides, une parole vraie se donnait, racontait un cheminement, touchait l’auditeur, conscient de vivre un pur moment de grâce.

    « Sur quoi était venue […] cette révélation que la poésie pouvait être non pas même la quête, mais plus simplement l’accueil de certains signes venus du dehors, par surprise, mais reçus au plus profond de soi, comme les flèches de l’amour ; signes précieux entre tous, dès lors qu’ils semblaient donner à notre monde, et à notre vie dans ce monde, contre tout désespoir, une espèce de sens… »

    Trois orateurs de marque – après les allocutions de bienvenue – ont fait l’éloge de cette « œuvre qui est tout entière la quête d’une voix juste, celle que l’homme d’aujourd’hui réclame, parfois à son insu. »

    Pierre Chappuis, poète romand, annonçait la perspective : « Nous voici, lecteurs de Philippe Jaccottet, d’emblée sur un chemin de crête tracé en toute indépendance des courants et des modes. […] Comptait seul le pari de ne rechercher que le vrai. » Il invitait à découvrir tel « accord renoué au cœur du désarroi, lucidement » ou tel « équilibre à rechercher patiemment, sans à-coups », que cette poésie met en lumière.

    Fabio Pusterla, poète tessinois et traducteur de Jaccottet en italien, a relevé l’impact en Italie de cette œuvre, qui instaurait le renouveau, une remise en confiance dans la pratique de la poésie. Car « la voix de Jaccottet s’élevait de manière absolument neuve et différente : n’oubliant à aucun moment le désastre, mais ne voulant pas non plus y céder et ne se résignant jamais à en subir les conséquences pourtant déclarées inéluctables. »

    Andreas Isenschmid, critique littéraire et traducteur de Philippe Jaccottet en allemand, invitait à la lecture : « … et parce que chacun de ses mots est doté d’une valeur intrinsèque, on se surprend à lire à haute voix, comme ce pourrait être le cas avec Hölderlin. Et peut-être qu’en lisant ainsi, lentement, en respirant, on s’approche un tout petit peu d’une manière de vivre dont Jaccottet dit qu’elle est presque impossible aujourd’hui, et pourtant la seule où « l’écrit naisse naturellement ». »

    En parcourant Le Combat inégal,* superbe ouvrage publié aux Editions La Dogana, à l’occasion de la remise du Grand Prix Schiller 2010 à Jaccottet, on est saisi par la résonance profonde en soi d’une poésie tout entière vouée à l’écoute patiente du monde visible et de son versant invisible, et qui est un appel à rester debout. « Le combat inégal », c’est aussi le titre d’un poème écrit dans les années 1950, et dont le poète élargit le thème à tout son discours du 13 mai, tout en en affinant le sens :

    « Une affaire moins de combat que de balance, cette fois, la chose est claire. Comme ne l’est que trop le fait que vous ne couronnez pas ici un vainqueur, venu proclamer, comme il le voudrait bien, la toute-puissance de la poésie. »

    Qui a eu le privilège de partager ces instants d’extrême intensité à Soleure, d’éprouver une heure durant la belle présence du poète, n’a de cesse de renouer avec toute une œuvre d’éveil et de responsabilité, parce qu’elle restitue un sens à notre marche. Lecteurs émus, nous accompagnons de notre pensée l’homme qui « se fraie un chemin dans la venue de la nuit », espérant, pour notre bonheur, que vivent en lui

    « peut-être quelque part une ou deux réserves de paroles qu’il rêverait lumineuses ».


    Laurence Verrey
    D.R. Texte Laurence Verrey
    pour Terres de femmes





    _________________________

    * Le livre : Le Combat inégal, Editions La Dogana, 2010, ouvrage en trois langues, réunit non seulement tous les textes lus par les divers intervenants lors de la cérémonie du 13 mai 2010 à Soleure, mais également deux aquarelles d’Anne-Marie Jaccottet, le poème de Philippe Jaccottet : Le combat inégal, en reproduction manuscrite, un inédit : Le retour du troupeau, et un CD enregistré en janvier 2010, de proses et poèmes lus par l’auteur.



    NOTE D’AP : Laurence Verrey, écrivain, est membre du Conseil de la Fondation Schiller et du jury du Grand Prix Schiller depuis 2008.





    PHILIPPE JACCOTTET


    Jaccottet Poncet
    Ph. © F. Poncet
    Source






    ■ Philippe Jaccottet
    sur Terres de femmes


    Accepter ne se peut (poème extrait d’Airs)
    Tout à la fin de la nuit (autre poème extrait d’Airs)
    [Toute fleur n’est que de la nuit] (autre poème extrait d’Airs)
    [Les larmes quelquefois montent aux yeux] (poème extrait d’À la lumière d’hiver)
    (Tombeau du poète)[The poet’s tomb] (poème extrait de Cahier de verdure)
    [Considérez le ciel solaire] (poème extrait du Dernier Livre de Madrigaux)
    [Sois tranquille, cela viendra !] (poème extrait de L’Effraie et autres poésies)
    1er janvier 1950 | Philippe Jaccottet, Agrigente (autre poème extrait de L’Effraie et autres poésies)
    [Encore des fleurs ? | Flowers again ?] (poème extrait d’Et, néanmoins)
    Toute fleur qui s’ouvre (poème extrait d’Et, néanmoins)
    Ponge, Pâturages, Prairies (note de lecture d’AP)
    3 décembre 1971 | Lettre d’André Dhôtel à Philippe Jaccottet
    Mai 1977 | Philippe Jaccottet, La Semaison
    Septembre 1981 | Philippe Jaccottet, La Seconde Semaison
    26 juin | Philippe Jaccottet, L’Ignorant
    20 avril 2001 | Philippe Jaccottet, Truinas




    ■ Laurence Verrey
    sur Terres de femmes


    Nous changeons à tout moment de lumière
    Ton pas déjà me quitte
    Vous nommerez le jour (note de lecture d’Annette Luciani)




    ■ Voir aussi ▼


    le site de la Fondation Schiller



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  • Fabio Pusterla | Caparìca



    Longeant la mer, un homme marche sans bouche, cicatrice de sable, sur des kilomètres et des kilomètres.
    Aquatinte numérique, G.AdC





    CAPARÌCA

    à Mattia



    Forse la febbre, o un effetto della luce. Caparìca
    è qui, comunque, case in fila, sfarinate.
    Una mercedes verde alza la polvere, posteggia,
    e chi ne scende è un gobbo che s’avvia.
    Barache, condomini. Qualche cane. Lungo il mare
    va un uomo senza bocca, cicatrice
    di sabbia, per chilometri e chilometri.
    E non posso risponderti che questo : vertigini,
    una calma simulata. O anche : l’assenzio.
    Sopra la spiaggia dei poveri
    cade una roccia gialla.






    CAPARÌCA

    a Mattia



    Peut-être la fièvre, ou un effet de la lumière. Caparìca
    est ceci, tout de même, rangées de maisons, décrépies.
    Une Mercedes verte fait voler la poussière, se gare,
    un bossu en descend et se met en chemin.
    Baraques, copropriétés. Quelques chiens. Longeant la mer,
    un homme marche sans bouche, cicatrice
    de sable, sur des kilomètres et des kilomètres.
    Et je ne peux te répondre que ceci : vertiges,
    une tranquillité simulée. Et aussi : l’absinthe.
    Une roche pauvre surplombe
    la plage des pauvres.



    Fabio Pusterla, Les Choses sans histoire, Éditions Empreintes, Poche Poésie, Moudon (Suisse), 2002, pp. 202-203. Traduit de l’italien par Mathilde Vischer.





    Les choses sans histoires






    UN UOMO QUALUNQUE


        « Voici un poète de maintenant, un poète de notre monde, proche et vrai. En même temps, un “ uomo qualunque ”, ou peu s’en faut : qui a femme et enfants, qui enseigne à des enfants (et à qui les enfants enseignent les plus belles leçons) ; qui ne se prend jamais pour un génie, qui ne rêve ni de transe, ni d’extase ; qui a mieux à faire qu’à réinventer la littérature ; qui a “ quelque chose à garder, à protéger ” dans les mots : le sens même de la vie, brillant comme l’eau qui court. […]

        Il regarde le monde qui l’entoure, ce pays d’alpes et de piémont où il y a de la roche et des glaciers, des vallées encaissées ; et, aussi bien, des grèves de lac et de terrains vagues envahis peu à peu de détritus, comme promis à la ruine, des eaux où la célèbre anguille de Montale, chez lui, ne se débat plus que “ pour arracher / un instant à l’asphyxie ”.

        Il sait, au moins par ouï-dire, ce que c’est que la guerre, les guerres sans cesse recommencées ; il en a vu les traces ; il est familier de cette nuit profonde qui n’effraie pas que son enfant. La menace est partout, sous toutes ses formes. Mais, de tout cela d’obscur, d’étouffant souvent, il ne tire pas d’élégies (ce n’en est plus l’heure) ; moins encore, de discours : il ne se rangera jamais au parti des “ constructeurs de drapeaux ”. Tout, à travers sa voix ferme, sobre, admirablement maîtrisée, est toujours à la fois quotidien, proche, vrai et vaste, réel et néanmoins mystérieux. »


    Philippe Jaccottet, préface d’Une voix pour le noir de Fabio Pusterla, Poésies 1985-1999, Éditions d’en bas, Lausanne, 2001, pp. 5-6.




    FABIO PUSTERLA



    Fabio Pusterla
    Source



    ■ Fabio Pusterla
    sur Terres de femmes

    Arte della fuga
    Au-delà des vagues
    Corps d’étoiles
    Due rive
    Entre-deux
    Esquisse en poudre de gypse, 6
    La fugitive
    Une vieille (+ bio-bibliographie)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Fine Stagione)
    plusieurs poèmes de Fabio Pusterla (en italien et en français)



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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Fabio Pusterla | Arte della fuga

    «  Poésie d’un jour  »



    Laisse les noms aux nouveaux constructeurs de drapeaux.
    Ph., G.AdC






    ARTE DELLA FUGA



    Resisti a tutto, fuggi. Fallo in nome
    di niente. Lasci i nomi
    ai nuovi costruttori di bandiere.
    Dai, topolino: è ora.
    Guarda : questo è un bosco, e questa
    una lattina di carne. Questo è un fiume.
    Dal ponte vedi una città bianchissima,
    una polla di sangue raggrumato. E gli anni,
    gli anni sui loro cavalli neri. La città
    è fatta di calce e gesso, di silenzio.
    Il passo è qui, la fuga un’altra strada.






    ART DE LA FUGUE



    Résiste à tout, fuis. Fais-le au nom
    de rien. Laisse les noms
    aux nouveaux constructeurs de drapeaux.
    Allez, petit : il est temps.
    Regarde : ceci est un bois, et ceci est
    une boîte de viande. Ceci est un fleuve.
    Du pont tu vois une ville parfaitement blanche,
    une source de sang grumelé. Et les années,
    les années sur leurs chevaux noirs. La ville
    est faite de chaux et de plâtre, de silence.
    Ici le passage, la fuite est un autre chemin.



    Fabio Pusterla, Une voix pour le noir, Poésies 1985-1999, Éditions d’en bas, Lausanne, 2001, pp. 62-63. Traduit de l’italien par Mathilde Vischer.*



    __________________________________________________
    * Ce poème figure dans Les Choses sans histoire de Fabio Pusterla, Éditions Empreintes, 2002, pp. 170-171. Traduit de l’italien par Mathilde Vischer.





    FABIO PUSTERLA


    Pusterla_1
    Source



    ■ Fabio Pusterla
    sur Terres de femmes

    Au-delà des vagues
    Caparìca
    Corps d’étoiles
    Due rive
    Entre-deux
    Esquisse en poudre de gypse, 6
    La fugitive
    Une vieille (+ bio-bibliographie)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de culturactif.ch)
    une bio-bibliographie très complète de Fabio Pusterla





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  • Fabio Pusterla | Au-delà des vagues

    «  Poésie d’un jour  »



    Pusterla 1
    Ph. angèlepaoli





    OLTRE LE ONDE


    a Nina



    La bambina che è andata oltre le onde
    quando si volta non vede più terra, solo onde
    alte più alte di lei che la separano
    da quello che ha lasciato sulla riva.

    E non c’è azzurro, rosa,
    non c’è più cielo o acqua: luce pura
    che stempera ogni schianto in una schiuma
    d’abbaglio o dentro un’ala
    larga come un oceano
    sanguinosa.

    È la sua vita
    che le appare improvvisa dentro il vortice,
    perdifiato e spavento
    nella gola.

    Né padre, ora, né madre, e niente casa.
    Mare estremo dentro il sole.


    Fabio Pusterla, Corpo stellare, III, Milano, Marcos y Marcos, 2010, pagina 111.






    AU-DELÀ DES VAGUES


    à Nina


    La petite fille qui est allée au-delà des vagues
    quand elle se retourne ne voit plus la terre, seulement les hautes vagues
    plus hautes qu’elle et qui la séparent
    de ce qu’elle a laissé sur la rive.

    Et il n’y a plus de bleu ni de rose,
    il n’y a plus de ciel ou d’eau : la lumière pure
    dilue chaque vague qui se brise dans l’éblouissement
    de l’écume ou dans une aile
    large comme un océan
    sanglant.

    C’est sa vie
    qui dans le tourbillon lui apparaît à l’improviste
    perte de souffle et frayeur
    dans la gorge.

    Ni père, désormais, ni mère, et aucune maison.
    La mer dernière dans le soleil.


    Fabio Pusterla, Ultimes paysages, édition bilingue, L’Arrière-Pays, 2009, pp. 16-17. Traduit de l’italien par Éric Dazzan.





    FABIO PUSTERLA

    Pusterla_1
    Source


    ■ Fabio Pusterla
    sur Terres de femmes

    Arte della fuga
    Caparìca
    Due rive
    Entre-deux
    Esquisse en poudre de gypse, 6
    La fugitive
    Une vieille (+ bio-bibliographie)


    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de culturactif.ch)
    une bio-bibliographie très complète de Fabio Pusterla




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  • Fabio Pusterla | Esquisse en poudre de gypse, 6

    «  Poésie d’un jour  »



    Spera che un uscio l'accolga in silenzio
    Ph., G.AdC






    BOZZETTO PER SCAGLIOLA


    VI


    L’orecchio che ascolta non vede la voce che parla
    nella notte, perduta, ma attende il brusìo
    dell’aria, attraverso le strade
    che forse qualcuno percorre.

    La voce che parla non cerca nessun ascolto,
    eppure spera che il suo soliloquio non sia vano,
    che un uscio l’accolga in silenzio,
    offra una luce, un ramo di forsizia.




    Fabio Pusterla, Bozzetti per scagliola, VI, in IV, Stella meteora, Pietra sangue, Marcos y Marcos, Gli Alianti 69, Milano, 1999, pagina 79.






    ESQUISSE EN POUDRE DE GYPSE


    6


    L’oreille qui écoute ne voit pas la voix qui parle
    dans la nuit, perdue ; elle guette le bruissement
    de l’air, par les rues
    où quelqu’un marche peut-être.

    La voix qui parle n’attend pas qu’on l’écoute,
    elle espère pourtant que son soliloque n’est pas vain,
    que s’ouvre pour elle une porte en silence,
    offrant une lumière, une branche de forsythia.




    Fabio Pusterla, Esquisses en poudre de gypse, in Deux rives, édition bilingue, Cheyne éditeur, 2002, pp. 60-61. Traduit de l’italien par Béatrice de Jurquet et Philippe Jaccottet.





    Fabio Pusterla,Deux rives






    BIO-BIBLIOGRAPHIE DE FABIO PUSTERLA



        « Né dans un pays d’alpes, de grèves et d’eau, tout près de la frontière suisse », Fabio Pusterla est un poète des liminaires et des confins, des frêles frontières où s’estompent les lignes entre deux « rives imaginaires, hors de vue », des lisérés de lumière en forme de fentes grises échappées dans les brumes de l’aube. Les mots affleurent, comme esquissés, indéfinissables et incertains. Ainsi que le souligne Philippe Jaccottet, tout, à travers la « voix ferme, sobre admirablement maîtrisée » de Fabio Pusterla, est « toujours à la fois quotidien, proche, vrai et vaste, réel et néanmoins mystérieux ».


        Né à Mendrisio (Suisse italienne ; canton du Tessin) le 3 mai 1957, Fabio Pusterla a grandi dans la ville-frontière de Chiasso. Il est licencié ès lettres modernes de l’Université de Pavie. Il vit entre Lugano et Albogasio (à la frontière entre la Suisse et l’Italie) et enseigne actuellement la langue et la littérature italiennes au lycée cantonal de Lugano 1. En 1991, il a été membre du comité fondateur de la revue de littérature Idra, publiée jusqu’en 2001 chez Marcos y Marcos, un petit éditeur milanais spécialisé dans la littérature de Suisse alémanique. Grand Prix Schiller 2011, il a reçu en 2013 le Prix suisse de littérature.

        Poète et essayiste, il est aussi traducteur. Il a traduit en italien Yves Bonnefoy (L’Anti-Platon), Nicolas Bouvier, André Frénaud, Guillevic, Nuno Júdice, Corinna Bille, Maurice Chappaz, Eugenio De Andrade, Benjamin Fondane, Jean-Luc Nancy, mais surtout Philippe Jaccottet (sept recueils. Cf. « Traduire Jaccottet » de Fabio Pusterla). Travail de traducteur pour lequel il a obtenu, en 1994, le prix Prezzolini.

        Fabio Pusterla est notamment l’auteur des recueils poétiques suivants :

    Concessione all’inverno, Bellinzona, Casagrande, 1985 ; rééd. 2001
    Bocksten, Milano, Marcos y Marcos, 1989 ; rééd. 2003
    Le cose senza storia, Milano, Marcos y Marcos, 1994
    Danza macabra, Camnago, Lietocolle, 1995
    Bandiere di carta, Scandicci, Fabrizio Mugnaini, 1996
    Isla persa, Locarno, I semi del salice, 1997 ; rééd. 1998
    Laghi e oltre, Camnago, Lietocolle, 1999
    Pietra sangue, Milano, Marcos y Marcos, 1999
    Folla Sommersa, Milano, Marcos y Marcos, 2004
    Movimenti sull’acqua, Camnago, LietoColle, 2004
    Storie dell’armadillo, Milano, Quaderni di Orfeo, 2006
    Le Terre emerse. Poesie scelte 1985-2008, Torino, Einaudi, 2009
    Corpo stellare, Milano, Marcos y Marcos, 2010
    Argéman, Milano, Marcos y Marcos, 2014

        et d’un essai sur la poésie contemporaine :

    Il nervo di Arnold, Saggi e note sulla poesia contemporanea, Milano, Marcos y Marcos, 2007.

        Fabio Pusterla a obtenu le Prix Gottfried Keller 2007 pour l’ensemble de son œuvre.


    • Ouvrages disponibles en français :

    – Fabio Pusterla, Me voici là dans le noir, Lausanne, Éditions Empreintes, 2001. Traduction de Mathilde Vischer
    – Fabio Pusterla, Une Voix pour le noir. Poésies 1985-1999, Éditions d’En bas, 2001. Préface de Philippe Jaccottet. Traduction de Mathilde Vischer (édition bilingue)
    – Fabio Pusterla, Deux rives, Cheyne éditeur, 2002. Traduction de Béatrice de Jurquet et Philippe Jaccottet (édition bilingue)
    – Fabio Pusterla, Les Choses sans histoire, Lausanne, Éditions Empreintes, 2003. Traduction de Mathilde Vischer
    – Fabio Pusterla, Ultimes paysages, L’Arrière-Pays, 2009. Traduction de Éric Dazzan (édition bilingue)
    – Fabio Pusterla, Pierre après pierre, anthologie de poèmes, édition bilingue, éditions MétisPresses, Genève, 2017, pp. 84-85. Traduction de Mathilde Vischer.





    FABIO PUSTERLA


    Fabio Pusterla
    Source




    ■ Fabio Pusterla
    sur Terres de femmes

    Arte della fuga
    Au-delà des vagues
    Caparìca
    Corps d’étoiles
    Due rive
    Entre-deux
    La fugitive
    Une vieille (+ bio-bibliographie)



    ■ Voir aussi ▼

    l’article du Matricule des anges sur l’ouvrage Deux rives de Fabio Pusterla
    → (sur le site de culturactif.ch)
    une bio-bibliographie très complète de Fabio Pusterla





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