Étiquette : Florence Noël


  • Florence Noël | Assise…des heures


    Assise…des heures





    Cest une histoire
    bruissante de frondaisons
    déchirées par les bois
    d’un cerf
    au trot leste
    un récit de peau
    rincée d’averses
    de pas
    aux rimes spongieuses

    d’entre ses hanches
    j’éclos
    scellée
    aux troubles intraitables

    décantée
    de vos regards
    je me vête
    d’un moi
    jubilant
    d’enfance raccommodée

    d’un enfant vous me feriez
    renaître
    reine petite
    pour des palais faits d’air

    dans ce ventre de cendres
    où poussent les rêves solides
    jamais ne retisserai
    la toile de l’innocence

    ce qui est fait est fait
    et défait disparu

    je serai le mouvement
    d’une joie intégrale
    point d’orgue vif
    brodé sur un mouchoir d’adieu

    matin cousu
    de quatre épingles
    ma bouche coite
    au garde-à-vous
    je traduis l’épopée
    lumineuse
    de la rosée
    chevauchant jusqu’à
    l’horizon








    Florence Noël, II. Périt le vif dans ces jours endeuillés d’or
    , in Assise dans la chute immobile des heures, Illustrations Gwen Guégan,
    Éditions Bleu d’encre, 2021, pp.57, 58, 59, 60






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    FLORENCE NOËL

    FLORENCE NOËL





    ■ Florence Noël
    sur Terres de femmes


    un entretien avec Florence Noël
    [tu dis c’est l’heure jaune] (extrait de Solombre)
    Sarabande (extrait de Branche d’acacia brassée par le vent)
    L’Étrangère (lecture d’AP)
    [parler de soi] (poème extrait de L’Étrangère)
    Initiation au crépuscule
    [Donnez-nous des pierres] (Vases communicants)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    autant revivre en mon jardin




    ■ Voir aussi ▼

    le site de Pierre Gaudu





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  • #TdF | Entretien avec Florence Noël

    Chroniques de femmes – EDITO

    Entretien avec Florence Noël



    Florence N 1

    Florence Noël, Branche d’acacia brassée par le vent, Huit mouvements,
    sur des photographies de Pierre Gaudu, Le Chat polaire,
    1348 Louvain-la-Neuve (Belgique), 2020.









    ENTRETIEN AVEC FLORENCE NOËL


    Un entretien de Terres de femmes (TdF) avec Florence Noël au lendemain de la publication de Branche d’acacia brassée par le vent, Huit mouvements.




    TdF: Branche d’acacia brassée par le vent est un titre habité par un élément, cette rafale qui agite les huit photos de Pierre Gaudu, et qui augure chacun des huit mouvements d’écriture annoncés par le sous-titre du recueil… Quelle a été la genèse de ce travail de collaboration ?

    Florence Noël : J’ai beaucoup échangé avec Pierre en 2009-2010, au moment où j’ai découvert ses œuvres picturales et photographiques. J’étais alors en arrêt de travail pour burnout. J’avais épuisé toute force vitale. J’étais exsangue. Dévitalisée. Tout effort m’était trop, tout me dégoûtait et me plombait. La projection même dans un avenir lointain d’une quelconque tâche me donnait la nausée. J’étais essoufflée, sans ressort, figée. Pour la troisième fois maman depuis un an, j’avais usé neuf mois de grossesse, puis encore neuf mois de reprise après mon congé de maternité sur les routes à faire la navette entre mon domicile et Bruxelles. Seize heures hebdomadaires qui se rajoutaient à mon horaire de travail. Je devais chanter dans la voiture pour ne pas m’endormir… Puis mon corps a lâché. Et ce n’était pas la première fois. J’avais une conscience aigüe que cette période d’arrêt allait devoir marquer une rupture, mais cette fois-ci une rupture désirée, une rupture fomentée. Que je devais « souffler » et « reprendre haleine ».

    Il se trouve que j’étais fascinée par la palette de Pierre, ses dessins, et peu à peu par sa vision photographique du monde, qui me sont parvenus en contrepoint lumineux de cette période très sombre. Ces deux pôles de son art en effet se répondent, et même de plus en plus avec le temps. Il photographie avec l’œil du peintre et peint avec cette perception du mouvement qu’il capte dans ses photographies d’éléments naturels habités par le courant, le vent, l’impulsion. Les torrents deviennent gemmes, les branches enlacements. J’ai été très impressionnée par le souci qu’il a du détail, de la finesse de l’architecture de ce qui nous entoure. Un souci qui pour moi est de l’ordre du souffle qui donne vie et anime. Je l’ai perçu comme une épiphanie, une connexion première avec la nature que je partage avec lui et qui pour tous deux a un côté curatif. Branche d’acacia brassée par le vent est le titre d’une série que Pierre a conçue lors d’une balade au cours de l’été 2009, alors que je ne le connaissais pas encore. L’éblouissement et le trouble qui avaient été siens face à cette branche, il me les a communiqués par le partage de ses clichés. Il s’était comme « ajusté » au souffle et à l’éclairage changeant de cette branche, capturant le flouté par la qualité de son travail sur la lumière. Cette grâce m’a remuée là où en moi tout était figé par l’épuisement. Et je me suis mise en mouvement. Mes mots ont cherché à prolonger cet état, mais en puisant dans mon propre référentiel féminin, spirituel. Du mouvement à l’image, je suis passée à l’écriture et à la musique.


    TdF : Branche d’acacia brassée par le vent est ton troisième recueil (quatrième si l’on prend en compte Pavane pour une nebbia publié chez Encres vives de Michel Cosem en 2015). D’où provient la tonalité plus lyrique de cet ouvrage ? D’autant plus que sa composition tranche par rapport aux deux autres recueils parus chez Bleu d’Encre (L’Etrangère) et chez Taillis Pré (Solombre).

    Florence : Oui, c’est un recueil plus ancien dans sa composition, mais dont le rythme, la danse, le chant demeurent très vivants en moi. Il exprime cette part élégiaque, cet élan amoureux mais sans la tristesse intrinsèque à cette forme. J’y ai plutôt fait écho à l’enthousiasme et à la fougue du Cantique des cantiques. Sans doute la sacralisation de l’élan vital qui anime ce dialogue amoureux de deux jeunes amants se cherchant, courant vers l’un vers l’autre, évoquant les délices érotiques avec force métaphores bucoliques et naturelles, m’est-elle venue comme étant la référence de base à cette branche d’acacia photographiée par Pierre Gaudu. Il y a néanmoins une connexion entre les recueils Branche d’acacia et Pavane pour une nebbia. Pierre est aussi un grand marcheur et découvreur de sentiers de montagne qu’il n’épuise jamais de son regard. Dans Pavane pour une nebbia, le tout premier vers est une phrase que Pierre m’a dite fin 2009 alors que nous discutions et commencions à collaborer. Je ne m’en suis souvenue que bien plus tard, elle s’était imprimée en moi à mon insu et a initié cette balade à l’aube qui commence ainsi : « au début mes yeux sont pauvres ». Lui et moi partageons une même conscience de notre pauvreté de regard : cette vacuité offre un espace pour que la nature prenne place en nous ; émotion, remuement et mouvement s’enchaînant par l’activité créatrice. Le vent a joué un rôle de déclencheur. Symbole de la légèreté, de la grâce, du souffle de vie, du Rouah hébreux que le Dieu de la Bible insuffle en tout être pour l’animer, le vent a cette liberté, cette puissance, cette vigueur que je n’ai pu que rapprocher de l’élan amoureux. Moi qui étais à bout de souffle, je me suis engouffrée, à l’image de la rafale dans cette branche, dans ces huit photographies. Je les ai intégrées à même mon corps et à ce qu’il me restait de vitalité. Et cela je l’ai fait dans une allégresse créative neuve et initiatique, sans la crainte physique qui me hantait dans la perspective de toute autre activité. En cette période-là, l’écriture m’a sauvée et m’a réconciliée. Je venais de collaborer sur une autre série photographique de Pierre « Chardons ». Et quelques mois plus tard, mi-2010, j’éditais le premier volume de l’éphémère revue DiptYque consacrée au dialogue artistique (poésie, prose, photographie, peinture et art plastique) avec le premier volet d’un double thème « La part de l’ombre » auquel répondra plus tard « Lumières intérieures ».



    TdF : Dix ans se sont écoulés entre la genèse de ce recueil et sa publication au Chat Polaire. C’était la bonne rencontre ?

    Florence : Oui, Marc Menu et Marie Tafforeau ont mis en branle une magnifique dynamique avec le Chat Polaire. Ils apportent une note fraîche et vive au sein de l’édition belge de poésie dont les lignes bougent peu depuis quelques années. C’est un projet éditorial courageux, encore plus en ces temps incertains, et dont l’impulsion première tient dans l’amour des mots, notamment dans le pouvoir sensuel et musical des mots, et dans l’amitié. Le Chat Polaire fonctionne comme une famille qui s’agrandit à chaque parution. Il y a une ligne éditoriale commune entre tous les recueils : langue dont on joue de manière ludique ou grave, musicalité et ouverture aux artistes (illustrateur, photographes, dessinateur…). Je me suis ainsi sentie assez en confiance pour proposer ce recueil qui me tenait particulièrement à cœur. Je ne pense pas que j’aurais pu le proposer facilement à n’importe quelle maison d’édition. Notamment en raison du format du recueil. Les recueils du Chat Polaire ont habituellement un format carré. Mais pour ce recueil-ci et afin de respecter l’horizontalité des photos de Pierre, les éditeurs ont proposé un format à l’italienne, un format allongé. Une seconde édition, travaillant davantage la qualité des photos, devrait voir le jour quand la crise sanitaire actuelle sera derrière nous.



    TdF : Ce qui fait peut-être de ce recueil une expérience à part, c’est ce rythme qui lui est propre, alternant des vers longs, presque prosaïques, et des vers courts, pour chaque mouvement de musique (Prélude et Fugue, Sarabande, Adagio, Largo, Andante cantabile, Menuet, Miserere nobis, Allegro). Quelle rôle la musique a-t-elle joué dans ton écriture ?

    Florence : Le mouvement m’était venu des mouvements du vent dans la branche. L’élan amoureux de la lumière et du souffle faisant écho aux textes érotiques de l’Antiquité. L’ivresse amoureuse nous fait renouer avec cette part innocente, insouciante qui est l’antidote de cette calcination intérieure du corps que produit l’épuisement. Me restait à « rendre » la variation de rythmes. J’ai travaillé chaque mouvement de la manière suivante : un des clichés photographiques m’inspirait un rythme intérieur, que je traduisais en un mouvement musical avec un tempo singulier (par exemple un adagio). Je m’immergeais alors dans l’écoute de nombreuses interprétations de ce mouvement (avec une prédilection pour la musique baroque ou la musique contemporaine). Et j’écrivais de telle sorte que les mots deviennent notes, et les phrases musicales le tempo inscrit dans le rythme. J’ai exploré les assonances, les allitérations, les phonèmes, tout ce qui pouvait créer une harmonie imitative. J’ai usé de ponctuation et de silence (tirets, virgules, élisions) pour marquer le tempo. C’est pourquoi je n’adhère pas du tout à l’idée qu’il s’agirait de textes pour partie prosaïques. Certes la rime est négligée, certes le passage à la ligne n’est pas un marqueur du vers, mais ce sont pour l’essentiel le souffle et la musicalité qui dirigent la partition du verbe. Il y a là un travail à la fois technique et synesthésique, une tentative d’alchimiser la langue pour qu’elle devienne partition. J’ai aussi, comme dans les mouvements musicaux, alterné des sections mélodiques principales avec variations (A,A’,A’’,… et C, C’, C’’, C’’’,…) avec des sections brèves (B, D) se découpant ainsi en quatre parties pour chaque mouvement.



    TdF : Est-ce à dire que le sens doit s’effacer derrière la seule « écoute » du mouvement poétique ainsi obtenu ?

    Florence : De la même manière qu’on peut écouter un musicologue ou un œnologue longuement raconter le déploiement d’une pièce musicale ou d’un vin rare, cette poésie s’inscrit dans une narration. Elle intercepte ce très jeune couple d’amants au seuil du jardin, prêts à « fouler la houle herbeuse », se précipitant l’un vers l’autre (Prélude-Fugue et Sarabande). Puis viennent d’autres saisons de l’amour, l’âge adulte, ses appuis et ses doutes, l’établissement, la jeunesse mature (Adagio et Menuet). S’ensuit l’âge d’accomplissement, où confiant, l’on va l’amble (Andante cantabile et Largo), enfin la dernière saison du couple, la plus longue souvent, parfois la plus dramatique, mais aussi la plus réconciliée (Miserere nobis et Allegro). Tout au long de ce voyage, les branchages, les frondaisons constituent le décor essentiel, comme l’arbre d’une vie, bien réel, dans un Éden simplement mortel. L’érotisme, la sensualité, le lien avec la Terre, avec l’ensemble des sens font sens. Bien sûr, et comme pour tout ce que j’écris, la signification reste ouverte. Un jour tel sens vous parlera tandis qu’un autre jour, vous le regarderez comme un objet étranger. Le lecteur a toujours raison d’aimer ou de ne pas aimer, de se sentir concerné ou non. L’offrande et la confiance doivent être le contrat implicite qui guide l’acte de publication. La poésie est une voie étroite d’où surgit quelquefois une voix aux accents universels. L’auteur ou l’autrice sont les plus piètres juges de ce processus.



    TdF : Ce recueil est-il alors un recueil qui s’adresse particulièrement à un éros au féminin ?

    Florence : Non, certainement pas. Dans cette lecture que chacun peut entreprendre, qu’il soit homme ou femme, deux voix peuvent dialoguer. Des déclamants pourraient s’approprier ce texte et le découper selon leur sensibilité et leur sensualité propres, seuls, en dialogue, avec une infinie variation de combinaisons. Si jamais, et c’est un rêve, une telle mise en voix était un jour montée, sur une projection des huit vues de la branche d’acacia, avec en contrepoint des interventions musicales, ce recueil aurait servi de relais toujours vivant entre ce souffle capturé par Pierre un jour d’été 2009 et le souffle des arts vivants incarnant ce moment de grâce et son infinie vitalité créatrice.



    Florence Noël
    pour Terres de femmes (3 juin 2020)
    D.R. Texte Florence Noël




    FLORENCE NOËL


    Florence Noël






    ■ Florence Noël
    sur Terres de femmes


    Sarabande (extrait de Branche d’acacia brassée par le vent)
    Solombre (lecture d’AP)
    [tu dis c’est l’heure jaune] (extrait de Solombre)
    L’Étrangère (lecture d’AP)
    [parler de soi] (poème extrait de L’Étrangère)
    Initiation au crépuscule
    [Donnez-nous des pierres] (Vases communicants)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    autant revivre en mon jardin




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    le site de Pierre Gaudu
    → (sur Karoo)
    une lecture de Branche d’acacia brassée par le vent par Thibault Scohier
    → (sur soundcloud)
    Florence Noël lit le Premier mouvement : Prélude et Fugue de Branche d’acacia brassée par le vent
    panta rei, les dits de la clepsydre de Florence Noël
    le site des éditions Le chat polaire






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  • Florence Noël | Sarabande


    SARABANDE
    (extrait)




    c’est là : le bougé du sujet, le flouté du dire que peint la feuille parmi ses sœurs et chacune liée à la souplesse de la branche, chacune et toutes ensemble dessinant le verbe, et sa gésine dans le désir d’un moineau pour l’envol, toutes en chacune s’animent,

    c’est là : dans le bougé des sèves, poussée organiste, ligneuse impatience – infléchie d’un soubresaut – dans le bougé des lèvres gonflées et si tendues dans le vouloir te dire,

    c’est là : l’à peine relié au trop, le fleuve ancré dans le filé du ciel, bougé d’un regard perdu de cible éperdu et perdant, le regard qu’on ne peut, le regard entier, et si osé le regard qui nous cloue nu et pantelant,



    Florence Noël, « Deuxième mouvement : Sarabande », Branche d’acacia brassée par le vent, Huit mouvements sur des photographies de Pierre Gaudu, Le Chat polaire, 1348 Louvain-la-Neuve (Belgique), 2020, page 19.






    Florence N 1






    FLORENCE NOËL


    Florence Noël






    ■ Florence Noël
    sur Terres de femmes


    un entretien avec Florence Noël
    Solombre (lecture d’AP)
    [tu dis c’est l’heure jaune] (extrait de Solombre)
    L’Étrangère (lecture d’AP)
    [parler de soi] (poème extrait de L’Étrangère)
    Initiation au crépuscule
    [Donnez-nous des pierres] (Vases communicants)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    autant revivre en mon jardin




    ■ Voir aussi ▼


    le site de Pierre Gaudu
    panta rei, les dits de la clepsydre de Florence Noël






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  • Florence Noël, Solombre

    par Angèle Paoli

    Florence Noël, Solombre,
    éditions Le Taillis Pré, 6200 Châtelineau, Belgique, 2019.
    Frontispice de Pierre Gaudu.



    Lecture d’Angèle Paoli




    « LA CÉDILLE DU ÇA »




    Solombre. Serait-ce, inconnu, le toponyme d’un pays oublié ? Celui d’une région perdue dans les ombrés des cartes ? Ou peut-être la dénomination d’un espace de solitude, intime et intérieur ? Solombre. La désignation d’un espace onirique, un lieu en demi-teinte, une pénombre, un chiaroscuro ? Mi-ombre mi-soleil. « [M]i-neige et nuit de moitié ». Un lieu de contraste violent, tout aussi bien, livré à l’oxymore, tel que le suggère le poète Octavio Paz dans quelques vers d’Expiration :

    Soleil de l’ombre Solombre aveuglante

    [Sol de sombra Solombra cegadora]

    Mes yeux vont enfin voir l’inentrevu

    Ce qu’ils perçurent sans le percevoir

    Le verso des visions et la vue.

    Solombre. Un titre choisi par Florence Noël, en écho à Octavio Paz que la poète cite dans l’épigraphe de son dernier recueil. Dans le sillage d’Octavio Paz, la poète tente de débusquer ce qui s’éclipse à la vue, ne serait-ce que l’espace d’un instant ou le temps d’un poème. Fixer l’image saisie sur le vif. Formes mouvements rumeurs couleurs, glyphes et paraphes inscrits sur la page. Impalpables et fuyants comme les frimas ou les flocons de neige. Des tableaux de genre d’où émergent, mystérieux et noyés de brumes hivernales, ces paysages de novembre, balayés de bourrasques, paysages du Plat Pays traversés par les vents du Nord. Mer terres et ciels s’agrègent sur des horizons effilochés de pluies. Paysages d’un autre temps, médiéval peut-être, un temps de mémoire pour dire le passage du temps, de la vie à la mort. Nuit cloches fleuves. Parfois surgit une ombre, la silhouette d’un homme seul traversant les champs à cheval, longeant des routes silencieuses. Il est là, dès le poème d’ouverture, qui chevauche : « c’est l’homme avançant vers sa mort / mourant aux autres… ». Et la lectrice que je suis va l’amble à ses côtés, certaine de chevaucher dans des contrées similaires à celles des toiles de Brueghel, paysages bleuis de neige :

    « tantôt la nuit éteint son aile

    arase les labours ridés d’argent

    une corneille y craque

    le silence

    entrouvre le noir

    grisé de sel

    des fossés friment la mort

    là dort l’appétit

    d’une nuit sans pareille ».

    La nuit, tout au long de cette première section — car il y en a une seconde, intitulée « Fourbure » —, la nuit égrène sa présence. Fuites et ressacs, déferlements. Le leitmotiv sillonne ses flux, ses efflorescences. D’un poème à l’autre. Et livre sa part d’ombre et sa part de plaintes. « La nuit fuit » / « la nuit reflue » / « la nuit s’étiole » / « les nuits nubiles »… La nuit dans ses extravagances, la nuit et ses excès :

    « fastueuse nuit

    terrassière sous

    la lame d’une lune

    revenue des enfers ».

    Pourvoyeuse de « matin noir », l’aube parfois point, qui fait « effraction » sous les « portes closes ». Sombres, les images de novembre sont marquées du sceau de visions douloureuses, solitude et deuil, doléances mordues de silence. « [N]uits rompues par fuites / et ferments. » La poète à l’affût s’arrime au déroulé de « l’heure blanche », avide de ses menus mystères ; elle interroge le « dire la rage lente des feuilles / pour déchirer leur pulpe ». Derrière ces dits de givre se glisse cet autre que l’on attend. L’« homme revenu / des confins » ; l’amant au « pelage/albinos ». Le « tu » vacille, d’elle à lui ou d’elle à elle :

    « tu dis c’est l’heure jaune ».

    Ou encore

    « c’est le jaune de l’heure que tu cherches ».

    Un « tu » qui transparaît aussi dans le nous :

    « aux fenêtres

    nous épinglons des astres

    trions les ciels des cartes

    jouons sur les morts…

    alors nous retournons le portrait

    face au mur ».

    Ou encore, naufragé de sa solitude, ce « nous », sombré, é/perdu :

    « et nous

    absents d’étreintes

    flottant à demi-mot

    sur la tranche des lèvres ».

    La nuit. Quelle est celle qui existe vraiment ? interroge la poète. La nuit ne serait-elle pas rien d’autre qu’un alibi du rêve, qu’une antichambre du néant et de la mort ? Des bruits et des rumeurs diffusent des messages nocturnes que seule la dormeuse semi-éveillée parvient à décrypter. La nature elle-même, démunie et gelée, souffre de ses blessures. Enclos dans une même prison glacée, les hommes et les arbres éprouvent une même difficulté à vivre et à aimer. Sentinelles de miséreux aux gestes inaccomplis, ils partagent une même pauvreté de corps et d’âme. En réponse à la supplication lancée dans la tristesse surviennent l’insecte et ses « battements d’ailes », en signe minuscule d’espoir.

    « coi de tristesse

    féconde

    un insecte joue

    sur ma joue

    le parfum sec

    des battements d’ailes ».

    Je ne saurais dire en quoi, au juste, les poèmes de « Fourbure », la seconde section du recueil, diffèrent de ceux de Solombre. Peut-être la mélancolie de « Fourbure » y est-elle plus douce, plus apaisée ? Peut-être aussi ai-je moi-même inconsciemment renoué peu à peu avec les paysages noyés du Nord, « alliance de densité / entre ce ciel lourd et cette bombance / spongieuse du sol… » ? Avec ces tableaux de genre où solitude et silence se disputent l’hiver.
    Affleurent dans « Fourbure » de semblables variations sur la lumière, captatrice de l’instant, confrontée le plus souvent à des zones d’ombre. Mais davantage encore à la pesanteur. Laquelle prend toute son ampleur et sa force sous la plume de la poète Mimy Kinet, citée en exergue :

    « La lumière prenait appui sur ses épaules

    il ne savait pas comment se décharger de cette grâce… ».

    Pour Florence Noël, la « fourbure » est corrélée à l’écriture. Et la fatigue d’écrire à la vacuité du dire :

    « je n’ai rien d’autre

    à vous dire

    que le verbe qui s’écaille

    dans ma main de labeur ».

    Comment se libérer de cette fatigue de dire, de ce « faix » trop lourd, lorsque les mains s’épuisent de tant de mots fourbus, de tant de lassitude à poser sur la page « le verbe qui s’écaille » ? Pourtant la griserie est sensible, qui gagne la poète, à recourir aux mots, parfois les plus insolites et les plus précieux, les plus innovants et rares – « on écueille/les rigoles ». En aède accoutumée au chant, la poète inventive joue avec les mots, leur proximité sonore, les glissements de sens, dépoussiérant leur étymon latin – « les humeurs / y percolent » ; la « parmélie », sa forme de bouclier rond – et, en arrière-plan, l’idée de la couleur parme qui se glisse. Et annonce peut-être le « mauve » qui, quelques pages plus loin, gagne le ciel du soir.

    De ces polysémies singulières irradie un mystère plus grand encore, comme dans ces trois vers :

    « c’est tue que

    je m’évertue

    à chanter ».

    Que dire de l’énigme portée par la vanité de la « tentation de la fatalité » ?

    « car rien

    jamais

    n’égalera la misère de Job. »

    Quant à la « fourbure », l’image en est disséminée à travers nombre de variations sonores – « fêlure », « engelures », « nervure », « froidure », « déchirure »… Une image reprise aussi dans son sens premier, de façon allusive, chaque fois qu’il est question de marche, de pieds, de pattes et de trot. Ainsi de ces quatre vers où le terme « avaloir » désigne la pièce de harnais à l’arrière des cuisses des chevaux…

    « on écueille

    les rigoles

    les avaloirs

    ces yeux noirs

    d’une terre aveugle ».

    La poésie de Florence Noël ouvre des sentes de lectures inépuisables et tout un chacun peut y cheminer à sa guise, avec sa sensibilité propre. Le livre refermé, la nuit s’efface, laissant la poète à sa fatigue inachevée, aux gerçures qui couvrent au matin les pages « d’une calligraphie joyeuse » — ces « mystiques méconnues / que gel et nuit fendillent ». Persiste alors cette interrogation latente qui filtre à travers mots : que restera-t-il des mystérieux écrits desséchés ? Sans doute ne laisseront-ils percer que très peu de soleil tandis que la poète, elle, qui ne souhaite rien dire d’autre que ce peu qu’elle nous livre, se réduira à moins que « la cédille du ça ». Ainsi se clôt la boucle amorcée dans « Fourbure ». Perdure la présence poétique d’un recueil dont la force à mes yeux n’a d’égale que la grande beauté.


    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Florence Noël  Solombre





    FLORENCE NOËL


    Florence Noel portrait





    ■ Florence Noël
    sur Terres de femmes


    un entretien avec Florence Noël
    [tu dis c’est l’heure jaune] (extrait de Solombre)
    Sarabande (extrait de Branche d’acacia brassée par le vent)
    L’Étrangère (lecture d’AP)
    [parler de soi] (poème extrait de L’Étrangère)
    Initiation au crépuscule
    [Donnez-nous des pierres] (Vases communicants)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    autant revivre en mon jardin




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  • Florence Noël | [tu dis c’est l’heure jaune]


    [TU DIS C’EST L’HEURE JAUNE]




    tu dis c’est l’heure jaune
    cette coulée au revers des nuages
    car là s’insinuent les ombres
    plates
    d’une promesse – cette antienne
    prélude pour l’attente
    dans les alvéoles de ton silence
    en cette fin d’après-midi
    – ton silence ingéré –
    l’attente s’y lasse

    tu dis c’est ainsi
    que vienne l’heure – l’eau
    jaune
    oindre la silhouette attentiste des hortensias
    rose sous la ruée
    d’or gris

    l’heure grosse – penses-tu –
    et c’est le jaune de l’heure que tu cherches
    à renouer aux heures antérieures
    les bottes cerise – la robe vichy
    la parka cirée qui luit
    les flaques égratignées de boues
    sur la commissure
    tant et tant de miroirs pour ce ciel
    tant d’arbres dédoublés dans leurs cris
    leurs bras jetés comme des brasiers
    de tendre
    à t’arracher l’amour de la gorge
    l’amour prescient des enfants
    de l’orage


    jaune un peu trouble
    tu ajoutes, l’heure est un peu trouble
    mais si paisible avant les trombes
    obliques qui bientôt
    strieront le portrait de l’enfance
    oscillant là
    à mi-hauteur
    entre glaise et braise
    de cet air gommé des soirs

    tu souris à l’épreuve
    ce jaune c’est l’éternité qui s’attarde
    un instant


    alors la nuit couche son bec
    dans l’herbe
    sa nuque requiert
    du moindre
    la rose
    et le mystère





    Florence Noël, Solombre, Le Taillis Pré, 6200 Châtelineau, Belgique, 2019, pp. 49-51. Frontispice de Pierre Gaudu.






    Florence Noël  Solombre





    FLORENCE NOËL


    Florence Noel portrait





    ■ Florence Noël
    sur Terres de femmes


    un entretien avec Florence Noël
    Sarabande (extrait de Branche d’acacia brassée par le vent)
    Solombre (lecture d’AP)
    L’Étrangère (lecture d’AP)
    [parler de soi] (poème extrait de L’Étrangère)
    Initiation au crépuscule
    [Donnez-nous des pierres] (Vases communicants)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    autant revivre en mon jardin




    ■ Voir aussi ▼


    le site de Pierre Gaudu





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  • Florence Noël, L’Étrangère

    par Angèle Paoli

    Florence Noël, L’Étrangère,
    Bleu d’encre Éditions, 5500 Dinant (Belgique), 2017.
    Dessins de Sylvie Durbec.



    Lecture d’ Angèle Paoli



    EN ATTENDANT « LE VENT SEC/DES RÉDEMPTIONS »



    Elle est « L’Étrangère », si étrange être de poésie. Est-ce elle, est-ce une autre ? Elle, c’est Florence Noël, poète. L’autre, c’est L’Étrangère. Celle qui n’existe que dans les « entailles » où elle trouve asile. L’autre, c’est la poète.

    Les poèmes, que Florence Noël voudrait « secs », ne le sont pas vraiment, du moins pas tout à fait. Tout au plus sont-ils menus, économes en mots, friands de brièveté. C’est sa manière à « elle » d’exister, sans excès ni débordements, sans lyrisme incongru. Pour ne pas « inexister », « elle » écrit, et pour écrire, « elle » se cherche des points d’étayage, des encrages amis. Elle, Florence Noël. Les poètes qu’elle convoque ont pour nom Emily Dickinson, Geneviève d’Hoop, José Saramago. Et d’autres encore. Ils ont aussi pour nom Marc Claude et Sylvie. C’est à eux qu’est dédié ce recueil : L’Étrangère. Il y a aussi des morts anonymes à ses côtés, en une proximité singulière :

    « parfois

    je séjourne comme

    les morts

    la tête obstinément fixée vers un ciel

    alors animé

    d’astres vertigineux

    d’autres fois

    je m’essaye à rester debout »

    Ainsi sommes-nous invités à accompagner la poète dans son univers. Et l’on sent bien qu’il faut peser ses mots. En dire trop ne peut convenir. Mieux vaut opter pour la brièveté tout en s’offrant quelques gambades, comme le suggèrent les dessins de Sylvie Durbec qui ponctuent le recueil de leur fantaisie. Légèreté, drôlerie, humour. De quoi jouer les funambules entre les mots, entre ces « riens qui la rendaient/partout/étrangère ». Se glisser à son tour dans la faille entrouverte sur « la liturgie des malheurs ».

    L’Étrangère (ou son double poète) a une écriture étrange. Je ne suis pas sûre d’en cerner toutes les subtilités, toutes les nuances, tant celle-ci surprend. Ce que je pressens, c’est la souffrance, la douleur. Mais de quoi souffre-t-elle ? Du manque d’amour ou du trop d’amour ? Ou du trop d’imperfection dans l’amour ?

    « je vous écris

    d’entre les lèvres d’une blessure », confie-t-elle.

    Ailleurs, elle s’interroge :

    « — comment aimer

    sans l’aune de la perte — »

    Et la poète de poursuivre, dans le même poème :

    « si j’y vais

    ce ne sera pas sans

    ce sac épais

    d’os et de larmes

    ma boiterie les sanglots longs

    et ce regard perdu

    que tu m’offris un jour

    en guise d’alliance »

    On le voit, on croise au passage d’autres amis, notamment Jacob et sa « boiterie », héritage du combat nocturne avec l’Ange et signe de l’Alliance avec Dieu ; un Jacob laïcisé cependant en guise d’amant ; Verlaine aussi, et les « sanglots longs » de la « Chanson d’automne » ; ainsi que le compositeur et interprète israélien Asaf Avidan : My tunnels are long and dark these days. Le tragique est au cœur et la poète oscille entre mélancolie et tonalités plus austères.

    « L’Étrangère » voudrait faire d’elle un « poème possible ». Elle hante les morts et les fréquente. Sa poésie est vertigineuse car insaisissable, intraduisible avec les mots courants, les pensées ordinaires. Ses mots sont si simples, pourtant ! Mais ils disent un ailleurs inconnaissable, qu’elle seule semble pouvoir aborder. Le poème emprunte cependant, parfois, des phrases entendues dans la conversation courante, mais celles-ci n’en deviennent que plus singulières. D’autres fois, la poète évoque de lointaines comptines d’enfance. Ce que l’on peut dire, c’est que cette poésie se dérobe. Ses mots bercent en même temps qu’ils raniment d’anciennes blessures qui ne demandent qu’à affleurer. Une grande tristesse respire entre les pages, qui résistent, un peu rêches, un peu grenues au toucher. À l’identique des mots qui s’ébrouent pour confier au poème à la fois la blessure et cette soif d’absolu (qui en est peut-être l’une des composantes primordiales).

    Je feuillette à nouveau le recueil pour saisir les inflexions d’une voix, et voici ce qui s’offre à moi :

    « l’inflexion d’une main

    inconnue

    exécutant la danse

    qu’un rêve nous

    offrit »

    Plus loin, cette découverte interrogative incroyable d’où surgit le plaisir paradoxal :

    « c’est un peu fou d’inexister

    avec tant de ferveur

    de densité rêveuse

    ça doit être cela, ce sourire

    parfois »

    Le sourire, c’est celui du chat du Cheshire.

    Dans ce recueil, ce qui prédomine, c’est l’image de l’envers. La chute dans le vide, la catabase, tête première, mais aussi l’enroulement de l’écuyère ou de la trapéziste. Tant de mystère dans la poésie de L’Étrangère, tant de poésie indicible qui se déroule, encercle, enlève, enlove, ailleurs, au-delà, dans un univers qui n’existe peut-être que dans les rêves ou dans l’imaginaire poétique. Car elle est bien étrange celle qui se définit ainsi :

    « elle est une farce

    une anomalie »

    et qui plus loin écrit :

    « elle n’écrit que dans

    l’insondable tristesse

    ou l’insondable joie

    là ce qui n’a Nom

    réside

    amoureusement »

    Faut-il voir un zeugma entre « ce qui n’a nom » et ce qui tient à l’imprononçable ? Le Nom de Yahweh ? Tenter de donner une réponse transparente serait contraire à la vision et à la démarche de la poète, et à celle de la dessinatrice. Il faut donc se résoudre à suivre la ligne de la poète sans vouloir apporter de réponse tranchée :

    « et vous cherchiez encore

    quel sens

    lire par là »

    L’essentiel n’est-il pas de suivre les gués qui s’offrent en cours de chemin et de faire halte ? De prendre le temps de la méditation avant de poursuivre ?

    « dans l’écriture

    des choses brèves lui viennent

    inaugurant des ponts

    tendus entre embrasements

    et néants

    ces passerelles

    continuent à se balancer

    à l’aplomb des gouffres

    où mystères et indicible

    se disputent

    les dents des morts »

    En attendant « le vent sec/des rédemptions ». Ou peut-être cet « appel » qui ouvre sur l’espoir :

    « il reste des mots pour

    communier à l’allégresse »

    Riche d’échos auxquels nos esprits cartésiens sont devenus trop souvent insensibles, la poésie de L’Étrangère est une poésie troublante et exigeante. Imprégnée de spiritualité, de délicatesse et de douceur. Lente et extrême. Une poésie inspirée, une poésie des contrées hautes. Une anabase.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Florence Noël  L'Etrangère  Bleu d'encre Editions  2017 4






    FLORENCE NOËL


    Florence Noël 3





    ■ Florence Noël
    sur Terres de femmes


    un entretien avec Florence Noël
    Sarabande (extrait de Branche d’acacia brassée par le vent)
    [parler de soi] (poème extrait de L’Étrangère)
    Initiation au crépuscule
    Solombre (lecture d’AP)
    [tu dis c’est l’heure jaune] (extrait de Solombre)
    [Donnez-nous des pierres] (Vases communicants)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    autant revivre en mon jardin






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  • Florence Noël | [parler de soi]


    [PARLER DE SOI]



    parler de soi
    c’est si facile
    nous sommes des constellations
    de peu dit
    des myriades d’étincelles
    aussi brèves
    que brûlantes
    vastes comme un peuple
    un océan
    un univers

    et quel que soit le voyage entrepris
    nous ne tournons
    qu’autour de ce même petit
    moi pale
    et troublant




    je vous écris
    d’entre les lèvres d’une blessure




    Florence Noël, L’Étrangère, Bleu d’encre Éditions, 5500 Dinant (Belgique), 2017, pp. 73-74. Dessins de Sylvie Durbec.






    Florence Noël  L'Etrangère  Bleu d'encre Editions  2017 4






    FLORENCE NOËL


    Florence Noël 3





    ■ Florence Noël
    sur Terres de femmes


    un entretien avec Florence Noël
    Sarabande (extrait de Branche d’acacia brassée par le vent)
    L’Étrangère (lecture d’AP)
    Initiation au crépuscule
    Solombre (lecture d’AP)
    [tu dis c’est l’heure jaune] (extrait de Solombre)
    [Donnez-nous des pierres] (Vases communicants)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    autant revivre en mon jardin






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  • Florence Noël |
    [Donnez-nous des pierres] (Vases communicants)
    #vaseco




    Granit  ocre
    Ph., G.AdC






    [DONNEZ-NOUS DES PIERRES…]



    Donnez-nous des pierres…


    donnez-nous des pierres pour le repos,
    leur bogue de granit ocre
    connivente au cœur,
    en projection
    l’enlisement des silhouettes jetées, cassées dessus ces marches
    et toute l’aumône des
    mouvements d’hommes
    bordant nos peines comme fleuves équarris
    à grandes enjambées de désirs


    qu’on puisse mourir de la longueur d’un arbre
    ou de son vêt d’ombre
    jetés bas par le midi trop plein
    par la touffeur trop dense
    et quoi ?


    une main, simple,
    ses lignes en miroir des vôtres
    passerelle dessus
    cette cascade pierreuse
    une main simple
    lisse de vouloir
    escale d’un vivre encore
    est-ce trop pauvre monde
    est-ce trop ?




    Florence Noël





    VASES COMMUNICANTS


        Chaque premier vendredi du mois, dans le cadre de Vases communicants (un espace polyphonique transversal auquel François Bon via Tiers Livre et Scriptopolis de Jérôme Denis a donné la première impulsion en juillet 2009), des auteurs internautes procèdent à un échange de leurs espaces personnels (textes, photos, pensées,…) sur la Toile.

        Aujourd’hui, c’est avec grand bonheur que Terres de femmes accueille Florence Noël, éditrice de la revue DiptYque et « pythie » des « dits de la clepsydre » de Panta Rei. Le webmestre de TdF a transcrit et mis en page ci-dessus le magnifique texte (« Donnez-nous des pierres ») que Florence m’a fait parvenir ce matin, et sur lequel Guidu, mon fidèle photographe, a lui-même rebondi, par une évocation forte des « pierres de granit ocre » des torrents de la vallée du Cruzzini.

        Un de mes textes inédits (« Le brame de la Minotaure », incipit d’un texte en cours d’écriture) a tenu lieu de chjama (texte d’appel à la manière corse des Chjam’è rispondi). Ce texte a été mis en ligne ce jour sur Panta Rei. « Lignes en miroir » contrastées, mais complices, de la Belgique et de « l’île dans l’île » (Cap Corse). Merci à Florence pour sa « passerelle dessus ».

        Pour prendre connaissance de la liste des rendez-vous des Vases communicants de ce mois de juin, se rendre dans l’espace dédié de Brigitte Célérier, l’une des fidèles animatrices et figures de proue de ces échanges.

    A.P.





    FLORENCE NOËL


    Florence Noel






    ■ Florence Noël
    sur Terres de femmes


    un entretien avec Florence Noël
    Sarabande (extrait de Branche d’acacia brassée par le vent)
    Initiation au crépuscule
    [parler de soi] (poème extrait de L’Étrangère)
    L’Étrangère (lecture d’AP)
    Solombre (lecture d’AP)
    [tu dis c’est l’heure jaune] (extrait de Solombre)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    autant revivre en mon jardin






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  • Juliette Zara | Énigme



    Zara J'ai regardé ton énigme 5
    Ph. angèlepaoli







    ÉNIGME


    « Les armes quand les chuchotements se taisent
    Tirent mon humanité sur une croix et les larmes
    Ont puisé une vie dans leurs veines racinaires »

    J’ai regardé ton énigme et ses bourgeons
    Ta douleur intestine et cette poussière d’or
    Devant ton rire je voudrais comprendre
    Comment la lumière pourrait disparaître
    Dans le creux de ta main close

    J’ai senti tout à coup ta douleur
    Nichée là où tu l’avais dit
    Et je suis tombée
    Dans ta mort
    Que tu gardais secrète
    Dans le creux de ta main close




    Juliette Zara in DiptYque, revue littéraire et artistique semestrielle, #2, « Lumières intérieures », hiver 2010 – 2011, page 73.






    JULIETTE ZARA

    Juliette Zara 2
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    Enfantissages, le blog de Juliette Zara
    le site de la revue Diptyque de Florence Noël



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  • DiptYque entre les mains de l’ombre

    (par Nathalie Riera)



    Chroniques de femmes – EDITO/SOMMAIRE




    Diptyque





    « les yeux reconnaissent un moment
    la vérité de l’ombre »

    Julio Cortázar



        La revue DiptYque paraît en version numérique et version papier, dans un premier versant haut en ombre, sur 142 pages que Florence Noël (responsable éditoriale) nous convie à parcourir, dans l’aisance des interlignes et interstices. Pas de poétisme, mais poésie d’une revue qui se fait lieu ou enceinte de l’interminable, empreinte de l’inachevable. Tant de poèmes comme autant de pierres sur le sentier, leurs mots comme autant de pas, et tout ce que l’on peut exiger d’une lecture d’un poème : nos propres sensations, nos propres engagements, nos nuits et nos jours intérieurs.
        Du regard et du cœur suivre les courbatures et les respirations de l’encre. Au mieux, que l’ombre mérite éloge.

         DiptYque se fait lieu de Voix à la une. Écouter celle de Jos Roy :

    Topographie du fluide,
    l’étude des forces liquides, de leurs abords,
    des courants formés à l’escient des hasards,
    des viscosités obscures, des mécaniques de lumière,
    cette étude-là,
    on l’appelle poème.


         Voix dont on peut apprécier les ouvertures et les fermetures, sucre et sel de la langue.

        La poésie en réaction à toutes choses défaites, défuntes ? Poésie en action, entre les fleurs, sous les feuillages, au ras des herbes, dans la cendre des couleurs, au bruit et au silence qui s’époussettent et se prolongent, en contrebas, en sarabande. Sans solennité aucune, mais toujours dans la louange les lèvres et les mains de l’ombre.

        Espace où circule L’ombre de l’aube comme chez l’artiste peintre Marie Hercberg, où se pressent Les tentatives de parler (Notes critiques de l’édition numérique par Brigitte Célerier). Page 29, une anthologie avec Philippe Leuckx « Sache le cœur/par cœur et soif », avec Angèle Paoli « je regarde sans comprendre la mimétique obscure qui se joue sous mes yeux/je reçois sans déchiffrage ce déchiquètement des formes muettes qui s’ébauchent se déroulent se défont dans le silence », avec Michel Brosseau « inutiles courses folles dans l‘impuissance du souffle court », avec Cathy Garcia « Des frissons déshabillent un escalier, l’ombre rose à genoux conspire », avec Denis Heudré « il n’y a plus de couleurs/aux fenêtres », avec Louis Raoul « quelqu’un habite toujours une ombre au couchant de la lampe », avec Sylvie Durbec « ….avançant… murmurant… marmonnant… en une langue inconnue… ». Eric Dubois, Juliette Zara, Nicolas Vasse, Ile Eniger, Loyan, etc., ainsi que photographes&plasticiens, poursuivent les forces flambantes et liquides de l’ombre.

        Cette revue mérite la plus grande attention. Ici, la part de l’ombre n’est pas écriture de la mélancolie, mais un appel au vivant, une étincelle de ce qui survit, quand nous savons Cette caresse tragique dans le Monde incertain de la finitude (Sébastien Ecorce).

        Vœu de Florence Noël : « l’espoir que cette revue après le baptême au sombre et le baptême au jour continue à diffuser œuvres et faire se rencontrer talents durant un long chemin d’années ».


    Nathalie Riera
    © Nathalie Riera, août 2010






    DiptYque
    Versant 1, juin 2010

    ■■■

    L’éditeur responsable :

    Florence Noël
    11 rue Bois-des-Fosses
    1350 Enines
    Belgique


    Pour contribuer au prochain numéro sur le thème « Lumières Intérieures » l’adresse de soumission est : revuediptyque@yahoo.fr

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