Étiquette : Florence Pazzottu


  • Florence Pazzottu,
    De la pratique au discours | Palpations du parcours



    La morsure du changement fait un champ de bataille
    Ph., G.AdC





    PALPATIONS DU PARCOURS


    1. sur la palissade d’un
    oui s’ennuie le désert d’une parole où
    claque soudain un refus
    que porte l’appel du
    vivre (ce vrac de lumière et d’odeurs)
                                                  ― dehors traverse


    2. la morsure du changement
    fait un champ de bataille
    du chantier continu
    de l’essentiel (jailli)
    mais les choses, elles,
    font les demoiselles
    exigent un kimono
    pour la maison


    […]


    5. la palpation du parcours – mais dans
    l’urgence du seul cherche
    trois événements-foudre
    ont donné forme
    poèmes comme morceaux de langue hurlant
    (un seul est resté coi et nous a toisés sec)
    pas de mode d’emploi pour les lèvres
    chaque fois le nouveau
    est explosion d’obscur
    ce mouvement du tu
    un avènement enfin : cette peau



    Florence Pazzottu, Palpations du parcours (extraits), in Couleurs femmes, poèmes de 57 femmes, Le Castor Astral/Le Nouvel Athanor/Le Printemps des poètes 2010 (Couleur femme), mars 2010, pp. 98-99. Préface de Marie-Claire Bancquart.






    FLORENCE PAZZOTTU DANS L’HUMANITÉ DU 8 MARS 2010


         « [En 2007, Florence Trocmé avait pour le site de Poezibao lancé une enquête dont la première question était : « Pourquoi si peu de femmes poètes de grande stature ? » La question me semblait, avais-je dit, à la fois étrange et nécessaire.] Sans doute sont-ils moins nombreux aujourd’hui ceux qui affirment, comme Schopenhauer, que, “dénuée de tout esprit”, la femme est tout juste “bonne à la préservation de l’espèce” – même si cette pensée persiste, et revient, sous une forme certes édulcorée, d’une femme si occupée à procréer et à veiller sur son petit monde que la “création”, justement, ne pourrait être son affaire car elle ne verrait pas plus loin que la rondeur charnelle de son cercle terrestre. Sans doute serions-nous quelques-uns, hommes et femmes, à pouvoir partager une analyse radicalement différente  : ce n’est ni par carence de génie ni par absence d’une nécessité à inventer, mais pour des raisons historiques, sociologiques, politiques, que les grandes figures de l’art et de la science sont essentiellement des figures masculines. Il ne fait pour moi aucun doute que ceux qui, partant de ce constat, décident de donner alors, en ce printemps, la parole aux femmes poètes, sont animés des meilleures intentions, qu’ils sont convaincus sincèrement qu’il s’agit maintenant “d’affronter la question et de passer à l’action”. La difficulté, c’est que la question ici est mal posée, se manque dans sa formulation même. C’est que le poète Dominique Fourcade est une femme et que je suis un homme.

        C’est que la femme que je suis ne respire que dans la mixité. C’est que je revendique le droit pour chacun d’être étranger à soi-même. C’est que d’être ainsi sans cesse renvoyée à sa « féminité » [comme l’est aussi le banlieusard à sa banlieue, l’homosexuel à sa sexualité, le musulman à sa religion, etc…], la femme, surtout si elle est poétesse, bondit, fait un pas de côté et sent monter en elle le cri, l’élan d’une pensée qui ne peut s’écrire que contre – contre, ce qui dans la langue fige et assigne, contre la main qui se levant pour vous aider (car “il est scandaleux, n’est-ce pas, que vous n’ayez pas plus de place !”), vous montre dans le même geste quelle place est la vôtre : femme parmi les femmes en ce nouveau printemps. C’est qu’à vouloir partir d’un constat, on s’y enlise, et n’est pas long à faire retour ce dont on voulait exorciser la menace. (Comme si on avait soudain redonné consistance aux frontières que tant d’auteurs, de lecteurs, de lieux d’édition, patiemment, audacieusement, déplacent.) C’est que l’émancipation est ailleurs justement, dans l’ailleurs, dans le risque et dans le tremblement des espaces. Et ce “Couleur femme” semble soudain très vieux, immobile et rouillé, et il produit un petit grincement… – ah, ce doux murmure pourtant qu’il voulait être à votre oreille : “Femme”, n’entendez-vous pas ? c’est une tonalité particulière ! une variation sensible, délicate !… “Couleur femme” déploie devant vous, et vos yeux d’homme en sont tout émus, un panel de nuances, un miroitement d’images si délicieusement familières : ah ! que la femme est belle, exposée sur une scène ou charmant le public ! ah, que la femme est précieuse et, voyez, voyez comme elle est tranquille… quand on lui fait un peu de place…

        Mais nous ne manquerons pas d’explorer également les “représentations féminines” dans la poésie (des hommes). Ouf ! (C’est quand même sacrément bon de se retrouver chez soi, non ?) »




    _______________________________________________
    Note du webmestre de TdF : ces propos ont été repris dans une note du 12 avril 2010 de P/oésie (Blog d’Alain Freixe – La poésie et ses entours). Noter toutefois que certaines phrases (mises ici en caractères italiques et entre crochets), dont la première phrase concernant l’enquête de Poezibao, et une autre où il est souligné que la femme est « sans cesse renvoyée à sa « féminité « (comme l’est aussi le banlieusard à sa banlieue, l’homosexuel à sa sexualité, le musulman à sa religion, etc…) », ont été omises dans l’article de L’Humanité ou rajoutées dans la note de P/oésie.




    ■ Florence Pazzottu
    sur Terres de femmes

    À contre-pente
    Attendu qu’il arrive… (+ notice bio-bibliographique)
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Florence Pazzottu



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur cinefinlande.com)
    un entretien avec Florence Pazzottu (20 juin 2011)



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  • Florence Pazzottu | À contre-pente

    «  Poésie d’un jour  »



    Contepente_une_perce_nigmatique
    Ph., G.AdC





    À contre-pente



    Écrire est une contre-pente, cet éveil, ce

    recueil des forces qui résistent à la mort (aux

    pentes de la mort chaque jour, gestes, mots dedans,

    dehors, induits cachés – banals – ou assénés), cet

    effort bienheureux, bienveillant et rude parfois,

    éprouvant, pour que soient préservés, à venir le

    vivant, le singulier de l’homme et l’énigme qu’il

    est pour l’homme et que ne perce (pas plus que pour le

    vers) la divulgation ni de son nombre – ne fait

    pas somme, crie plutôt l’opacité accrue, la

    défaite de qui tente l’élucidation du

    mystère de l’espèce parlante en la visant

    du dehors comme un geste connu – ni de son vide

    supposé ; par grâce, ou sursaut vif, apaisant

    l’inflation dure, l’éruption de substance de

    son centre introuvable et que manquent – mais elles pèsent,

    menacent – toutes les tentatives de fabrique

    et commerce du vif ; l’homme serait – ainsi nous

    parle « écrire », à contre-pente – non pas cet

    animal parlant, anomalie ou perfection,

    seuil, achèvement de l’évolution, mais dans

    la nature une coupe (trouée – comme le vers

    taillant la phrase) – une percée énigmatique.



    Florence Pazzottu, La Tête de l’Homme, Éditions du Seuil, Collection « Déplacements » dirigée par François Bon, 2008, page 100.




    ■ Florence Pazzottu
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