Étiquette : français


  • Peter Gizzi | Scratch Ticket



    SCRATCH TICKET




    Confetti in April
    Confetti in May

    This was the last party
    the animal sun asleep

    O stymie dewy surprising thing
    Leaf, you have arrived again

    The web is on the vine
    and the cricket clicks

    If the blue toned arc
    inside the vender’s luck

    If time itself doubled back
    and unwound the string

    How is it this afternoon
    being wide be also crystal —

    the total vista bright
    Let this and that begin

    O wind remember the tune
    Bird, enough of your trill





    Peter Gizzi, The Outernationale, Wesleyan University Press, Middletown, CT 06459, 2007, pp. 17-18.







    Gizzi couv








    AU GRATTAGE




    Confetti en avril
    Confetti en mai

    C’était la dernière fête
    le sommeil du soleil animal

    Ô chose mouillée trouée surprise
    Feuille, te revoilà

    La toile est sur la vigne
    et le criquet clique

    Si l’arc aux tons bleus
    dans la chance du vendeur

    Si le temps lui-même faisant demi-tour
    et déroulant sa corde

    Comment se fait-il que cet après-midi
    bien qu’immense soit aussi cristallin —

    la perspective totale et lumineuse
    Que ceci et cela commencent

    Ô vent souviens-toi de la musique
    Oiseau, ça suffit tes trilles





    Peter Gizzi, L’Externationale, Éditions Corti, Série américaine, 2013, pp. 25-26. Traduction de Stéphane Bouquet.






    Peter Gizzi  L'Externationale




    PETER GIZZI


    Peter Gizzi_NewBioImage_Credit-ElizabethWillis
    Ph. D.R. Elizabeth Willis
    Source





    ■ Peter Gizzi
    sur Terres de femmes


    Bolshevescent (autre poème extrait de The Outernationale)




    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur poets.org)
    une notice bio-bibliographique sur Peter Gizzi
    → (sur YouTube)
    une lecture par Peter Gizzi de huit poèmes extraits de The Outernationale et leur traduction en français (sauf le dernier) par Stéphane Bouquet (“Une panique qui peut encore me tomber dessus”, 1.2.3.4.5 + “Spectre sans titre d’Amherst” + “Un jardin occidental” + “L’Externationale”) [gale­rie éof, 15, rue Saint-Fiacre – 75002 Paris | 29 mai 2012]






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  • Iboshi Hokuto | [Ouvrant les journaux]




    Iboshi extrait







    [OUVRANT LES JOURNAUX]




    Ouvrant les journaux
    lorsque je lis un article
    sur les Aïnous,
    surgissent à chaque fois
    des pensées qui me tourmentent


    Il n’existe plus

    de pureté aïnoue

    à l’heure d’aujourd’hui

    Je regretterai toujours

    les villages d’autrefois


    En souhaitant vivre
    mais également mourir
    comme un Aïnou
    le cœur attristé je peins
    les motifs chers à mon peuple


    Reprenez courage

    ô mes frères aïnous

    Il faut souhaiter

    De grandir et prospérer

    Sur la terre comme au ciel


    Voilà que la nuit
    déjà s’est bien avancée
    Soudain malgré moi
    songeant à mes compagnons
    je me mets à sangloter



    Iboshi Hokuto | 違星北, poète aïnou (1901-1929), Chant de l’étoile du nord, carnet, édition bilingue français/japonais, Éditions des Lisières, Collection Aphyllante, 26110 Nyons, décembre 2018, pp. 36-37. Traduction et adaptation Fumi Tsukahara et Patrick Blanche. Préface de Gérald Peloux.






    Iboshi Hokuto  Chant de l'étoile du nord




    _________________________________

    Note de l’éditeur : première traduction française d’un poète aïnou, le Carnet d’Iboshi Hokuto est le témoignage poétique d’une lutte pour la reconnaissance d’un peuple. Premiers habitants de l’île d’Hokkaïdo annexée au Japon en 1869, les Aïnous (terme signifiant « les hommes », « les êtres humains ») ont dû attendre 2008 pour que l’État japonais reconnaisse leur statut d’autochtones. Avec beaucoup d’humour et parfois d’amertume, celui que l’on appela le Takuboku des Aïnous nous conte à travers ses tankas (133) et quelques haïkus (21), les vicissitudes de sa vie et de son peuple. Refusant la soumission à la langue et à la culture dominantes, Iboshi Hokuto fera de sa courte vie un appel à la dignité et œuvre de résistance.





    IBOSHI HOKUTO


    Iboshi Hokuto




    Né en 1901, Iboshi Hokuto fait partie des pionniers (avec Batchelor Yaeko et Moritake Takeichi) d’une littérature moderne aïnoue en langue japonaise. Auteur de poésie, d’essais, de contes et d’un journal, il vivra de petits boulots et luttera jusqu’à sa mort en 1929 pour la dignité de son peuple.




    ■ Voir aussi ▼

    le site des éditions des Lisières





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Terres de femmes | Terre di donne : 12 poètes corses

    par Alain Nouvel

    Terres de femmes | Terre di donne
    12 poètes corses,

    anthologie bilingue (français-corse)
    coordonnée par Angèle Paoli,
    Éditions des Lisières, Collection Hêtraie
    (voix poétiques féminines bilingues), 2017.
    Linogravure de Maud Leroy.



    Lecture d’Alain Nouvel



    COULEURS DE FÉMININ(S) ?



    « rien ce soir

    rien au couchant

    rien à l’aube

    rien »

    Marianne Costa,

    « Solstice d’hiver »



    « La femme, ce continent noir », soupirait Freud, et Lacan poursuivait en affirmant : « La femme n’existe pas ». Or, Terres de femmes | Terre di donne nous donne à lire 12 « poètes » au féminin, et non pas 12 « poétesses ». C’est que le féminin n’est pas dans les images stéréotypées de « LA » femme, ou de ce que devrait être une prétendue « poésie féminine ».

    Ce que j’ai entendu, en lisant ces voix de femmes (et l’objet-livre donne à entendre-voir ces « noms de femmes », appelés l’un après l’autre, avant chaque corps de texte), c’est la couleur du féminin, et, pour tout dire, les multiples couleurs des féminins.

    Le titre du recueil, déjà, renseigne. Le pluriel est de mise. Même si ces femmes sont toutes corses (ou apparentées corses), leur île est multiple. D’ailleurs chacune est « isolée » chaque fois des autres par une page blanche, comme par une étendue marine. Avec chaque poète, nous touchons un nouveau rivage, une terre nouvelle, autre.

    « Nul ne sait que je suis étrangère », dit Catherine Getten Medori, mais nul n’ignore que nous le sommes tous, et Danièle Maoudj, dans son poème dédié à Angèle, semble répondre en évoquant les Antilles : « J’atteins la prunelle du volcan » ou encore : « La nuit des mots épice l’insomnie des archipels » […] C’est que « [m]aronne le sens de la vie », et la poésie pourrait bien m’inviter « à traverser l’épreuve de l’étrangère »…

    Que savons-nous de nos prétendues « identités », de nos genres ? Ne sommes-nous pas obscurs à nous-mêmes ? Comme le dit Anne Marguerite Milleliri : « L’enfance tremble jusqu’aux os | dans le corps d’une femme » et si « [t]remble l’absence », alors, il ne reste plus que « le risque du chemin », « ce risque d’amour qu’est l’amour », et Lucia Santucci semble lui faire écho en faisant chanter « le marin qui s’improvise sage-femme » et qui accueille dans ses bras le nouveau-né de « l’africaine, la migrante ».

    Mais c’est Hélène Sanguinetti qui apporte à cette question la réponse la plus radicale et la plus forte :

    « Le mal ? vouloir tout […] Ici, je sais qui je suis : personne. »

    C’est sur une plage que la révélation peut avoir lieu, au moment où se confondent la mer et la nuit, au moment où « deux surfaces se sont éprises, battent ensemble ». Et l’on peut également penser à ce « Personne » que fut Ulysse.

    Nous sommes nos contradictions, nous en vivons, elles nous bâtissent. « Une mère pleure », dit Marianghjula Antonetti-Orsoni déplorant la guerre qui « anéantit les couleurs de l’humanité », et Angèle Paoli évoque, elle, « l’ultime conciliabule » entre une mère et sa fille, ce passage terrible de la vie au trépas de « mamma », ce moment où « ELLE EST » tandis qu’elle n’est plus, où « elle » passe d’ici en ailleurs, où elle devient autre, où elle devient tout.

    Peut-être que l’un des traits les plus caractéristiques du « féminin » serait cette aptitude à la métamorphose, ce « oui » dit au passage, à l’accueil de l’autre, en soi ou avec soi. D’ailleurs, nous lecteurs, glissons sans cesse de la langue corse au français, du français au corse comme pour mieux entendre ce qui se dit entre les mots, ce qui s’élabore à travers eux et leur échappe. La poésie est dans cet écart, dans ce mouvement de l’une à l’autre langue : « mer masculine en notre langue, mer-femme en d’autres langues », dit Lucia Santucci. Et Marie-Ange Sebasti continue en inventant en corse le mot Migrazione, qui n’existe pas encore mais qu’elle fait exister dans son poème. Elle parle de « villes grouillantes » dans la version française de son texte, ce qui est traduit en corse par cità bufunime (mot à mot, « villes bourdonnantes »)… Nous avons besoin des deux, du grouillant et du bourdonnant, pour entendre et voir ces villes.

    Après vous avoir lues, poètes, j’ose vous dire :

    « Je me sens femme comme vous, poète et corse, comme vous. »



    Alain Nouvel
    D.R. Texte Alain Nouvel
    pour Terres de femmes




    ______________________________________
    NOTE : Les auteures :

    Marianghjula Antonetti-Orsoni, Marianne Costa, Patrizia Gattaceca, Annette Luciani, Danièle Maoudj, Catherine Medori, Anne Marguerite Milleliri, Angèle Paoli, Isabelle Pellegrini-Alentour, Hélène Sanguinetti, Lucia Santucci, Marie-Ange Sebasti.





    Terre di donne Z
    ALAIN  NOUVEL


    Alain Nouvel portrait 2
    Ph. D.R.




    ■ Alain Nouvel
    sur Terres de femmes

    une lecture d’Au nom du Nord, du Sud, de l’Est et de l’Ouest par Angèle Paoli



    ■ Voir aussi ▼

    le site des éditions des Lisières
    → (sur le site des éditions des Lisières)
    la fiche de l’éditeur sur Terres de femmes | Terre di donne, 12 poètes corses
    → (sur Terres de femmes)
    Kallistè, la Corse, ma terre de mémoire





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  • Sarah Kirsch | Grünes Land



    Le kaki sera la seule couleur qui reste
    Ph., G.AdC






    GRÜNES LAND



    Die Koppeln die verstreuten zusammen-
    Gewürfelten Höfe zusammengezimmerten
    Schuppen kunstlos schmucklos nach Jahren
    Erkennt man den Stil Anbauten an
    Anbauten herzloses nützliches Blech
    Vollgestopft derzeit mit mannshohen Rollen
    Blendenden Strohs allenthalben geschleppt
    Aus der fruchtbaren Marsch noch sind die
    Tore geöffnet durchsichtig liegt alles
    Vor mir ich werde winterlang wissen
    Was die grüngestrichenen Kästen verbergen
    Wenn mein Kirchspiel in Regen und Sclamm fällt
    Feldgrau die einzige Farbe noch ist.







    VERT PAYS



    Les enclos et dispersées jetées
    De bric et de broc les fermes et construites à la diable
    Les hangars sans art et sans luxe des années après
    On découvre le style appentis ajoutés
    Aux appentis utile tôle sans cœur
    Bourrée par ces temps jusqu’à la gueule de balles de paille aveuglante
    Et de la taille d’un homme remorquées partout
    Dans les polders fertiles pour l’instant encore les
    Portes sont ouvertes tout est transparent
    Devant moi je saurai la longueur d’hiver
    Ce que cachent les grands caissons peints en vert
    Quand ma paroisse succombera à pluie et gadoue
    Et que le kaki sera la seule couleur qui reste.




    Sarah Kirsch, Chaleur de la neige | Schneewärme [Schneewärme, Deutsche Verlags-Anstalt GmbH, Stuttgart, 1989], édition bilingue allemand/français, Le dé bleu, Collection planète bleue, 1993, pp. 18-19. Poèmes traduits par Jean-Paul Barbe.




    ______________________
    NOTE d’AP : Jean-Paul Barbe a reçu le Prix Gérard de Nerval 1993 (Prix de traduction littéraire de la Société des gens de lettres de France) pour sa traduction du recueil Schneewärme.





    SARAH  KIRSCH (1935-2013)


    KIRSCH (1)
    Source




    Sarah Kirsch est née en 1935 à Limlingerode dans le Harz. Après des études de biologie à Halle, elle entre au Literatur-Institut de Leipzig où, de 1963 à 1965, elle est l’élève du grand poète de l’ex-RDA Georg Maurer. Elle publie dans les années soixante — souvent en collaboration avec son mari le poète Rainer Kirsch — reportages, livres pour enfants et poèmes. Son œuvre poétique manifeste, dès cette époque, un style très particulier et une prédilection pour certains thèmes tels que l’amour et la nature. Au cours des années soixante-dix, sa vision du monde se problématise et son originalité se renforce, en particulier — mais pas seulement — à cause de la conjoncture politique : en novembre 1976, elle co-signe la lettre de protestation rédigée par les intellectuels connus de l’ex-RDA à la suite de la mesure de déchéance de sa citoyenneté prise à l’encontre du poète et chanteur Wolf Biermann ; en janvier 1977, elle est exclue du SED (Parti Communiste de l’ex-RDA) ; en août, elle gagne Berlin-Ouest où elle séjournera ensuite avant de se fixer à la campagne au bord de la Mer du Nord. Le recueil de 1973 Zaubersprüche (Formules magiques) révèle déjà les qualités qui s’affirmeront ensuite dans Rückenwind (Vent arrière) (1976), Drachensteigen (Cerf-volant) (1979), La Pagerie (1980), Erdreich (Terre) (1982), […] Schneewärme paru en 1989, […] Erlkönigs Tochter (Fille du Roi des Aulnes), paru en 1992. Dans ces poèmes, comme dans les recueils de prose impressionniste, cynique et tendre à la fois, que Sarah Kirsch publie par ailleurs, on trouvera une attention au monde faite de retenue et de ferveur, de fusion et de déréliction, d’assomption et de rébellion face aux grandes inquiétudes du siècle, telles la nature qui bascule, la paix qui chancelle, l’amour qui pâlit. […]

    Jean-Paul Barbe, Chaleur de la neige | Schneewärme, Préface (extrait), Le dé bleu, Collection planète bleue, 1993, pp. 7-8.



    ■ Sarah Kirsch
    sur Terres de femmes

    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Sarah Kirsch (+ deux autres poèmes : un poème extrait de Terre | Erdreich et un autre de Chaleur de la neige | Schneewärme)



    ■ Voir aussi ▼

    Sarah Kirsch, une grande voix poétique s’éteint
    la fiche de l’éditeur sur Chaleur de la neige
    → (sur pip [project for innovative poetry] blog)
    une notice bio-bibliographique (en anglais) sur Sarah Kirsch
    → (sur fr.wikipedia)
    une notice bio-bibliographique sur Sarah Kirsch





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