Étiquette : Georges Guillain


  • Georges Guillain | [Il n’y a pas de poésie descriptive]





    [IL N’Y A PAS DE POÉSIE DESCRIPTIVE]





    quand même

    il n’y a pas de poésie descriptive


    rien ne se représente ou rien n’est jamais là
    totalement


    que nous
    du ciel


    et dessous


    la main qui tremble simplement
    ces gros paquets partout de nerfs
    aboutissant à des images



    alors


    on dira
    que sur les toits ce sont des souvenirs d’école
    des histoires qui glissent


    un coin du monde saisissant
    par les yeux


    bien maté


    qui nous traverse
    se reconstruit


    en ordre inverse



    ou
    rien


    peut-être/au bout du compte/
    après // que sera lancée dans l’espace
    cette heure retranchée/quatre/
    trois/deux/


    une////


    et puis personne/pour le chiffre/fatal/
    plus un oiseau/


    qu’une pomme qui vient rouler/


    partout


    son rouge




    Georges Guillain, Compris dans le paysage, LD éditions / Les Découvreurs, 62200 Boulogne-sur-Mer, 2018.






    Georges Guillain  Compris dans le paysage




    GEORGES  GUILLAIN


    Georges Guillain  portrait





    ■ Georges Guillain
    sur Terres de femmes

    six août | Georges Guillain, Compris dans le paysage
    Que ce lieu pour rester (extrait d’Avec la terre, au bout)
    [Novembrer tout y revient patauger] (autre extrait d’Avec la terre, au bout)
    [Voilà que tu es devenu poreux] (autre extrait d’Avec la terre, au bout)
    [Voilà] (extrait de Parmi tout ce qui renverse)
    Tant que nous sommes (extrait d’Un bouquet pour les morts)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la mél [Maison des écrivains et de la littérature])
    une fiche bio-bibliographique sur Georges Guillain
    → (dans la poéthèque du site du Printemps des Poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Georges Guillain
    → (sur le site des éditions LD)
    une note de l’éditeur sur Compris dans le paysage





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  • Georges Guillain | Tant que nous sommes



    [TANT QUE NOUS SOMMES]




    pour nos « amis russes », du 2e régiment spécial russe
    qui reposent à Saint-Hilaire-le-Grand




    coquelicots
    bleuets

    mais toujours
    aigremoines
    ancolies
    gouttes de sang
    molènes
    marjolaines
    lunaires
    liondents poilus
    les dames d’onze heures
    morelles douces-amères
    passerages
    centaurées
    véroniques
    résédas
    rues
    digitales
    germandrées
    gesses des prés
    lampsanes
    gratterons
    laiterons
    cardamines

    chanvres d’eau
    compagnons blancs
    compagnons rouges

    et toujours
    et toujours
    bardanes et chardons
    aconits
    achillées
    joubarbes
    belladones
    bryones
    œillets
    orpins âcres
    raiponces
    aspérules
    fumeterres

    asphodèles
    asphodèles
    asphodèles


    ……………………………..


    libérées

    d’invisible
    dans l’apostrophe minuscule
    entre les croix de


    la lumière


    ces fleurs
    qu’on ne cherche même plus à nommer


    maintenant

    qu’un peu de corde
    ou de raphia

    au mur

    retient le vent



    de les




    briser                                                         





    Georges Guillain, Un bouquet pour les morts, LD éditions / Les Découvreurs, 2018, pp. 42-45. Gravures de Marie Alloy.






    UNBOUQUET





    GEORGES GUILLAIN


    Georges Guillain  portrait





    ■ Georges Guillain
    sur Terres de femmes

    Que ce lieu pour rester (extrait d’Avec la terre, au bout)
    [Novembrer tout y revient patauger] (autre extrait d’Avec la terre, au bout)
    [Voilà que tu es devenu poreux] (autre extrait d’Avec la terre, au bout)
    [Il n’y a pas de poésie descriptive] (extrait de Compris dans le paysage)
    six août | Georges Guillain, Compris dans le paysage
    [Voilà] (extrait de Parmi tout ce qui renverse)



    ■ Voir aussi ▼

    → (dans la poéthèque du site du Printemps des Poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Georges Guillain





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  • Georges Guillain | [Voilà]



    [VOILÀ]



    Voilà / Il ne sait plus où il a lu que les hommes âgés
    pourraient être des explorateurs mais il voit bien
    que chaque heure chaque moment sont envahis
    pour lui d’imperceptibles métamorphoses
    et depuis qu’il a abandonné toute ambition
    de réussir il éprouve un peu moins de fatigue
    à regarder le tracé brusque des oiseaux
    quand il rencontre cet autre bleu même pas bleu
    que la mer dans son œil aplatit puis renverse
    et puis l’été et les beaux jours d’hiver encore
    Il se promène s’enfonce un peu dans le sable
    des dunes hasardant son piètre corps sous l’air qui
    penche en charpentes laiteuses / Il redevient heureux
    les muscles de ses paupières battent à grands coups

    de marteau



    Georges Guillain, « la musique qu’il cherche » in Parmi tout ce qui renverse, Collection « Les Passeurs d’Inuits », Le Castor Astral, 2017, page 45.







    Georges Guillain  Parmi tout ce qui renverse.png 2





    GEORGES GUILLAIN


    Georges Guillain  portrait





    ■ Georges Guillain
    sur Terres de femmes
    [Il n’y a pas de poésie descriptive] (extrait de Compris dans le paysage)
    six août | Georges Guillain, Compris dans le paysage
    Que ce lieu pour rester (extrait d’Avec la terre, au bout)
    [Novembrer tout y revient patauger] (autre extrait d’Avec la terre, au bout)
    [Voilà que tu es devenu poreux] (autre extrait d’Avec la terre, au bout)
    Tant que nous sommes (extrait d’Un bouquet pour les morts)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Terres de femmes)
    Camille Loivier, Il est nuit (lecture de Georges Guillain)
    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des Poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Georges Guillain
    → (sur le site du Castor Astral)
    la fiche de l’éditeur sur Parmi tout ce qui renverse





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  • Georges Guillain | [Novembrer tout y revient patauger]



    [NOVEMBRER TOUT Y REVIENT PATAUGER]




    Novembrer tout y revient patauger flou patouillant
    dans la bogue du monde en plein pourrissement
    de pommes tavelées de grosse terre et d’humide
    qui monte avec un peu partout parmi des tiges
    l’écroulement des fleurs sous la pluie toujours
    plus longue et imprécise dans le regard qui chasse
    l’évacue vers la grille — Nous aurons eu pourtant
    bien de la chance ici de vivre même penchés
    sous nos toits minuscules nos lampes faibles calés
    bien à l’abri du proche et guère différents
    de tellement d’autres qui sont morts ou souffrent
    disparaissent et montent de la terre humide
    sentant la pomme et du chemin où je m’arrête
    pour voir cette lumière s’éloigner
    sous les grands arbres zigzaguant



    Georges Guillain, « Dans le regard qui chasse » in Avec la terre, au bout, Atelier La Feugraie, Collection L’allure du chemin dirigée par Jean-Pierre Chevais et Alain Roger, 2011, page 65.






    Georges Guillain, Avec la terre, au bout





    GEORGES GUILLAIN


    Georges Guillain  portrait





    ■ Georges Guillain
    sur Terres de femmes

    [Il n’y a pas de poésie descriptive] (extrait de Compris dans le paysage)
    six août | Georges Guillain, Compris dans le paysage
    Que ce lieu pour rester (extrait d’Avec la terre, au bout)
    Tant que nous sommes (extrait d’Un bouquet pour les morts)
    [Voilà que tu es devenu poreux] (autre extrait d’Avec la terre, au bout)
    [Voilà] (extrait de Parmi tout ce qui renverse)



    ■ Voir aussi ▼

    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des Poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Georges Guillain





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  • Sylvie Kandé, La Quête infinie de l’autre rive

    par Georges Guillain

    Sylvie Kandé, La Quête infinie de l’autre rive.
    Épopée en trois chants, Éditions Gallimard,
    Collection Continents noirs, 2011.




    Lecture de Georges Guillain


    “IL EST TEMPS QUE LA PAROLE ACCOSTE



    On aura peut-être trop facilement et trop longtemps considéré que l’épopée renvoyant aux enfances d’un peuple ou d’une nation, à ses origines, est incompatible avec les exigences de nos temps prétendument épuisés préférant décliner leurs insuffisances ou l’avantageuse mesquinerie de leurs supposées supériorités plutôt que de célébrer la grandeur et le courage crus de l’homme. L’ouvrage de Sylvie Kandé ne manquera donc pas de surprendre : en trois chants, il réintroduit au sein de notre langue et de notre temps la geste poétique de héros qu’une même volonté de dépassement, d’affirmation de soi, malgré les différences de conditions et de circonstances, conduit à se lancer dans la même périlleuse entreprise d’atteindre par delà les mers un monde différent.

    L’histoire que nous raconte ainsi l’auteur est l’histoire d’une quête. Mais là où elle aurait pu se contenter d’évoquer, comme elle le fait dans son troisième chant, celle de ces dizaines de milliers d’africains qui dans l’espoir d’atteindre l’Europe, poussés qu’ils sont par la nécessité économique, s’entassent sur des embarcations de fortune, se livrant aux imprévisibles et meurtriers caprices de la Méditerranée, Sylvie Kandé situe son récit dans la perspective d’une autre traversée : celle de l’Atlantique, qu’aurait tentée au tout début du XIVe siècle ― soit bien avant la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb ― le grand empereur mandingue, Aboubakar II (alias Bata Manden Bori) afin de « savoir si le monde avait bien la rondeur grenue d’une gourde/ – ou si plate comme une paume de paix / une terre unique souffrait qu’à son entour / l’océan entaille de son massif estoc / ses longs doigts de sable de craie et de roc ».

    La riche et belle matière du Mali, comme on parle à l’occident de la « matière de Bretagne », vient donc généreusement colorer le magnifique poème de la Mer, de l’Homme & de la Mer que constitue le livre. Imaginant, après avoir raconté l’échec de la première expédition (premier chant), qu’une seconde, menée par l’empereur lui-même, à la tête de 2 000 bateaux, finit par accoster à l’autre bout de l’Atlantique (deuxième chant), l’auteur nous oblige à repenser totalement la psychologie du migrant africain, son histoire, sa culture et ses rêves. Il en ressort qu’attribuer à la seule misère, à la simple illusion d’un avenir matériel meilleur, l’embarquement risqué de tant de jeunes africains vers l’Europe, revient à nier cette part vitale, supérieure d’humanité que leur confèrent l’attrait de l’inconnu, la volonté de connaissance, cette manière particulière d’éprouver leur résistance et leur courage. S’ils partent, lit-on dans le troisième chant, ce n’est « ni pour le cuir ni pour les verres fumés / mais pour le geste qui donnait à chacun de nous / (nous autres ni chair ni poisson/ tripaille laissée pour compte / sur le sable gluant du millénaire) / la stature singulière d’une personne ».

    Plus profondément encore : d’une musicalité souvent splendide, excellant à traduire la cadence de la rame affrontée au cahot de la vague par d’habiles jeux de sonorités emmenant tantôt avec elles la rime, tantôt s’en dégageant, modulant par divers courants d’assonances et d’allitérations, de profonds effets d’échos, « le corps à corps insolite » « des mots menus » avec toute « l’immensité de la mer », le livre de Sylvie Kandé parvient par un travail tout aussi ingénieux de lexiques, de références discrètes, à appliquer à la matière africaine ― ses héros, ses motifs, ses mythes ― certaines des formes langagières propres aux grandes épopées du Moyen Âge occidental, pour transformer radicalement la représentation que nous avons de l’homme africain. « Sous sa tente où flottent les gonfanons », entouré de ses barons, de son Chambellan et de ses valets, Aboubakar II, acquiert la vaste stature d’un Charlemagne ; campé à l’avant de sa pirogue dont il devient la figure de proue, il n’a plus rien à envier à la célèbre figure d’Henri le Navigateur telle qu’on peut la voir, fixant l’Atlantique, sur le port de Lisbonne.

    Un tel livre nécessitera sans doute pour tous ceux qui restent ignorants de la culture africaine et/ou sont toujours peu familiers de la lecture moderne des vers une attitude emplie de confiance et d’accueil. Certes, bien des passages, bien des scènes s’imposeront d’emblée qui nous font voir la formidable tension des rameurs « plongeant dans la houppée leurs longues pales en bois / et pelletant par tas et monceaux cette eau verte / qui obstinément [revient] les sabouler », les colonnes d’eau qui engloutissent, les corps qui disparaissent « au fond des abysses glauques

    [des pour-être-enchaînés-marqués-au-fer-tailladés-
    [par-le-fouet-perforés-de-mille-manières-et-à-plaisir-avant-que-
    [d’être-jetés-hurlant-d’horreur-muets-de-rage-par-dessus-
    [bord-à-la-grâce-du-requin ».


    Mais la savante construction du livre, l’audacieuse « palabre » qui fait s’affronter les diverses voix narratives, le montage laissant une large part aux ruptures temporelles et aux ellipses, le système particulier de reprises et de renvois, tous ces nombreux éléments d’art qui sont à la mesure de l’ambition de l’œuvre, s’ils ne sont pas vraiment déroutants et n’entravent pas la découverte d’abord simplement curieuse, ne se laisseront plus largement apprécier qu’à la seconde lecture.

    Comme on appréciera mieux encore, par exemple, ce jeu des dénouements que présente le deuxième chant. « De dénouements, précise le narrateur-trouvère, il n’y en a pas moins de sept », se refusant à enfermer l’Histoire dans l’étroite et démoralisante évidence des faits. Et d’imaginer pour commencer que les survivants ultimes atteignent la terre pour y mourir ― l’âme de l’empereur-vautour s’élevant alors dans les airs pour rejoindre vers l’est le lieu de « toutes ses certitudes ». Puis, proposant de les faire disparaître dans un combat à mort contre la trop nombreuse armée indigène venue les accueillir du haut d’une falaise. Avant d’envisager que possiblement ils survécurent : les chefs des deux armées une fois face à face ne se trouvant pas dissemblables et finissant par célébrer les noces de leurs deux continents. De cette dernière proposition, on retiendra que, si la fable était réalité, l’Amérique n’aurait pas eu peut-être à devenir l’Amérique. Ce qui aurait sans doute au monde valu une tout autre Histoire.

    Alors, pas de héros vraiment au sens traditionnel du terme dans cette « néo-épopée » africaine de langue française. Pas non plus vraiment de conquête. Les hommes ne partent pas pour asservir le monde et les peuples à leurs désirs ou leurs caprices. Ils partent pour partir. Se conquérir eux-mêmes. S’affirmer, face au risque de mort. À travers ce qu’ils doivent aussi à leur communauté.

    On sort du livre emporté par une vision enrichie de l’autre et des lointains. Un rêve de beauté. Une idée de la liberté. Qu’on envie de voir exister si forts au cœur de ces rameurs infatigables comme de ces fabuleux naufragés. Magnifique.



    Georges Guillain
    D.R. Texte Georges Guillain (31 décembre 2011)
    pour Terres de femmes







    Kandé






    SYLVIE KANDÉ


    Sylvie Kandé, portrait
    Source


        Franco-sénégalaise, née à Paris, vivant à New York où elle enseigne dans l’une de ses nombreuses et prestigieuses universités, Sylvie Kandé est africaniste. La Quête infinie de l’autre rive est son second ouvrage à caractère proprement littéraire après Lagon, lagunes – tableau de mémoire, un texte de prose poétique paru en 2000 chez Gallimard, accompagné d’une postface d’Edouard Glissant.



    ■ Sylvie Kandé
    sur Terres de femmes

    Ils auraient pu ramer jusqu’à demain (extrait de La Quête infinie de l’autre rive. Épopée en trois chants, II)


    ■ Voir aussi ▼

    le site personnel de Sylvie Kandé
    → (sur aflit.arts)
    une page sur Sylvie Kandé
    → (sur Afrik.com)
    un entretien de Sylvie Kandé avec Christine Sitchet
    → (sur La Pierre et le Sel)
    Sylvie Kandé, une voix rebelle sur trois continents, par Jacques Décréau



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  • Georges Guillain | [Voilà que tu es devenu poreux]



    [VOILÀ QUE TU ES DEVENU POREUX]




    Voilà que tu es devenu poreux
    Ph. angèlepaoli






    Voilà
    que tu es devenu poreux

    ta vie
    ton corps
    bien près d’éclore

    un demi-siècle

    que tu es cette chose vivante
    à son tour
    sur la terre

    et ne sait toujours pas quoi
    t’emplit
    te contient

    dont tu parais soudain voûté
    craintif
    un ton plus bas

    et cependant tu sens montant la simple côte
    en faisant rouler la pierre

    que quelque chose est là

    pour toi

    impossible à dilapider






    Car
    on t’attend quelque part
    dans l’enfoui

    comme autrefois

    tu te souviens
    de cette vie profonde sous la pile des linges

    que tout était par devant
    bien plié le journal sur la table
    puis la table dans le jardin

    avec du ciel

    mais dans un fouillis débonnaire
    d’odeurs et de regards
    et de sœurs probes qui caressent

    aujourd’hui tous ces vivants
    jamais rejoints

    sont-ils toujours de ta famille
    pris ici dans les mots
    n’ayant que ce lieu

    pour rester




    Georges Guillain, « Que ce lieu pour rester » (extrait), in Avec la terre, au bout, Atelier La Feugraie, 2011, pp. 89-90.





    GEORGES GUILLAIN


    Georges Guillain  portrait





    ■ Georges Guillain
    sur Terres de femmes

    [Il n’y a pas de poésie descriptive] (extrait de Compris dans le paysage)
    six août | Georges Guillain, Compris dans le paysage
    Que ce lieu pour rester (extrait d’Avec la terre, au bout)
    [Novembrer tout y revient patauger] (autre extrait d’Avec la terre, au bout)
    Tant que nous sommes (extrait d’Un bouquet pour les morts)
    [Voilà] (extrait de Parmi tout ce qui renverse)



    ■ Voir aussi ▼

    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des Poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Georges Guillain





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  • six août | Georges Guillain, Compris dans le paysage

    Éphéméride culturelle à rebours





    Il y aurait des jardins 3
    Ph. angèlepaoli






    SIX AOÛT



    hautes herbes
    dessous


    il y aurait des jardins des fleurs des papillons des murs les gestes
    d’autrefois le bleu des fours des torchons épaissis de pâte les noms
    aussi des cent vingt neuf mille cinq cent quatre vingt-huit d’entre nous
    les hommes brûlés vifs dans leurs rues leurs boutiques les cinémas
    leurs chambres et les salles d’attente des cabinets de médecin
    les ascenseurs les casernes


    figures


    où sècherait encore un fragment de la mer devenu sel sur les paupières
    de vieux corps épluchés des gestes anciens maternels que rien n’habite
    plus pas plus que le corps sans moteur des oiseaux leurs ailes
    de goudron au pied des arbres


    secs


    on se dirait quand même qu’il fait doux qu’on cueillera les prunes
    demain six août de bonne heure avant que les étourneaux les pillent


    secrètement la mort étalant ses vernis


    les flammes de l’été


    des ombres
    les traversent


    montent toujours les escaliers de fer


    un paysage autour du grand feuillage combustible jaune durci de faines
    sur la tombe de la saison


    la pesanteur de leur corps les franchit
    d’un mouvement de la jambe
    sans écraser


    on parle d’elles


    visibles transparentes voyant ce rien
    qu’est devenu leur geste la façon qu’elles ont eu de pencher
    et de courber
    avec
    sur elles
    les branches


    le vif et le lent faits ensemble pour le reste de la journée




    Georges Guillain, Compris dans le paysage, Éditions Potentille, 2010, pp. 11-12.





    GEORGES GUILLAIN


    Georges Guillain  portrait





    ■ Georges Guillain
    sur Terres de femmes

    [Il n’y a pas de poésie descriptive] (autre extrait de Compris dans le paysage)
    Que ce lieu pour rester (extrait d’Avec la terre, au bout)
    [Novembrer tout y revient patauger] (autre extrait d’Avec la terre, au bout)
    [Voilà que tu es devenu poreux] (autre extrait d’Avec la terre, au bout)
    Tant que nous sommes (extrait d’Un bouquet pour les morts)
    [Voilà] (extrait de Parmi tout ce qui renverse)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Terres de femmes)
    Camille Loivier, Il est nuit (lecture de Georges Guillain)
    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des Poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Georges Guillain





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  • Camille Loivier, Il est nuit

    par Georges Guillain

    Camille Loivier, Il est nuit, Tarabuste Éditeur, 2009


    Lecture de Georges Guillain

    QUE PEUT LA LITTERATURE
    Ph., G.AdC






    QUE PEUT LA LITTÉRATURE ?



    Que peut la littérature, en particulier la poésie, face aux drames les plus douloureux de la vie, par exemple la perte déchirante d’un être aimé ? De quel poids sont les mots dans la détresse ? Est-il toujours un chant humain pour occuper l’espace vacant de la mort ?

    Le livre de Camille Loivier, Il est nuit, est dédié à un frère. Adressé à son frère. Un frère-nuit. Depuis que ce dernier a décidé de disparaître, à l’âge de 29 ans, un jour de mars, au commencement du printemps pour entrer définitivement dans l’impersonnel de la mort. En neuf chants d’inégale longueur essentiellement composés de tercets en vers libres parfois séparés, cassés, par des coupes violentes, la sœur tourne autour de la brutalité de l’événement, du vide laissé en elle par cette perte inadmissible. Nulle intention chez elle cependant de gonfler la voix. De faire résonner pour nous les grandes orgues du chagrin. Ses chants sont en fait un « déchant », simple ligne mélodique venant faire ici contrepoint à la sourde basse d’une expérience indicible.

    Plusieurs années séparent la révolte notée dans le premier chant au spectacle des couronnes rituelles déposées sur la tombe, de ce dernier geste apaisé dans lequel, face aux feuilles jaunies d’un olivier en fleurs qu’elle détache d’une sorte de « caresse inavouée », se lit sinon l’acceptation du moins une sorte de réconciliation tendre avec l’ordre des choses. Entre les deux, aucun appel aux grandes philosophies consolatrices. Aucune imprécation non plus adressée aux figures censées régenter notre existence : Dieux ou Destin. Le livre de Camille Loivier apparaît au contraire comme un travail très délicat, modeste. Un art de jardinier. Le souvenir de son frère ou plutôt les souvenirs qu’elle garde de lui, ses joies, sa peine, son impuissance aussi à ressentir à la hauteur de ce qu’elle voudrait, bref, tout ce cruel matériau de l’amour en deuil, elle s’applique à le protéger faisant de chaque ensemble de vers un rameau tendre qu’elle vient lier aux autres, subtilement, réalisant par chaque chant ce qu’on appellait autrefois un « plessis », c’est-à-dire comme un enclos protecteur de jeunes bois tressés.

    Ce qu’abrite, qu’entretient alors son geste d’écriture, ce ne sont pas simplement des moments isolés arrachés à l’oubli, des paroles retranscrites, des lumières, des ombres, une gamme de sentiments mêlés où se retrouvent tendresse érotique et culpabilité, partage et incompréhension… C’est la tension d’un esprit, l’itinéraire d’une sensibilité anxieuse cherchant à s’accorder comme elle peut à cette présence mystérieuse et quasiment physique en elle, de la mort. Une mort invasive, charnelle, incorporée.

    Ce chant de mort devient progressivement ainsi chant de vie. Soutenu discrètement qu’il est des ombres portées de tant d’autres vies difficiles, celles de Camille Claudel, de Sylvia Plath, de Marina Tsvétaïeva, de Charlotte Salomon… par sa connaissance aussi des poètes d’Asie, il dit dans sa modulation la mobilité de l’être, le temps qu’il faut pour qu’un vide se mette vraiment à exister et qu’une autre vie tout autour se reforme. Il dit les rapports indociles du corps et de l’esprit, le mystère de l’idée venue s’emparer de vous pour vous détruire et l’inverse génie qui veille inexplicablement à la survie… Découverte approfondie de la vie par la mort : « Quelque chose d’un mouvement/ qui englobe enfin soi avec l’autre/ une seconde peau qui colle à nous// un sentiment matinal de fusion/ une aspiration enfin sûre, enfin déterminée/ qui vous enlève// la fin de la solitude… »



    Georges Guillain
    D.R. Texte Georges Guillain
    pour Terres de femmes







    PREMIER CHANT



    tes chiens
    tes chats ne t’ont pas retenu

    la puce de bois
    ne te pique pas
    ta langue ne touche pas le plat

    tu marches, marches
    marches
    marches, marches

    ton nom s’éloigne, ton nom s’approche
    dans un hoquet, on me laisse une journée, une nuit
    comme si de rien n’était

    les fleurs puent
    s’il vous plaît
    ôtez les

    ce petit crachoir de terre
    plaf, plaf
    ma main aussi

    qu’on ne s’inquiète pas pour les fleurs
    elles se nourriront bientôt
    qu’on ne s’inquiète pas pour les fleurs



    Camille Loivier, Il est nuit, Tarabuste Éditeur, 2009, Incipit, pp. 11-12.






    Il est nuit .Tarabuste





    CAMILLE LOIVIER




    ■ Camille Loivier
    sur Terres de femmes

    Ombre d’un seul nuage (poème extrait du recueil Enclose)


    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une notice bio-bibliographique sur Camille Loivier



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  • Georges Guillain | Que ce lieu pour rester

    «  Poésie d’un jour  »





    TU FUIS L'ÉTROITE NOMENCLATURE DES CHOSES DU PASSÉ
    Ph., G.AdC






    QUE CE LIEU POUR RESTER

                           (EXTRAIT)



    Finalement
    tu réduis tout
    à presque rien

    rien cette poudre qui reste
    sur les doigts

    ce grand savoir dressant dans ton cerveau
    ses murs de cave

    tu as
    de moins en moins besoin
    de ce gros projecteur des livres
    de coller à la lumière enfin tranquille de cet arbre

    sans nom sans âge

    le poids voulu d’une forêt
    le brun verdâtre de ses fruits

    tu fuis
    l’étroite nomenclature des choses du passé
    dont tu ne cherches pas à fixer les lignes chiffonnées

    rapetasser
    tout l’être épars

    pour en sentir juste l’approche
    impalpable sans mots

    *

    Ainsi
    tu n’auras pas à dire

    qui tu es

    à préciser
    qui te manquait ce jour-là à cette heure

    tu n’auras pas à dire
    s’il s’agissait d’une soirée pluvieuse
    où tu avais trop bu

    si tu lisais sans voir un poète chinois …

    tu n’as plus de mémoire pour ces choses
    qui se mêlent pourtant en toi comme toutes les autres

    qui font parfois semblant de te connaître
    et puis t’éclairent

    au fond

    sont ta lanterne sourde

    […]


    Georges Guillain, Avec la Terre, au bout, Atelier La Feugraie, 2011, pp. 87-88.





    LA VIE N'A PLUS ASSEZ DE VIE
    Ph., G.AdC





    GEORGES GUILLAIN


    Georges Guillain  portrait





    ■ Georges Guillain
    sur Terres de femmes

    [Il n’y a pas de poésie descriptive] (extrait de Compris dans le paysage)
    six août | Georges Guillain, Compris dans le paysage
    [Novembrer tout y revient patauger] (autre extrait d’Avec la terre, au bout)
    [Voilà que tu es devenu poreux] (autre extrait d’Avec la terre, au bout)
    Tant que nous sommes (extrait d’Un bouquet pour les morts)
    [Voilà] (extrait de Parmi tout ce qui renverse)




    ■ Voir aussi ▼

    → (dans la poéthèque du site du Printemps des Poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Georges Guillain





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