Le
20 septembre 1971 meurt à Athènes le poète grec
Georges Séféris [Γιώργος Σεφέρης].

Image, G.AdC
Né à Smyrne le 29 février 1900, de son vrai nom Giorgios Stylianou Seferiades, prix Nobel de littérature en 1963, ambassadeur à Londres de 1957 à 1962, Georges Séféris est considéré comme l’un des plus grands représentants de la poésie contemporaine. Ses Essais, traduits en français sous le titre Essais : Hellénisme et création réunissent l’ensemble de ses conférences et publications sur la création poétique. Le poème La Citerne, publié en 1932, sera suivi d’un silence de trois années. Avec Mythologie, recueil publié en 1935, s’ouvre une nouvelle voie, consacrée à la « Nouvelle Poésie » en Grèce.
Au cours des années itinérantes en Méditerranée, Georges Séféris, marqué par le drame qui se joue dans l’île de Chypre, poursuit l’écriture du Journal de bord, entrepris dès les années 1940-1945 (I et II). Le troisième tome paraît en 1955. Après les Trois poèmes secrets, publiés en 1966, Georges Séféris, en rupture de ban avec le régime dictatorial en place, se refuse à publier d’autres œuvres. Sur les Aspalathes est son ultime poème. Il a été retrouvé trois jours après la mort de Séféris et est daté du 31 mars 1971. Une copie du manuscrit original est reproduite dans L’Été grec de Jacques Lacarrière.

Ph., G.AdC
« SUR LES ASPALATHES » *
Il faisait beau à Sounion ce jour de l’Annonciation
De nouveau le printemps.
De rares feuilles vertes
autour des pierres couleur de rouille,
la terre rouge et les genêts épineux,
leurs grandes aiguilles et leurs fleurs jaunes.
Au loin les colonnes du Temple
cordes d’une harpe, elles résonnent encore…
Tranquillité.
Qu’est-ce donc qui m’a rappelé cet Ardiée de la légende ?
Un mot dans Platon, je crois,
Égaré dans les creusets de l’esprit :
le nom du buisson jaune n’a pas changé depuis ces temps-là.
Ce soir j’ai retrouvé :
« Mains et pieds,
ils l’enchaînèrent, nous dit-il, le jetèrent à terre
et l’écorchèrent. Ils le tirèrent de côté
le long du chemin et le cardant sur les genêts épineux
le précipitèrent dans le Tartare : une loque. »
C’est ainsi qu’aux Enfers il payait ses crimes,
Ardiée de Pamphilie, le misérable tyran.
« Ἐπὶ Ἀσπαλάθων…… »
(Πολιτεία, 616)
Ἦταν ὡραῖο τὸ Σούνιο τὴ μέρα ἐκείνη τοῦ Εὐαγγελισμοῦ
πάλι με την ἄνοιξη.
Λιγοστὰ πράσινα φύλλα γύρω στὶς σκουριασμένες πέτρες
τὸ κόκκινο χῶμα καὶ οἱ ἀσπάλαθοι
δείχνοντας ἕτοιμα τὰ μεγάλα τους βελόνια
καὶ τοὺς κίτρινους ἀνθούς.
Ἀπόμερα οἱ ἀρχαῖες κολόνες, χορδὲς μιᾶς ἅρπας ποὺ ἀντηχοῦν
ἀκόμη…
Γαλήνη
– Τί μπορεῖ νὰ μοῦ θύμισε τὸν Ἀρδιαῖο ἐκεῖνον;
Μιὰ λέξη στὸν Πλάτωνα θαρρῶ, χαμένη στοῦ μυαλοῦ
τ᾿ αὐλάκια.
Τ᾿ ὄνομα τοῦ κίτρινου θάμνου
δὲν ἄλλαξε ἀπὸ κείνους τοὺς καιρούς.
Τὸ βράδυ βρῆκα τὴν περικοπή:
«τὸν ἔδεσαν χειροπόδαρα» μᾶς λέει
«τὸν ἔριξαν χάμω καὶ τὸν ἔγδαραν
τὸν ἔσυραν παράμερα τὸν καταξέσκισαν
ἀπάνω στοὺς ἀγκαθεροὺς ἀσπάλαθους
καὶ πῆγαν καὶ τὸν πέταξαν στὸν Τάρταρο κουρέλι».
Ἔτσι στὸν κάτω κόσμο πλέρωνε τὰ κρίματά του
Ὁ Παμφύλιος ὁ Ἀρδιαῖος ὁ πανάθλιος Τύραννος.
31 του Μάρτη 1971
Georges Séféris, Sur les Aspalathes in Jacques Lacarrière, L’Été grec, Plon, Collection Pocket, 1975, pp. 396-397-398.
* Les aspalathes sont des genêts épineux. Ce poème, écrit sous le régime fasciste des colonels, est une claire allusion au sort que le poète espère pour les nouveaux tyrans de la Grèce. Il a été inspiré par un passage de Platon, La République 616a.