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» Retour Incipit de Terres de femmes
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Haleh Zahedi Source LES FORMES DE LA LUMIÈRE (extrait) La lumière Peut avoir pris La forme des mots Rien ne tombe Que pluie de soleil Dans la mer Qui s’élève Aux yeux L’éclair de la mouette Un éclair qui crie Qui ne tonne pas Quelques fois nuée blanche En affolement En face du jais D’une mémoire Comment dire ? Que cela vient Part en éclairs Soyons juste N’éclaire rien C’est le matin Seulement des cris Jean de Breyne, Les Formes de la lumière, in Haleh Zahedi | Jean de Breyne, L’Attention L’Incertitude, La Part allouée suivi de Les Formes de la lumière, Les Lieux dits éditions, Collection 2Rives dirigée par Claudine Bohi et Germain Roesz, 2020, s.f. |
| JEAN DE BREYNE Source ■ Voir aussi ▼ → (sur le site de l’Agence régionale du Livre Provence-Alpes-Côte d’Azur) une fiche bio-bibliographique sur Jean de Breyne → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes) une fiche bio-bibliographique sur Jean de Breyne → (sur Recours au Poème) une page sur Jean de Breyne → le site Haleh Zahedi |
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| GERMAIN ROESZ Source ■ Germain Roesz sur Terres de femmes ▼ → La lumière se tamise (extrait de La Part de la lumière) ■ Voir aussi ▼ → (sur le site de L’Atelier du Grand Tétras) la page de l’éditeur sur La Part de la lumière |
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Ph. (3), G.AdC LA LUMIÈRE SE TAMISE Un ballet d’ombres sur ton visage le nez se plisse le bruit des ferrailles du sud et des vaisselles dépareillées s’accumulent En imaginant l’avenir le temps se maussade l’inquiet croît le rêve protège de l’homme encombrant. De soir en soir l’attente des messages la strophe courte le mot haletant ne dit rien ne bouge pas regarde l’éblouissement sur les terres noires. L’affreuse solitude du soir où il n’y a rien à faire ni à défaire l’accroche où cela tombe il y a les moments il y a les instants où nulle décision ne s’impose. Je regarde le fil du film j’écris dans le brouillard de l’image dans la gaine du ventre je suis la route qui défile. J’embrasse tes yeux. me regardent-ils alors ? La proximité aveugle Dans chaque onde le monde se transforme puis s’éclipse Dans l’auréole de l’or il dit cette chose simple : je regarderai le clair de lune et j’attendrai. Dans la parole (dans l’infra) se condense l’infini du monde et l’infini du détail l’infini de l’infime. Elle dit : je te porte je te sens en moi je dors en toi j’assemble mes doigts dans la crinière. La nuque rouge quelques pics sur les bras un tressaillement dans le creux des seins m’écriras-tu ? Absence de peu de jours l’oubli agit à la vitesse d’un éclair une pensée sombre et le cerveau s’embrase une pensée grave et le cerveau s’affale. Il prend une feuille il écrit il croit qu’il écrit il regarde la feuille noire il lit et ne comprend pas les voix dans le crâne bouillonnent grincent Est-ce que tu m’aimes ? Germain Roesz, La Part de la lumière, textes, poèmes, peintures de Germain Roez, L’Atelier du Grand Tétras, 2019, pp. 115-116. Préface de Claude Louis-Combet. Entretien entre Michel Guérin et Germain Roesz. |
| GERMAIN ROESZ Source ■ Germain Roesz sur Terres de femmes ▼ → La Part de la lumière (lecture d’AP) ■ Voir aussi ▼ → (sur le site de L’Atelier du Grand Tétras) la page de l’éditeur sur La Part de la lumière |
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Source THE LAND BEYOND THE RIVER OF TIME The land beyond the river of time needs water the giants are thirsty the dwarfs are dry the witches have blocked the river the wizards have drunk the wine the fairies have been killed the stars do not shine the wind has lost its voice let the patupaiarehe* flow bringing water from the spring so we may laugh and dance once more so the tree may sing LA TERRE AU-DELA DU FLEUVE DU TEMPS La terre au-delà du fleuve du temps a besoin d’eau les géants ont soif les nains sont desséchés les sorcières ont barré la rivière les magiciens ont bu le vin les fées ont été tuées les étoiles ne brillent pas le vent a perdu sa voix laissez couler le patupaiarehe* qui apporte l’eau de la source afin que nous puissions rire et danser encore une fois afin que l’arbre puisse chanter
Apirana Taylor, Pepetuna**, poèmes traduits de l’anglais (Nouvelle-Zélande) et du māori par Manuel Van Thienen et Sonia A. Protti, peinture de Germain Roesz, éditions érès, collection PO&PSY, 2019, pp. 74-75. ___________________ *patupaiarehe : dans la mythologie māori, être surnaturel à peau claire, habitant les forêts profondes et les sommets des montagnes souvent hostiles aux humains. **pepetuna : papillon de nuit endémique de l’île du nord de la Nouvelle- Zélande. Il est vert et son envergure atteint 15 cm. |
| APIRANA TAYLOR Ph. : Jean-Louis Goodall Source Apirana Taylor, né en 1955 à Wellington (Nouvelle-Zélande), est un écrivain māori et pākehā (européen). Poète, scénariste, romancier, nouvelliste, conteur, acteur, peintre et musicien, il voyage sur le territoire néo-zélandais et au-delà (Inde, Europe, Colombie…) en qualité de poète et de conteur. ■ Voir aussi ▼ → (sur le site des éditions érès) une notice bio-bibliographique sur Apirana Taylor |
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Tête de liste : Mère la seule. À l’entame où, blessé, le poème commence, une marque (cicatrice de naître ?). On dirait une conjuration, mot lancé là, laissé, pour affronter la réalité. L’envisager : « l’image est noire à mettre du blanc
dessus ». Ce pourrait être un chant d’amour, l’action de grâce de l’enfant à celle qui la porta.
Mais.
Biffer. On avance en hésitant, on cherche qui, là ? Mère, image-confort de celle qui donne le lait, le doux, la présence. Une femme se refuse à son enfant. Cela attendu n’a pas eu lieu : « mère
et la douce la douceur tant ». On peut essayer, en faisant dériver les mots, de donner corps à une réalité, la voici démentie, contredite : « mère ça
on n’a pas eu jamais on n’a pas eu ». La dérivation alors aussi entérine, « le soir est tombé tombant qui tombe », ce qui est, revenant à ce qui ne peut être autrement. Décidément, quelque chose n’a pas eu lieu. Dire essore l’image idéale réfutée, en une langue simple qui s’articule sur un dévoilement progressif (inéluctable). Complicité repoussée en fin de poème, la proximité, l’unisson du cœur mère-enfant, qui ne fut pas, force le texte : le pronom neutre, « ça », asséné, nie les personnes et ce lien, il manque. Place à une indifférence mise sur le devant, sans émotion exacerbée, qui a marqué la fille portant trace, retrouvant parfois la langue en cours de construction de l’enfant : « ça tombe partout n’a pas fermé la porte
mère a oublié pas me mettre derrière
pas pu dans ce trou-là j’ai peur depuis » Sujet avalé par la peine, chagrin d’enfant informulable autrement que par des infinitifs, des tournures orales minimales, ou des structures syntaxiques en cours d’élaboration. L’adulte redevient l’enfant happée par la peur et l’expérience passée, douloureuse comme un poing fermé qui garde les verbes conjugués réduisant le cœur du poème à la négation qui engloutit l’être. À cet égard, bien des compléments circonstanciels orientent le perçu vers l’émotion négative : entre « dedans le monde » et « dans la terreur » vit la mère dont la force pousse vers ce qui entrave, lamine ou précipite. Le don inversé va vers le terrible, mère-fée qui se penche pour octroyer les mauvais sorts et réactualiser l’image sombre de la marâtre des contes : « tu donnais de la mort toujours
à téter
sentir
parler ». Force qui pousse, face obscure, « mère » à contre-courant de la forme protectrice traditionnelle : « dans ta poubelle de peurs jetée avec ». Fin de poèmes : la narratrice gît là, soumise à l’action exclusive du rejet de celle qui l’a enfantée. Alors l’équivalence s’établit entre le nom (distant, jamais « maman ») et des termes péjoratifs jusqu’à la négation même du lien ou son exclusion du champ de perception comme une construction sans : « mère peur
mère mort mère pas » Ce qui manque, ici, traverse le poème en minimes assertions qui ne peuvent se déployer car elles sont conditionnées par le manque (et père « pas là », « sa valise seulement posée partout »). Mot « trou » (ou « peur ») récurrent : celui où tomber, celui creusé par manque : « la chair est pleine de trous
où ne vient pas l’amour ». Tomber, le temps le fera glisser vers « je laisse tomber le mot maman », la distance du mot « mère » préférée au nom Maman. Affection recluse en la fille seule (enfermée). Difficile de définir pourquoi, d’expliciter. Les tournures neutres (« ce qui… ») permettent le constat, sans envisager les causes, et dressent un portrait où chaque vers installe loin l’enfant / la mère jusqu’au déni de statut : « c’est une mère fausse elle est pas vraie », substituant à la douleur forcément éprouvée (force du forceps !), ramenant la personne à « du toc » comme on chanterait faux sur la partition filiale en souffrance, dressant Verlaine / Rimbaud en porte-à-faux de poésie musicienne : le coup de feu, le tapage, le désastre. Les poètes nommés ou suggérés (Apollinaire et le pont) ne laissent couler qu’une eau de source souillée, « un grand détournement d’images ». Mère de glace et poussant sur le bord du vide celle qui, née, est de trop. Des mots « tout froids », évoquant le corps sans vie, obligeant la fille à feindre, jouer dans une parade un rôle qui sonne faux pour être avec alors que sans fatal : « alors je t’ai coupée au fond de moi
un gros morceau de toi je me l’enlève mère je t’arrache douleur ma chair ». La voix de l’enfant s’entend à travers celle de l’adulte et le passé n’est plus tout à fait le passé. En cette langue simple, directe, les images ne font pas écran. Elles examinent ou exacerbent : « tuer avec tes mots » à prendre au sens propre ou entendre « tu es », affirmant l’impossibilité pour la mère d’exister à côté de sa fille. Menace réciproque, équivoque car l’aînée ne laisse aucune chance à sa fille sauf à fausser son identité, sa voix charriant une représentation du monde où, repoussée sans cesse, elle voit aussi les autres dans le prisme de la haine (les hommes en particulier) de sa mère. Transfert : léguer à l’enfant ses propres démons, en même temps que le lait nourricier, perversité suprême, « tu me mélangeais petite dans de la mort » : « toutes tes peurs
oui toutes cousues manteau ensemble ». Alors l’enfant pour (s’en) sortir détache d’elle-même sa mère, sort de son « tombeau », « c’est long ». C’est aussi ce livre qui suit la minutie des attaques, l’obstination de l’auteur à traquer ce mot « mère » pour décrire ce qu’il recouvre et découvre. Ravage : les prépositions (en, dans, dedans, partout) évoquent un processus d’assaut, d’étouffement. Mais la nuit fait sa révolution, enfin le « je » devient sujet : de réflexion, d’action grâce au déploiement de verbes entêtés : « je respire / je tente / je traduis », au présent forcément vrai de qui veut naître enfin, exister « avec » dans une simultanéité concordante et non aliénante. Les loups, ceux du bois du corps infiltrés par la mère, sont chassés. Une fois coupée la peur, la vie commence, « mais pas ensemble maintenant / pas ensemble ». Entre « tu me doutais », « je me savais », un processus : les deux pronoms personnels, chaque complément d’objet direct ici inattendu, affirment enfin l’existence d’un « je » détaché de la mère. La conscience a tout bousculé pour expulser celle qui fit naître, et pourtant dévaste et vide. Ce processus inversant le chemin habituel de la naissance donne enfin une identité propre qui peut se substituer à ce qui est attendu d’une mère : « depuis longtemps toujours
je me mamame sans toi ». Ce soin, cette sollicitude, les mots la fondent, doublant la mère réelle de celle qui, espérée, ne vient jamais – n’existe pas. Effort pour tendre la main vers le bleu, le mettre devant ses yeux : sans un point, les vers avancent, dressant ce portrait en pointillés répétés d’une mère refusée et celui d’une enfant qui, marchant sur le fil qu’elle tisse, écrivant, inversant le sort et les liens pour refermer les blessures, même si trop tard impossible : |
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