Étiquette : Ghjacumu Thiers


  • Corse_3 Ghjacumu Thiers | Invilippu


    «  Poésie d’un jour  »



    Isse parolle ch'o un ti aghju scrittu
    Ph., G.AdC







    INVILIPPU



    Porghju
    à l’imprubabile distinazione
    a maio parte di u dubitu
    è mi tengu
    a lettera.
    A sgrigita di a carta tagliva
    in punta di a lingua
    inziccata u brusgiulu.
    Cusi mi tengu una stonda
    a sincerità di isse parolle
    ch’o un ti aghju scrittu.






    ENVELOPPE



    Je tends
    à l’improbable destination
    la plus grande part du doute
    et je garde
    la lettre.
    L’éraflure du papier tranchant
    à la pointe de la langue
    un peu blessée.
    Ainsi je retiens un instant
    la sincérité de ces mots
    que je ne t’ai pas écrits.




    Ghjacumu Thiers, Invilippu, « Trois poètes corses » in Revue semestrielle Babel, n° 18, 2e semestre 2008, page 117. Traduit du corse par Francescu Micheli Durazzo. Textes de la revue réunis par André Ughetto.





    Ô BARBARA FORTUNA


         « Depuis le mouvement du riacquistu, véritable lame de fond dont elles furent à la fois l’arme et le mobile, se sont fait entendre [en Corse] des voix majeures comme celles de Ghjacumu Fusina ou de Ghjacumu Thiers, linguistes et poètes de premier plan. On pourrait citer encore parmi les plus récents, François-Michel Durazzo, Marie-Ange Sebasti, Marie-Paule Lavezzi, Pasquale Ottavi, Patrizia Gattaceca, Alanu di Megliu et bien d’autres, sans parler de tous les chanteurs « à texte » qui n’ont pas grand-chose à voir avec Tino. Les premiers cités, parfaitement bilingues il va de soi, auraient pu user de la langue française – ils l’ont d’ailleurs parfois tenté avec succès – mais, courageusement, ils choisirent de s’exprimer dans une langue qui ne s’exporte guère, renonçant par là à une véritable notoriété ailleurs qu’en leur île où elle est grande. Leurs œuvres paraissent également en traductions française et italienne, situation si inextricablement paradoxale qu’il eût mieux valu pour elles être écrites en langue tchouvache comme celle de notre ami Tchingiz Ogonëk qui trouva lui, et c’est heureux, une audience restreinte mais mondiale. Quoi qu’il en soit, je laisse en suspens ce curieux problème – à mon sens exemplaire – mais le soumets, gravement, à vos méditations. »

    Jacques Lovichi (rédacteur en chef de la revue Autre Sud), in « O barbara fortuna ! d’un bilinguisme intérieur », id. supra, page 115.




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