Étiquette : Giorgio Caproni


  • Giorgio Caproni | Lasciando Loco



    LASCIANDO LOCO
    (1972)




    Sono partiti tutti.
    Hanno spento la luce,
    Chiuso la porta, e tutti
    (Tutti) se ne sono andati
    Uno dopo l’altro.

    Soli,
    Sono rimasti gli alberi
    E il ponte, l’acqua
    Che canta ancora, e i tavoli
    Della locanda ancora
    Sgombri – il deserto,
    La lampadina a carbone
    Lasciata accesa nel sole
    Sopra il deserto.

    E io,
    Io allora, qui,
    Io cosa rimango a fare,
    Qui dove perfino Dio
    Se n’è andato di chiesa,
    Dove perfino il guardiano
    Del camposanto (uno
    Dei compagnoni più gai
    E savi) ha abbandonato
    Il cancello, e ormai
    — Di tanti — non c’è più nessuno
    Col quale amorosamente
    Poter altercare ?



    Giorgio Caproni, Tema con variazioni, Il muro della terra (1964-1975), in Tutte le Poesie, Garzanti, I grandi libri, Milano, 2016, pagina 365.







    EN QUITTANT LOCO



    Ils sont tous partis.
    Ils ont éteint la lumière,
    Fermé la porte, et tous
    (Tous) s’en sont allés
    L’un après l’autre.

    Seuls
    Sont restés les arbres
    Et le pont, l’eau
    Qui chante encore, et les tables
    De l’auberge encore,
    Encombrées — le désert,
    La petite ampoule à carbone
    Qu’on a laissée allumée dans le soleil
    Au-dessus du désert.

    Et moi,
    Moi alors,
    Je reste ici pour quoi faire,
    Ici où même Dieu
    S’en est allé de l’église,
    Où même le gardien
    Du cimetière (un
    Des bons vivants les plus gais
    Et sages) a quitté
    La grille, où désormais
    — d’eux tous — il n’y en a plus aucun
    Avec lequel amoureusement
    Je puisse me quereller ?



    Giorgio Caproni, Poesie 1932-1986 in Anthologie bilingue de la poésie italienne, Éditions Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1994, pp. 1360-1363. Traduction de Philippe Renard et Bernard Simeone.




    __________________________
    NOTE d’AP : Loco est des hameaux de Rovegno (au nord de Gênes, dans la vallée de la Trébie), où Giorgio Caproni a longtemps enseigné, et où il a fait la connaissance de celle qui, en 1937, est devenue son épouse, Rina Rettagliata.




    GIORGIO CAPRONI


    Portrait_de_Giorgio_Caproni
    Image, G.AdC




    ■ Giorgio Caproni
    sur Terres de femmes

    7 janvier 1912 | Naissance de Giorgio Caproni
    Giorgio Caproni | Quando ti vidi accesa



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    → (sur le site de la Rai.tv)
    Giorgio Caproni – La poesia ?






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  • Giorgio Caproni | Quando ti vidi accesa




    Parmi les rares lueurs des coquelicots
    Ph., G.AdC






    QUANDO TI VIDI ACCESA…



    Quando ti vidi accesa tra le esigue vampe dei
    rosolacci
    (la pioggia da poco era scesa — alleviata la terra
    alitava nuove fragranze dell’erbe
    e dai frutti ancor verdi)

    Quando ti scorsi china ridente a guardarmi
    con occhi di sole —
    E le tue mani s’immersero bianche nel folto del
    prato
    e mi gettarono fiamme inbrinate* di gocciole fresche.






    LORSQUE JE TE VIS ENFLAMMÉE…



    Lorsque je te vis enflammée parmi les rares lueurs
    des coquelicots
    (la pluie depuis peu était tombée — soulagée la terre
    soufflait les nouvelles flagrances des herbes
    et des fruits encore verts)

    Lorsque je t’aperçus penchée riante me regardant
    avec des yeux de soleil —
    Et tes mains s’immergèrent blanches dans le pré
    touffu
    et me jetèrent des flammes givrées de gouttelettes
    fraîches.




    Giorgio Caproni, Poésies choisies, Lucie éditions, Nîmes, décembre 2010, pp. 14-15. Édition bilingue. Poèmes choisis et traduits par Frédérique Malaval.




    ______________________________
    * Note d’AP : je traduirais volontiers ce néologisme de Giorgio Caproni (littéralement « engivrées ») par emperlées.





    GIORGIO CAPRONI


    Portrait_de_Giorgio_Caproni
    Image, G.AdC



    ■ Giorgio Caproni
    sur Terres de femmes

    7 janvier 1912 | Naissance de Giorgio Caproni
    Giorgio Caproni | Lasciando Loco



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  • 7 janvier 1912 | Naissance de Giorgio Caproni

    Éphéméride culturelle à rebours


    Il y a cent neuf ans, le 7 janvier 1912, naissait à Livourne Giorgio Caproni.






    Portrait_de_Giorgio_Caproni

    Image, G.AdC





    Traducteur de Baudelaire, Apollinaire, Proust, Céline, Frénaud et René Char, Giorgio Caproni, « poète du soleil, de la lumière et de la mer » (Carlo Bo), longtemps voué à la création solitaire qui le tient éloigné des grandes interrogations poétiques de son temps, occupe aujourd’hui une place centrale dans la poésie contemporaine italienne, dont il est assurément l’une des voix les plus originales et les plus puissantes après celle de Montale.

    L’originalité de la poésie de Caproni tient à l’équilibre savant que le poète établit entre les contraires. Attachée au monde sensible et à l’expérience personnelle, elle l’est aussi aux contrastes et aux contradictions apportés par l’alliance entre « hermétisme florentin » et registre quotidien, « cantabile » ; entre syntaxe recherchée et simplicité du vocabulaire. À la métrique traditionnelle maîtrisée avec art s’oppose une « limpidité cristalline » qui assure aux poèmes leur musicalité « vibrante ». La précarité de la vie, la solitude, les inéluctables et douloureuses séparations sont l’essentiel de la thématique du poète, fondée sur tout un jeu d’oxymores (la présence-absence, le voyage sans départ, l’identité du chasseur et de sa proie…) et d’apories.

    Auteur de nombreux recueils, Come un’allegoria (Comme une allégorie, 1936), Ballo a Fontanigorda ed altre poesie (Bal à Fontanigorda et autres poèmes, 1938), Il passaggio di Enea (Le Passage d’Enée, 1956), Il seme del piangere (La Semence des pleurs, 1959), Il muro della terra (Le Mur de la terre, 1975), Il franco cacciatore (Le Franc-tireur, 1982), Il conte di Kevenhüller (Le Comte de Kevenhüller, 1986), Res amissa (1991, posth.). Giorgio Caproni a aussi écrit des nouvelles, Il Labirinto, Il Gelo della mattina.

    Giorgio Caproni est mort à Rome le 22 janvier 1990.






    Solo_tracce_elusive
    Ph., G.AdC





    L’ULTIMO BORGO
    (1976)




    S’erano fermati a un tavolo
    D’osteria.
                     La strada
    Era stata lunga.
                                I sassi.
    Le crepe dell’asfalto.
                                        I ponti
    Più d’una volta rotti
    O barcollanti.

                            Avevano
    Le ossa a pezzi.
                               E zitti
    Dalla partenza, cenavano
    A fronte bassa, ciascuno
    Avvolto nella nube vuota
    Dei suoi pensieri.

                                   Che dire.

    Avevano frugato fratte
    E sterpeti.
                      Avevano
    Fermato gente — chiesto
    Agli abitanti.

                            Ovunque
    Solo tracce elusive
    E vaghi indizi — ragguagli
    Reticenti o comunque
    Inattendibili.

                            Ora
    Sapevano che quello era
    L’ultimo borgo.
                                Un tratto
    Ancora, poi la frontiera
    E l’altra terra: i luoghi
    Non giurisdizionali.

                                       L’ora
    Era tra l’ultima rondine
    E la prima nottola.
                                     Un’ora
    Già umida d’erba e quasi
    (Se ne udiva la frana
    Giù nel vallone) d’acqua
    Diroccata e lontana.




    Giorgio Caproni, Conclusione quasi al limite della salita , in Il franco cacciatore (1973-1982), Tutte le Poesie, Garzanti, I grandi libri, Milano, 2016, pp. 455-456.







    Seulement_des_traces_-vasives
    Ph., G.AdC






    LE DERNIER BOURG



    Ils s’étaient arrêtés à une table
    D’auberge.
                        La route
    Avait été longue.
                                  Les pierres.
    Les fissures de l’asphalte.
                                                 Les ponts
    Plus d’une fois détruits
    Ou branlants.

                            Ils avaient
    Les os brisés.
                            Et muets
    Depuis le départ, ils dînaient
    La tête basse, chacun
    Enveloppé dans le nuage vide
    De ses pensées.

                                Que dire.

    Ils avaient fouillé broussailles
    Et fourrés.
                       Ils avaient
    Arrêté des gens — demandé
    Aux habitants.

                              Partout
    Seulement des traces évasives
    Et de vagues indices — renseignements
    Réticents ou de toute façon
    Peu dignes de foi.

                                  Maintenant
    Ils savaient que c’était là
    Le dernier bourg.
                                  Un bout de chemin
    Encore, puis la frontière
    Et l’autre terre : les lieux
    Sans juridiction.

                                  C’était l’heure
    Entre la dernière hirondelle
    Et la première noctule.
                                             Une heure
    Déjà mouillée d’herbe
    Et (on entendait son écroulement
    En bas dans la gorge) d’eau
    Dans sa ruine lointaine.




    Giorgio Caproni, Poesie 1932-1986 in Anthologie bilingue de la poésie italienne, Bibliothèque de la Pléiade, éditions Gallimard, 1994, pp. 1363-1365. Traduction de Philippe Renard et Bernard Simeone.






    Giorgio Caproni
    Giorgio Caproni le 25 février 1986 à Marseille
    à l’occasion de la remise du Prix Jean-Malrieu
    pour la traduction du Mur de la terre
    Ph. Philippe Morier-Genoud
    Source





    GIORGIO CAPRONI




    ■ Giorgio Caproni
    sur Terres de femmes


    Giorgio Caproni | Lasciando Loco
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