Étiquette : Guy Goffette


  • Lucien Becker | Passager de la Terre, I



    Becker des volets qui se ferment sur des rires d’enfants
    Ph., G.AdC






    PASSAGER DE LA TERRE, I



    Dans le quartier solitaire qu’on traverse en hâte
    des volets qui se ferment sur des rires d’enfants
    sur des voix très douces très proches

    La tête d’une femme dans le bocal des vitres
    aucun mouvement ne donne le sens de sa vie
    La dernière étoile tombe de la fenêtre

    comme une larme d’un œil clos
    Un enfant lance du papier au ciel
    crie dans le silence qui se fend

    Une fumée lace le ciel au toit
    le vent est si las
    qu’il se pose sur la main
    un baiser tombe de très haut
    décroche des feuilles dans les arbres
    une lampe s’éteint sans cri
    au tournant de la nuit




    Lucien Becker, Passager de la Terre (I) [revue Cahiers du Sud, H.C., Marseille, 1938 ; et Voix d’encre, Montélimar, 1993] in Rien que l’amour, Poésies complètes, La Table Ronde, Collection Vermillon, 1997, page 203. Édition établie et présentée par Guy Goffette.






    Lucien Becker  Rien que l'amour






    LUCIEN BECKER


    Lucien Becker
    Lucien Becker en 1955
    Collection particulière
    Source





    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Les Hommes sans Épaules)
    une notice bio-bibliographique de Christophe Dauphin sur Lucien Becker
    → (sur le site du Matricule des anges)
    une lecture de Rien que l’amour par Thierry Guichard
    → (sur le site de la revue Texture)
    une lecture de Rien que l’amour par Michel Baglin





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  • Paul de Roux | L’île




    L’ÎLE



    Tristesse de tous et de toutes
    ainsi une île, les oiseaux :
    les uns plus fréquemment s’y posent
    d’autres sont des visiteurs occasionnels
    — mais tous la connaissent et tous la reconnaissent
    même après longtemps, même la première fois
    sa topographie inscrite dans le cœur à la naissance
    oubliée — tous l’oublient
    et si naturellement retrouvent son chemin, d’un coup
    sans tâtonner — et la tristesse amère
    amère est douce cependant comme la plus grande vérité
    qu’il soit donné d’atteindre.

    3 VIII 84




    Paul de Roux, Le Front contre la vitre, éditions Gallimard, 1987 in Entrevoir, suivi de Le Front contre la vitre et de La Halte obscure, nrf, Collection Poésie/Gallimard, 2014, page 218. Préface de Guy Goffette.






    Paul de Roux  Entrevoir





    PAUL DE ROUX


    Paul de Roux (c) O. Giroud
    Ph. © O. Giroud
    Source




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Recours au Poème)
    Entrevoir de Paul de Roux (lecture de Philippe Bétin)





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  • Guy Goffette | Ainsi nos pas

    «  Poésie d’un jour  »



    Trouver l'or vif sous les paupières basses de l'horizon
    Ph., G.AdC






    AINSI NOS PAS


    Ainsi nos pas se sont portés longtemps à l’avant des navires
    plus pour le combat des vagues la déchirure des eaux
    que pour l’aventureuse saison des îles
    ― nos pas imaginaires
    mais toujours le poids de la terre nous ramenait
    dans l’île intérieure où piétinent les chevaux du sang
    et la tartine prise à la sauvette
    et la bise au front du paternel bleui, adieu
    adieu père mère famille encalminée, la voile est tendue
    et la mer au fond du potager va larguer nos amarres.
    Les toits déjà les toits encore tournent leur échine
    pour nous barrer la route
    comme ces pauvres requins
    qu’un rien jette au tourment de la chair
    et les vieilles pareillement qui brûlent sous ces toits
    de ne plus brûler
    tandis que nous, amiraux sans terre ni bateaux
    nous coupions tous les ponts
    avec ce monde utile et méprisable
    sûrs comme les grues à la ruée d’automne
    de trouver l’or vif sous les paupières basses de l’horizon.



    Guy Goffette, « Des fenêtres d’abois, 2. Enfances », Éloge pour une cuisine de province, Gallimard, Collection Poésie, 2000, page 65 ; in revue Décharge n° 143, « Dossier Guy Goffette », septembre 2009, page 13.





    GUY GOFFETTE


    Goffette_1
    Ph. D.R. Source



    Voir aussi :

    – (sur Poezibao)
    une fiche bio-bibliographique sur Guy Goffette ;
    – (sur Terres de femmes)
    Guy Goffette/Et si… ;
    – (sur Terres de femmes)
    Guy Goffette/Jalousie;
    – (sur Terres de femmes)
    Guy Goffette/Je me disais aussi… ;
    – (sur Terres de femmes)
    Guy Goffette/L’attente.

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  • Guy Goffette | L’attente

    «  Poésie d’un jour  »




    L'attente photocollage de Guidu
    Photocollage, G.AdC







    L’ATTENTE


    Si tu viens pour rester, dit-elle, ne parle pas.
    Il suffit de la pluie et du vent sur les tuiles,
    il suffit du silence que les meubles entassent
    comme poussière depuis des siècles sans toi.

    Ne parle pas encore. Écoute ce qui fut
    lame dans ma chair : chaque pas, un rire au loin,
    l’aboiement du cabot, la portière qui claque
    et ce train qui n’en finit pas de passer

    sur mes os. Reste sans paroles : il n’y a rien
    à dire. Laisse la pluie redevenir la pluie
    et le vent cette marée sous les tuiles, laisse

    le chien crier son nom dans la nuit, la portière
    claquer, s’en aller l’inconnu en ce lieu nul
    où je mourais. Reste si tu viens pour rester.


    Guy Goffette, L’attente, I, La Vie promise, Éditions Gallimard, 1991 ; in Éloge pour une cuisine de province, Éditions Gallimard, Collection Poésie, 2000, page 237.






    GUY GOFFETTE


    Goffette_1
    Ph. D.R. Source



    ■ Guy Goffette
    sur Terres de femmes

    Ainsi nos pas
    Et si…
    Jalousie
    Je me disais aussi…



    ■ Voir aussi ▼

    30 mars 1844 | Naissance de Paul Verlaine
    → (sur Terres de femmes)
    23 janvier 1947 | Mort de Pierre Bonnard






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  • 30 mars 1844 | Naissance de Paul Verlaine

    Éphéméride culturelle à rebours



    Il y a 177 ans, le 30 mars 1844, naissait à Metz Paul Verlaine.







    Verlaine
    Eugène Carrière (1849-1906),
    Paul Verlaine, 1891
    Huile sur toile, 61 x 51 cm
    Paris, musée d’Orsay
    Source








    III



    Metz, le 30 mars 1844. Celui qui vient de rouler dans son berceau, au 2 de la rue Haute-Pierre, ne sait pas encore qu’il est entré dans l’Histoire.

    Il y a une route qui commence devant lui, toute droite, avec du soleil en poudre et des flaques de musique où il fait bon s’endormir. Il y a ce concert de voix où l’oreille petit à petit fait son chemin. C’est le premier bain dans l’air. Les sons font des bulles qu’on ne voit pas encore, mais qui éclatent doucement sous la pupille. On les distingue peu à peu, l’une après l’autre, on les accorde avec le bruit du cœur. Il y a celle qui ondule comme une vague, avec des pointes de pluie, mais douce comme un ventre de femme, et puis une autre qui répond plus bas comme un ciel d’orage roulant dans les cailloux. Le mélange se fait dans les hauteurs, comme à l’étouffée. On marche sur du velours. On ne s’en remettra jamais tout à fait.




    IV



    S’il les a regardés longuement, l’enfant du miracle, ces trois fœtus roses sur l’étagère de bois ― et de quel regard noir au fond des orbites qui brûlent, quand, sur le tapis du salon, jouant seul parmi les soldats de plomb ou rêvassant à Dieu sait quelle figure sur les reflets du meuble, il s’arrêtait soudain sur eux, plein de malaise et d’effroi !

    S’il a dû lui en poser des questions, à sa mère, des questions naïves comme en posent les petits de l’homme devant les évidences ― le bleu du ciel, dis, maman, pourquoi ? et la neige, et les nuages ? Et jamais une réponse claire, nette, n’aurait franchi les lèvres blessées d’Eliza-Stéphanie Dehée ? Jamais une réponse à couper le cou pour toujours à cette route désordonnée du rêve là-bas dans la brume où la vie de Paul va se perdre ?

    Jamais en tout cas, ni dans ses vers ni dans sa prose, Paul n’évoquera les trois fœtus.

    Peut-être les beaux yeux bridés de sa mère tout à coup qui s’embuent, ses beaux yeux chinois et noyés de larmes ont-ils suffi, avec le doigt posé sur les lèvres, religieusement, pour que l’enfant devienne complice à son tour du grand secret et soudainement grandisse dans le silence et l’effroi du silence. Peut-être.

    Il y a tellement de choses que les enfants ne peuvent comprendre, sous peine de souffrir beaucoup, et qu’ils comprennent sans rien dire ; tellement de choses qu’il convient de préserver dans leur enveloppe de gaze, de brouillard, de mystère et qu’ils enfouissent en eux, quitte à porter jusqu’au bout le poids écrasant du secret inviolé, et le désir de sa révélation.

    Il y a des noms, mon petit Paul, qui n’ont pas eu le temps d’être prononcés, et qui demeurent à jamais dans l’air alentour, terriblement, comme ceux des aimés que la Vie exila, ces fantômes pour les jours à venir, et qui déjà s’acharnent sur tes rêves.



    Guy Goffette, Verlaine d’ardoise et de pluie [1996], Éditions Gallimard, Collection folio, 1998, pp. 39-40.







    Goffette






    VERLAINE




    ■ Paul Verlaine
    sur Terres de femmes


    7 janvier 1896 | Mort de Paul Verlaine
    Mon rêve familier
    10 octobre 1684 | Naissance d’Antoine Watteau (Verlaine, Clair de lune, Fêtes galantes)





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