Étiquette : II


  • Christian Dotremont | [Et nous avons traversé toutes sortes de bonnes choses]



    LAMPE ANGELE [2392]
    Je lui ai raconté un peu de ma vie claire-obscure
    (comme une lumière avec un abat-jour dessus).
    Ph. angèlepaoli









    [ET NOUS AVONS TRAVERSÉ TOUTES SORTES DE BONNES CHOSES]





    Et nous avons traversé toutes sortes de bonnes choses : du soir, du brouillard et des rues floues.
    Je lui ai raconté un peu de ma vie claire-obscure (comme une lumière avec un abat-jour dessus).
    Elle a dit qu’elle n’était qu’une pauvre personne.
    Et qu’elle ne savait pas toutes ces choses mais ses leçons de grec et de latin.
    Je lui ai dit qu’il fallait m’empêcher de voir la vie en m’en aveuglant plein les yeux.
    Elle a dit « c’est très compliqué mais je mettrai souvent mes lèvres sur tes joues ».
    Et j’ai dit que je serais content alors et même après et même avant.
    Je me demandais comment c’était possible d’avoir été si malheureux et de ne plus l’être.
    Je me disais « c’est très idéal » et je serrais très fort contre moi la petite fille réelle.
    Tout de suite j’ai compris en la voyant quitter l’école qu’elle quittait nos jeux passés.




    Christian Dotremont, « Petite », II, Ancienne éternité & autres textes [éditions Mercure de France, 1998], éditions Unes, 2021, page 22.






    Christian Dotremont  Ancienne éternité 2




    CHRISTIAN DOTREMONT


    Christian-Dotremont Portrait
    Source




    ■ Christian Dotremont
    sur Terres de femmes


    [Quand l’avez-vous vue ?] (autre extrait d’Ancienne éternité)
    Kara




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Les Hommes sans épaules)
    une notice bio-bibliographique sur Christian Dotremont





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  • Anne Seidel | Hygiene der angst II, III, IV



    Anne-seidel-chlebnikov-weint-poetenladen-rahmen







    HYGIENE DER ANGST II


    hier: schoenheit ist am ernsthaftesten : grundlos.
    weißgefliest-aengstlich schweben kristalle ins meer hinaus,
    umspuelen reglose glaswaende die flocken

    hier: schoenheit ist am ernsthaftesten : grundlos,
    die weiße angst zu verhaengen, schneiend-schwarz
    erzittert und zerfaellt die erwartung der tiere



    HYGIÈNE DE LA PEUR II

    ici : la beauté est la plus sérieuse : sans raison.
    peureusement carrelés de blanc des cristaux flottent vers le large,
    les flocons baignent des parois de verre immobiles

    ici : la beauté est la plus sérieuse : sans raison,
    pour masquer la peur blanche, noires neigeuses
    tremblent et se décomposent les attentes des animaux






    HYGIENE DER ANGST III

    eingaenge, solovki, tiefschwarzes licht, signal der stadt.
    opalisierend, solovki, gesichter, laute endlosigkeiten,
    wenn alles einfiel, solovki, vielleicht, zuletzt zuckte es

    keine ausgaenge, solovki, tiefschwarzes licht, signal der stadt,
    augopal, solovki, gesichter, wenn nach lauter endlosigkeiten alles
    einfiel, solovki, vielleicht aug in auge



    HYGIÈNE DE LA PEUR III

    entrées, solovki, lumière d’un noir profond, signal de la ville.
    opalisant, solovki, visages, infinités à forte résonance,
    quand tout s’effondra, solovki, peut-être, pour finir cela tressaillit

    pas de sorties, solovki, lumière d’un noir profond, signal de la ville,
    opale de l’œil, solovki, visages, quand à force d’infinités tout
    s’effondra, solovki, peut-être les yeux dans les yeux






    HYGIENE DER ANGST IV

    schwarze spitzen, weiß linien, russland, so hilflos zieht
    stille ein, die namen getraenkt, ende der waelder,
    es fehlte immer eine hand, versunken im pelz

    schwarze spitzen, weiße linien, da warst du, so hilflos zog
    stille in dich ein, in namen und waelder,ferne,
    es fehlte immer eine hand, versunken im schnee, solovki



    HYGIÈNE DE LA PEUR IV

    pointes noires, lignes blanches, russie, désemparé s’installe
    le silence, les noms abreuvés, fin des forêts,
    il manquait toujours une main, engloutie dans la fourrure

    pointes noires, lignes blanches, tu étais là, désemparé s’installait
    le silence en toi, dans les noms et les forêts, lointains,
    il manquait toujours une main, engloutie dans la neige, solovki




    Anne Seidel, Khlebnikov pleure [Chlebnikov weint, Poetenladen, Leipzig, 2015], II, III, IV, éditions Unes, 2020, pp. 36-41. Traduit de l’allemand par Laurent Cassagnau.






    Anne Seidel  Khlebnikov pleure 2




    ANNE SEIDEL


    Anne Seidel Denim
    Source




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Unes)
    la page de l’éditeur sur Khlebnikov pleure
    → (sur le site du Matricule des Anges)
    une lecture de Khlebnikov pleure par Emmanuelle Rodrigues





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  • Pierre-Jean Jouve | [Les soleils disparus]


    [LES SOLEILS DISPARUS]




    Les soleils disparus sont des mots éternels
    Dont la phrase arrondie a cette forme : extase
    De terre musicienne et de verdure et d’or
    De village pendu au balcon le plus rare
    De prairie et de roc glaciaire entremêlés ;
    O beauté de là-bas, songe de l’extrême heure,
    Un furieux brasier d’automne se formait
    Aux vallées par-dessous les herbes potagères,
    La descente faisait l’amour à la chaleur
    Les masures de bois tourmentaient la lumière
    Et la noblesse était défunte aux châtaigniers,
    En partant l’on sentait la perte d’espérance
    Par privation de désirs insensés.




    Pierre-Jean Jouve,« Isis, II », « Bleu », Inventions [Mercure de France, Paris, 1958], in Diadème suivi de Mélodrame, éditions Gallimard, Collection Poésie/Gallimard n° 72, 1970, page 179.





    Pierre Jean Jouve  Diadème



    PIERRE JEAN JOUVE


    Pierre Jean Jouve
    Image, G.AdC




    ■ Pierre Jean Jouve
    sur Terres de femmes


    La Femme et la Terre (poème extrait de Matière céleste)
    11 octobre 1887 | Naissance de Pierre Jean Jouve (lecture de Paulina 1880 + extrait)
    16 juin 1966 | Grand Prix de poésie de l’Académie Française décerné à Pierre Jean Jouve (notice bio-bibliographique + poème extrait de Matière céleste)
    Friedrich Hölderlin, Tinian, in Pierre Jean Jouve, Poèmes de la Folie de Hölderlin
    La rencontre Hölderlin-Jouve-Klossowski par Béatrice Bonhomme et Jean-Paul Louis-Lambert




    ■ Voir aussi ▼

    le site Pierre Jean Jouve de Béatrice Bonhomme et Jean-Paul Louis-Lambert
    → (sur le site des éditions Gallimard)
    la fiche de l’éditeur consacrée à Diadème





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  • Emmanuel Moses, Quatuor

    par Angèle Paoli

    Emmanuel Moses, Quatuor, II, Poème,
    Le Bruit du temps éditions, 2020
    [en librairie le 6 mars 2020].



    Lecture d’Angèle Paoli


    JONGLERIES TALENTUEUSES ENTRE EXULTATION ET DÉSESPOIR





    Dernier recueil d’Emmanuel Moses, Quatuor est une vaste et puissante composition poétique qui marie, avec le même élan et la même ferveur, vision spirituelle et philosophique, et évocations personnelles. L’ensemble est jointoyé par le ciment fondateur de l’humour, de l’expérience, des souvenirs et de la culture. L’universelle et l’hébraïque. Dans ce recueil, dont le titre m’évoque les Four Quartets de T.S. Eliot, la partition poétique et musicale se structure en quatre mouvements. La rencontre, hasard et émerveillement (I) ; le temps/la différence (séparation) / l’indifférence (l’indistinction) (II) ; la mémoire (Si je t’oublie Jérusalem…) (III) ; l’amour et la mort, inséparables partenaires (IV) qui font osciller les vies entre force et fragilité, entre angoisse et bonheur.

    D’un mouvement à l’autre s’entrelacent des leitmotive qui tissent l’univers musical des quatre poèmes et confèrent à l’ensemble sa grande homogénéité lyrique. Par leur forme, et par le souffle qui les anime, les poèmes font penser au genre soutenu de l’ode, j’oserais dire psaume, et les vers par leur ampleur et leur discontinuité évoquent le verset. Les résonances bibliques, implicites ou explicites, abondent. Elles entretiennent avec l’ensemble du texte une relation étroite, laquelle souligne une parfaite adéquation entre pensée et respiration. Encloses toutes deux dans un même souffle. Un souffle si puissant qu’il en devient exalté/exaltant. Le lecteur enthousiasmé se laisse porter et emporter par la vague, tour à tour descendante ascendante. Le chant qui conduit le lecteur l’entraîne dans une houle sans fin qui l’enchante, poète et lecteur voguant de conserve « vers le Grand Horizon ».

    Cherchant malgré tout à garder quelque distance, je vais tenter ici de me lancer dans une approche plus argumentée. Peut-être pas dans le détail de chacun des poèmes, mais dans leur ensemble, tels que je les perçois et tels qu’ils me touchent.

    J’ai évoqué un peu plus haut le caractère soutenu propre à l’ode. Ce serait une erreur que d’en faire un élément distinctif. Car le ton peut être naturel ; parlé presque ; tiré de la vie même et des propos coutumiers que l’on échange au cours d’une conversation. À lire l’incipit du premier chant, il n’y paraît donc pas. Mais il ne faut pas croire pour autant que le poète se contente de n’emprunter que cette voie/voix. Car le poète a bien des cordes à sa lyre.

    Le premier mouvement — on pourrait aussi l’appeler « motif » — est centré sur les hasards de la rencontre. Avec beaucoup d’humour, Emmanuel Moses énumère une succession de bizarreries ordinaires liées à l’enchaînement de causes et effets extérieurs à notre volonté.

    « Tu rencontres quelqu’un, un type, mettons sur un quai de gare ou

    dans le train

    Il y avait une chance sur un million pour que vous vous croisiez ».

    Très vite, par-delà l’anecdotique, surgissent, sans que l’on y prenne garde, des éléments structurants du poème. De répétitions en variations sur les répétitions, le poète progresse par l’introduction d’un terme nouveau, lequel bénéficie alors de plusieurs occurrences jusqu’au moment où se glisse un terme porteur d’une nouvelle image, qui entraîne à son tour une nouvelle inflexion dans le narré de l’histoire… Entre temps, dans le « faisceau de circonstances » dans lequel nous voilà embarqués, surviennent l’amour et la mort qui agissent toujours de concert, et par surprise, jusque dans une chambre d’hôtel :

    « L’amour surgi du hasard

    La mort survenue sans prévenir ».

    Fort de cette vérité, le poète enjoint son semblable, par une série d’injonctions parfois loufoques, à le suivre dans ses desseins.

    « Oublions un instant qu’il n’est nulle échappatoire »

    « Soyons poètes dans les hôtels ! »

    « Trinquons en solitaire à la poésie de l’impondérable ».

    Une première vérité en entraîne une autre, construite sur une série de dénis ou de négations :

    « [i]l n’y a pas de souffleur »

    ou encore :

    « [i]l n’y a pas de texte, pas d’auteur, pas de metteur en scène,

    ni de dramaturge. »

    Et, plus avant dans le poème, la reprise du refrain :

    « Il n’y a rien, mes amis, que la matière soumise à tous les aléas ».

    Ou encore, un peu plus loin :

    « Tout est matière exposée, livrée au travail de l’accident

    Parce qu’il n’y a pas d’entremetteur ».

    Pourtant, de ce néant généralisé, apparemment désespéré et vide de sens, émerge toujours l’inattendu :

    « Et soudain quelque chose se passe ».

    C’est d’abord le « vent libre ». Et donc la « liberté ». La liberté ?

    « C’est aussi accepter le hasard comme point de départ ».

    Hasard de la rencontre imprévue, celle par exemple que fait le poète de ce « type dans un champ », le jour de l’enterrement de son oncle. Le poète se lance alors dans un dialogue imaginaire, chacun des interlocuteurs se livrant à un discours corrélé à son état ou à sa situation :

    « Tu aurais pu le rencontrer à l’aéroport

    Il t’aurait parlé de sa glèbe bretonne et des mers céréalières sous

    la houle

    Et toi de ton ciel juif où plongent tes racines, où enfoncent tes pas

    et ceux des tiens ».

    Les péripéties liées à ce souvenir personnel donnent lieu à toute une suite d’histoires vécues ou imaginaires portées jusqu’au délire noir du meurtre… Pris de vertige, le lecteur cherche des points d’appuis, des balises qui lui restitueraient son équilibre. Il les trouve dans l’enchaînement des différents épisodes à partir de la formule conditionnelle toujours recommencée :

    « Tu aurais pu le rencontrer sur un quai », « à l’aéroport » … « dans un bus » … « chez des amis ».

    L’entrée en scène du vent est un exemple évocateur de la manière dont procède le poète. Le rythme change s’accélère se développe s’enfle. Les phrases s’allongent, prennent un tour ascendant, se prolongent dans le vers suivant. L’absence totale de point en fin de vers, les enjambements d’un verset au verset suivant, les répétitions anaphoriques, les parallélismes, les apostrophes… contribuent à donner au verset son impulsion et à créer ce mouvement d’ondulation prolongée. Aux vers longs succèdent soudain des vers plus brefs qui viennent ralentir cette course. Permettent de reprendre souffle et d’amorcer une pente descendante. C’est aussi là le signe prosodique de la discontinuité du verset. Qui n’a de sens que pour rendre compte de la discontinuité des événements :

    « Encore un instant de lumière

    Le vent poursuit sa course comme la liberté balaie l’existence

    Tu as compris le sens de l’existence, un certain sens, du moins

    Et la compréhension n’est jamais définitive, elle ne prend pas racine

    Elle va et vient, tel le vent dans ta figure, sous les paupières et au fond

    des narines ».

    Après les moments d’enthousiasme surviennent les chutes. Lesquelles sont liées « au choc inouï d’être | De sortir du néant et d’aller à la mort ».

    Le néant qui n’est pas la mort. Suit une longue réflexion sur ce qui les distingue l’un de l’autre. Mais la liberté, mot sésame du chant premier, rend momentanément son enthousiasme au poète, sa confiance et son espoir. Avec l’enthousiasme, la phrase enfle à nouveau, reprend son mouvement ascendant, réitère sa remontée vers les crêtes :

    « Mais il y a toujours quelqu’un pour te sauver, enfin, parfois, plutôt

    Il y a toujours une femme pour te sauver, enfin, parfois

    Et il y a toujours des rêves salvateurs sinon rédempteurs

    Parce que, oui, tu crois au grand salut par le rêve

    Qui est le souffle nocturne de la liberté sous la voûte de ton crâne

    Alors es-tu fortuit, toi qui viens à moi ? ».

    La rencontre peut prendre toutes sortes de formes ou d’apparences, elle est toujours une opportunité, une promesse d’enrichissement. Elle peut être « une formidable création à deux » si par extraordinaire le poète fait l’expérience magique de la rencontre avec son lecteur :

    « une sacrée rencontre » que celle-ci « [e]ntre des mots sur une page blanche et toi ».

    Le poète poursuit sa composition, avec le temps d’abord (second mouvement) puis avec la mémoire (troisième mouvement) et enfin avec l’amour/la mort (quatrième mouvement). Il poursuit ses questionnements, toujours selon la même structure d’encadrement d’une unité, d’une nouvelle séquence :

    « Je regarde mes mains » […]

    « Y a-t-il un but à tout cela ? Un but à l’enfantement et à la mort ?  » […]

    « Je regarde mes mains ».

    Les mains la barque le temps. L’orme. Autant d’images clés que le poète pose comme des cairns dans le poème. Elles servent de points de repère dans le déroulement des idées et le balancement des oppositions. Certitude et scepticisme ; séparation et indistinction ; différenciation et indifférenciation ; instant et éternité…

    « Indifférence ou différence ?

    Je n’oublie pas l’étymologie du mot, le verbe latin differre

    […]

    Et qui a pour sens premier disperser la cendre au loin

    Pour deuxième acception transplanter des arbres en les espaçant

    Plus particulièrement des ormes, en les disposant en rangées ».

    Je ne peux me retenir de consulter le vieux dictionnaire Gaffiot de mes études. Differre. « In versum distulit ulmos. » Virgile, Géorgiques (IV, 144) : « il transplanta aussi et disposa par rangées des ormes déjà grands ».

    Séparer espacer distinguer sont actes fondateurs. Emmanuel Moses le sait, qui en accepte la vérité. Et le poète de promener son regard attentif (attendri ?) sur l’orme, « grand arbre de nos contrées », d’en décrire par le menu feuilles écorces et fleurs et de conclure cette évocation poétique par une réflexion inspirée de l’Ecclésiaste (déjà présent dans l’incipit du second mouvement), laquelle le conduit à affirmer :

    « [s]ans différence, le terme même de disparition perd sa pertinence ».

    Et plus loin :

    « Sans différence pas d’écart, de retard ou de distance

    Sans différence pas de mort ni de fin de toute chose ».

    Ou encore par cette interrogation qui poursuit le poète :

    « Peut-être que c’est cela Dieu : l’au-delà des apparences diverses

    L’indifférence suprême, l’indifférencié suprême ».

    Les réflexions s’entrelacent les unes aux autres à la manière de cercles continus qui se superposent un certain temps puis soudain se scindent pour intégrer une nouvelle spirale. Ainsi, dans le troisième mouvement consacré à la mémoire — « Je marchais dans les rues de Jérusalem / Si je t’oublie Jérusalem —, le poète écrit-il, évoquant un moment de bonheur au cours duquel lui reviennent les vers du Vaisseau d’or d’Émile Nelligan :

    « D’autres anneaux s’entre-pénétrant

    Des anneaux sur la piste sablée de ma mémoire

    Avec lesquels je jongle inlassablement, qui jonglent avec moi, tout autant

    Face à des bancs déserts

    Ou alors peuplés de fantômes ».

    Jongleur infatigable, Emmanuel Moses évolue dans des souvenirs peuplés d’images, les unes réelles et concrètes, les autres tirées de lectures plurielles et abondantes, de lieux aimés ou rêvés, de réminiscences, de versets bibliques et de poèmes… Bercé par les versets du Psaume de Jérémie – « Si je t’oublie, Jérusalem ! » –, le poète, fantôme parmi les fantômes, se souvient. Il se souvient de Paris et de ses morts. De « la soldatesque allemande » et de la Gestapo, des « Juifs arrêtés », de

    « Paris rouge comme l’étoile jaune

    Paris de mon haut mal

    Et de mon plus haut amour ».

    Il se souvient du camp de Drancy dont il ne reste rien.

    Le dernier mouvement du recueil signe l’apothéose de Quatuor. Le poème s’inscrit dans une langue de feu. Qui va de l’incandescence du ciel aux flamboiements de l’amour. Cela commence par des éclats de lumière qui se fondent ensuite aux feuillages dans une progression ardente, laquelle s’établit par un enchaînement de subordonnées où se déclinent les actes, et par une suite d’anaphores qui structurent l’espace en paysage. « Ainsi s’embrase l’amour » comme le « ciel aux lueurs d’incendie vers Pecqueuse ». Étrange correspondance qui prend flamme en Île-de-France, gagne et s’étend, des hirondelles aux amants, « ivresse » et « fièvre de l’envol ». « Un souffle de lumière » échauffe le poème. Et enlève le lecteur jusque vers les terres de l’Ouest, « là-bas vers Pecqueuse » bien sûr, mais peut-être aussi vers les prairies plus lointaines de John Fenimore Cooper.

    Cet état d’exaltation se propage, qui efface toute temporalité. Survient alors l’éternité.

    « Tout aussi subitement l’amour s’exalte sub specie aeternitatis

    Sans avant ni après

    Dans l’ignorance de la durée ».

    Et, plus loin, cet aveu encore :

    « Le temps et l’espace ont perdu leur raison d’être

    L’amour seul infuse la totalité ».

    Au cœur même de l’inspiration exaltée survient alors, animée par le doute, puis par l’incompréhension, la retombée progressive vers le silence…

    « Pourquoi donc au cœur de l’exultation, au moment même de

    l’apothéose

    Survient, née de la perfection, la brisure tout aussi essentielle ? » .

    Ainsi, de même que l’embrasement originel contient sa propre fin, de même l’amour n’est-il jamais plus proche de la mort qu’au plus fort de son ardeur. C’est de cette vérité que naît « la souffrance qui te met au supplice ». Et de cette autre encore, qui n’admet aucun accommodement :

    « Parce qu’être c’est mourir

    Qu’il faut mourir d’être

    Et non pas “au bout du compte”, “en dernier lieu”, “un jour ou l’autre” »…

    Emmanuel Moses ne peut en rester là. Comment sortir de la scène sans désespérer ? Le poète exalté et joueur met un terme à ce magnifique recueil en empruntant ses jongleries à la commedia dell’arte. Ainsi enjoint-il généreusement ses amis à rejoindre la troupe d’Arlequin et de Colombine, afin « [d]e rire jusqu’au bout de l’amour fou »

    « [e]n s’éjouissant de vivre comme de devenir un jour une

    ombre bienheureuse

    Parmi les ombres bienheureuses ».

    Et de conclure par cette invitation :

    « Et voguez, voguez puissamment vers le Grand Horizon ».



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Moses quatuor 2




    EMMANUEL   MOSES


    Emmanuel_moses_didier_pruvot_flammarion
    Ph. © Didier Pruvot/Flammarion
    Source





    ■ Emmanuel Moses
    sur Terres de femmes


    Dona (lecture d’AP)
    [La pluie donne un soir inachevé](poème extrait de Dona)
    [Mais voilà il y a un au-delà des apparences](extrait de Quatuor)
    La fleur « Shortia » (extrait de Polonaise)
    Ivresse (lecture de Gérard Cartier)
    [Derniers feux](extrait d’Ivresse)
    [Aujourd’hui j’ai ouvert le journal de l’éternité](extrait de Dieu est à l’arrêt du tram)
    [Je ferme les yeux](autre extrait de Dieu est à l’arrêt du tram)
    [Je suis allée au puits](extrait de Comment trouver comment chercher)
    [La mer, à peau de cétacé](extrait du Paradis aux acacias)
    Tout le monde est tout le temps en voyage (lecture d’AP)
    Tardives (poème extrait de Tout le monde est tout le temps en voyage)
    [Mettre un éléphant dans un poème](extrait d’Un dernier verre à l’auberge)
    [Le cahier vide et le cahier qui se remplit](extrait du Voyageur amoureux)






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  • Emmanuel Moses | [Mais voilà il y a un au-delà des apparences]



    [MAIS VOILÀ IL Y A UN AU-DELÀ DES APPARENCES]




    Mais voilà il y a un au-delà des apparences
    Il y a comme un ciel vertigineux qui nie les apparences
    Et c’est l’indifférence
    L’indifférence aux heures qui trottent sur le cadran translucide de la vie
    L’indifférence aux saisons
    Au bas du parchemin duquel est apposé un sceau de quatre

    couleurs différentes :
    Vert, jaune, marron et blanc. Ad aeternam
    (qu’on pourrait représenter aussi sous l’aspect de quatre oiseaux

    empaillés dans une vitrine)
    L’indifférence aux années qui roulent depuis toujours et sans fin
    Peut-être que c’est cela Dieu : l’au-delà des apparences diverses
    L’indifférence suprême, l’indifférencié suprême
    Le temps, Dieu et les hommes, indifférents les uns vis-à-vis des autres
    Tels les acteurs, le public, l’auteur, indifférents les uns envers les autres
    Pour échapper à la mort
    Et non pas comme événement individuel mais comme condition
    L’indifférence arc-boutée à l’indifférence
    L’une articulée à l’autre
    Et formant ensemble un bras plus puissant que celui qui fendit les flots

    de la Mer rouge…
    Un bras à défier les machines-robots qui déshumanisent l’homme en

    le dépossédant
    Qui ont vaincu l’humanité comme Moïse vainquit l’onde
    Pour y faire passer à pied sec son pauvre peuple
    L’indifférence de l’aigle qui vire en cercles larges et lents à hauteur

    de cime
    Et pour l’œil brillant et minuscule de qui la vallée n’est rien, le fleuve

    n’est rien
    L’activité humaine n’est rien, la circulation des automobiles et des

    trains, rien
    La fumée des cheminées d’usines et les chantiers, les carrières, rien
    Les champs et les prés, avec leurs tracteurs, leurs moissonneuses-

    batteuses, rien
    Et même les moutons qu’ils enlèveront dans les airs sans parler des

    menus rongeurs
    Ne sont rien sous leur regard souverain où on lirait le refus et le mépris
    Si on pouvait l’observer de près
    Voyez comme il promène sa silhouette cruciforme sur le fond du

    ciel d’azur
    Et de quelle manière il joue avec les courants de l’air
    Quelle leçon que les jeux de l’aigle en sa sagesse !
    Le soleil décline devant ma fenêtre
    L’instant est silencieux et ce qu’il y a de plus muet entonne un

    chant nouveau
    J’ouvre le livre des anciens visages d’Égypte
    Et je les écoute
    Ils me parlent de la mort et de sa morsure
    De l’éternité qu’elle fait sourdre de la chair du temps
    Et comme je les en remercie, ces très vieux morts
    Peints à l’encaustique sur des sarcophages en bois de tilleul
    Ou peints à la détrempe sur des sarcophages en bois d’if, en bois

    de sycomore
    Peints sur des masques de plâtre et sur des voiles en lin
    Ces hommes, ces matrones, ces jeunes filles, ces enfants
    Prenant éternellement congé de nous
    Sur les vertes collines des adieux.



    Emmanuel Moses, Quatuor, II , Poème, Le Bruit du temps éditions, 2020, pp. 40-42. [en librairie le 6 mars 2020]






    Moses quatuor 2






    EMMANUEL   MOSES


    Emmanuel_moses_didier_pruvot_flammarion
    Ph. © Didier Pruvot/Flammarion
    Source





    ■ Emmanuel Moses
    sur Terres de femmes


    Quatuor (lecture d’AP)
    [La pluie donne un soir inachevé](poème extrait de Dona)
    La fleur « Shortia » (extrait de Polonaise)
    Ivresse (lecture de Gérard Cartier)
    [Derniers feux](extrait d’Ivresse)
    [Aujourd’hui j’ai ouvert le journal de l’éternité](extrait de Dieu est à l’arrêt du tram)
    [Je ferme les yeux](autre extrait de Dieu est à l’arrêt du tram)
    [Je suis allée au puits](extrait de Comment trouver comment chercher)
    [La mer, à peau de cétacé](extrait du Paradis aux acacias)
    Tout le monde est tout le temps en voyage (lecture d’AP)
    Tardives (poème extrait de Tout le monde est tout le temps en voyage)
    [Mettre un éléphant dans un poème](extrait d’Un dernier verre à l’auberge)
    [Le cahier vide et le cahier qui se remplit](extrait du Voyageur amoureux)






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  • Jean-Pierre Chambon, Un écart de conscience, II


    UN ÉCART DE CONSCIENCE, II
    (extrait)





    J’ai bien peur que la sensation
    dont je voudrais te faire ressentir l’étrangeté
    m’ait fui
    et qu’il me faille me référer dès lors
    à mes seuls souvenirs
    pourtant je ne peux encore me résoudre
    à parler au passé.

    Sans doute convient-il de se trouver
    dans une disposition particulière
    un relâchement de la volonté
    un abandon de tout contrôle
    une attente sans attente
    sans conjecture ni désir
    pour que se produise l’imperceptible miracle.






    Le phénomène que je tente de cerner
    est si ténu que je ne sais même pas
    s’il existe vraiment
    pourtant j’en éprouve le vertige
    jusqu’aux tréfonds de mon être
    et c’est comme si en moi le nerf
    d’une perception autre se mettait à vibrer.

    Il ne s’agit nullement
    d’une quelconque hallucination
    la réalité reste telle qu’en elle-même
    mais il se produit en elle comme un suspens
    une intime discordance
    qui ouvre tout à coup une perspective infinie
    inattendue.





    Jean-Pierre Chambon, Un écart de conscience, II, éditions Le Réalgar, Collection l’Orpiment dirigée par Lionel Bourg, 42000 Saint-Étienne, 2019, pp. 34-35. Photographies de Christiane Sintès.






    Jean-Pierre Chambon  Un écart de conscience





    JEAN-PIERRE CHAMBON


    Jean-Pierre Chambon  en vignette
    Source




    ■ Jean-Pierre Chambon
    sur Terres de femmes


    L’Écorce terrestre (lecture de Cécile A. Holdban)
    L’Écorce terrestre (lecture d’AP)
    [Je touche le grain du silence] (extrait de L’Écorce terrestre)
    Des lecteurs (lecture d’AP)
    Des lecteurs (extrait)
    Noir de mouches (extrait)
    Le Petit Livre amer (lecture de Sylvie Fabre G.)
    Détour par la Chine intérieure (poème extrait du Petit Livre amer)
    [Fleurs dans la fleur]
    Fragments d’un règne (poème extrait du Roi errant)
    [Sur le papier la lumière](extrait de Sur un poème d’André du Bouchet)
    Tout venant (lecture de Sylvie Fabre G.)
    [À partir de l’inaliénable singulier] (extrait de Tout venant)
    Zélia (lecture d’Isabelle Lévesque)
    L’invention de l’écriture (extrait de Zélia)
    Jean-Pierre Chambon | Michaël Glück, Une motte de terre (lecture de Sylvie Fabre G.)
    Jean-Pierre Chambon | Michaël Glück, Une motte de terre (extraits)
    Jean-Pierre Chambon | Marc Negri, Fleuve sans bords (lecture d’AP)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Le Réalgar)
    la fiche de l’éditeur sur Un écart de conscience de Jean-Pierre Chambon





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Philippe Leuckx | [Le soir]



    [LE SOIR]



    Le soir
    le ciel fait son nid d’éteules et notre faim s’invente des sentiers au cœur pour rien — à peine un chemin ou une averse



    Il va falloir coudre les jours à l’été — recourir à ces petites joies bien familières, comme des trésors cachés sous les pierres
    Ne rien présumer de la chaleur ni de cette halte presque réjouissante quand le jour grimpe un peu trop et que le cœur n’en peut mais
    On se consolera sous les arbres
    On ravira au ciel un soupçon de bleu à loger dans l’œil de l’étrange
    On vivra



    […]



    Soudain, une colline, des crêtes et le regard souffle toute méprise. Tu as bien vu cet arbre de solitude, vrillant le ciel d’aiguilles vertes qui te cinglent. Tu reviendras là, des mots en poches. Un peu de chagrin nomade. Au cœur.
    Loin, un berger pousse un vent mousseux.
    Plus près, la main tremble.




    Philippe Leuckx, « II, Langue douce de l’errance » in Ce long sillage du cœur, éditions La tête à l’envers, 58330 Crux-la-Ville, 2018, pp. 44-45-47. Préface de Françoise Lefèvre.






    Philippe Leuckx  Ce long sillage du coeur





    PHILIPPE LEUCKX


    Vignette PHILIPPE LEUCKX
    Ph. Christelle Dossche




    ■ Philippe Leuckx
    sur Terres de femmes


    Ce long sillage du cœur (lecture d’AP)
    D’obscures rumeurs (lecture d’AP)
    [Il reste au-dessus du jour quelque vœu d’enfance](poème extrait de D’obscures rumeurs)
    [Laisse la nuit s’éclairer sous tes yeux](poème extrait de Doigts tachés d’ombre)
    [On a vécu sous le verre] (poème extrait de L’imparfait nous mène)
    [On ose à peine la lumière](poème extrait de L’Effeuillement des choses vers les confins)
    [J’assume mes greniers d’enfance](poème extrait de Maisons habitées)
    Le Mendiant sans tain (extraits)
    Nuit close (extraits)
    Poèmes du chagrin (lecture d’AP)
    [Tu marches dans ta ville] (poème extrait de Poèmes du chagrin)
    Piéton de Rome, 13 (poème extrait de Rome rumeurs nomades)
    [Parfois il est bon de s’égarer](poème extrait des Ruelles montent vers la nuit)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions La tête à l’envers)
    la fiche de l’éditeur sur Ce long sillage du cœur
    → (sur La Cause Littéraire)
    une lecture de Ce long sillage du cœur par Patrick Devaux
    → (sur le site de la revue Texture)
    une lecture de Ce long sillage du cœur par Jacques Morin
    → (sur le site de la revue Texture)
    une lecture de Ce long sillage du cœur par Michel Baglin





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  • Anne Rothschild | [Hors du temps et du souvenir]



    [HORS DU TEMPS ET DU SOUVENIR]



    Hors du temps et du souvenir
    dans le huis clos du velours
    passaient et repassaient les gestes interdits
    la lave très épaisse des choses sans nom
    ravivant la terreur du monarque
    et ses éclats de rubis
    enfouis dans le ventre
    un géant aux pieds d’argile
    un épouvantail aux mains de paille



    Comment laver la plaie
    Qu’on ensevelit sous des piles de linge
    Si ce n’est par la lessive des mots et la mémoire des franges
    Nœuds tressés de chiffres par où descend le souffle
    La blessure      la brisure      la cicatrice brûlée vive
    Court à travers les siècles
    Comme un navire poussé par les vents du désastre
    *



    Remontant le chemin de l’origine
    trois fois dans l’eau lustrale j’ai plongé
    enveloppée de la mer qui dort en nous
    trois fois j’ai sombré pour renaître
    goûtant le lait des amants et léchant le miel des lettres
    j’ai recueilli trente-neuf gouttes de rosée

    Les bambous scrutent dans les marges blanches
    tous les possibles de ma vie


    * ______________
    les voix du poème :
    caractères italiques : le chœur des ancêtres
    caractères romains : le poète




    Anne Rothschild, «  II, Remontant le chemin de l’origine » in Nous avons tant voyagé, Éditions Le Taillis Pré, 6200 Châtelineau (Hainaut, Belgique), 2018, pp. 54-55-56.






    Nous-avons-tant-voyagé 2







    ANNE ROTHSCHILD




    ■ Voir aussi ▼

    le site personnel d’Anne Rothschild





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  • Constance Chlore | [L’été n’en finit plus]




    [L’ÉTÉ N’EN FINIT PLUS]






    Constance Chlore Bastia 29 juin 2017
    lecture poétique de Constance Chlore
    29 juin 2017, Citadelle de Bastia, piazza Santa Croce
    Ph. angelepaoli







    L’été n’en finit plus
    Silencieuses baies rouges, noires Pétales colorés
    Partout : tes pas.

    Longues tiges mauves qui m’atteignent aux genoux ; mouvants des lumières des chemins éclairent l’épreuve en sa faim perpétuelle. La vie sonne l’indéchiffrable au visage.

    J’entre avec précaution
    Dans une végétation sans air : je cherche un nu de lumière
    L’ombre pleine de jambes me frappe au visage
    Avancer, avancer à grands coups de respiration
    Brusquement ce fut la fièvre
    Des yeux étincelaient dans l’herbe haute
    Ondulante et mystérieuse
    Alors commença l’ascension sur un étroit sentier
    Les herbes s’étendaient en eaux sources, en eaux fleuves, en grandes
    eaux transporteuses de flux, remous assourdissants
    Glissades À toute vitesse Le sang fit le tour de tout mon corps
    Pour oublier ton nom au mien mêlé
    Pour endormir ma fièvre
    Je n’ai rien vu
    Non
    Je n’ai rien vu
    J’ai senti tant de mouvements
    Me creusant
    Me vidant
    Tant de plaisir.

    Écoute Écoute à l’Est Écoute
    Quelques lampes allument encore ce que la digue retient
    Seule devant les eaux
    Les ombres rapides du vent Scrutent ce que je ne peux plus voir :
    Tu cherches ma bouche avec ton œil profond.

    Voir est plus prudent que toucher
    Voir est déjà te toucher
    Dans la mâchoire et l’œil
    Le soleil couve, habillé de mains.




    Constance Chlore, « La diagonale de l’animal », II, L’Alphabet plutôt que rien, poèmes, Éditions Éoliennes, Bastia, 2017, pp. 25-26.






    Constance Chlore  L'Alphabet plutôt que rien




    CONSTANCE CHLORE




    ■ Constance Chlore
    sur Terres de femmes

    Pierre étincelante



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la mél [Maison des écrivains et de la littérature])
    une notice bio-bibliographique consacrée à Constance Chlore
    → (sur le site des éditions éoliennes)
    la fiche de l’éditeur sur L’Alphabet plutôt que rien





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Lydia Padellec | « Île muette », II



    ÎLE MUETTE, II (extrait)




    Elle se balance dans la brume comme un hochet d’enfant ou comme dans son rocking-chair une vieille tricotant maille après maille ses souvenirs pour mieux les retenir. Elle se balance dans le silence d’un bateau fantôme. Tangue comme une bouteille à la mer. Sans message à l’intérieur. Sans mot ni secret. L’île. L’île en moi est muette.




    L’île en moi — caillou granuleux coincé dans la gorge — grandit et ne connaît pas son nom. Les mots s’y cachent comme dans la grotte de Platon. Je n’entends qu’un écho lointain de leur soupir.




    L’île creuse en moi, étiole ma chair — je fixe l’horizon à perte de souffle.



    Lydia Padellec, « Île muette », II, Mélancolie des embruns, Al Manar, Collection Poésie, 2016, pp. 21-22-23. Aquarelles de Catherine Sourdillon.






    Lydia Padellec, Mélancolie des embruns



    LYDIA PADELLEC


    Lydia Padellec portrait
    Source




    ■ Lydia Padellec
    sur Terres de femmes


    [C’est dans l’intimité du brin d’herbe…] [extraits] (extrait de Cicatrice de l’Avant-jour)[+ une notice bio-bibliographique]
    Dans la nuit profonde du jour (extrait de Cicatrice de l’Avant-jour)
    Entre l’herbe et son ombre (Titre provisoire) [extraits]
    [Ma chambre, c’est mon sanctuaire] (extrait de Mémoires d’une enfant dérangée)
    → (dans l’anthologie Terres de femmes)
    La mère [autre extrait d’Entre l’herbe et son ombre (Titre provisoire)]




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    Sur la trace du vent, le blog personnel de Lydia Padellec
    → (sur le site de la Maison des écrivains et de la littérature)
    une notice bio-bibliographique (+ des extraits)
    → (sur La Pierre et le Sel)
    un entretien avec Lydia Padellec





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