Étiquette : In memoriam


  • Didier Henry | Le poids des montagnes



    Gianmaria Testa3








    LE POIDS DES MONTAGNES


    Gianmaria Testa i.m.                    



    Les arcades, devant la gare de Coni,
    je me souviens que la place est en pente,
    on ne voit pas les montagnes, mais elles pèsent
    leurs vieux ravins de schistes noirs
    sur les villages, là-haut, vers la France…

    En voiture avec un ami, ce jour de foire,
    une trompette joue sous les arcades,
    on ne sait pas d’où vient le son
    qui tourne et emplit la place et la ville
    mêlé au sifflet d’un train qui part…

    Le chef de gare sur un quai solitaire
    se demande, lissant ses moustaches,
    s’il va sortir de l’étui la guitare
    cachée dans son bureau derrière l’armoire à soufflets
    pour en faire une chanson…

    Longtemps que j’allai à Coni,
    le joueur de tromba doit être mort,
    le chef de gare aussi, et mon ami…
    Pour alléger le poids des montagnes
    les arcades restent seules.



    Didier Henry, Continuo, éditions Faï fioc, 2020, page 68.





    Didier Henry  Continuo





    DIDIER HENRY


    Didier Henry portrait 2
    Ph. © Crocus | Quoc Trung Phan
    Source





    ■ Didier Henry
    sur Terres de femmes


    inachevée (poème extrait d’Instantanés) [+ une notice bio-bibliographique]




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur Terres de femmes)
    Gianmaria Testa | Il viaggio
    → (sur le site de France Culture)
    Gianmaria Testa et l’Italie d’aujourd’hui





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  • Claude Ber | In memoriam



    IN MEMORIAM
    Ad plures ire
    (extrait)



    Je te souviens pourtant au nid des corps à souvenir
    champ de maïs au traversant des plaines
    bruissant de vent
    sa coulée de couleuvre entre les épis

    fuyant le temps au dormant des fenêtres
    ce lit des blés couchés c’est ta tombe le tertre
    où ils s’arasent
    le cœur commun que nous a fait l’amour

    bat encore là je ne sais où
    son édifice immatériel perdu dans un bout de Beauce
    moissonné en bord de route droite

    dans l’odeur de foin grillé
    le bleu simple d’un ciel mince
    son clapet d’éternité refermé sur nous à nos mesures


    Au balancier des saisons (chaque septembre le remugle des feuilles fanées) tu suivais vivre, demain, encore ou bientôt
    les nuages sans terre visible à leur dessus
    la glissière des yeux curieux
    le plaisir que tu avais des gens, des choses
    Tu aimais aussi le courage et la clarté. Tout cela écarquillé par la mort. Sans équité. Sans justice. Le temps venu de moins que ton ombre dans sa paix.


    La folie a mangé la moitié de ma vie et l’entier de la tienne, riveraine de biais pendue aux pampilles de l’esprit comme dans le parfum poivré des immortelles la chair blanche des eucalyptus est sous l’écorce

    ce qui en réchappe s’agite désordonné et dérisoire
    dénué de sensation de soi-même
    une roue tourne silencieuse à la moue d’un capot
    puis plus rien à ce rien donné absolument

    ne reste de la nuit que ta rencontre, yeux vides, avec une telle tristesse d’être en mort que j’ai serré tes côtes creuses contre moi pour te consoler, berçant tes
    os
    et l’avenir offert comme un verre de vin je l’ai bu, trinquant au plus grand nombre que j’irai rejoignant, fuyant ma vie fuyante, que je croyais posée sur mon épaule voletant à mon cou l’apprivoisée, quand un fouet de soie a claqué une joue d’esclave à ma face et une voix de hache m’a finie au merlin telles les bêtes à l’abattoir autrefois, tandis que, soulagée de tout, dans le léger d’une vie soufflée comme un cheveu, j’ai ramené à mon visage le tien et tous ceux que j’ai aimés pour qu’ils m’emportent avec la joie que j’ai eue d’eux



    Claude Ber, “In memoriam, Ad plures ire,” in Épître Langue Louve, fragments 6, Éditions de l’Amandier, Poésie, Collection Accents graves Accents aigus, 2015, pp. 60-61-62.







    Claude Ber, Epitre, Langue Louve




    CLAUDE BER


    Claude-BER  ©-Adrienne-Arth NB
    Ph.© Adrienne Arth
    Source




    ■ Claude Ber
    sur Terres de femmes


    Épître Langue Louve (note de lecture d’AP)
    Il y a des choses que non (note de lecture d’AP)
    La mort n’est jamais comme (note de lecture d’AP)
    Je dis mer (extrait de La mort n’est jamais comme)
    Sinon la transparence (extrait du recueil Sinon la transparence)
    [Toujours la langue veut dire] (extrait du recueil Il y a des choses que non)
    Vues de vaches (note de lecture d’AP)
    Claude Ber, Pierre Dubrunquez, L’Inachevé de soi (note de lecture d’AP)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    le miel à la bouche




    ■ Voir aussi ▼


    le site de l’écrivain Claude Ber
    → (sur Place de la Sorbonne)
    une lecture d’Épître Langue Louve par Joëlle Gardes



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