Étiquette : Irlande


  • François Rannou | [Voix tombées derrière le mur]




    [VOIX TOMBÉES DERRIÈRE LE MUR]



    Voix tombées derrière le mur. D’un coup, nous
    en éveil, parlent de quoi ? Qui ? L’air trop haut, perdu, jamais ne
    brûle. Passent de l’autre côté,
    disparaissent, reviennent les
    rumeurs lointaines des
    télés par les
    fenêtres ouvertes.

    Ton corps contre moi serré. Eux
    de l’autre côté reviendront toujours
    sous d’autres visages. Tes doigts palpent la
    rugosité arrondie des bosses de béton, la fraîcheur
    mouillée lisse de ta peau aspirée entre
    mes lèvres.

    Serrure sans clé, la route entravée sent
    l’orage. Parabole de nos deux corps. Ouverts
    aux limites closes du temps barré, accélérant la poussée des herbes
    plates rêches jusqu’à nos reins.

    Soudain plus doucement, comme une brûlure, les cuisses tremblent.
    Les nuages roulent. L’os écume.

    La route trop droite, longtemps. À un moment,
    les virages et les mots conduisent le courant, laissent
    une cicatrice sur ta bouche. Ton visage efface
    vite ses traces, les lignes obliques au-dessus
    de l’usine renversent le paysage, « roule sans
    penser à rien ». Ton silence d’après n’étouffe pas
    le nom glissant sous tes paupières.

    Sur la route principale les camions filent vers
    la carrière. Au loin, moteur lancinant des moissons. Puis
    on ne voit plus le goudron. Sous les phares, la
    ligne de sable, celle d’un récit vitres
    ouvertes qui de l’intérieur se
    défroisse
    continument.




    François Rannou, « Next Station, III » in La Pierre à 3 visages (d’Irlande), Éditions LansKine, Collection Poéfilm, 2018, pp. 28-29.





    François Rannou  La Pierre à 3 visages (d'Irlande)






    FRANÇOIS RANNOU


    François Rannou
    Source




    ■ François Rannou
    sur Terres de femmes

    Sylvie Fabre G. | Une terre commune, deux voyages [chronique de Sylvie Fabre G. sur La Pierre à 3 visages (d’Irlande)]



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions LansKine)
    la fiche de l’éditeur sur La Pierre à 3 visages (d’Irlande)





    Retour au répertoire du numéro de mai 2018
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Geoffrey Squires | [L’obscurité nous a mis à la dérive encore]



    [DARKNESS HAS SET US ADRIFT AGAIN]



    Darkness has set us adrift again
    without our knowing it we have become
    children of the early morning tide
    while we lay and dreamed, the night
    slipped us our moorings

    we have been offered immortality
    but we prefer to take our chance
    out of homesickness perhaps
    or out of pride, or fear
    of another Troy

    yesterday I thought I saw again
    behind me on the horizon smoke
    from the burning city and a vision of
    my son praying, washing his hands
    in the grey surf






    [L’OBSCURITÉ NOUS A MIS À LA DÉRIVE ENCORE]



    L’obscurité nous a mis à la dérive encore
    sans que nous le sachions nous étions devenus
    enfants de la marée matinale
    alors que nous étions couchés et rêvions, la nuit
    a largué nos amarres

    on nous a offert l’immortalité
    mais nous préférons tenter notre chance
    par mal du pays peut-être
    ou par fierté, ou par peur
    d’une nouvelle Troie

    hier j’ai cru voir à nouveau
    derrière moi dans l’horizon la fumée
    d’une cité en flammes et la vision de
    mon fils priant, lavant ses mains
    dans les vagues grises



    Geoffrey Squires, Pierres noyées, édition bilingue, Éditions Unes, Nice, 2015, pp. 78-79. Traduit de l’anglais (Irlande) par François Heusbourg. Vignette de couverture de Robert Groborne.






    Pierres-noyees





    GEOFFREY SQUIRES


    Geoffrey Squires
    Source



    ■ Geoffrey Squires
    sur Terres de femmes

    Sans titre (extrait)
    [The sound changes as it moves] (extrait de Paysages et silences)





    Retour au répertoire du numéro d’octobre 2015
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes