Étiquette : Ito Naga


  • Ito Naga | Tout était lent




    [TOUT ÉTAIT LENT]




    En me retournant face - cette all-e vide au milieu des arbres- un vertige m-a saisi comme si j-avais nag- loin en mer.
    Ph., G.AdC






    Tout était lent l’autre jour dans la forêt : une chenille velue qui avançait si doucement, un bousier qui se démenait si mollement, une limace presque arrêtée…
    Sauf le train qui passait au loin…

    Une voix de fillette a surgi tout à coup : “Elle est où ? J’ai envie de l’écraser.”

    “Quand j’ai regardé ma main, le phalène que j’avais cru attraper sur la route s’était évanoui”, est-il raconté dans l’histoire de “Genji”. “Ou bien mes doigts ne l’avaient jamais tenu”.

    Impossible de me souvenir de ce mot, mais en en voyant un sur le bord du chemin, il m’est soudain revenu : élytre.

    En me retournant face à cette allée vide au milieu des arbres, un vertige m’a saisi comme si j’avais nagé loin en mer.

    Un instant au bord du monde.

    Le chant d’un coucou m’a remis en marche.

    Et rappelé ce contact délicieux avec le sol.

    J’essaie de recréer cette sensation de vertige pour la décrire, mais l’instant le plus aigu reste inaccessible.

    Tout à coup ma tête est lourde. Peut-être essaierai-je à nouveau tout à l’heure.

    Il faut que je marche. Pour me convaincre que je ne me trompe pas, il faut que je marche encore.

    Comme si le corps en marche entraînait la pensée. Ici un creux, là un chemin dégagé.




    Ito Naga, Iro mo ka mo, la couleur et le parfum, Cheyne Éditeur, Collection Grands fonds, 2010, pp. 27-28-29.





        Sous le pseudonyme d’Ito Naga se cache un éminent astrophysicien français, né en 1957. Il collabore régulièrement à la revue italienne Sud et a déjà publié un premier ouvrage Je sais chez Cheyne Éditeur en 2006, qui en est aujourd’hui à sa cinquième réédition.

        « Pas besoin d’être grand clerc pour constater que, du monde, de soi et des autres, on ne sait pas grand chose. Il n’empêche. Il en est, biologiste, astrophysicien ou écrivain, qui ne désespèrent pas d’en savoir plus. C’est le cas de l’auteur de ce livre. Sa méthode ? Celle du scientifique qui s’apparente à celle du poète ou celle du philosophe : un affût intense qui met en examen tout ce qui tombe sous le regard, l’ordinaire, l’infime, l’incident de préférence. Où se vérifie cette loi heureuse : sous chaque observation, mille énigmes nouvelles. » (Jean-Pierre Siméon)


    ■ Ito Naga
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  • Ito Naga, Iro mo ka mo



    Firefly
    Source






    IRO MO KA MO (extraits)



    Ce qu’était Pasolini a disparu du monde social et culturel, et manque” a écrit Robert Maggiori “comme les lucioles disparaissent du monde naturel et manquent”. À Kyoto, le long d’une rivière dans le quartier de Gion, il est écrit sur un panneau:
    “N’attrapez pas les lucioles, s’il vous plaît”.

    Elle aimait attraper les lucioles quand elle était enfant. Sentir leur odeur un peu pharmaceutique dans le creux de ses mains.

    Ensuite elle les glissait dans une tige d’oignon et les faisait tournoyer.

    Une tige verte pour donner une lueur plus verte encore.

    “Longtemps après que la fleur d’iris s’est fanée, on peut sentir son parfum délicat au creux de la tige si on la casse” expliquait Sei Shonagon.




    […]




    “C’est beau la vapeur”, a-t-elle dit devant un bol de thé vert.

    Est-ce la vapeur elle-même ou la fluidité de ses mouvements qui la ravit ?

    Elle se souvient de celles des sources thermales dans le sud du Japon. Elles montaient tout droit dans le ciel bleu et froid de l’hiver.

    Chaque couche de vapeur qui s’élève pourrait dévoiler un secret mais une autre vient aussitôt le masquer.

    Elle aime aussi remuer doucement sa tasse de thé pour voir les feuilles tourner.

    Et les observer comme des algues au fond de l’eau, des fonds marins miniatures.




    Ito Naga, Iro mo ka mo, la couleur et le parfum, Cheyne Éditeur, Collection Grands fonds, 2010, pp. 29, 73-74.





        Sous le pseudonyme d’Ito Naga se cache un éminent astrophysicien français, né en 1957. Il collabore régulièrement à la revue italienne Sud et a déjà publié un premier ouvrage Je sais chez Cheyne Éditeur en 2006, qui en est aujourd’hui à sa cinquième réédition.

        « Pas besoin d’être grand clerc pour constater que, du monde, de soi et des autres, on ne sait pas grand chose. Il n’empêche. Il en est, biologiste, astrophysicien ou écrivain, qui ne désespèrent pas d’en savoir plus. C’est le cas de l’auteur de ce livre. Sa méthode ? Celle du scientifique qui s’apparente à celle du poète ou celle du philosophe : un affût intense qui met en examen tout ce qui tombe sous le regard, l’ordinaire, l’infime, l’incident de préférence. Où se vérifie cette loi heureuse : sous chaque observation, mille énigmes nouvelles. » (Jean-Pierre Siméon)


    ■ Ito Naga
    sur Terres de femmes

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