Étiquette : Jacques Darras


  • Éric Sarner | Dezir —



    DEZIR —





    Exprimer, par la parole ou par l’écrit.
    Signifier, vouloir dire.
    Ke kyizo dezir, qu’est-ce qu’il a voulu dire ?
    (Faut-il aller jusqu’à demander,
    comme l’auteur du dictionnaire :
    « quel sens caché donne-t-il à ses propos ? » ?)
    Il a dû arriver souvent que la mère
    se retienne de poser une question,
    par crainte d’entrer dans une situation inextricable.
    Por dezir jwego no se kema la boka,
    Ce n’est pas en prononçant le mot feu
    qu’on se brûle la bouche,
    et donc un pronostic d’échec
    n’entraîne pas forcément des choses fâcheuses

    Por no dezir mas,
    on pourrait dire bien davantage.





    Éric Sarner, « Presque un chant d’errance », 80 mots de judéo-espagnol rapportés de voyage, 67, Cœur chronique, Le Castor Astral, 2013, in Sugar et autres poèmes, éditions Gallimard, Collection Poésie/Gallimard n° 558, 2021, page 261. Préface de Jacques Darras.







    Sarner  Sugar



    ÉRIC SARNER


    Eric sarner
    Source




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Gallimard)
    la fiche de l’éditeur sur Sugar et autres poèmes (Poésie/Gallimard)





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  • Ted Hughes | The Thought-Fox

    «  Poésie d’un jour  »



    La page est ecrite
    Image, G.AdC






    THE THOUGHT-FOX


    I imagine this midnight moment’s forest:
    Something else is alive
    Beside the clock’s loneliness
    And this blank page where my fingers move.

    Through the window I see no star:
    Something more near
    Though deeper within darkness
    Is entering the loneliness:

    Cold, delicately as the dark snow,
    A fox’s nose touches twig, leaf;
    Two eyes serve a movement, that now
    And again now, and now, and now

    Sets neat prints into the snow
    Between trees, and warily a lame
    Shadow lags by stump and in hollow
    Of a body that is bold to come

    Across clearings, an eye,
    A widening deepening greenness,
    Brilliantly, concentratedly,
    Coming about its own business

    Till, with a sudden sharp hot stink of fox
    It enters the dark hole of the head.
    The window is starless still; the clock ticks,
    The page is printed.


    Ted Hughes, « The Thought-Fox » The Hawk in the Rain, in New Selected Poems, 1957-1994, Faber and Faber, London, 1995, page 3.





    LE RENARD-ESPRIT


    J’imagine la forêt de ce moment de minuit :
    Quelque chose est là, qui respire
    Tout près de la solitude de l’horloge
    Et de cette page blanche où mes doigts courent

    Pas une étoile à la fenêtre :
    Quelque chose de plus proche
    Quelque chose de plus enfoui dans les ténèbres
    Vient pénétrer cette solitude :

    Aussi froid, aussi délicat que la neige obscure,
    Le museau d’un renard frôle la branche, la feuille ;
    Deux yeux servent un mouvement, lequel ici
    Et maintenant là, puis là, puis là

    Imprime ses traces nettes sur la neige
    Entre les arbres, et une ombre suit
    Prudemment le long des souches
    Ce corps qui a l’audace d’aller

    Au hasard des clairières, dont l’œil
    D’un vert agrandi, approfondi,
    Occupé de ce qui le regarde,
    Brille, se concentre

    Puis, dans une soudaine puanteur puissante de renard
    S’introduit dans la cavité obscure de la tête.
    La fenêtre demeure sans étoiles ; l’horloge fait tic-tac,
    La page est écrite.


    Ted Hughes, « Le renard-esprit », Le Faucon dans la pluie in Poèmes, 1957-1994, Éditions Gallimard, Collection Du monde entier, 2009, pp. 17-18. Traduction de l’anglais par Valérie Rouzeau.






    Voir aussi :
    – (sur le site de Richard Webster)
    Richard Webster, ‘The Thought Fox’ and the poetry of Ted Hughes, The Critical Quarterly, 1984 ;
    Earth-Moon: A Ted Hughes Website ;
    – (sur le site d’Ann Skea)
    The Ted Hughes Homepage ;
    – (sur Poezibao)
    une note de lecture sur Poèmes 1957-1994 de Ted Hughes, édité par Gallimard en juin 2009 ;
    – (sur Terres de femmes)
    Sylvia Plath, La lionne de Dieu (une chronique d’Angèle Paoli).

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