Étiquette : Jacques Garelli

  • Corse_3 2 juin 1931 | Naissance de Jacques Garelli

    Éphéméride culturelle à rebours
    «  Poésie d’un jour
     »



         Le 2 juin 1931 naît à Belgrade Jacques Garelli. Originaire de Valle d’Alesani (E Valli d’Alisgiani), en Haute-Corse, le poète a publié en 2011 aux éditions José Corti Fulgurations de l’être.

        À l’occasion du 80e anniversaire du poète, l’écrivain Jacques Fusina, traducteur paisanu du village voisin, avait traduit en corse deux poèmes extraits de ce dernier recueil, traduction que nous mettons en ligne ci-dessous. Jacques Garelli est décédé le 24 décembre 2014.





    CHOIX DU POÈTE


    Saisi du destin emprunté à une planète, sans plus revêtir son manteau d’écailles, il s’obstine à creuser l’amorce d’une pensée, qui a mis, sous boisseau, les couleurs dévolues à la patience des herbages, pour tenter à l’aveugle une marche sans balancier, dont l’enjeu, pour toute attente, ne tient qu’à un fil.
    Résonance d’une musique puisant ses sortilèges dans l’écho traversé de nul pourtour, partage nuancé, où le vide incombe à un geste unique, dont l’appel raye l’aurore, qui ourlait le jour.


    Jacques Garelli, Fulgurations de l’être, José Corti, 2011, page 46.





    SCELTA DI U POETA


    Pigliatu da u destinu prestaticciu d’una pianeta, senza sciaccassi più u so mantellu squamosu, s’intesta à scavà l’allusinga d’un pensamentu, chì hà nascostu, affattu, i culori tuccati à a pacenzia di l’erbaghji, da pruvà à pasponi di viaghjà senza bilancinu, chì u pegnu, in fin d’attesa, tene à un filu solu.
    Intronu d’una musica chì attinghje e so macanzie in u ribombu da nisun attondu trapanatu, spartera variulata, duve u viotu tocca à un gestu unicu, chì a so chjama zifra l’aurora, ella chì facia l’orlu à u ghjornu.

    Traduction inédite de Jacques Fusina







    Figuiers de Barbarie
    Ph. angèlepaoli






    CHIASMES SAUVAGES


    Figuiers de barbarie assaillis de guêpes, qui abandonnent leur suc aux insectes de saison, le temps, sans un regard, peut-on dire qu’il passe et que les feuilles résistent aux rafales de Novembre, dans l’attente millénaire des nouveaux rayons ?
    Cela s’est dit, pour sûr. Il faut et j’en passe. Buissons d’écailles, couteaux taillés à demi-chevaux. Ils vibrent dans le silence, tels des spasmes. Réseaux entrecroisés sous l’ombre d’un talisman.


    Jacques Garelli, Fulgurations de l’être, José Corti, 2011, page 48.





    INCRUCICHJATE SALVATICHE


    Fichi indiani assaltati da e vespe, chì lascianu u so suchju à l’insetti di stagione, u tempu, senza mancu un sguardu, si purrà dì ch’ellu passa è chì e fronde resistenu à e raffiche di nuvembre, in attesa millenne di e spire nove ?
    Si hè detta quessa, benintesa. Ci vole è ne lasciu. Prunaghji squamosi, curtelle tagliate à mezi cavalli. Trizineghjanu in u silenziu, cum’è spasimi. Rete intricciate sottu à l’ombra d’un talismanu.

    Traduction inédite de Jacques Fusina





    JACQUES GARELLI


    Vignette Garelli
    Source : le site José Corti



    ■ Jacques Garelli
    sur Terres de femmes

    Démesure de la poésie (+ bio-bibliographie)
    Fulgurations de l’être



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de José Corti)
    la fiche de l’éditeur sur Fulgurations de l’être
    → (sur Gattivi Ochja)
    un poème de Jacques Garelli traduit en corse par Stefanu Cesari
    → (dans les numéros 19-20, « Utopie » [Espace Corse] de la revue numérique québécoise Mouvances)
    sept poèmes inédits de Jacques Garelli
    le site Jacques Garelli mis en ligne par Thierry Leterre
    → (sur Terres de femmes)
    Yves Charnet | Difficile séjour (texte dédié à Jacques Garelli)



    ■ Jacques Fusina
    sur Terres de femmes

    Écrire en corse
    Les mots apprivoisés
    Libazioni di sangue | Libations de sang (Angèle Paoli) [Une traduction inédite de Jacques Fusina]





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  • Jacques Garelli, Fulgurations de l’être




    L--tre-au-Monde.
    Ph., G.AdC






    FULGURATIONS DE L’ÊTRE (extraits)




    Sans rendez-vous



    Ce sont des astres rémanents, des fontaines en cascades, des porches aux lanternes magiques.
    À suivre leurs parcours, dont nul n’a compris la raison ni le cours, il semblerait qu’ils se consument dans les traverses du désir, là, où les regards, dans l’infini, se croisent, sans fixer à jamais une fin à leur tourment.


    Jacques Garelli, Fulgurations de l’être, Éditions José Corti, 2011, page 129.





    Lisière de l’œuvre



    Par tranches d’âges, par coupes d’arbres, par socles de béton, par touches inopinées de clavecins sauvages, par émancipation de contrepoints hors de saisons et comme les fleuves se perdent pour émigrer parmi les sables, voici que meurt mais s’enracine, par fugues successives, l’amorce transfigurée d’un incurable commencement.


    Jacques Garelli, id., page 77.





    Sagesse



    L’ouverture ne s’épuise, ni le tir des flèches, ni dans l’atteinte d’une cible.
    Elle suspend un silence soudain creusé dans l’abîme, que compose la chute d’une écaille sous les serres d’un oiseau.
    Récurrence d’un meurtre, qui multiplie ses passes en un jeu, qui scintille au revers d’une couleur.


    Jacques Garelli, ibid., page 65.






    Fulgurations





    Pourquoi : « fulgurations », pourquoi : « Être » ? Parce que, depuis la plus haute antiquité grecque, l’Être apparaît comme sous-jacent aux individualités singulières : choses, événements, personnes, qualifiés d’« étants », auxquelles on ne peut le réduire. Corrélativement, les individualités ne peuvent se concevoir sans la puissance énergétique de l’Être, qui les sous-tend et leur donne naissance. Selon cette perspective, c’est souvent par fulgurations que l’Être fait apparaître les « étants », selon des mouvements d’émergences successives. Dans ce contexte, chacun des poèmes composant ce recueil oriente vers un au-delà inconnu, qui limite l’homme, sans qu’il perde pour autant contact avec l’ordre des choses servant de point de référence à la méditation ; celle-ci s’inscrivant dans la dimension « préindividuelle de l’Être-au-Monde. » […]
    Telles sont les pistes interprétatives, que l’ouvrage présente à la réflexion du lecteur.


    Jacques Garelli, extrait du Liminaire, ibid., pp. 9-10.





    JACQUES GARELLI


    Vignette Garelli
    Source : le site José Corti



    ■ Jacques Garelli
    sur Terres de femmes

    Démesure de la poésie (+ bio-bibliographie)
    2 juin 1931 | Naissance de Jacques Garelli (+ deux poèmes extraits de Fulgurations de l’être, traduits en corse par Jacques Fusina)


    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de José Corti)
    la fiche de l’éditeur sur Fulgurations de l’être
    le site Jacques Garelli mis en ligne par Thierry Leterre
    → (dans les numéros 19-20, « Utopie » [Espace Corse] de la revue numérique québécoise Mouvances)
    sept poèmes inédits de Jacques Garelli
    → (sur Terres de femmes)
    Yves Charnet | Difficile séjour (texte dédié à Jacques Garelli)





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  • Yves Charnet | Difficile séjour

    «  Poésie d’un jour  »


    DIFFICILE SÉJOUR



    Difficile séjour
    Ph., G.AdC



    pour Jacques Garelli






    La parole répond à l’absurde buée d’une douleur viscérale. Entre souffle et peau. Angoisse d’un spasme sans mémoire. Les hantises défilent. Carnet raturé. Fiction sabrée. Page gardée. ― Les trous dont se pare ma peau ouvriront ma parole aux morsures du vide.







    Les choses (me) pénètrent. Je suis la chaise. La vitre (me) coupe le souffle. Ô fines roues dentelées, vous moudrez le grain des angoisses ! Le poisson rouge est de la fête. Bruit d’eau dans le bocal du crâne. Odeur de Loire. Gratter jusqu’au vif. Ô fibules du froid agrafées dans la gorge ! Racler. Creuser la toux. Ce qui grognait avant les syllabes. L’autre maçonnerie de la langue. 18h40. Tic-tac immémorial, la glotte. 18h50.







    Jet sauvage ― la lumière ! Soleil, rage du cœur. Ô parole débordée ! Tu ne distingues plus l’ombre qui transporte ton corps. Souffle coupé. Pupilles criblées. Parole dérobée. Jusqu’au malaise de la couleur. Cailloux contre nuages. Du verre brisé exorcise tes vives anxiétés.







    Le silex tutoyé des étoiles, la barque pulvérisée des rumeurs, l’énigme bariolée des rêves dans l’insomnie féroce de la nuit. Tensions extrêmes d’un cri qui rudoie la conscience. Maux de ventre dans la genèse glacée du matin encore gardé de brouillards. Ces loques de patience, que couve la cendre, sont la tunique de mes déraisons. J’y nidifie jusqu’à midi. Pétrifié par le trafic nocturne de l’infini. L’ongle rongé du mur me défie avec la douceur féline d’une jeune fille. Le silence respire bruyamment. Ô souffle bref ! Feu court, mon supplice et ma furie ! Un rythme de hantise commémore l’angoisse immaculée des confins. J’y surgis sur du givre.







    L’aube prend. Dans un nid de bulles. La terre s’éclaircit. Jusqu’au bleu. Le bulbe des choses tremble. Les yeux du givre me foudroient. L’énigme de naître commence dans ce chant du monde. La clôture comme un pèlerinage du silence. L’oiseau-vitre traverse le paysage. D’un son de neige. La touffe du froid frémit. L’horizon communie avec ma solitude. Le monde s’épelle dans mon écoute. Je suis disponible au bleu. L’écuelle de chaque chose recueille ma soif. Racines, la lumière ! Les mots comme des mottes de terre. Souffle, les branches ! Les rythmes comme des éclats d’énergie. ―La fugue du matin incarne une prière nue.


    Yves Charnet, in Nu(e), Numéro 40, Numéro Yves Charnet coordonné par Philippe Met, 2009, pp. 188-189.




    _____________________________________________
    Note d’AP : Yves Charnet a consacré son mémoire de maîtrise à la poésie et à la poétique de Jacques Garelli : Le Verbe et la Pierre. La pensée du site dans la poésie et la poétique de Jacques Garelli (Paris VIII, 1988). Il emprunte ici à Jacques Garelli, dédicataire du texte, le titre d’un de ses recueils, paru avec L’Ubiquité d’être chez José Corti en 1986. Le second texte de cette suite a été repris dans Proses du fils, en tête d’une séquence intitulée « Versions du cerveau » (page 77).





    ■ Yves Charnet
    sur Terres de femmes

    14 juillet 1997 | Yves Charnet, Notes fantômes (inédit)
    La tristesse durera toujours (lecture d’AP)
    10 juin 2012 | Yves Charnet, La tristesse durera toujours (extrait)
    4 mars 2004 | Mort de Claude Nougaro (extrait de Quatre boules de jazz | Nougasongs d’Yves Charnet)
    Quatre boules de jazz | Nougasongs (lecture de Michèle Finck)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Terres de femmes)
    Jacques Garelli | Démesure de la poésie
    Trois poèmes critiques. En hommage à Jacques Garelli, poète, par Serge Meitinger






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