Étiquette : Jacques Lacarrière


  • Paul Valet | La liberté




    Jusqu'à l'oubli de mes cendres.
    Ph., G.AdC







    LA LIBERTÉ





    À l’orée de la liberté
    L’herbe se fait haute
    Parfumée
    Tendre
    Infranchissable


    La plaine d’où je viens
    A des yeux sans paupières


    Comment caresser
    Toutes les ailes qui m’habitent
    Avec des mains de proie ?


    J’ai perdu peu à peu
    Jusqu’à l’oubli de mes cendres.




    Paul Valet, Table rase, Mercure de France, 1963, in Jacques Lacarrière, Paul Valet | Soleils d’insoumission, Éditions Jean-Michel Place, Collection Poésie, 2001, page 60.







    Paul Valet PAUL VALET


    Paul Valet
    Source




    ■ Paul Valet
    sur Terres de femmes


    Raison vacante (poème extrait de Paroles d’assaut)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur La Pierre et le Sel)
    Paul Valet, la poésie à l’os
    → (sur remue.net)
    Paul Valet, par Jacques Josse
    → (sur le tiers livre)
    soleils d’insoumission : Paul Valet (+ quelques repères biographiques)
    → (sur le site de Guy Darol)
    une page sur Paul Valet





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  • Jacques Lacarrière | La criée des avoines




    Travelling photographique gersois
    Ph., G.AdC






    LA CRIÉE DES AVOINES



    Depuis qu’ont crié les avoines, il n’est rien
    Demeuré de l’extase des néfliers et sur les fleurs
    Seule est restée la détresse des papillons.

    Si longtemps je m’étais blotti
    Entre les siècles des sainfoins
    Pour guetter l’aveu de midi
    Et apprendre de sa blessure
    Pourquoi les blés se sacrifient.

    Mais l’inévitable est venu lorsque les avoines ont crié.
    Au plus secret de la moisson, là même où la faux s’arrêta,
    J’ai vu sur la joue de l’été perler le sang des crucifères.

    Que faire de la Résurrection
    Quand les épis n’ont plus de voix
    Et que l’aube même est brûlure ?

    Brasier stérile des buissons.
    Aucun visage ne viendra plus
    Sur le Sinaï des sillons.
    Ni aucun ange. Le ciel s’est tu
    Depuis qu’ont crié les avoines.




    Jacques Lacarrière, À l’orée du pays fertile, Œuvres poétiques complètes, Seghers, 2011, page 240.





    JACQUES LACARRIÈRE



    Source



    ■ Jacques Lacarrière
    sur Terres de femmes

    17 septembre 2005 | Mort de Jacques Lacarrière
    20 septembre 1971 | Mort de Georges Séféris (le dernier poème de Georges Séféris extrait de L’Été grec de Jacques Lacarrière)


    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (
    sur Chemins faisant, le site de l’Association des Amis de Jacques Lacarrière) l’hommage de Jean Malaurie à Jacques Lacarrière
    → (sur Arcane 17)
    l’hommage de Fabrice Pascaud à Jacques Lacarrière
    → (sur la revue de littérature Œuvres ouvertes, de Laurent Margantin)
    « Se souvenir de Jacques Lacarrière »
    → (sur ina.fr)
    un entretien de Jacques Lacarrière avec Jacques Chancel (Radioscopie, 11 juin 1976)

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  • 17 septembre 2005 | Mort de Jacques Lacarrière

    Éphéméride culturelle à rebours




        Le 17 septembre 2005 meurt à Paris Jacques Lacarrière, helléniste et voyageur.






    Jacques_lacarriere
    Image, G.AdC






    ÉCRIRE DONC, MALGRÉ L’APPEL DES SIRÈNES INSULAIRES


         Vivre dans une île grecque, contrairement à l’idée qu’on peut s’en faire, n’est pas du tout synonyme de vie paradisiaque. Pour s’y garder intact, pour maintenir l’autonomie et l’intégralité de son être face aux mille tentations insulaires, il faut une discipline quotidienne. Oui, une île grecque ― surtout dans les Cyclades ou le Dodécanèse ― est une tentation permanente de plages, de mer, de soleil, d’odeurs, de couleurs, de laisser-aller, de farniente. Si l’on veut y maintenir intacts ses désirs et sa volonté ― par exemple écrire ou travailler concrètement, régulièrement à quelque chose ― il faut connaître la différence vitale qui existe entre la vie contemplative et la vie végétative. À Patmos, bien que je n’y aie pas rencontré Calypso, j’ai compris expérimentalement les tentations d’Ulysse. En ces îles blanches essaimées sur la mer comme des jeux, des patiences délaissées par un enfant-dieu, tout conspire à vous vider de toute résolution. L’île entière devient une vaste sirène dont le chant ne cesse de vous dire par les rumeurs de la mer, celles du vent ou les appels des voisins : à quoi bon écrire, t’enfermer par un temps pareil ? N’entends-tu pas la mer qui t’appelle ? […]

        Écrire donc, malgré l’appel des sirènes insulaires, dont certaines étaient des tentations d’autant plus dangereuses qu’elles avaient des formes ― et des voix ― tout à fait humaines. Écrire, s’enfermer seul avec les phrases, s’amarrer aux mots, se lier à l’écriture tout en gardant l’oreille tendue vers le dehors et le dedans de soi, dans la polyphonie du présent et des souvenirs. Le Journal tenu à Patmos et dans les autres îles est ainsi rempli de notes quotidiennes sur les paysages, les habitants, la vie de chaque jour (notes reprises en partie dans L’Été grec) mais aussi sur tous les autres sujets me venant à l’esprit. Ma chambre était comme une cellule de moine : nue, d’une blancheur immaculée avec seulement au mur une icône. J’ai toujours rêvé d’un tel dépouillement pour écrire. Même l’unique icône, alors, me paraissait de trop mais je n’osais pas y toucher. Elle représentait saint Jean, le saint patron de l’île et la propriétaire me l’avait apportée exprès de chez elle, pour me faire plaisir. Oui, cette nudité, je ne l’ai rencontrée qu’en Grèce, dans cette cellule de Patmos et aussi sur une plage à l’écart, à une heure de marche environ, où se trouvait un petit café avec des tables et où, en général, j’étais seul toute la matinée. La mer aussi peut être nue, sans voile et sans écume, une nudité changeante, musicale mais si apaisante en ses chuchotements d’aube. Là, dans ce petit café, j’ai écrit surtout des poèmes. Beaucoup ont disparu. Quelques-uns sont restés. En voici un, retrouvé dans les carnets d’alors, que j’ai intitulé Mouettes :

                    Les mouettes heurtent le ciel comme un miroir
                    Où jamais elles ne se reconnaissent.
                    Leur véritable image erre dans la légende
                    Entre le sable humide et la mer à venir.
                    Les mouettes hantent le ciel comme un remords
                    D’ouate et de cendres
                    Elles, pensées sans repos, désirs jamais en place,
                    Vouées à questionner sans trêve
                    Leur sœur incompréhensible : l’écume.


         Et maintenant, une seule question : pourquoi raconter tout cela ? Écrire depuis sa naissance […] jusqu’à sa mort (ou juste avant) est-ce si important ? N’ai-je donc fait que cela pendant toutes ces années grecques : dépenser des trésors d’ingéniosité pour résister à la Beauté et pour écrire ? Est-ce là un programme de vie ? Eh bien, je réponds : oui.


    Jacques Lacarrière, Chemins d’écriture, Librairie Plon, Collection Terre humaine – Courants de pensée dirigée par Jean Malaurie, 1991, pp. 127-130.





    Jean_le_theologien_2
    Ο άγιος Ιωάννης ο Θεολόγος
    Source






    ■ Jacques Lacarrière
    sur Terres de femmes

    Jacques Lacarrière | La criée des avoines


    ■ Voir aussi ▼

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    Sur Chemins faisant, le site de l’Association des Amis de Jacques Lacarrière) l’hommage de Jean Malaurie à Jacques Lacarrière
    → (sur Arcane 17)
    l’hommage de Fabrice Pascaud à Jacques Lacarrière
    → (sur la revue de littérature Œuvres ouvertes, de Laurent Margantin)
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