Étiquette : Jean Malrieu


  • Jean Malrieu | [Depuis que le désert est arrivé devant ma porte]




    Tu es partie, avec des rires autour du cou.
    Ph., G.AdC







    [DEPUIS QUE LE DÉSERT EST ARRIVÉ DEVANT MA PORTE]



    Depuis que le désert est arrivé devant ma porte chargée de myrrhe et de questions
    Et que la pluie a enfin trouvé assez de consistance pour répondre à mon visage,
    Tu es partie, avec des rires autour du cou.
    Maintenant, le petit jour se lève, pâle comme le couteau et le visage de l’assassin,
    Perdu entre les siècles et les distances.
    Il faut se réveiller, sauter du lit, plonger les yeux dans le bassin de la lumière.
    Je bouge, appartenant au chœur des choses, serviteur des tables et des meubles, responsable des portes battantes, gardien du déluge qui monte entre le lit et le fauteuil.
    J’ai accueilli les mots trop grands pour ma mémoire.
    Des abîmes naissent sous mes pas.
    Au sein du jour, je me jette à la fenêtre pour qu’elle saigne.



    Jean Malrieu in Pierre Dhainaut, Jean Malrieu, Éditions des Vanneaux, Collection Présence de la poésie dirigée par Cécile Odartchenko, 2007, page 106.






    Dhainaut, Malrieu




    JEAN MALRIEU


    Portrait de Jean Malrieu
    Image, G.AdC



    ■ Jean Malrieu
    sur Terres de femmes

    21 juillet 1955 | Jean Malrieu, Lettre à Jean-Noël Agostini



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la revue Possibles, n° 23, août 2017)
    trois poèmes de Jean Malrieu
    → (sur Esprits nomades)
    plusieurs pages consacrées à Jean Malrieu






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  • 21 juillet 1955 | Jean Malrieu, Lettre à Jean-Noël Agostini

    Éphéméride culturelle à rebours


    La lumi-re d-compos-e de l-orage.
    Ph., G.AdC





    Montauban. Jeudi 21 juillet 55



    Chère Noelle, cher Noël


    Je vous écris de mon jardin enfin retrouvé ; un amoncellement de vert et, privé comme je le fus d’herbes et d’arbres, c’est avec une grande émotion que je contemple un gros pied de marguerites épanouies. Riez quand je vous aurai dit qu’elles ont figures humaines. Pas une qui ne se ressemble. Il y en a des timides, de voluptueuses, de naïves et je pense à une d’elles que j’ai contemplée longtemps parce que toute épanouie elle buvait vraiment l’air, le soleil.

    Il a fait depuis que nous sommes arrivés tous les temps. D’abord une chaleur dont vous n’avez pas idée : la vraie chaleur sans laquelle je suis volé de l’été. Une chaleur sans air, merveilleuse, suspendue. 45° à l’ombre. On y meurt. On y étouffe. Lever le petit doigt est épouvantable. On se traîne jusqu’au robinet de la cuisine. On se met entre les portes pour avoir des courants d’air. La lumière est blanche, jaune, décolorée – couleur des avoines folles mûres. De quoi être ravi parce que cela c’est la lumière de l’été de l’enfance. […]

    L’orage n’était pas loin. Il a menacé pendant 3 ou 4 soirs. Au second jour de notre arrivée, il y a eu une chose merveilleuse ; une chose jamais vue. La lumière décomposée de l’orage. La fin du monde, l’Apocalypse, c’est cela. Dans le ciel tout noir et virant au bleu sombre aux 4 coins, il y avait un trou de lumière et le vent soufflait aux 4 points cardinaux. La lumière pleuvait littéralement, une lumière de fin dernière si bien que tous les objets, tous les arbres (et je regardais les aiguilles de pin d’en face qui se détachaient) n’avaient pas d’ombre. Le tout baignait dans une lumière irréelle ; « on dirait la lumières des rêves », disait Pierrot. Et le banc du jardin, la table de marbre avaient des airs anciens, anciens. On ne savait où donner du regard… […]



                           À bientôt votre lettre.

    Écrivez-nous.

    Jean




    Jean Malrieu, Lettres à Jean-Noël Agostini, L’Arrière-Pays, Auch, 1999, pp. 44-45.




    JEAN MALRIEU


    Portrait de Jean Malrieu
    Image, G.AdC



    ■ Jean Malrieu
    sur Terres de femmes

    [Depuis que le désert est arrivé devant ma porte]



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la revue Possibles, n° 23, août 2017)
    trois poèmes de Jean Malrieu
    → (sur Esprits nomades)
    plusieurs pages consacrées à Jean Malrieu





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