Étiquette : Jean-Pierre Spilmont


  • Jean-Pierre Spilmont | Ici le soleil finit juste de se lever

    «  Poésie d’un jour  »





    Pourtant- le matin se l-ve ici comme il le fait - Shangha-
    Ph., G.AdC






    ICI LE SOLEIL FINIT JUSTE DE SE LEVER


    À Colette Nys-Mazure




        Où serons-nous demain ?


        Dans ce désert, peut-être, où les dieux n’ont jamais parlé ?


        Ils sont absents depuis si longtemps qu’on a lentement fini par les oublier.


        Il y a dans le monde des lieux où la lumière n’arrive pas.

        Des lieux d’exil où l’on se tient à distance pour oublier la lente défoliation des jours

        Pourtant, le matin se lève ici comme il le fait à Shanghaï, à Prague ou à Persépolis.

        Et l’on doit chaque matin renouer avec le désir.



        Ici, le soleil finit juste de se lever

        Un grand murmure vert accompagne le vent

        Quelle chanson montera en nous, doucement ? Quelle musique passera nos lèvres ?

        Nous chanterons à haute voix.

        Un homme se lèvera de son champ et ceux qu’il verra passer ne lui

        seront pas étrangers.


    *


        Il s’est levé ce matin un grand vent qui balaie les terrasses et fait battre les portes. un vent de plein hiver qui courbe la mince ligne d’arbres au pied des collines, loin de la route.
        Le pays se resserre comme un village après la pluie.
        Il s’offre, douloureusement. La lumière s’y mesure tout le jour aux quatre pans des toits offerts au dénuement du ciel.



        Ici monte une fumée qui détient des pouvoirs sur la mémoire des choses.
        L’horizon investit le regard. Il nous faut des demeures de terre et d’eau, ces abris de lumière, ces arbres, cette clarté pour choisir, enfin, non pas une île où accoster, mais l’infini mouvement des saisons. Leur voyage.
        Une vibration à peine perceptible se glisse entre les pierres.
        Lumière plutôt que mouvement.


    *



         Lumière encore.

        Miroir et mémoire de nos premiers balbutiements. Éclairant le lieu de nos amours comme celui de nos égarements et de nos fureurs.

        Lumière blanche. Implacable. Où vient s’inscrire, en creux, l’absence d’un invisible monde d’où seule pourrait naître, pourtant, la fragile fécondité de nos voix.

        Son pacte.         Sa fondation.

        Nécessairement provisoires.



    Jean-Pierre Spilmont, L’Incessant Tourment d’espérance in Lumière des mains suivi de L’Incessant Tourment d’espérance, Cadex Éditions, collection Marine, Russan – 30 190 Sainte-Anastasie, réédition augmentée, 2005, pp. 31-32-35. Photographies de Henri Maccheroni.






    JEAN-PIERRE SPILMONT

    Jean-Pierre Spilmont
    Source

    Voir aussi :

    – (sur le site des éditions Cadex)
    la fiche livre sur Lumière des mains de Jean-Pierre Spilmont ;
    – (sur Terres de femmes)
    Jean-Pierre Spilmont, Une saison flamande (note de lecture) ;
    le site consacré à Jean-Pierre Spilmont.



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  • Jean-Pierre Spilmont, Une saison flamande


    Jean-Pierre Spilmont, Une saison flamande,
    L’Amourier éditions, Collection Ex cœtera, 2008.






    Ce sentiment d'appartenance à un même silence
    Ph., G.AdC






    FLÂNERIE AU FIL DU PLAT-PAYS


         Arrière-pays. Arrière-pays baigné de brumes et d’eau, de lumières mouvantes et de formes lointaines. L’arrière-pays de la mémoire de Jean-Pierre Spilmont s’insinue dans la mémoire autre et pareille du promeneur-lecteur touché par l’incantation aérienne, légère, légèrement tremblée, d’Une saison flamande. Mystérieusement dédiée à Clarice Lispector et à L’Heure de l’étoile, œuvre inachevée, cette flânerie en Flandres est une invite à la « réplique ». Réplique de Jean-Pierre Spilmont « au silence de la lumineuse Clarice » ; réplique de la lectrice que je suis au promeneur d’Une saison flamande. Une œuvre en quête de complicité et de compagnonnage. Et le compagnonnage se fait, immédiat et confiant, à travers un même regard et des interrogations identiques. Comment la permanence, si infime soit-elle, peut-elle surgir de l’éphémère et du fugace ? « Pourra-t-on dire, un jour, avec des mots, le poids de la lumière ? »

         Le poids de la lumière se dit, sans pesanteur aucune, au fil des chapitres ― huit en tout ― de ce petit livre précieux. Et l’on chemine ― vers quelle « Compostelle du cœur » ?―, touché par ce sentiment d’appartenance à un même silence, le long des voies d’eau médiévales qui desservaient, aux temps lointains de la navigation hauturière, les villes flamboyantes de la Hanse. Jusqu’aux périodes d’ensablement du Zwyn et d’endormissement des ports, conté par les légendes. De Bruges à Damme, de Damme à Sluis, de Sluis à Ostende, le pays de Flandres est là, contenu dans son histoire et dans ses paysages. Et l’on redécouvre, derrière le nom connu de Thyl Ulenspiegel, héros flamand ― « archétype des Gueux » ―, celui oublié de l’impertinent Poelgier, membre éminent de la Chambre de rhétorique De Fonteine ; mais aussi celui de Chrétien de Troyes à qui le comte Philippe de Flandre fit don, vers 1180, d’un « livre en latin » narrant l’histoire de Perceval, que Chrétien traduisit et mit en vers. Et l’on se prend à rêver, dans les ruelles de Courtrai, au mystère des Béguines. Béguines du Plat-Pays, de Rhénanie et du Nord de la France, communautés laïques cloîtrées derrière leurs remparts ; à Marguerite Porète, auteur du Mirouer des simples âmes anienties et qui seulement demourent en vouloir et désir. « Âme libre » brûlée vive en place de Grèves parce que jugée hérétique et relapse.

         Et l’on s’arrête à Gand, devant L’Agneau mystique, peint par Jan Van Eyck pour l’Église Saint-Bavon. « L’œil écoute », présent à ce « mystère qui a nom beauté », attentif au bruissement que « fait le visage humain à travers les siècles ». De part et d’autre des multiples visages qui animent le polyptyque ― visages humains que rien ne sépare sinon le temps, des visages absorbés dans la contemplation du tableau ― « s’impose l’extraordinaire beauté d’Ève et d’Adam ». Jean-Pierre Spilmont se prend à imaginer que le peintre a représenté le « couple primordial » sous les traits d’êtres désirants, prêts à inventer la vie de leur descendance. Peut-être Van Eyck avait-il en mémoire, lorsqu’il peignit leur visage, les chansons d’aube, empreintes de lucidité et de nostalgie ? De cette nostalgie qui laisse à penser que les amants ont « approché quelque chose de l’éternité ».

         Au cœur du « plus poétique des voyages », bien des mystères subsistent, bien des interrogations demeurent qui ne peuvent être abordées que dans le silence et le presque recueillement des saisons automnales. L’étranger Jean-Pierre Spilmont se promet de revenir à ces terres-miroirs, noyées d’eau et de mémoire. Pour tenter d’approcher une fois encore, aux confins du réel et de l’histoire, « la part de lumière de notre humanité ».


    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    JEAN-PIERRE SPILMONT

    Jean-Pierre Spilmont
    Source


    Voir aussi :

    le site consacré à Jean-Pierre Spilmont ;
    – (sur le site des éditions L’Amourier)
    la fiche consacrée à Une saison flamande ;
    – (sur Terres de femmes)
    Jean-Pierre Spilmont/Ici le soleil finit juste de se lever.




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