Étiquette : Jean Portante


  • Jean Portante, L’Aquila

    par Angèle Paoli

    Jean Portante & David Hébert, L’Aquila,
    Éditions des Vanneaux, collection Carnets nomades, 2015.



    Lecture d’ Angèle Paoli


    DH Aquila
    Dessin de David Hébert
    in Jean Portante, L’Aquila, Éditions des Vanneaux, Carnets nomades.









    DÉSESP-ERRANCE À TRAVERS LES RUINES




    Septembre 2017 : Tavoliere della Puglia, les étendues s’étirent sous mes yeux, vastes et dorées sous ciel d’automne. Les éoliennes tournent plein Sud. Les villages sur éperons rocheux s’accrochent plein ciel. Veillés par les cimes du Gran Sasso. Les Tavoliere, anciennes terres de transhumances des rois d’Aragon, traversent de part en part. De Naples à Foggia et de Foggia à Naples.

    J’observe les noms qui surgissent le long de la transversale qui va de la Campanie aux Pouilles. Certains éveillent en moi le souvenir lointain de textes étudiés jadis au lycée. Pescara, Foggia, L’Aquila. Et celui des Abruzzes. J’aimerais bifurquer, prendre la tangente. Mystérieuses Abruzzes. Ce ne sera pas pour ce voyage. Heureusement, il y a les livres. Et parmi eux, depuis quelques jours, celui de Jean Portante. Il vient combler un vide et raviver un désir. L’Aquila/Carnets Nomades/Éditions des Vanneaux. Et des dessins signés David Hébert. L’Aquila. J’ignorais jusqu’à ce jour que la famille de Jean Portante — qui est né, vit et réside au Luxembourg — fut originaire de cette ville. L’Aquila. Un fantôme de ville. Détruite par le séisme du 6 avril 2009. Un coup de poignard pour le poète Jean Portante. Secousse dans les entrailles. Déchirement. Il faut retourner à L’Aquila. Impérativement. Et écrire, écrire. D’urgence. Pour tenter de saisir ce qu’il est advenu d’elle : « où va l’âme d’une ville quand elle s’évapore ? », s’interroge le poète. Comment ranimer les souvenirs de ce qu’elle fut sinon en remettant ses pas dans les pas de l’enfance ? Ce qu’il reste d’une vie partagée par l’enfant avec les siens. Si peu de choses. Le souvenir d’une épicerie et de son coupe-mortadelle, quelques bons mots, des visages et des sourires. Des accents. Des timbres de voix. Des fantômes, habillés de tendresse par le poète.

    Revenir sur ses pas, revenir sur le passé, celui défunt de la Città, celui, tout aussi défunt, des siens. Père/mère/grands-parents, paternels/maternels, auxquels le livre est dédié. De même qu’il joue sur la trajectoire Nord/Sud (ou Sud/Nord), le texte de Jean Portante joue sur cette alternance ou cette double localisation. Connaissances historiques d’un côté. Souvenirs personnels de l’autre, ravivés par les photos prises par le père aux côtés de l’enfant de cinq ans, de douze ans… « Douze photos, pas une de plus ». Plutôt onze, parce que la dernière, celle du grand-père mineur, mort dans le Nord, est noire. S’inventer cette contrainte : « c’est comme si j’écrivais un sonnet. quatorze vers, pas un de plus. la contrainte ne bride pas. elle pousse vers l’essentiel. vers les douze stations du départ… ». Une fois fixé son cadre, le poète peut écrire. Il évoque la vie à San Demetrio, « à un battement d’aile de l’aquila ». Une vie de tous les jours, un peu à l’ancienne. Celle des années 1950. Une vie modeste. Famille de paysans du Sud, de mineurs contraints à l’exil dans le Nord pour vivre. Une vie un peu ralentie mais de qualité, et non dépourvue de grandeur. Peut-être héritée de l’Antiquité. Une grandeur qui nourrit la fierté de l’enfant. Car L’Aquila est ville sabine. Le rapt de ses femmes par les Romains a été immortalisé. Les historiens de l’Antiquité s’en sont emparé. Plus tard, les peintres. Poussin, David Cortone, Schönfeld… L’Aquila est aussi la patrie de Célestin V (1209 -1296), élu pape en 1294, dont le gisant repose à Sainte-Marie de Collemaggio. Elle est aussi celle du célèbre Salluste, né en —86 à Amiternum, ville fondée par les Sabins. Devenue par la suite Aquila. Puis L’Aquila.

    « salluste l’aquilain, dont la statue de bronze noir est plantée au milieu de piazza palazzo, à l’aquila, au cœur du centre historique… ».

    Ces évocations raniment en moi le souvenir des Lettres Latines de Morisset-Thevenot. La Conjuration de Catilina. L’enfant Jean Portante, lui, ne rêve que d’aigle. « L’Aigle est un rêve d’enfance qui a tenu bon », écrit-il dans « journal d’un tremblement » (29/03/2013). Qui plus est, la vieille cité des Abruzzes s’offre le luxe d’une double étymologie. Celle de l’aigle bien sûr — aquila —, devenu l’emblème de la ville et de toute la région. Mais aussi celle de l’eau (Aquila est également un dérivé du latin acqua). La ville est en effet célèbre pour sa richesse en eau. Symbolisée par la fontaine aux 99 cannelle. 99 mascarons d’où jaillissent les eaux de l’Aterno.

    Pourtant, dans la nuit du 6 avril 2009, pareille grandeur n’a servi à rien. Une fois encore, L’Aquila, capitale des Abruzzes, a subi les assauts de la Terre, a vécu déchirures et tremblements imprévisibles. En quelques heures, comme cela s’était déjà produit en 1461 et en 1703, les plus beaux monuments, leurs architectures ouvragées, témoignages d’art et d’histoire, se sont écroulés, transformant les rues et les places en un vaste champ de ruines. Un paysage de guerre sans le vrombissement des avions de bombardement.

    Les allusions à cette tragédie récente sont consignées dans le « journal du tremblement. » Lequel s’étire sur quelques années. Du 3 avril 2009 au 3 mai 2014. Rédigé en italiques, le texte de ce journal alterne avec le texte courant en caractères romains et non daté. Cependant, quelle que soit la forme choisie, ce qui caractérise l’écriture de ce Carnet nomade consacré à L’Aquila, c’est le « brouillage de pistes », dont l’absence totale de capitales après les points. De sorte que les phrases s’enchaînent sans répit et que patronymes et toponymes sont mis au même rang que les noms communs. De sorte aussi qu’il faut garder son calme pour retrouver l’histoire du cantore epico dell’[a]quila [b]uccio di [r]anallo (1294-1363), noyée dans le texte courant. Il arrive que les yeux tombent par hasard sur les noms de « natalia ginzburg, moravia, calvino, pasolini, gadda, pirandello » et de tant d’autres encore… La lecture bute quelques instants, le temps de revenir à la phrase précédente pour vérifier si un enchaînement possible aurait échappé. Puis l’œil s’accoutume et imprime lui-même ses pauses et ses reprises sans la moindre hésitation. Parfois un souffle puissant s’empare de la page, secoue les torpeurs, emporte dans sa flamme. On ne peut qu’être pris par ce récit qui mêle intime et explicitations savantes, références historiques et gestes du quotidien. Avec toujours, en ligne de fond, pareille à une trajectoire imprimée en filigrane, cette déchirure qui va du Nord au Sud et du Nord au Sud. Ligne qui suit les déplacements imposés par l’exil ; depuis les terres ancestrales jusqu’aux terres d’accueil.

    Ainsi de cet extrait :

    « le lac de sinizzo. en face il y a le cimetière. le cimetière sud. avec son allée de cyprès. y dort grand-père. l’autre grand-père dort sous un bloc de minerai. un bloc du nord. on dit que mourir est une tasse d’obscurité. et on dit que boire dans cette tasse n’empêche pas de voir que les aigles qui passent ont un brin de temps dans leur bec. grand-mère est morte à quatre-vingt-dix-neuf ans. comme elle, l’aquila est restée dévouée au nombre quatre-vingt-dix-neuf. »

    Au détour d’une rue, au détour d’une réflexion, une question brûlante fait soudain irruption. Que deviennent les morts dont les tombes ont été éventrées par le séisme ? Où vont les âmes secouées par les déchirures de la croûte terrestre ? Il faut être originaire de pays méditerranéens pour s’interroger de la sorte. Jean Portante, davantage homme du sud que luxembourgeois, résout avec humour cette préoccupation :

    « on m’a dit que le cimetière de san demetrio n’a pas été épargné par le séisme. c’est là que vit l’âme de mon grand-père. au pied d’un énorme cyprès qui lui fait de l’ombre. j’imagine la tombe, la dalle qui tremble et grand-père qui par une fente toute fine se glisse dans le monde des tremblants. je le vois jouant aux cartes devant sa tombe avec les autres âmes qui se sont faufilées hors de leurs demeures crevassées. ils jouent à quatre trois sept, ils jouent à scopa, ils se racontent des histoires. à quoi bon peuvent bien ressembler les histoires des âmes après le tremblement de terre ? »

    Ainsi s’interroge Jean Portante dans son journal d’un tremblement (30/04/09)

    Les dessins de David Hébert disent tout cela, qui émaillent le texte et l’enrichissent dans l’important dossier qui fait suite. Structures éventrées, échafaudages, imbrications de lignes distordues, colonnes déstructurées, clochers tremblant sur leurs fondations, rosaces décentrées. Les étais, les écoperches et les traverses empêcheront-ils les murs de s’effondrer à la prochaine colère de la croûte terrestre ? Des traits grillagent l’espace. Le regard tente une percée dans ces enchevêtrements. L’architecture ainsi bousculée prend des allures piranésiennes inquiétantes et fascinantes. Parfois un ange s’élance, acrobate ailé, à la rescousse des cloches muettes. D’autres fois, la silhouette d’un chien solitaire traverse la page blanche. Trouée de silence. Le vide prend à la gorge. Une étrange tristesse nous saisit. Celle d’une longue errance éperdue à travers ruines.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Jean Portante  L'Aquila 3





    JEAN PORTANTE


    Jean Portante
    Ph. Guy Jallay
    Source




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions des Vanneaux )
    la fiche de l’éditeur sur L’Aquila






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  • Luigi Cannillo | [L’horizon prépare de nouveaux réveils]



    Scipione 2
    Scipione (Gino Bonichi), Piazza Navona, studio, 1930
    Collection privée
    Source







    [L’ORRIZONTE PREPARA NUOVI RISVEGLI]


    XVI


    L’orizzonte prepara
    nuovi risvegli ancora privilegio
    cullarli nel silenzio
    nuovi scenari alla contemplazione
    Gli occhi restituiscono
    loro malgrado la visione al mondo,
    ne leggono il rovescio
    Senza parole potrò finalmente
    illuminare il nome in volo
    issato in tutto il suo clamore
    prima di ricondurlo al coro e alla quiete
    Sarà lo sguardo a richiamare
    a cenni paesaggi da terrazze
    ma tu che adesso non rispondi
    davanti a quella tela piangi o fuggi?



    Luigi Cannillo, Cieli di Roma, LietoColle, collana Aretusa, 2006, pagina 26.






    Cieli di Roma








    [L’HORIZON PRÉPARE DE NOUVEAUX RÉVEILS]


    XVI


    L’horizon prépare
    de nouveaux réveils privilège encore
    à bercer dans le silence
    de nouveaux décors pour la contemplation
    Les yeux restituent
    malgré eux au monde la vision,
    ils en lisent l’envers
    sans paroles je pourrai enfin
    illuminer le nom en vol
    hissé dans toute sa clameur
    avant de le reconduire au chœur et au calme
    Ce sera le regard qui appellera
    par des signes des paysages sur des terrasses
    mais toi qui maintenant ne réponds pas
    devant cette toile pleures-tu ou t’enfuis-tu ?



    Luigi Cannillo, Ciels de Rome (extraits) in « 7 poètes italiens d’aujourd’hui », Inuits dans la jungle, numéro 5, 2014, page 40. Traduction de Jean Portante.






    Inuits 5





    LUIGI CANNILLO


    Luigi Cannillo
    Source




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions LietoColle)
    une lecture (en italien) de Cieli di Roma par Maria Grazia Calandrone (recension publiée dans la revue Poesia – settembre 07)






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  • Elisa Biagini | La gita



    LA GITA
    (brano)




    “Devo rassegnarmi a non poter qui
    raddrizzare nulla”
    NATHAN ZACH

    Un vento che m’impasta
    col soffione, che mi
    fonde le suole mentre
    faccio la mia
    cernita: quale sasso
    ti ricorda, il suono
    di quale sirena.


    Adesso è il tempo della
    miniera della terra
    che mi sfiora il capo,
    del parlare indurito,
    della lampada spenta.






    IMGP3828
    Ph., G.AdC





    Scale dentro la roccia
    grattano il fondo, dove
    si sudano sassi e il cuore
    gorgoglia.






    IMGP3829
    Ph., G.AdC





    Ci scendiamo in miniera
    seguendo briciole di
    pirite, ci si scende
    con gli occhi, coi ginocchi,
    ci si scende a cercare
    la traccia, la goccia
    che ha segnato la pietra
    col cadere, che fa la
    memoria traboccare.

    (ci sciogliamo
    col caldo, goccia
    a goccia, ci
    rimpastiamo
    al mare.

    ci ritroviamo,
    nodo nella
    palpebra.)

    Dentro ascolto il
    legno del sostegno,
    conto le micce che
    aprono alla vista,
    ci raduno prima
    della volata,

    ci cerco
    nel buio e nel calore.

    Ci cerco, a noi due:
    tu nube di memoria,
    io che mi sfuggo
    come di mercurio,
    tremito di termometro
    che ingoio, vetro e tutto.

    (Un treno dal buio,
    un piede per binario,
    un occhio accecato che
    ti cerca,

    un treno
    nel buio, che t’aspetta.)


    […]



    Elisa Biagini, La gita in Da una crepa, Giulio Einaudi Editore, Collezione di poesia 421, 2014, pp. 53-54.







    Da una crepa








    L’EXCURSION
    (extrait)




    « Je dois me résigner à ne pouvoir ici
    rien redresser »
    NATHAN ZACH




    Un vent qui me pétrit
    dans le pissenlit, qui fait
    fondre mes semelles pendant
    que je fais mon
    tri : quelle pierre
    te rappelle, le son
    de quelle sirène.

    Maintenant est le temps de
    la mine de la terre
    qui m’effleure la tête,
    du parler endurci,
    de la lampe éteinte.

    Escaliers à l’intérieur de la roche
    grattent le fond, où l’on
    sue des pierres et le cœur
    gargouille.

    Nous y descendons dans la mine,
    en suivant des miettes de
    pyrite, on y descend
    avec les yeux, les genoux,
    on y descend chercher
    la trace, la goutte
    qui a marqué la pierre
    avec la chute, qui fait
    déborder la mémoire.

    (Nous nous diluons
    avec la chaleur, goutte
    à goutte, nous
    nous mélangeons
    à la mer.

    Nous nous retrouvons,
    nœud dans la
    paupière.)






    IMGP3826
    Ph., G.AdC





    Dedans j’écoute le
    bois du soutien,
    je compte les mèches qui
    ouvrent la vue,
    je m’y joins avant
    l’envol,

    j’y cherche
    dans l’obscurité et la chaleur.





    IMGP3827

    Ph., G.AdC





    J’y cherche, nous deux :
    toi nuée de mémoire,
    moi qui m’échappe
    comme du mercure,
    tremblement de thermomètre
    que j’avale, verre et tout.

    (Un train de l’obscurité,
    un pied pour chaque voie,
    un œil aveuglé qui
    te cherche,

    un train
    dans l’obscurité, qui t’attend.)

    [… ]



    Elisa Biagini, « Sept poètes italiens d’aujourd’hui » in Inuits dans la jungle, Numéro 5, 2014, pp. 26-27-28. Poème traduit de l’italien par Jean Portante.





    ______________________________
    NOTE d’AP : une anthologie bilingue (italien-anglais) des poèmes d’Elisa Biagini a paru en 2013 chez Chelsea Editions sous le titre The Guest in the Wood: A Selection of Poems 2004-2007, et a obtenu le prix BTBA 2014 (Best Translated Book Awards for poetry).







    Inuits 5






    ELISA BIAGINI


    Elisa Biagini 2




    ■ Elisa Biagini
    sur Terres de femmes

    Nel bosco | Dans le bois (note de lecture d’AP)
    [Les nuits se ferment] (poème extrait de Depuis une fissure)
    Depuis une fissure (note de lecture d’AP)
    Sotto i castagni (extrait du recueil L’ospite) (+ notice bio-bibliographique)
    Elisa Biagini au Centre d’Études Poétiques de l’ENS de Lyon (chronique de Marie-Ange Sebasti)
    Anne Sexton | Elisa Biagini | Due mani… Due voci (trois poèmes extraits de Nel bosco, avec leur traduction en français par AP)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Da una crepa
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le portrait d’Elisa Biagini (+ un poème extrait du recueil L’ospite, un poème extrait d’Acqua smossa et un poème extrait de Da una crepa. Traduction inédite d’AP)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    le site personnel d’Elisa Biagini
    → (sur Lyrikline)
    dix poèmes d’Elisa Biagini dits par Elisa Biagini (+ traduction française)
    → (sur Italies)
    Anthologie bilingue d’Elisa Biagini, par Estelle Ceccarini
    → (sur Italies)
    La poésie d’Elisa Biagini, images de l’intime et démystification du monde, par Estelle Ceccarini
    → (sur Poetry International Web) une
    bio-bibliographie d’Elisa Biagini (+ de nombreux poèmes)
    → (sur Nazione Indiana)
    Domande da una crepa: intervista a Elisa Biagini
    → (sur le site de Chelsea Editions)
    une page sur Elisa Biagini






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  • Jerome Rothenberg | Ancestral scenes (IV)



    ANCESTRAL SCENES (IV)



    young boy standing on
    a table
    from his clothes hang
    watches jewelry
    saffron-lidded eyes of his old grandfather
    stare into his
    between them start
    processions of
    pale jewish angels
    throwing coins
    that roll against the icing
    of a cake
    into which dough is traced
    words of power
    the picture of a fish
    & many small holes
    punched
    into the surface
    “therefore they called this cake a sieve”







    SCÈNES ANCESTRALES (IV)



    petit garçon debout sur
    une table
    de ses vêtements pendent
    des montres des bijoux
    les yeux paupières safran de son vieux grand-père
    fixent les siens
    entre les deux passent
    des processions de
    pâles anges juifs
    lançant des pièces
    qui roulent contre le glaçage
    d’un gâteau
    dans lequel la pâte a sa trace
    mots de pouvoir
    l’image d’un poisson
    & beaucoup de petits trous
    poinçonnés
    dans la surface
    « voilà pourquoi ils appelaient ce gâteau un tamis »



    Jerome Rothenberg, Pologne/1931 [Poland/1931, New Directions, New York, 1974], édition bilingue, Éditions Caractères, Collection Planètes, 2012, pp. 110-111. Traduit de l’anglais par Jean Portante et Zoë Skoulding.






    Jerome Rothenberg, Pologne 1931







    JEROME ROTHENBERG


    Rothenberg-1
    Source



    ■ Jerome Rothenberg
    sur Terres de femmes

    Conversations en maya (extrait de Secouer la citrouille)
    Poèmes des carnets du castor
    Visées : Kunapipi



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Poetry Foundation)
    une bio-bibliographie (en anglais) de Jerome Rothenberg





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  • Antonella Anedda | Archipel



    ARCIPELAGO (UN COLLASSO)
    Triptyque photographique, G.AdC







    ARCIPELAGO (UN COLLASSO)




    Rosso e grigio, una corona spezzata di granito e sale

    un soffio nel cuore di ogni scoglio.


    Sono caduta sotto poche nuvole
    un giorno di piena primavera
    con un cespuglio piegato sotto il corpo
    e l’intero promontorio sulla nuca.
    Avevo la sabbia nelle orecchie, la zampa
    del cane incerta sulle tempie.
    Uno smottamento simile a quello che conosciamo in sogno
    l’istante in cui il moto sembra trovare l’enigma dello spazio.


    Tutte le isole volavano
    riproducendo con esattezza il vuoto tra le pietre
    riempiendosi di vento a ogni sosta
    i sassi scattavano fischiando
    come fionde fino al gelo dei piedi
    e il fiato era un tronco con foglie da inghiottire
    a occhi stretti, fino alle radici.


    Prima ci fu la casa, grigia, perfetta dentro il sole
    assi sconnesse, vecchi chiodi, una sedia,
    poi quel fischio misto a voci
    due bambini e la lingua del cane
    come un tocco d’infinito sulla gola.
    Forse fu questo che mostrò al destino
    come ancora mi ardesse la linea della vita


    quando la mano scorticata si mosse
    a scacciare una mosca
    che puntò decisa verso il cielo.




    Antonella Anedda, “Maddalena” in Il Catalogo della gioia, Donzelli editore, Collana Donzelli Poesia, 2003, pp. 108-109.







    ARCHIPEL (UN COLLAPSE)



    Rouge et gris, une couronne brisée de granit et de sel
    un souffle dans le cœur de chaque écueil.


    Je suis tombée sous peu de nuages
    un jour de plein printemps
    avec un arbuste plié sous le corps
    et l’entier promontoire sur la nuque.
    J’avais du sable dans les oreilles, la patte
    incertaine du chien sur les tempes.
    Un éboulement semblable à celui que nous connaissons dans le rêve
    l’instant où le mouvement semble trouver l’énigme de l’espace.


    Toutes les îles volaient
    reproduisant avec exactitude le vide entre les pierres
    se remplissant de vent à chaque halte
    les pierres bondissaient en sifflant
    comme des frondes jusqu’à la glace des pieds
    et le souffle était un tronc avec des feuilles à engloutir
    avec des yeux étroits, jusqu’aux racines.


    Avant il y avait la maison, grise, parfaite dans le soleil
    axes déconnectés, vieux clous, une chaise,
    puis ce sifflement mixte de voix
    deux enfants et la langue du chien
    comme une touche d’infini sur la gorge.


    Peut-être est-ce cela qui a montré au destin
    comment encore brûlait pour moi la ligne de la vie


    quand la main écorchée s’est mise
    à chasser une mouche
    qui pointait décidée vers le ciel.




    Antonella Anedda, in « 7 poètes italiens d’aujourd’hui », Inuits dans la jungle, Numéro 5, janvier 2014, pp. 21-22. Présentation et traduction de Jean Portante.





    _________________________
    NOTE d’AP : Antonella Anedda a publié en 2013 : Isolatria. Viaggio nell’arcipelago della Maddalena (Laterza, Collana Contromano).







    Inuits 5






    ANTONELLA ANEDDA


    Antonella Anedda
    Source



    ■ Antonella Anedda
    sur Terres de femmes

    février, nuit
    mars, nuit
    mai, nuit
    octobre, nuit
    novembre, nuit
    13 décembre **** | Fête de sainte Lucie (décembre, nuit)
    Avant l’heure du dîner (+ une notice bio-bibliographique)
    Le dit de l’abandon
    Per un nuovo inverno
    Ritagliare
    S
    11 septembre 2001
    10 février 2013 | Antonella Anedda, Senza nome. Sartiglia (extrait de Salva con nome)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Salva con nome
    → (dans la Galerie « Visages de femmes ») le portrait d’
    Antonella Anedda (+ deux poèmes extraits de Nomi distanti et de Notti di pace occidentale)



    ■ Voir | écouter ▼

    → (sur Lyrikline)
    plusieurs poèmes extraits de Residenze invernali, de Notti di pace occidentale et de Salva con nome, dits par Antonella Anedda





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