Étiquette : Jean-Yves Masson


  • Anne-Emmanuelle Fournier | [Quand s’épuise la lumière]



    Dans les replis de l’heure fantôme. jpg
    Des silhouettes bruissent      dans les replis de l’heure fantôme
    Ph., G.AdC






    [QUAND S’ÉPUISE LA LUMIÈRE]



    Quand s’épuise la lumière
    de lents oiseaux nous traversent
    portés par une marée invisible
    presque silence            presque

    froissement


    L’air du soir est une odeur
    qui s’incline sur les cheveux
    des nuées d’insectes montent      comme en rêve
    à la lisière mouvante
    où l’herbe devient brume


    Des silhouettes bruissent      dans les replis de l’heure fantôme
    multitudes.

    Qui voudrait alors
    d’un autre monde ?




    Anne-Emmanuelle Fournier, « Vers l’estive », La Part d’errance, éditions Unicité, Collection Le Vrai Lieu dirigée par Laurence Bouvet, 2021, page 29. Préface de Jean-Yves Masson. Gravures de Régis Rizzo.






    Anne-Emmanuelle Fournier  La Part d'errance 3





    ANNE-EMMANUELLE FOURNIER


    Anne-Emmanuelle-Fournier_3917
    Source




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Unicité)
    la page de l’éditeur sur La Part d’errance d’Anne-Emmanuelle Fournier
    → (sur Recours au Poème)
    une notice bio-bibliographique sur Anne-Emmanuelle Fournier





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  • Mario Luzi | Cahier gothique, VII



    QUADERNO GOTICO, VII




    Era una viva attesa che raggiava
    in te paura e tremito ed in me
    sensibile delizia d’inoltrarmi
    fra gli alberi, di bere alle fontane.
    Il barbaglio delle acque vaghe, il cielo,
    le ombre quiete nell’aria animata,
    anche il vento moveva in me il sorriso.

    Era la stessa febbre che ci estrania
    rapidamente dai morti e ci svia
    mentre restano soli fra le torce
    nell’immane fatica di scavarsi
    la strada fra le rocce d’ombra, stanchi
    e intenti a penetrare fino al fondo.
    Ne vedesti il profilo aguzzo, accanto
    riposano le mani estenuate.







    CAHIER GOTHIQUE, VII




    C’était une attente vive qui irradiait
    en toi crainte et tremblement et en moi
    le délice sensible de m’avancer
    entre les arbres, de boire aux fontaines.
    L’éblouissement des eaux errantes, le ciel,
    les ombres calmes dans l’air animé,
    même le vent suscitait en moi le sourire.

    C’était la même fièvre qui nous exile
    rapidement des morts et nous détourne
    tandis qu’ils restent seuls parmi les torches
    dans l’énorme labeur de se creuser
    une route parmi les roches d’ombre, las
    et attentifs à pénétrer jusqu’au fond.
    Tu en vis le profil acéré, tout près
    les mains exténuées reposent.




    Mario Luzi, Cahier gothique (1945), in Cahier gothique précédé de Une libation, édition bilingue, éditions Verdier, Collection « Terra d’altri », 1989, pp. 116-117. Traduit de l’italien par Jean-Yves Masson.





    Luzi  Cahier gothique montage





    MARIO LUZI


    Mario Luzi Guidu 2
    Image, G.AdC






    ■ Mario Luzi
    sur Terres de femmes


    Diana, risveglio (poème extrait d’Une libation)
    Dove l’ombra (autre poème extrait d’Une libation)
    En mer (poème extrait de L’Incessante Origine)
    Il pensiero fluttuante della felicità (autre poème extrait de L’Incessante Origine)
    Nature (poème extrait de La Barque)
    Près de la reine de Saba (note de lecture sur Trames + extrait)
    Primitiales (note sur Prémices du désert)
    Quanta vita (poème extrait de L’Incessante Origine)
    Stupore d’ultramattutina luce (poème extrait de Caravane)
    [Vita o sogno ?]




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de l’encyclopédie Treccani)
    une notice bio-bibliographique (en italien) sur Mario Luzi
    → (sur le site des éditions Verdier)
    une notice bio-bibliographique sur Mario Luzi
    le site du Centro Studi Mario Luzi La Barca
    → (sur cairn.info)
    La poétique comparatiste de Mario Luzi, par Jean-Yves Masson






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  • Mario Luzi | Dove l’ombra



    Mes tracesImage, G.AdC








    DOVE L’OMBRA



    Dove l’ombra procede e le strade ristanno
    tra i fiori, ricordarmi le parole
    e le grida dell’uomo è forse un inganno.
    Ma sempre sotto il cielo consueto
    ritrovo le mie tracce, il mio sole
    e gli alberi remoti dal tempo
    fissi dietro le svolte. E sempre,
    ancor che mi sia noto il dolce segreto,
    sulla polvere quieta, tra le aiuole,
    m’indugio ad aspettare che sporga
    un viso inenarrabile dal sole.




    Mario Luzi, “Dell’anima”, Un brindisi, in Tutte le poesie, volume primo, Garzanti editore, Collana gli elefanti poesia [prima edizione 1988], 2005, pagina 111.






    LÀ OÙ L’OMBRE



    Là où l’ombre progresse et où cessent les routes
    parmi les fleurs, me rappeler les mots
    et les cris de l’homme est peut-être un leurre.
    Mais toujours sous le ciel coutumier
    je retrouve mes traces, mon soleil
    et les arbres loin du temps
    figés derrière les virages. Et toujours,
    encore que me soit connu le doux secret,
    sur la poussière paisible, au milieu des parterres,
    je m’attarde, attendant que saille
    du soleil un visage inexprimable.




    Mario Luzi, « De l’âme », Une libation, in Cahier gothique précédé d’Une libation, édition bilingue, éditions Verdier, Collection « Terra d’altri », 1989, pp. 56-57. Traduit de l’italien par Jean-Yves Masson.






    Mario Luzi  Cahier gothique MARIO LUZI


    Luzi





    ■ Mario Luzi
    sur Terres de femmes


    Cahier gothique, VII
    Diana, risveglio (autre poème extrait d’Une libation)
    En mer
    Il pensiero fluttuante della felicità
    Nature
    Près de la reine de Saba (note de lecture sur Trames de Mario Luzi + extrait)
    Primitiales (article sur Prémices du désert)
    Quanta vita
    [Vita o sogno ?]







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  • 21 mars 1825 | Incendie du théâtre de Weimar [Jean-Yves Masson]

    Éphéméride culturelle à rebours



    Andy_Warhol_Goethe-1981








    Dans la nuit du lundi 21 au mardi 22 mars 1825, peu après minuit, une entêtante odeur de brûlé se répandit dans les rues de Weimar, aussitôt suivie du tocsin qui retentissait de clocher en clocher. Le concierge, qui dormait, n’avait eu que le temps de s’enfuir et de donner l’alerte. Le feu avait pris dans le sous-sol du théâtre, où l’on n’avait pas cru bon d’éteindre le chauffage à cause de la représentation prévue le mardi soir. Il était parti d’une provision de bois qu’on avait laissée trop près de la chaudière, et que quelques braises répandues par inadvertance avaient suffi à enflammer. En un peu plus d’une heure, sans se faire remarquer, le feu avait eu le temps de ronger par en dessous tout le parterre. Le plancher de la salle s’effondra d’un coup, révélant brutalement un sinistre déjà trop étendu pour être maîtrisable. Ce soir-là, j’avais croisé Eckermann à une représentation d’une pièce oubliée de Cumberland, Le Juif, que nous avions tous deux beaucoup appréciée — surtout La Roche dans le rôle principal.

    Alerté par le bruit, je fis comme beaucoup de gens : je m’habillai en hâte et j’accourus de l’auberge où je logeais. En approchant de la place du théâtre, je reconnus quelques–uns de mes camarades anglais, les saluai, puis aperçus Eckermann et le rejoignis.

    Sur la grand-place, ils étaient tous là, les acteurs et les actrices engagés pour la saison, et ceux qui, comme le vieux Graff, ou Oels, figures bien connues, avaient passé presque toute leur vie à jouer ou à chanter sur cette scène. Eckermann en connaissait beaucoup qu’il me nomme discrètement : il y avait là le chef d’orchestre Eberwein et sa femme Henriette, une célèbre soprano, à côté du ténor Moltke et des acteurs La Roche, Durand et Lortzing. Tous observaient le feu, l’air navré, en silence. Et puis, il y avait aussi, tout autour de nous, l’immense foule anonyme – les courtisans, les bourgeois, les aubergistes, les artisans, les commissionnaires, les postillons, les voyageurs de passage … — toute la population de Weimar accourue, le cœur navré, pour regarder brûler son théâtre. Le bourgmestre Schwabe allait et venait en tous sens, donnant des ordres afin que le feu ne se propageât pas aux maisons voisines.

    En silence, médusés, nous contemplions l’incendie. Tout autour, les femmes poussaient de petits cris d’effroi chaque fois qu’on entendait un nouveau craquement, ou qu’une flamme un peu plus forte jaillissait du toit, comme s’il fallait la comédie de la peur alors qu’il n’y avait de toute évidence rien à craindre si l’on restait à distance raisonnable. Non, personne ne risquait rien. Et du reste, les sergents de la ville contenaient maintenant la foule du côté de la place opposé à l’édifice en flammes. L’incendie ressemblait plutôt à un grand feu d’artifice. Oui, c’était comme un ultime spectacle que donnait à toute l’assistance le vieux théâtre à la silhouette si familière. « Vieux » théâtre est une façon de parler : assez récent, en fait, pour un édifice de ce genre, car il avait moins de cinquante ans. Mais on y avait vu tant de choses ! Et la plupart des assistants n’étaient pas assez âgés pour se souvenir de l’édifice précédent. Tout au plus pouvait-on l’imaginer d’après d’anciennes gravures.

    La partie supérieure de la façade s’effondra la première, découvrant entre ses pilastres, qui restèrent encore debout un bref instant, tout le premier étage avec la grande salle et la galerie en feu. Sur la scène dont le rideau était depuis longtemps parti en fumée, des nuages de carton embrasés tombaient avec une sorte de grâce légère, un instant retardés dans leur chute par un tourbillon d’air brûlant. Un soleil de carton jeta soudain de vraies flammes par-dessus ses flammes peintes, et oscilla un moment au bout d’un câble avant de se laisser choir avec un grand soupir bizarre au milieu des poutres été des poulies qui pleuvaient. Le feu rugissait dans la fosse d’orchestre, il montait, descendait, remontait au septième ciel, descendait au premier, deuxième, troisième dessous, crépitait avec ardeur, accomplissait son travail de feu avec une autorité très sûre, culbutant sans ménagement les portes du fond de la scène à grand fracas, découvrant le jardin qui avait parfois servi d’arrière-plan aux spectacles, à la belle saison. Les peintures de Thouret, tant admirées, les précieux décors de Beuther, n’étaient déjà plus qu’un souvenir.



    Jean-Yves Masson, L’Incendie du théâtre de Weimar, I, Éditions Verdier, 2014, pp. 17-18-19.








    Weimar






    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Verdier)
    la page de l’éditeur sur L’Incendie du théâtre de Weimar





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  • Valerio Magrelli | Rima palpebralis




    Ni mirages ni tentationsne traverseront le miroir opaque.
    Ph., G.AdC








    RIMA PALPEBRALIS [extrait]




    Domani mattina mi farò una doccia
    nient’altro è certo che questo.
    Un futuro d’acqua e di talco
    in cui non succederà nulla e nessuno
    busserà a questa porta. Il fiume
    obliquo correrà tra i vapori ed io
    come un eremita siederò
    sotto la pioggia tiepida,
    ma né miraggi né tentazioni
    traverseranno lo specchio opaco.
    Immobile e silenzioso, percorso
    da infiniti ruscelli,
    starò nella corrente
    come un tronco o un cavallo mort,
    e finirò incagliato nei pensieri
    lungo il delta solitario dello spirito
    intricato come il sesso d’una donna.







    Demain matin je prendrai une douche,
    rien d’autre n’est sûr.
    Un avenir d’eau et de talc
    où rien n’arrivera, où personne
    ne frappera à cette porte. Le fleuve
    oblique coulera entre la vapeur et moi,
    et comme un ermite je resterai assis
    sous la pluie tiède,
    mais ni mirages ni tentations
    ne traverseront le miroir opaque.
    Immobile et silencieux, parcouru
    de ruisseaux infinis,
    je resterai immobile dans le courant
    comme un tronc ou un cheval mort,
    et finirai échoué dans les pensées
    au bord du delta solitaire de l’esprit
    enchevêtré comme un sexe de femme.




    Valerio Magrelli, Rima palpebralis, in Ora serrata retinae, Cheyne éditeur, Collection D’une voix l’autre, domaine étranger, 2010, pp. 24-25. Édition bilingue. Traduit de l’italien et préfacé par Jean-Yves Masson.




    VALERIO MAGRELLI


    Valerio Magrelli





    ■ Valerio Magrelli
    sur Terres de femmes

    Aequator lentis
    [ne rien avoir à écrire] (extrait de Nature e venature)




    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site de Cheyne éditeur)
    la page consacrée à Valerio Magrelli
    → (sur le site de Jean-Michel Maulpoix)
    une page consacrée à Valerio Magrelli
    → (sur Poetry International Rotterdam)
    une page bio-bibliographique et de nombreux poèmes
    → (sur Italian Poetry)
    trente poésies de Valerio Magrelli
    → (sur Lyrikline)
    plusieurs poèmes de Valerio Magrelli dits par l’auteur, dont certains issus du recueil Ora serrata retinae
    → (sur Circolo Culturale Albatross)
    un dossier sur Valerio Magrelli
    → (sur Mosaici, St. Andrews Journal of Italian Poetry)
    un entretien de Valerio Magrelli avec Federico Bindi
    → (sur YouTube)
    une vidéo sur une rencontre entre Margherita Guidacci et Valerio Magrelli (10 mars 1989)



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