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  • Joël Vernet | [De Rimbaud […] tu n’auras jamais rien su]


    [DE RIMBAUD […] TU N’AURAS JAMAIS RIEN SU]




    De Rimbaud, tout comme de tant d’autres livres, tu n’auras jamais rien su. Mais qu’importe. Tu auras connu, comme lui, l’enfer des chantiers, la terrible vie à gagner, la mort jeune, trente -sept ans pour toi, pour lui. Alors que tout restait à inventer. En écrivant aux Morts, on s’adresse toujours aux Vivants, c’est certitude. D’ailleurs, écrire, le savais-tu ? Noircir des cahiers d’écolier, laisser s’envoler la plume au gré de la pensée, de la voix, de la musique, des rythmes en nous ? Lire, oui, un tout petit peu, juste de quoi décrocher le permis de conduire qui t’ouvrirait à d’innombrables routes, d’incroyables errances par tous les temps, toutes les saisons, transformant ce pays en un mouchoir de poche dont tu connaissais les moindres recoins. T’échinant du nord au sud, d’est en ouest, sous la pluie, dans la boue, le froid, sous des soleils torrides à l’image de ceux d’Aden ou d’Éthiopie qui entamèrent gravement le piéton de Charleville, le poussant à rentrer en France pour mourir dans la solitude d’un hôpital à Marseille.

    Et toi, plus tard, beaucoup beaucoup plus tard, un jour d’avril, à Valence, au cœur de la France, dans une ruelle perdue, ton corps inanimé, ton nom et ta voix à jamais effacée, inaudible, muette. Je te revois, bras à la portière, dans la vieille Aronde noire dont tu étais très fier. Là aussi, une photographie – prise par qui ? – en témoigne. J’aimerais composer un livre musical, rien qu’avec des photographies inconnues, des photographies d’archives familiales à portée universelle, comme W. G. Sebald, les textes en moins, même si les siens sont fascinants. Je laisserais la parole au silence qui tisserait des ponts entre chacune d’entre elles. Plus de mots, que la lumière profonde du noir et blanc avec, en italiques, des légendes de lieux, de paysages, de prénoms, tout cela inconnu, mais ramené à la surface car toute vie est si précieuse, même si l’histoire nous a toujours laissé entendre le contraire. Les vies minuscules sont le seul trésor de cette vie. L’histoire les éparpille, les dissimule, les avale, les digère, puis les anéantit. […]



    Joël Vernet, « I. Le jour noir ou un conte de la vie réelle », Mon père se promène dans les yeux de ma mère, récit, La rumeur libre éditions, Collection La Bibliothèque de La rumeur libre, 2020, pp. 49-50.






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    ■ Joël Vernet
    sur Terres de femmes


    Carnets du lent chemin, Copeaux (1978-2016) [lecture d’AP]
    Décembre 2010 | Joël Vernet, Carnets du lent chemin, Copeaux (1978-2016) [extrait]
    L’oubli est une tache dans le ciel (lecture d’AP)
    Les petites routes (extrait de L’oubli est une tache dans le ciel)
    30 août 1994 | Joël Vernet, Le Regard du cœur ouvert




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions La rumeur libre)
    la fiche de l’éditeur sur Mon père se promène dans les yeux de ma mère






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  • Joël Vernet, L’oubli est une tache dans le ciel

    par Angèle Paoli

    Joël Vernet, L’oubli est une tache dans le ciel,
    éditions Fata Morgana, 2020.
    Dessins de Joël Leick.



    Lecture d’Angèle Paoli


    L’INFIME BRUISSEMENT DU TEXTE





    Je lis un ouvrage dont l’auteur est actuellement hors d’atteinte. Les textes rassemblés sous le titre L’oubli est une tache dans le ciel sont pourtant bien les siens. De très belles proses poétiques qu’accompagnent des dessins de Joël Leick. Des dessins comme des bulles. Des bulles d’air ou d’eau, d’une légèreté translucide, traversées de branches brindilles feuilles et traces. Traversées de silence. Comme les proses. Poète et peintre sont en symbiose parfaite. Tout vibre dans ce très bel ouvrage édité par Fata Morgana.

    Il n’est qu’à parcourir les titres que le poète a choisis pour ces proses et de les relier aux titres des nombreux ouvrages déjà écrits et publiés pour reconnaître une présence. Discrète. Lovée à travers quelques mots fondateurs, des mots très simples, souvent les mêmes. Maison / Jardin / Sous-bois / Libellule / Merle / Mante religieuse / Lézard / Papillon / Chat / Tilleul / Herbes / Lumière / Noir / Neige / Silence / Oubli / Rumeur / Lettre / Signe / Sable… Des mots qui parlent déjà du poète. De Joël Vernet. Qui, en quelque sorte, le résument. Je lis ces proses, je les savoure. Je me perds dans les chemins, je me perds dans les hautes herbes. M’interromps un instant au seuil d’une maison isolée, livrée à la lumière éclatante de l’été et scintillante de neige l’hiver. Et je l’imagine, lui, le poète. Je le retrouve tel que je l’ai laissé après ma lecture des Carnets du lent chemin. Je le retrouve à l’identique. Pourtant ici, dans ce nouveau recueil qui vient de me parvenir en son absence, il n’y a ni dates ni noms de lieux. Tout ancrage spatio-temporel s’est estompé. Demeurent les collines et les crêtes, les sentes que le marcheur arpente, méditant sur le temps qui passe et sur ce qui le fait vivre, lui, le rêveur, le nomade infatigable. Ce qui le fait vivre ? Presque rien. Trois fois rien. Une mante religieuse, un papillon élégiaque, un chat paresseux et doux, un lézard égaré dans la maison et dont il se sent si proche :

    « N’es-tu pas ce frêle lézard pris au piège, celui qui est allé ici et là, abandonnant son père, sa mère, ses paysages par idiotie pour se lancer dans l’aventure ? Un piège s’est refermé sur toi… ».

    « Je me suis émerveillé d’un rien », écrit le poète.

    Et de ce rien surgit un « alphabet nouveau », que le poète s’est approprié de longue date et qu’il a fait sien. Autant de menues choses, compagnes du silence et de la solitude qui l’absorbent des heures durant et n’ont de sens que pour lui qui sait s’en saisir dans leur profondeur. Et puis il y a les mots, et puis il y a les phrases. La vie même. Sa vie de poète. C’est dans cette proximité avec le minuscule, le minime, l’infime, qu’il peut

    « commencer à vivre, à écrire, ce qui est la même chose, le même chemin pas plus épais qu’une aile de libellule, qu’un serment ancien. Ce serment, je l’ai prononcé enfant sans même ouvrir la bouche, dans un silence indestructible. »

    Ce sont ces mots de toujours, et le serment de faire silence, qui remettent le poète en lien avec l’enfance, avec la lointaine disparition du père, si brutale et si cruelle ; avec la disparition récente de la mère dont il retrouve la présence/absence à la vue du chemisier bleu abandonné au dos d’une chaise. Une tache de ciel, à peine. Mais un bleu qui persiste au plus fort de l’oubli. La mère ? Une disparition, un retrait discret, un effacement qui reste sur le seuil, un silence qui voit. Et qui entraîne le poète sur la voie d’une perception irréversible :

    « Quand ma mère est morte, je me suis senti très vieux, glissant dans un autre temps, sur une autre pente. »

    Face au désarroi, une seule chose possible. Écrire.

    « Écrire permet peut-être de retrouver une forme de grâce, une échappée, une espérance. »

    Ce que le poète entreprend, fidèle à lui-même et fidèle à ses choix. Marcher écrire sentir méditer. « Les carnets sont mon seul espoir », écrit-il dans « La maison où vivre avec le silence. » Et, quelques lignes plus loin :

    « les poèmes sont des compagnons inestimables. »

    Les poèmes, la maison. Le tilleul. La petite table sous la fenêtre. Tout cela forme un tout. Un ermitage. Un lieu unique d’observation du monde. Mais un lieu détaché, à l’abri des innombrables nuisances. Avec l’arbre géant comme compagnon fidèle avec qui converser, afin d’affiner et de poursuivre la quête de l’inatteignable :

    « J’ai cherché une écriture ayant la pureté d’un diamant, la souplesse d’une herbe, la force d’un torrent. Un souffle. Cela m’a pris une vie… ».

    Là où d’autres, connaissances et amis, s’acharnent à poursuivre les biens-de-ce-monde, lui, le poète, travaille à leur effacement. Être dans l’observation d’un escargot ou dans l’oubli momentané du monde. L’oubli de son insoutenable bavardage et de son fracas. De son « grondement » sourd. Que seul le silence de la maison, un « silence ravageur », rend véritablement audible. Paradoxe du silence. À la fois jalousement courtisé et jalousement craint. Oublier aussi les livres lus qui n’ont fait qu’obscurcir le monde. Ne s’en tenir qu’à ce qui existe autour de soi, au plus près. Éclaircir le paysage, mettre au jour, donner de la lumière à ce peu qui existe encore.

    « L’amour du monde serait là, devant nous, nu. Les pages vibreraient dans l’azur, comme ce ne fut jamais le cas, jusqu’à ce jour. »

    Il y a pourtant, dans cette mémoire nomade à la recherche de l’oubli, des noms qui reviennent et qui hantent durablement. Des noms de poètes aimés sur qui le marcheur se penche et à qui il écrit, par-delà les nuages. Khlebnikov et Mandelstam. Ou encore Marina :

    « Je pose cette lettre sur ton âme endormie. Je vois une boîte, à Elabouga, qui le recevra. C’est la boîte du ciel […] Tout poème n’est qu’une simple lettre que la vie a tachée d’un peu de sang. D’un peu de joie. »

    Il suffit de se mettre à l’écoute de « l’infime bruissement » du texte pour déceler ce qui vibre dans la page. Le livre redevient alors cette part de miracle vivant qu’en deçà des mots le lecteur cherche en filigrane.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





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    ■ Joël Vernet
    sur Terres de femmes


    Les petites routes (extrait de L’oubli est une tache dans le ciel)
    Carnets du lent chemin, Copeaux (1978-2016) [lecture d’AP]
    Décembre 2010 | Joël Vernet, Carnets du lent chemin, Copeaux (1978-2016) [extrait]
    [De Rimbaud […] tu n’auras jamais rien su] (extrait de Mon père se promène dans les yeux de ma mère)
    30 août 1994 | Joël Vernet, Le Regard du cœur ouvert




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur remue.net)
    Joël Vernet /marcher vers un ciel de pierre
    → (sur Le Nouveau Recueil) Joël Vernet, ou l’esthétique de la trace, par Sylvie Besson (
    fichier Word)






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  • Joël Vernet | Les petites routes




    LES PETITES ROUTES




    Les petites routes se déhanchent à travers la campagne. Je quitte la maison où la route minuscule me ramène en toutes saisons. J’ai passé une grande partie de ma vie à aller et venir d’un point à l’autre, à dériver aussi vers l’inconnu. J’ai longé des prés aux herbes hautes, des sous-bois aux lisières désertes, des ruines d’où jaillissent des arbres sauvages, un figuier aux fruits si odorants, quelques pommes qui deviennent de l’or au creux des mains. J’aime ces lents détours qui me projettent vers les miens. S’ouvre la nuit entre eux et moi comme un fruit vif à croquer à pleines dents. Un chien sédentaire aboie quand je suis à deux pas, toute une vie s’éveille autour de la vieille fontaine, des lueurs semblent monter de la terre. Une joie s’allume dans mon cœur comme une vieille lampe. Pour rien au monde je ne rebrousserais chemin. J’avance à travers cette clarté soudaine dont je suis le fantôme. Personne ne m’attend plus dans la maison natale. Il y a belle lurette qu’elle est close. Quand je passe devant ses murs, je revois les visages de mon père et de ma mère ; mon cœur se serre un peu, comme le bruit d’une serrure qui s’éteint derrière la porte. À la sortie du village, j’entre enfin dans la nuit, et je discerne à peine la route sous mon pas. Quelques peupliers tremblent dans un virage. Le ciel allume ses lampes. Soudain, mon cœur se souvient de tout. Il est une mémoire nomade qui m’alerte à tout instant. Le cœur si étrange ne nous oublie jamais. Son écho est souvent plus doux que celui d’un murmure. Je colle ma joue à la porte et j’entends les voix d’autrefois, si lointaines dans le temps, qu’il me faudrait une autre vie pour les rejoindre. J’ai marché pour atteindre ce qui ne s’atteint pas.



    Joël Vernet, « Les petites routes », L’oubli est une tache dans le ciel, éditions Fata Morgana, 2020, pp. 35-36. Dessins de Joël Leick.





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    L’oubli est une tache dans le ciel (lecture d’AP)
    Carnets du lent chemin, Copeaux (1978-2016) [lecture d’AP]
    Décembre 2010 | Joël Vernet, Carnets du lent chemin, Copeaux (1978-2016) [extrait]
    [De Rimbaud […] tu n’auras jamais rien su] (extrait de Mon père se promène dans les yeux de ma mère)
    30 août 1994 | Joël Vernet, Le Regard du cœur ouvert




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur remue.net)
    Joël Vernet /marcher vers un ciel de pierre
    → (sur Le Nouveau Recueil) Joël Vernet, ou l’esthétique de la trace, par Sylvie Besson (
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  • Joël Vernet, Carnets du lent chemin, Copeaux

    par Angèle Paoli

    Joël Vernet, Carnets du lent chemin, Copeaux (1978-2016),
    La rumeur libre éditions, 2019.



    Lecture d’Angèle Paoli




    L’ÉCRIVAIN-CHEVREUIL




    Lecture de lente haleine, depuis tant de jours. Cherchant amers et balises, je trace mon sillon entre les pages du dernier ouvrage de Joël Vernet. Lentes les heures qui jalonnent mon vagabondage, d’année en année, de mois en mois, au fil des pages de Carnets du lent chemin. Presque quarante ans d’une écriture régulière (avec de rares ellipses), le plus souvent au jour le jour, composent cette somme de vie. De 1978 à 2016. L’écrivain a vingt-quatre ans dans l’incipit du livre, soixante-deux dans l’excipit. Mais comment refermer un tel livre ? Et comment entreprendre une autre lecture après la traversée de pages aussi incandescentes que celles des Carnets ? Images fugaces de campagnes, fermes et foins, noms de pays lointains, titres d’ouvrages, pensées diffuses in mentem persistent encore. Qui infusent dans les veines et poursuivent leur cours. Suis-je ce « lecteur-papillon » que le poète aspire à croiser sur ses traces ? Je ne sais. Pourtant je suis convaincue que de tels lecteurs existent. Silencieux et effacés. À l’image du poète.

    Les images fourmillent, à livre fermé. Visions de la mère pelotonnée dans ses châles et dans sa dignité silencieuse. Veuve depuis de si nombreuses années.

    « Ma mère, avec tant d’autres, n’attend plus rien, blottie dans un fauteuil qui ne sait pas qu’il reçoit une reine. »

    Image de la maison abandonnée, qui a emporté dans les brumes « l’enfance morte ». Mais qui garde secrète « la chambre d’écriture ouverte sur le monde ». Image du tilleul, emblème de la maison natale. Entre ces extrêmes se déroule « l’épopée des événements courants » qui accompagne la vie du poète. La mort accidentelle du père, alors que Joël Vernet n’est qu’un enfant. Celle d’un frère et d’une sœur. D’amis et de poètes. De connaissances ayant animé l’enfance paysanne. La disparition, plus récente, de la mère aimée. Vient aussi la naissance des enfants. Celle de L., la dernière, qu’il regarde grandir avec beaucoup de tendresse. Et qui le suit parfois dans ses escapades buissonnières. Innombrables les pérégrinations le long des routes et des sentiers de la Margeride natale, les errances dans les faubourgs des villes, les voyages à l’autre bout du monde. À la recherche de ? Du monde et de lui-même, de lui-même en accord avec le monde. De « l’Unité perdue ». Car la vie a basculé en 1965, à l’annonce brutale de la mort du père. Le père. Une perte tragique, déterminante pour l’enfant. « Ce jour-là, il sut qu’il n’aurait plus jamais vraiment de maison, qu’il irait ici ou là, contraint par les événements » (4 mars 2011). Un foudroiement que cette mort. Une fêlure béante. Une plongée dans l’exil intérieur. Le Père, la Mère, tendres figures tutélaires du poète. Toujours présentes à ses côtés, par-delà la séparation ultime.

    Plus tard, de manière insidieuse, la vie a de nouveau basculé dans le monde actuel. Le monde que nous connaissons, tel qu’il est devenu et tel qu’il promet d’être ou de devenir, ouvert sur le culte de l’argent-roi, sur le pouvoir absolu et aveugle des gouvernants de nos pays. Le consumérisme, la mondialisation et la barbarie font horreur au poète. Qui en appelle à l’insurrection. Étranger se sent-il. Depuis les origines. En marge d’une société qu’il voue aux gémonies. Et davantage encore depuis qu’une frénésie compulsive s’est emparée de l’humanité, la conduisant droit au désastre.

    Que faire lorsque l’on s’est exilé en soi-même, sinon retourner à l’essentiel ? Renouer avec le ciel et les nuages. Avec « la beauté primitive du monde ». Avec le bestiaire amical et paisible qui anime le jardin. Merles noirs, mésanges et rouges-gorges. Sauterelles et lézards. Escargots et lucioles. Et toujours revenir vers la maison natale qui l’attend, lui le vagabond, le nomade, le gitan ; la maison immobile, inchangée, chargée de présences et de souvenirs. Gardée par la mère qui jamais ne sait quand son fils va revenir. « Tu n’as jamais été là pour tes jours d’anniversaire, toujours à l’étranger, loin de nous », lui dit-elle lorsqu’il surgit à l’improviste.

    Et, qui va de pair avec l’errance du poète, l’écriture. Nourrie de ces autres vagabondages que sont les lectures. Une écriture vitale, qui tient le poète au corps et au cœur. Fidèle à son être, consubstantielle à son existence. Écriture de la vie, dégagée de toute mainmise, de toute superficialité, de toute ambition personnelle, de tout calcul, de toute richesse. De toute recherche. Écriture du regard, du fragile et du minuscule. Écriture tissée de silence et de solitude. Plus de cinq cents pages d’une écriture vivante pour dire ce qui happe ce qui taraude ce qui révolte ce qui hante jusqu’à l’angoisse et jusqu’au désespoir. Pour dire aussi les joies modestes qui soignent et qui apaisent.

    « Ces carnets sont un havre de paix où j’accoste après les tempêtes, les tourments », confie le poète à la date du 5 juin 1996.

    Et le poète de confier, le 27 mars 2011, à la mort d’un « être cher » :

    « J’ai écrit pour que la nuit ne soit pas toujours la nuit. »

    Les Carnets du lent chemin sont une somme de notes — bribes brindilles et fragments —, construite patiemment pour dire l’écriture telle que le poète la vit au quotidien, où qu’il aille et où qu’il se trouve. « Écrire, lire, marcher, écrire, lire, marcher » (18 décembre 1988). C’est là la seule réitération que supporte le poète. Elle relève de son choix et de sa liberté. Elle est le seul travail qui le concerne vraiment, au plus près, qui le construise dans la durée.

    « Petit bonhomme, tu avais mis en train un défi de Géant : celui d’écrire. Mais pourquoi écrire ? Pourquoi ne pas avoir confié ta vie à un autre métier, à une autre occupation exemplaire : boulanger, menuisier, médecin ? Tu ne voulais que les mots, leur sommation irrecevable. Cet amour des mots, tu en as la conviction aujourd’hui, t’est venu en gardant les bêtes, les troupeaux. Tu avais là sous les yeux la nature admirable : prairies, forêts, ruisseaux. Comment faire chanter cela dans un tout petit cœur ? Tu t’es saisi alors de l’outil le plus proche de toi : le langage et tu as essayé de jouer de cette musique, à la façon des musiciens de jazz. Tout à l’improvisation. Es-tu un écrivain sauvage ? » (22 janvier 2010).

    Écrire, oui. Mais quel type de livre est-ce là ? « Une sorte de journal du regard », écrit le poète le 1er mars 1997. Ce même regard qui avait donné son titre à une précédente publication, parue en 2009 aux éditions La Part commune : Le Regard du cœur ouvert, Carnets (1978-2002).

    Le volume actuel, Carnets du lent chemin, est sous-titré Copeaux. Ce mot revient à plusieurs reprises sous la plume du poète. Qui caractérise tantôt la nature de ces bribes qui obsèdent — pensées et aphorismes que le poète affectionne ; interrogations multiples (pourquoi écrire ? et pour qui ? écrire est-il agir ?) et citations, retours en arrière nombreux et redites ; tantôt le projet ou la quête du poète, tantôt l’écriture elle-même :

    « Je reprends les pages. Elles sont une part de moi, arrachées à mon corps. Détachées, déchirées. Je me reconstitue en les relisant. Je rassemble les copeaux épars… » (14 janvier 1994).

    Et plus loin :

    « Cette soudaine pensée dans le soir : des pages tombant comme des copeaux. » (16 octobre 1995)

    Ou encore :

    « Une écriture qui serait des copeaux de merveilles. » (4 janvier 1997)

    Ou bien cette phrase, soulignée au fil courant de ma lecture, et qui me fait sourire :

    « Les copeaux du petit crayon tombent dans l’herbe » (13 septembre 2009) avec son écho, du 18 mars 2015 : « le petit tumulus de copeaux sur la table – vestige du crayon à papier. »

    Et celle-ci surtout, qui aiguille la lecture, dans le préambule écrit par le poète lui-même :

    « Ce que vous lirez serait donc, au lieu d’un journal du passé, du présent, plutôt les copeaux d’un avenir toujours à réinventer. »

    Un autre mot affleure sans cesse, qui accompagne les errances. L’adjectif « lent ». Ou le substantif « lenteur ». Lenteur du rapace dans son envol. Lenteur de l’écriture. Correspondances :

    « Ce matin dans la brume, le rapace familier sur le fil. Au bruit du volet s’ouvrant, l’oiseau s’envole d’un lourd et lent battement d’ailes. J’aime cette lenteur du geste, comme dans l’écriture lorsque s’effacent les heures de la journée, qu’on atteint le soir sans vraiment s’en rendre compte. On lève la tête et « c’est déjà la nuit au-dehors ». Expérience alors d’être vraiment au monde, une fois le travail accompli, qui n’est qu’une aventure dans l’inconnu. » (25 octobre 2009)

    Qui dit lenteur (exaspérants sont les « bolides » qui traversent la ville à grand fracas) dit aussi « détour ». Lenteur de la marche, détours de l’écriture. Vagabondages de la pensée. Conjugués ensemble, vagabondage et lenteur permettent la juxtaposition, dans une même note, d’images et de voix d’époques distinctes ; de lieux étrangers les uns aux autres. L’ensemble constituant une sorte de collage naturel où se côtoient des visages et des êtres, des gestes aussi, que seul le poète peut assembler. Par l’écriture. Ainsi en est-il, par exemple, dans cette note du 1er mai 2011 :

    « Le regard perdu de ma mère, de la Vieille-Femme-Universelle.
    L’enfant, attentif au café, balaya les pellicules sur le col de la chemise noire de son père.
    Les bruits de la cascade, autrefois, dans le Sud du Burkina-Faso. Les poussins si jaunes piaillant devant la case, la jeune fille dont la mère peignait les cheveux en de longues tresses.
    Me rendant à l’épicerie du village chercher le pain ou autres courses, passant dans la ruelle inondée de soleil, la merveilleuse glycine me fait fête, répandant son odeur entêtante, enivrante, me rappelant que ce monde est beau, fût-il tapissé de barbarie. »

    Le regard du poète attentif se pose successivement sur les menus événements du jour. Des non-événements pour une « épopée » du quotidien.

    Ainsi serpentent les chemins qui mènent de Saugues à Gao ou à Vladivostok ; du Portugal à la Laponie, de Tachkent à Vénissieux, de la Creuse à Abidjan, puis, du Nord au Sud, et d’Ouest en Est, le long des rivières et des fleuves, jusqu’aux abords de la Mer Blanche et des îles Solovki. La pensée voyage d’une année à l’autre, évolue par vagues successives, depuis les aphorismes qui abondent dans les premiers carnets aux grands textes lyriques qui caractérisent davantage les carnets les plus récents. Elle charrie au passage nombre d’auteurs et de poètes de tous pays, de toutes nations. De l’italo-argentin Antonio Porchia à Pier Paolo Pasolini ; de Christian Gabriel/le Guez Ricord à Giono ; de Fernando Pessoa à Alexandre Blok ou à Marina Tsvetaieva ; de Vassili Grossman à Varlam Chalamov ou à Anna Akhmatova. De Blaise Pascal à Christian Dotremont ou à François Augiéras. De Vélimir Khlebnikov à Rimbaud ou à Tomas Transtömer… Pour ne citer que quelques noms parmi les innombrables écrivains et poètes affectionnés, dont les silhouettes surgissent au hasard des voyages, des lectures et des affinités électives. Car les poètes sont « frères de silence, invisibles dans ce monde » de Joël Vernet. Et la poésie omniprésente sous sa plume de poète, lequel joue volontiers de l’antagonisme roman/poésie. À l’avantage de la poésie que le poète tient en haute estime, et qui lui est indispensable. Ainsi écrit-il au cours du mois d’août 2015 :

    « Avec les mots de la langue commune, tu inventes un autre alphabet : voilà la poésie, symphonie de la réalité vivante. Pas de poésie abstraite, universitaire, mais toute incarnée, sauvage, indomptable, comme les bouleaux de la steppe russe. »

    Sauvage, indomptable la vraie poésie, comme l’est le nomade Joël Vernet, sempiternel insoumis qui n’obéit qu’à sa seule émotion. Engagement singulier. À l’exact opposé de l’actuelle doxa poétique, prônant distanciation et froideur. Les Carnets du lent chemin sont une véritable « défense et illustration » de l’émotion et de la sensation. Un refus absolu de « la littérature coup de sabre » au profit d’un lyrisme revendiqué et assumé :

    « L’émotion dompte les mots. Émotion sois vivante en moi pour toujours, et non pas seulement lorsque je contemple ce monde, mais en permanence, jusque dans le sommeil, jusque dans les rêves. Émotion, sois mon bâton de pèlerin ! » (19 septembre 2012).

    Tous les détours recherchés et mis en pratique par le poète sont ce qui donne ses assises à son projet d’écriture : « Projet d’écriture sur le pays natal. Récit après de lents détours » (21 juillet 2000).

    La personnalité profonde du poète semble façonnée par le détour ; les mouvements de la pensée s’accordent aux mouvements du monde ; les détours géographiques annonçant ou engendrant les détours de l’écriture :

    « Peut-être as-tu eu tort, au temps de tes lents détours à travers le monde, de n’avoir pas nommé, décrit les lieux où tu séjournais, habitais, plus que tu ne passais. Ainsi, cette chambre, dans un village du Sud de l’Albanie : Himara. »

    Et, un peu plus loin, le même jour : « L’écriture qui vise le détour et, par le détour, l’essentiel. Sainte lenteur » (12 février 2010).

    Et à l’enfant qui l’interroge et qui lui dit : « Qu’as-tu fait de ta vie ? », le poète répond : « J’ai accompli beaucoup de détours pour apprendre à admirer la lumière qu’il y a en ce moment sur ta joue. Détours, voyages et sommeil, paresse dans la lecture. L’écrivain est un mort ébloui de lumière » (26 octobre 2010).

    Magnifiques Carnets du lent chemin. À lire et à relire. À reprendre et à méditer. Une gageure que de restituer une vision totalisante de ces drôles de journaux, métissage d’intime et d’universel. Il y aurait tant à dire encore. Juste s’en remettre au plaisir du texte. Intense et passionnant. Exalté et beau. Et retenir, disséminée entre les pages, l’image du chevreuil (ou du renne), qui culmine dans un échange émouvant du poète avec sa Mère :

    « Miracle, présence d’un café au bord de la petite place, avec sa minuscule terrasse, ombragée par une treille. Joie de nous asseoir là tous deux dans la paix du soir qui descend paisiblement sur les collines, les villages et les prés, d’être vivants dans ce si beau silence d’une fin d’été, de ne parler qu’à peine, à voix basse […] Elle sourit en portant le verre à ses lèvres. » L’écriture est vraiment ton chemin. Rien que pour avoir été conduits ici, tous deux, ton choix de vivre ainsi fut le meilleur. »
    Hier dans le pré devenu une jungle, en contrebas de la maison, trois chevreuils broutaient, l’œil, le corps cependant aux aguets, sursautant au moindre bruit.
    N’es-tu pas l’écrivain-chevreuil ? » (20 novembre 2010). Vagabond et craintif, mais libre. Libre de son chant, libre de son écriture.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





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    ■ Joël Vernet
    sur Terres de femmes


    Décembre 2010 | Joël Vernet, Carnets du lent chemin, Copeaux (1978-2016) [extrait]
    L’oubli est une tache dans le ciel (lecture d’AP)
    Les petites routes (extrait de L’oubli est une tache dans le ciel)
    [De Rimbaud […] tu n’auras jamais rien su] (extrait de Mon père se promène dans les yeux de ma mère)
    30 août 1994 | Joël Vernet, Le Regard du cœur ouvert




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur remue.net)
    Joël Vernet /marcher vers un ciel de pierre
    → (sur Le Nouveau Recueil) Joël Vernet, ou l’esthétique de la trace, par Sylvie Besson (
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  • Décembre 2010 | Joël Vernet, Carnets du lent chemin, Copeaux (1978-2016)

    Éphéméride culturelle à rebours



    1er DÉCEMBRE
    Le rouge-gorge s’est accoutumé à ma présence. Il m’apporte chaque jour un peu de neige dans son bec.

    2 DÉCEMBRE
    Le rouge-gorge, en forcené, a emporté avec lui la petite motte de beurre que j’avais déposée sur le seuil. Des journées entières sans sortir de la maison, juste quelques pas dans le jardin.
    À de très rares moments, être fier d’une phrase. Se dire, là, j’ai peiné mais j’ai atteint mon but. Souvent, le résultat en est une simplicité éclairante.
    Les plumes rougeoyantes de l’oiseau, une nouvelle fois suspendu à l’envers du bardage du toit : « Voilà l’éternité. »

    3 DÉCEMBRE
    N’abandonnons pas notre avenir aux prédateurs.

    4 DÉCEMBRE
    Les mésanges viennent chanter leur joie sur le rebord de la fenêtre. Beauté de l’oiseau menu sur la branche. La tache jaune à son cou est un soleil.

    7 DÉCEMBRE
    À l’aube dans la rue sous la pluie, la femme portant son enfant dans les bras, le serrant très fort sous sa capuche, le protégeant. Ainsi chaque jour, rejoindre le domicile d’une nourrice chez laquelle l’enfant ouvrira les yeux.
    Le sentiment d’avoir eu une enfance tremblante, de ne pas avoir été protégé.

    8 DÉCEMBRE
    Souvent, on est écrasés. Lac immense de la tristesse. Alors, tu vas marcher.

    10 DÉCEMBRE
    « L’Orient que cherche le mystique, Orient non situable sur nos cartes, est dans la direction du Nord, au-delà du Nord. De ce Nord cosmique choisi comme point d’orientation, seule une marche ascensionnelle peut rapprocher. » (Henry Corbin)

    11 DÉCEMBRE
    C’est parce que la vie est un combat qu’elle nous enchante.

    13 DÉCEMBRE
    Le devoir d’une œuvre est de n’être pas sans devoir éthique, mais d’affirmer une autre forme d’espérance qui ne repose surtout pas sur la pitié, mais peut-être sur la compassion, une compassion active et non pleurnicharde, une espérance telle que le lecteur, refermant le livre, y aura puisé de nouvelles forces pour affronter l’ordinaire des jours.
    Dans l’hiver écrire une phrase qui tiendrait pour l’éternité. Une phrase qui est le monde, rassemblant sa lumière, ses pierres, son air, ses vents, ses intempéries, ses chemins, ses forêts, ses pâturages, ses troupeaux, ses faibles voix humaines. Tu n’es pas le poète, mais ce pêcheur qui lance ce filet.
    Ne jamais dévoiler la ferveur qui t’habite lorsque tu ramènes le filet ! Taire le trouble joyeux dans ton cœur : il permettra la phrase, le courant ininterrompu de la phrase, le mouvement face à l’étroite fenêtre qui donne sur le jardin. Le mouvement, seul le mouvement…



    Joël Vernet, Carnets du lent chemin, Copeaux (1978-2016), Éditions La Rumeur libre, 2019, pp. 185-186.






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    Carnets du lent chemin, Copeaux (lecture d’AP)
    30 août 1994 | Joël Vernet, Le Regard du cœur ouvert
    L’oubli est une tache dans le ciel (lecture d’AP)
    Les petites routes (extrait de L’oubli est une tache dans le ciel)
    [De Rimbaud […] tu n’auras jamais rien su] (extrait de Mon père se promène dans les yeux de ma mère)




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    → (sur remue.net)
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  • 30 août 1994 | Joël Vernet, Le Regard du cœur ouvert

    Éphéméride culturelle à rebours



    30 août




    Une force intacte qui ne se dilue pas dans la fiction, qui ne devient pas littérature. Pas d’œuvre, non, mais un brûlot, une agression, des livres sauvages, inclassables, que la critique ne sait comment saisir.

    Un après-midi, de la fenêtre. L’air, par intermittence, rejoint ma vie immobile. Je lève les yeux vers le ciel pur. Ce mouvement très bref se perd dans le bleu. Lever les yeux ainsi vers l’azur, les beaux feuillages balancés par le vent. Je pourrais rester ainsi durant des heures. Sans intention ni projet. Ne méditant aucun voyage. Rester des heures dans cette pièce, des années, regardant s’écouler les saisons, saisissant le feu vif de l’essentiel niché dans chaque instant. M’attachant à toucher, à atteindre l’invisible. Mais est-ce une vie, cela, toute de dévotion au monde, au silence, aux heures de solitude ? Est-ce une vie cette non-vie, cet abîme de rien qui me fonde ?

    L’or de l’automne, les brûlures de l’été, du printemps, les songes de neige et de givre. La poussière sur le temps, l’orage dans notre vie.

    Devenir un nomade dans la vie sédentaire. Je me vois marchant le long de l’Océan indien dans un état de solitude divine. J’ai voyagé, me dis-je, pour rencontrer la solitude, mon vrai visage car la lumière de la fenêtre m’épouvante quand arrive le soir, quand tombe la nuit.



    Joël Vernet, Le Regard du cœur ouvert, Des carnets 1978-2002, Éditions La Part Commune, Rennes, 2009, pp. 189-190





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    Carnets du lent chemin, Copeaux (1978-2016) [lecture d’AP]
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    L’oubli est une tache dans le ciel (lecture d’AP)
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    [De Rimbaud […] tu n’auras jamais rien su] (extrait de Mon père se promène dans les yeux de ma mère)




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