Étiquette : Juan Gelman


  • Juan Gelman | Vers le sud



    HACIA EL SUR



    te amo señora/como el sur/
    una mañana sube de tus pechos/
    toco tus pechos y toco una mañana del sur/
    una mañana como dos fragancias

    de la fragancia de una nace la otra/
    o sea tus pechos como dos alegrías/
    de una alegría vuelven los compañeros muertos
    en el sur
    establecen su dura claridad/

    de la otra vuelven al sur/vivos por/
    la alegría que sube de vos/
    la mañana que das como almitas volando/
    almando el aire con vos/

    te amo porque sos mi casa y los compañeros
    pueden venir/
    sostienen el cielo del sur/
    abren los brazos para soltar el sur/
    de un lado les caen furias/del otro/

    trepan sus niños/abren la ventana/
    para que entren los caballos del mundo/
    el caballo encendido de sur/
    el caballo del deleite de vos/

    la tibieza de vos/mujer que existís/
    para que exista el amor en algún lado/
    los compañeros brillan en las ventanas del sur/
    sur que brilla como tu corazón/

    gira como astros/como compañeros/
    no hacés más que subir/
    cuando alzás las manos al cielo/
    le das salud o luz como tu vientre/

    tu vientre escribe cartas al sol/
    en las paredes de la sombra escribe/
    escribe para un hombre que se arranca los
    huesos/
    escribe la palabra libertad/



    Juan Gelman, Hacia el sur (y otros poemas), Espasa Calpe, Buenos Aires, 1985.







    VERS LE SUD



    je t’aime/dame/comme le sud/
    un matin monte de tes seins/
    je touche tes seins et je touche un matin du sud/
    un matin comme un double parfum/

    du parfum de l’un se lève l’autre/
    ou bien tes seins comme double allégresse/
    de l’une reviennent les compagnons morts dans le sud/
    ils établissent leur dure clarté/

    de l’autre ils reviennent au sud/vivants de
    l’allégresse qui monte de toi/
    le matin que tu donnes comme de douces âmes volant/
    faisant âme l’air avec toi/

    je t’aime car tu es ma maison et les compagnons
    peuvent venir/
    ils soutiennent le ciel du sud/
    ils ouvrent les bras pour lâcher le sud/
    d’un côté leur tombent des furies/de l’autre

    grimpent leurs enfants/ils ouvrent la fenêtre
    pour qu’entrent les chevaux du monde/
    le cheval enflammé de sud/
    le cheval du délice de toi/

    la tiédeur de toi/femme qui existes
    pour que l’amour existe quelque part/
    les compagnons brillent aux fenêtres du sud/
    de ce sud qui brille comme ton cœur/

    tourne comme des astres/ou compagnons/
    tu ne fais que monter/
    quand tu lèves les mains au ciel
    tu lui donnes santé ou lumière comme ton ventre/

    ton ventre écrit des lettres au soleil/
    sur les murs de l’ombre il écrit/
    il écrit pour un homme qui s’arrache les os/
    il écrit liberté/



    Juan Gelman, Vers le sud et autres poèmes, Éditions Gallimard, Collection Poésie, 2014, pp. 213-214. Présenté et traduit de l’espagnol par Jacques Ancet. Postface de Julio Cortázar.







    Juan Gelman, Vers le sud et autres poèmes






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    ■ Juan Gelman
    sur Terres de femmes

    Arte poética
    comentario XI (hadewijch)
    comentario XXXIII (san juan de la cruz)
    el ángel de la tarde



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  • Juan Gelman | comentario XXXIII (san juan de la cruz)




    COMENTARIO XXXIII (SAN JUAN DE LA CRUZ)




    vos que me entrás más en tu amor /

    ¿qué me vas siendo? / ¿qué te sea

    yo? / ¿como gota de rocío

    resuelta en aire por tu fuego


    volando a tu agua viva? / ¿sed
    nuestra de cada día donde
    me palabrás estas palabras /
    como noticia o atadura


    con vos? / ¿ya luz obedecida
    por mi dolor como animal
    manso en tu voz apacentando
    migas de vos / perdida en vos


    de mí? / ¿llama que me existís /
    me transportás / o certidumbre
    de mí sobre esta tierra que
    piso de vos / con vos temblando?




    Juan Gelman, Citas y comentarios, Visor, Madrid, 1982.








    COMMENTAIRE XXXIII (SAINT JEAN DE LA CROIX)




    toi qui plus m’entres en ton amour /
    que me deviens-tu ? / que te puis-je
    être ? / une goutte de rosée
    transmuée en air par ton feu


    volant vers ton eau vive ? / notre
    soif de chaque jour où tu me
    paroles ces paroles / comme
    connaissance ou comme lien


    avec toi ? / lumière obéie
    par ma douleur comme paisible
    animal en ta voix broutant
    miettes de toi / perdue en toi


    mienne ? / flamme qui me fais être /
    qui me transporte / ou certitude
    mienne sur cette terre tienne
    que je foule / avec toi tremblant ?




    Juan Gelman, Commentaires [1978-1979], in L’Opération d’amour, Gallimard, Collection Du monde entier, 2006, page 65. Présenté et traduit de l’espagnol (Argentine) par Jacques Ancet. Postface de Julio Cortázar.






    Opération d'amour






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  • Juan Gelman | Arte poética


    Des visages obscurs les écrivent comme on se jette contre la mort
    Ph., G.AdC





    ARTE POÉTICA


    ENTRE TANTOS OFICIOS ejerzo éste que no es mío,
    como un amo implacable
    me obliga a trabajar de día, de noche,
    con dolor, con amor,
    bajo la lluvia, en la catástrofe,
    cuando se abren los brazos de la ternura o del alma,
    cuando la enfermedad hunde las manos.

    A este oficio me obligan los dolores ajenos,
    las lágrimas, los pañuelos saludadores,
    las promesas en medio del otoño o del fuego,
    los besos del encuentro, los besos del adiós,
    todo me obliga a trabajar con las palabras, con la sangre.

    Nunca fui el dueño de mis cenizas, mis versos,
    rostros oscuros los escriben como tirar contra la muerte.


    Juan Gelman, Velorio del solo [Veillée du solitaire], Nueva Expresión, Buenos Aires, 1961.





    ART POÉTIQUE


    PARMI TANT DE MÉTIERS j’exerce celui-ci qui n’est pas mien,
    comme un maître implacable
    il m’oblige à travailler le jour, la nuit,
    avec douleur, avec amour,
    sous la pluie, au cœur de la catastrophe,
    quand s’ouvrent les bras de la tendresse ou de l’âme,
    quand la maladie pose ses mains sur moi.

    À ce métier m’obligent les douleurs des autres,
    les larmes, les mouchoirs qui s’agitent,
    les promesses au milieu de l’automne ou du feu,
    les baisers des rencontres, les baisers des adieux,
    tout m’oblige à travailler avec les mots, avec le sang.

    Je n’ai jamais été maître de mes cendres, de mes vers,
    des visages obscurs les écrivent comme on se jette contre la mort.


    Juan Gelman, Velorio del solo [Veillée du solitaire], in Revue Siècle 21, n° 16, Printemps – Été 2010, page 91. Traduction inédite de Mariana Di Ció.




    ________________________________________
        Mariana Di Ció est docteur en littérature hispano-américaine. Spécialiste de la poésie argentine, elle travaille comme maître de langue à l’Université de Paris III-Sorbonne Nouvelle. Elle a publié plusieurs articles sur Alejandra Pizarnik et a coédité, avec Pedro Araya et Valantina Litvan, Bajo Sur. Muestra de poesia actual. Chile/Argentina/Uruguay (Cahiers de LI.RI.CO. n° 2, université de Paris –VIII – Saint-Denis, 2006).





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  • Juan Gelman | comentario XI (hadewijch)





    Donde cantan como veremos los exilios de vos
    Ph., G.AdC






    comentario XI (hadewijch)



    este deseo de soledad con vos / amor
    que apresa el alma / amor
    que alimenta y devora y extiende el alma / ala
    de vos a mí / llevadora

    de vos lejos de mí / amor que viene y va
    dando dolor de vos / pena de vos / dulzura
    que bañás mis pedazos / unidos
    en la dicha de vos / donde cantan

    como veremos los exilios
    de vos / país o fiebre / palito
    revolviendo tristezas y deleites / amor
    como un niño con los ojos cerrados

    envuelto en su valor / o libre
    en la cárcel de vos / bello amor
    dando su amor para que amor conozca
    por amor el amor.




    Juan Gelman, Citas y comentarios, Visor, Madrid, 1982.








    Douceur qui baigne mes morceaux rassemblés
    Ph., G.AdC






    commentaire XI (hadewijch)



    c
    e désir de solitude avec toi / amour
    qui se saisit de l’âme / amour
    qui nourrit dévore élargit l’âme / l’aile
    de toi à moi / qui t’emporte

    loin de moi / amour qui vient qui va
    donne douleur de toi / peine de toi / douceur
    qui baigne mes morceaux / rassemblés
    dans le bonheur de toi / où chantent

    comme des étés les exils
    de toi / fièvre ou pays / brindille
    remuant tristesses et délices / amour
    comme un enfant les yeux fermés

    vêtu de ton courage / ou libre
    dans cette prison de toi / bel amour
    donnant son amour pour qu’amour connaisse
    par amour l’amour




    Juan Gelman, Commentaires [1978-1979], in L’Opération d’amour, Gallimard, Collection Du monde entier, 2006, page 38. Présenté et traduit de l’espagnol (Argentine) par Jacques Ancet. Postface de Julio Cortázar.






    Opération d'amour





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  • Juan Gelman | el ángel de la tarde

    «  Poésie d’un jour  »




    Que nous fait-elle plus mal cette beaut-
    Julio Romero de Torres, Carmen de Cordoba
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    EL ÁNGEL DE LA TARDE



    el ángel de la tarde
    se arrancaba las plumas
    y padecía en la cocina

    era silencio como
    tu voz o como lo que
    vuela en tu voz

    había dos mitades
    imperferctas dulcísimas
    devorándose a solas
    a espaldas a sollozos

    qué más nos duele esta hermosura?







    L’ANGE DU SOIR



    l’ange du soir
    s’arrachait les plumes
    et souffrait dans la cuisine

    il était silence comme
    ta voix ou comme ce qui
    vole dans ta voix

    il y avait deux moitiés
    imparfaites si douces
    se dévorant toutes seules
    de dos de sanglots

    que nous fait-elle plus mal cette beauté ?




    Juan Gelman, Rostros, 1963, extrait du recueil Cólera buey in Confluences poétiques N° 3, décembre 2008, pp. 68-69. Traduit de l’espagnol (Argentine) par Jean Portante.





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