Étiquette : Julien Bosc


  • Julien Bosc, Le coucou chante contre mon cœur

    par Angèle Paoli

    Julien Bosc, Le coucou chante contre mon cœur,
    éditions le Réalgar,
    collection l’Orpiment dirigée par Lionel Bourg, 2020.
    Postface de Jean-Claude Leroy.



    Lecture d’Angèle Paoli


    FAIRE MÉMOIRE DE « L’HUMBLE FRATERNITÉ »




    Écrire pour énoncer ce qui persiste de non-dit et de douleur, écrire pour dénoncer. Même si. Même si « la langue manque ». Écrire pour dénoncer l’ampleur de la catastrophe qui ne cesse de se répandre et de nous engloutir. Écrire pour tenter de vivre dans un monde devenu de longue date irrespirable. Vivre malgré l’horreur qui tisse ses ramifications d’amont en aval du temps. Et, pour vivre malgré tout, que faire d’autre sinon s’en remettre au chant des oiseaux, à leur voix bienveillante, à leur présence réconfortante ? Quoi d’autre sinon écrire ces menus bonheurs qui survivent dans la tourmente ?

    Julien Bosc, poète d’intense sensibilité et poète tourmenté, laisse derrière lui un dernier chant, publié à titre posthume. Le coucou chante contre mon cœur. Ce chant, d’aucuns ont pu en découvrir, à travers des extraits, le souffle prenant. C’était en 2017, lors d’une ultime rencontre du poète avec son public. Vaste et poignant, le chant draine dans les poèmes passé et présent, histoire personnelle et histoire des hommes, l’une à l’autre indéfectiblement liées. Le chant est épopée, qui tient à la fois de l’intime et du conte africain, mêlant rêves et vécu, l’expérience du manque et celle des plus profonds désirs. L’abandon et le désarroi. Le poète se fait aède des temps obscurs qui sont les nôtres. Vivre et se taire sont désormais inconciliables. Comment supporter le silence et l’indifférence qui encagent les tragédies d’aujourd’hui dont nous sommes les témoins passifs ? Et dont chacun porte en soi une part de responsabilité !

    « Qui pour entendre leurs cris ?

    Personne ou si peu

    Qui pour les secourir ?

    Une poignée

    La seule qui pourra dire après

    Nous savions tous

    Vous avez laissé faire

    Les coupables c’est vous

    Et vous c’est moi

    À qui la langue manque :

    Pour dénoncer. »

    Ainsi se clôt le chant du poète par ces mots vibrants qui secouent et mettent chacun de nous au pied du mur.

    La geste du poète est grandement liée au lieu de vie qu’il s’est choisi. Un lieu de vie et d’écriture qui apparie mer et campagne, jardin et écume, oiseaux des charmilles et fous de Bassan. L’espace trouve ici sa symbiose « au milieu de l’océan-la-maison ». C’est « un îlot de même pas cinq cents mètres carrés/À mille et mille lieues des côtes ».

    Ce lieu est le « phare » où abriter la détresse, loin du lieu des origines, loin de la tragédie qui a engendré la détresse. Lieu d’exil et de solitude où « tout oublier du dedans ».

    « Du phare mon lieu ma peine mon exil j’ai vue sur les quatre océans

    Les mers intérieures

    Vue sur l’humanité aveugle et sourde… ».

    Pourtant, face à « l’innommable » et à la folie, les chemins s’entrecroisent où s’entremêlent formes et êtres, vagues et forêts, oiseaux et fleurs, images et souvenirs. Situer dès lors importe peu, comme l’énonce le poème anaphorique d’ouverture, où s’énumèrent tous les possibles :

    « Nous pourrions dire une forêt

    Ou le bord de la mer

    Ou la mer

    Ou la nuit de la mer la nuit de la forêt

    Ou les mois sans pluie les feuilles sèches sous les pieds

    Ou les brisures de coquillages

    Ou rien

    Ou cette porte repeinte couleur ciel quand il est à l’orage

    Ou n’être plus là

    Ou plus rien plus un mot plus rien que le blanc dans la nuit. »

    Dizain après dizain, les chants de la geste se suivent, qui alternent les tableaux où se disent, sous forme d’inventaire, des vérités générales au présent toujours actuel ou des infinitifs à valeur impérative. Autant d’actes à accomplir pour tenter de juguler la souffrance et continuer à vivre.

    « Parler malgré l’ablation de la langue » pour dire et pour nommer les composantes d’une réalité qui échappe et qui s’épuise. Qui saigne et qui se meurt. Pour dire l’étourdissement que suscite l’incompréhension.

    « Mais comment ?

    Comment suis-je arrivé là ? »

    Au cœur du questionnement survient le retour sur le passé, l’aveu de ce qu’il fut. Marqué des signes qu’un enfer indélébile a semés en lui et que le poète tente de s’approprier. Nommer pour comprendre. Juste nommer, pour ne pas oublier. Émerge au cœur du chant l’aveu de la judaïté originelle, source de bien des maux.

    « Je porte en moi les souffrances d’un nom […]

    Si sont miens les chants ou souffrances de ce nom

    C’est que respire en moi le grand amour du Livre.

    Non pas celui qui fut offert

    Allégé de voyelles

    Celui qu’il faut écrire

    Partant de rien… ».

    Des maux auxquels viennent s’adjoindre les maux d’aujourd’hui, le sacrifice de milliers de naufragés, suppliciés de nos mémoires brèves et de nos indifférences.

    Autant de désastres qu’accompagne une cohorte de sentiments douloureux et de déchirures. Folie, exil, extrême solitude. Avec pour découverte la solitude de la nature, désormais unique compagne consolatrice et bienfaisante. C’est sans doute dans cette présence fidèle que le poète puise la force de réapprendre à vivre. Au plus près des gestes premiers, gestes vitaux. Lesquels sont nécessaires pour

    « Inventer l’ombre

    Recréer une langue

    L’apprendre l’écrire s’y perdre et en revenir ».

    Il arrive que le chant s’ouvre sur des horizons plus vastes et plus tragiques. La mer ne charrie-t-elle pas avec elle son poids récurrent de chairs sacrificiées ? Comment vivre avec cette violence ? Comment ne pas entendre les voix qui sourdent au creux des vagues ? Comment supporter cette réalité nouvelle « d’un monde abandonné des nécessaires humanités » ? Au milieu de sa nuit, dévoré par les voix des fantômes qui hantent sa mémoire, le poète se met à l’écoute de ce qu’elles ont à lui dire.

    « Chaque nuit des fantômes se redressent chuchotent

    Je les écoute

    Écoute et entends effaré ma propre voix. »

    Chanter alors, écrire pour témoigner, dans la suite des pages, de leur présence. Ou au contraire :

    « Tout silencer ».

    Homme déchiré et à vif, anéanti, à l’extrême démuni face à l’hourban qui menace, le poète s’étonne de ne plus rien sentir. À l’écoute cependant de ce que la nature lui offre, il reste sensible à la fascinante richesse des oiseaux, son ultime consolation.

    « Si la mélancolie survient le coucou chante contre mon cœur. »

    De cette présence unique et généreuse, seule susceptible de ne rien demander en retour, il faut se souvenir :

    « N’oublions pas ce qu’eux seuls savent offrir :

    Une multitude de couleurs afin de réjouir l’âme et déchirer la nuit. »

    De ce magnifique chant douloureux, faire mémoire de « l’humble fraternité ».



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





    Bosc coucou montage




    JULIEN BOSC


    Julien Bosc
    Ph. © J-D Moreau
    Source





    ■ Julien Bosc
    sur Terres de femmes


    [Nous pourrions dire une forêt] (extrait du Coucou chante contre mon cœur)
    La Demeure et le Lieu (lecture d’AP)
    [marcher chaque jour] (extrait de La Demeure et le Lieu)
    [Hormis les lèvres où mourir] (extrait de De la poussière sur vos cils)
    Goutte d’os (lecture d’AP)
    (Et toi, qui es-tu ?) [extrait de Je n’ai pas le droit d’en parler] (+ une notice bio-bibliographique)
    [Nue-pâle sous sa toilette de satin noir] [extrait d’Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa]
    Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa (lecture d’AP)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions le Réalgar)
    la fiche de l’éditeur sur Le coucou chante contre mon cœur
    → (sur remue.net)
    Le coucou chante contre mon cœur, par Jacques Josse
    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Julien Bosc
    → (sur Terre à ciel)
    Hommage à Julien Bosc, par Isabelle Lévesque





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  • Julien Bosc | [Nous pourrions dire une forêt]


    [NOUS POURRIONS DIRE UNE FORÊT]




    Nous pourrions dire une forêt
    Ou le bord de la mer
    Ou la mer
    Ou la nuit de la mer la nuit de la forêt
    Ou les mois sans pluie les feuilles sèches sous les pieds
    Ou les brisures de coquillages
    Ou rien
    Ou cette porte repeinte couleur ciel quand il est à l’orage
    Ou n’être plus là
    Ou plus rien plus un mot plus rien que le blanc dans la nuit.


    Parler malgré l’ablation de la langue
    L’émiettement des sèmes
    Ce qui doit être dit mais ne peut
    Le désastre pas si lointain du passé
    Le feu et les cheveux dans le feu
    Les corps et les noms partis en fumée
    La prière des morts à peine dite ou pas
    Les mots qui saignent
    La main dans l’autre
    L’enfant serré contre un sein à l’heure de la très grande peur.


    Je ne sais ce qui m’arrive
    Fors ce silence
    Cette traversée
    Dans le passé de la forêt ou la mer
    Tantôt un fou de Bassan
    Tantôt une chevêche
    Il et elle très âgés
    Qui les ailes faibles
    Qui borgne
    Un cri un baiser.




    Julien Bosc, Le coucou chante contre mon cœur, éditions le Réalgar, collection l’Orpiment dirigée par Lionel Bourg, 2020, pp. 7-8. Postface de Jean-Claude Leroy.





    Julien Bosc  Le coucou chante




    JULIEN BOSC


    Julien Bosc
    Ph. © J-D Moreau
    Source





    ■ Julien Bosc
    sur Terres de femmes


    Le coucou chante contre mon cœur (lecture d’AP)
    La Demeure et le Lieu (lecture d’AP)
    [marcher chaque jour] (extrait de La Demeure et le Lieu)
    [Hormis les lèvres où mourir] (extrait de De la poussière sur vos cils)
    Goutte d’os (lecture d’AP)
    (Et toi, qui es-tu ?) [extrait de Je n’ai pas le droit d’en parler] (+ une notice bio-bibliographique)
    [Nue-pâle sous sa toilette de satin noir] [extrait d’Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa]
    Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa (lecture d’AP)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions le Réalgar)
    la fiche de l’éditeur sur Le coucou chante contre mon cœur
    → (sur remue.net)
    Le coucou chante contre mon cœur, par Jacques Josse
    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
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    → (sur Terre à ciel)
    Hommage à Julien Bosc, par Isabelle Lévesque





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  • Julien Bosc, Goutte d’os

    par Angèle Paoli

    Julien Bosc, Goutte d’os,
    éditions Collodion, 2020.
    Texte de préfiguration de Françoise Clédat.



    Lecture d’Angèle Paoli


    « DES OS ET OS-SÈMES DANS LA BOUCHE »




    Ce matin-là, dans ma boite aux lettres, un livre. Un ouvrage de bibliophile, imprimé dans l’Indre sur un vergé 120gr. Couverture typographiée sur pur chiffon d’Écosse 300 gr. Un auteur que j’aime : Julien Bosc. Un titre qui, étrangement, m’évoque l’Ossi di seppia de Montale : Goutte d’os. Une maison d’édition rare : Collodion. Je m’interroge. Ai-je commandé ce livre ? Et, en cette période de clausura, les services de presse en poésie sont plutôt discrets. Au cœur de l’ouvrage, une carte de visite des éditions Collodion. Signée de l’éditrice Claire Poulain. Le livre m’est adressé de la part de la poète et amie Françoise Clédat. Cette découverte m’émeut. Et l’attention me touche. Infiniment. Je savais le lien qui existait entre Françoise Clédat et Julien Bosc. Je savais, qu’outre la poésie et l’écriture poétique, tous deux avaient en partage la Creuse. Françoise Clédat y demeure de longue date. Julien Bosc y avait créé en 2013 sa maison d’édition : « Le Phare du Cousseix ». La première fois que j’ai tenu entre les mains un ouvrage édité par Julien Bosc, c’était en 2017. A ore, Oradour. Un poème de Françoise Clédat. Un poème qui fait aujourd’hui partie d’un plus vaste recueil : Ils s’avancèrent vers les villes.

    J’ai sous les yeux Goutte d’os. Un livre posthume qui, par l’entremise de la poésie, réunit une fois encore deux poètes que j’aime. En texte de préfiguration, une lettre posthume que Françoise Clédat adresse à Julien Bosc. Datée de mars 2020, la lettre dit les liens que la poète avait noués avec le poète de Cousseix. Une lettre où elle dit aussi son émotion et son admiration pour l’« humble absolue radicalité » du poème Goutte d’os. Daté au 24 mars 2018 par Julien Bosc. Écrit entre La Flotte-en-Ré et Cousseix.

    Langue de mer épurée jusqu’à l’extrême de la dénudation, la langue de Goutte d’os est pour Françoise Clédat comme une « langue d’os ». Dénudée, dépeaussée. Jusqu’au plus dense, mais aussi jusqu’au plus ténu et au plus fragile. Une langue dépurée jusqu’à la « quintessence ». Jusqu’à la « goutte d’os ». Osmose de composants non miscibles, eau/os, par alchimie des mots. Ce que Julien Bosc exprime en creux dans cet ultime recueil, et par « creusement de langue », c’est « un amour et une dévastation » :

    « (ah comme on s’aima ma morte) » | « ô le ciel ma morte mon amour ».


    Une tragédie a eu lieu qui entraîne (le poète) dans le basculement entre un avant et un après. De l’amour à la mort. La mort a balayé l’amour, corps éperdu-perdu sans espoir de retour :

    « les os d’une main dans la main

    enlacés :

    là se dit tout

    se disait

    avant

    avant la peau les os incinérés ».

    L’amour la mort (omniprésente) se conjuguent ici avec la mer, dans les poèmes clairsemés sur la page. La mer, sa voix sa peau ses algues. Ses plantes marines — laîches arméries cinéraires — et son écume, ses oiseaux et son ciel. Sa langue ressac qui revient. Palilalie. Et langue trébuche. Répète. « elle dit elle dit ».

    « recoudre

    recoudre

    mais comment      comment les os ? ».

    La langue du poète absenté de lui-même, évidé de mots — « langue muette » — se réduit parfois à des répétitions, à des silences. Mots sans buts, desquamés privés de son (sa) destinataire :

    « mots pour

    sans personne ».

    La mer la mort, l’amour et la merlette cou coupé, dépecée elle aussi, « langue morte » « devenue os ». Le monde est réduit à cendres par la mort comme le sont aussi les mots sur la page, réduction des poèmes. Seuls résistent encore et cherchent un espace quelques vers épars. Le poète parle langue blanche, lavée par les vagues, décapée, dépecée, désossée, mots et phrases raturés, mots repris ravalés. Comme écrits par regret ? Langue blanche et pourtant si tendre, vigilante à l’infiniment-petit-touché-par-la-mort, histoire d’une merlette semblable à la femme aimée, langue d’oiseau devenue os dans le bec, mots désossés de même, d’eux-mêmes, larmes réduites à concrétions légères, calcifiées, « goutte d’os » exhumée de la mer. Qui de la merlette ou du corps aimé/noyé — « ange-mort » — draine le chagrin ? L’un comme l’autre desquamé par le reflux des vagues, violence du vent du sang des déchirures. Une même cruauté.

    Travail des os dans le corps et résistance de la bouche obstruée bouchée jusqu’à étouffement, travail de la langue retenue, tenue de se taire. Écouter les os. Le travail de la langue se fait sur la page

    « où échouer

    — si les creux d’un recueil ».

    Comme les eaux envahissent, les os se répandent emplissent renversent/inversent en X (chiasme) :

    « des os plein les yeux

    de la peau plein les os

    plein les mains

    plein la tête

    plein la bouche ».

    Le lecteur cherche sous les os un sens qui fasse histoire, corps de la merlette déplumée, corps autopsié de noyée. Que reste-t-il ? Sinon

    « la merlette perdue

    voix bec dans les plumes :

    un coquillage »

    sinon

    « la gravure d’un visage

    d’une pure pleine jeunesse »

    « tout un corps

    pas plus épais qu’un os

    enlacé dans une main


    ô mon amour

    ô ma mort ».


    Perte peine raturées amour/mort, l’un et l’autre, l’un comme l’autre. Le souvenir de ce qui fut refait surface, refait mémoire. Souvenir d’un visage qui se dénoue en « un tas d’os enfants ». Mais aussi « os défaits d’un ange échoué ». Langue inutile privée de vie de sel de mer réduite abasourdie

    « mots d’une langue morte

    — bée face la mer ».

    Mots langue voix de l’autre surviennent en italiques :

    « à voix marée basse

    une cinéraire

    mes derniers mots »

    ou encore

    « ci-gît lui       elle

    mort morte

    — barre d’écoute reçue en plein visage ».

    Et les traits longs forment enclave dans le poème. Des apartés se glissent, questionnements et suppositions du poète. Évidés sur le vide, les mots de l’indicible sont emplis de silence. Semis de sens, os, des sèmes dans la bouche « à ne savoir que dire ».

    Reste

    « sur la stèle sur la grève :

    un bouquet d’os en fleur

    toutes blanches ».

    Et l’émotion grande, cachée sous l’impossible à dire.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





    Julien Bosc montage






    JULIEN BOSC


    Julien Bosc
    Ph. © J-D Moreau
    Source





    ■ Julien Bosc
    sur Terres de femmes


    Le coucou chante contre mon cœur (lecture d’AP)
    [Nous pourrions dire une forêt] (extrait du Coucou chante contre mon cœur)
    [Hormis les lèvres où mourir] (extrait de De la poussière sur vos cils)
    La Demeure et le Lieu (lecture d’AP)
    [marcher chaque jour] (extrait de La Demeure et le Lieu)
    [Nue-pâle sous sa toilette de satin noir] [extrait d’Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa]
    Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa (lecture d’AP)
    (Et toi, qui es-tu ?) [extrait de Je n’ai pas le droit d’en parler] (+ une notice bibliographique)




    ■ Voir aussi ▼


    le site des éditions Collodion
    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Julien Bosc
    → (sur Terre à ciel)
    Hommage à Julien Bosc, par Isabelle Lévesque
    le site des éditions Le phare du cousseix
    → (sur le blog Mediapart Outre l’écran)
    Julien Bosc (par André Bernold), par Jean-Claude Leroy






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  • Julien Bosc, La Demeure et le Lieu

    par Angèle Paoli

    Julien Bosc, La Demeure et le Lieu,
    suivi de Jacques Lèbre, Quelques bribes — gagnées sur la mélancolie,
    éditions faï fioc, 54200 Boucq, 2019.



    Lecture d’Angèle Paoli


    La fenêtre      qui ouvre sur le dehors
    « la fenêtre     qui ouvre sur le dehors
    comment est-elle ? »
    Ph., G.AdC









    LE PHARE PORT D’ATTACHE




    Paru il y a onze mois aux éditions Faï fioc, La Demeure et le Lieu, recueil poétique posthume de Julien Bosc, est une écriture du territoire. Les poèmes s’inscrivent dans un espace circonscrit par les deux pôles — demeure et lieu —, que délimitent ses habitants et faune et flore omniprésentes. C’est là, dans « le phare » qu’est la demeure, en un lieu isolé et enclavé, et que prend place l’écriture de Julien Bosc. Une écriture patiente et têtue, qui se vit au jour le jour parmi les compagnons familiers, dans une dérive de la pensée. Rivée à la mélancolie, pièce maîtresse de l’ouvrage, la pensée solitaire rend compte du « rien », mais aussi du tout minuscule qui l’enclôt. Tandis que la pensée s’exténue dans « une conscience exsangue », l’écriture, elle, est l’objet d’un regard distancié et d’une interrogation lucide. Loin de se prendre au sérieux, le poète pose sur son poème, sur la facilité apparente qui le révèle, un regard critique :

    « à l’heure du poème

    la sale sensation

    parfois

    de faire feu de tout bois »

    avec, quelques vers plus loin, le sentiment découragé « que rien n’a été dit ».

    Toute une hiérarchie diachronique — écoulement des nuits et des arrière-saisons — organise l’espace quotidien de la demeure et du lieu qu’elle occupe. Parfois se faufilent les mots jusqu’au blanc de la page. De temps à autre, à force de « laisser venir », se présente, modeste et incertaine, « l’éventualité d’un poème ». Il y faut certes tant soit peu de méthode, le respect peut-être d’un certain ordre des choses :

    « écrire

    avant se taire

    rallumer son feu dès l’aube

    peler l’orange

    raccommoder sa langue et sa peau » .

    À cela s’ajoutent les acteurs familiers et leurs gestes. Le tout s’agence de la manière la plus naturelle, dans la continuité, sans ponctuation ni majuscule ; avec des mots simples. Mises à part quelques exceptions, tels les vocables vieillis ou régionaux, « battitures » et « arantèles », qui donnent le plaisir de fouiner dans quelque Trésor de la langue française. Seule fantaisie apparente, le « ô » lyrique qui met en relief l’exclamation. Ou encore, autre particularité de la langue, ces constructions échafaudées sur d’infimes déplacements :

    « une toujours même promenade »

    ou sur des incises inattendues qui brouillent la progression et l’enchaînement syntaxique des propositions :

    « où

    pour de tout se souvenir et voir derrière le miroir il fallut

    le corps avait faim et voulait parler

    rabattre les contrevents par devant les croisées… ».

    L’univers du poète se construit sur la répétition du même, laquelle va de pair avec l’énumération des composantes du décor, arbres, fruits et fleurs. Insectes et oiseaux. Le regard du poète sur les créatures qui peuplent son espace est un regard tendre et amusé, voire complice.

    Les poèmes prennent le plus souvent l’allure de listes, d’injonctions sur le dérisoire des jours. Listes d’actions à accomplir, d’entreprises à mener ou dont il faut au contraire se délester. « Se délester des subterfuges ». Il arrive aussi qu’alternent dans le même poème délestage et lestage.

    Les infinitifs en début de vers sont autant de balises dans le temps semainier. Pourtant, en dépit des bornages qu’il sécrète, le poète est ballotté par l’indécision. Faire ne pas faire. Choisir une option ou y renoncer. Ainsi est-il le jouet de « graves questions » auxquelles l’écriture n’échappe pas. Il faut alors laisser parler la langue, laquelle ne se livre pas d’elle-même ; il faut la travailler au corps, en « forcer les ferrures ». Jusqu’à tout accorder en un même pas. Il arrive que le poème soit soumis à une réduction sévère de verbes à l’infinitif. Un programme s’amorce qui se résout dans sa propre négation. Il en va ainsi de la vie — celle des insectes lucioles lézards araignées — et du regard que le poète lui accorde. Toutefois, dans cet ensemble de forces qui coexistent, c’est bien la nature qui l’emporte.

    « suprématie de la nature sur le poème

    là où suffit un jour pour que l’herbe reverdisse

    il faut ici souvent semaine ou mois

    quand ce n’est une voire plusieurs années d’attente

    pour qu’un nouveau paraisse… ».

    Parfois, lorsque la lampe est allumée et qu’advient le temps de l’écriture, la maison devient phare, porteuse d’images de mer. Soumise au charroi des vagues, la vie rurale se métamorphose. La fureur océane submerge alors la demeure et le lieu. Les murets devenant digues, le travail des « mots rescapés du naufrage » s’arrime aux amers. Métaphores et « transmutations » emportent le poème sur un fil d’horizon ouvert. En un mouvement plus large — où se conjuguent mots de la mer et mots de la ruralité — promesse d’une « traversée merveilleuse ».

    Ailleurs, le poème prend l’allure d’un dialogue, vécu comme un conte, ouvert sur le passé :

    « que cherchez-vous ?

    la fenêtre      qui ouvre sur le dehors

    comment est-elle ?

    je ne sais plus

    c’est si loin ».

    De l’autre côté du miroir se profile l’avant-deuil, se profilent ses fantômes. Une histoire d’amour s’ébauche en filigrane au cours des vers. Un amour défunt, qui resurgit à partir d’un rien. Ainsi le goût de « discrètes fraises des bois » ravive-t-il le souvenir de ce qui fut et ranime-t-il l’amertume du deuil. Quant à refaire « à l’envers le voyage de l’inoublié premier baiser », cela relève de l’impensable. Mieux vaut encore se délester des « illusions passées ». La nostalgie gagne. En proie à la morosité et au désœuvrement, le poète puise alors ce peu de force de vie dans ses alliés minuscules que sont les êtres qui l’entourent. Les images de mort se ramassent au détour d’un poème, comme ces « anciens galets dans la gorge » qui ravivent le chagrin. Est-ce le portrait du poète qui se cache derrière celui « d’un homme/dont le regard et le long trait des lèvres expriment une immense tristesse » ? Est-ce lui que la vague ramène sous les « traits d’absurdité d’un noyé » ? La mort hante le lieu du poème. La mort hante le « port d’attache » du poète. Le phare ne saura pas le retenir.

    Restent cet ultime recueil et ses vers poignants, jusqu’aux tout derniers qui infusent sous la peau leur beauté tendresse et leur mélancolie.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Julien Bosc La demeure et le lieu






    JULIEN BOSC


    Julien Bosc
    Ph. © J-D Moreau
    Source





    ■ Julien Bosc
    sur Terres de femmes


    Le coucou chante contre mon cœur (lecture d’AP)
    [Nous pourrions dire une forêt] (extrait du Coucou chante contre mon cœur)
    [marcher chaque jour] (extrait de La Demeure et le Lieu)
    [Hormis les lèvres où mourir] (extrait de De la poussière sur vos cils)
    Goutte d’os (lecture d’AP)
    (Et toi, qui es-tu ?) [extrait de Je n’ai pas le droit d’en parler] (+ une notice bio-bibliographique)
    [Nue-pâle sous sa toilette de satin noir] [extrait d’Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa]
    Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa (lecture d’AP)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Julien Bosc
    → (sur Terre à ciel)
    Hommage à Julien Bosc, par Isabelle Lévesque





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  • Julien Bosc | [marcher chaque jour]





    [MARCHER CHAQUE JOUR]





    marcher chaque jour
    une heure au moins
    souvent pour un aller-retour à la rivière
    — que se taisent brouhahas et redites
    et viennent
    s’ils veulent bien
    quelques mots et désordres de phrases qui
    au retour
    rimeront peut-être à quelque chose       de pas trop superflu

    emprunter deux échelles au voisin paysan
    (une double et une de toit)
    incliner la première sur le chéneau
    monter et poser la seconde sur le versant       exposé aux gèles et vents du nord
    et
    là-haut
    vigie sans proue ni mer — mais saisie de vertige —
    repasser ce rampant dont quelque cinquante tuiles s’étaient désagrégées tels s’effeuillent
    les schistes des falaises

    à l’heure du poème
    la sale sensation
    parfois
    de faire feu de tout bois

    puis
    après coup
    hormis ses à-côtés
    preuve est là             que rien n’a été dit





    Julien Bosc, La Demeure et le Lieu, suivi de Jacques Lèbre, Quelques bribes ̶ gagnées sur la mélancolie, éditions Faï fioc, 54200 Boucq, 2019, pp. 57-59.






    Julien Bosc La demeure et le lieu






    JULIEN BOSC


    Julien Bosc
    Ph. © J-D Moreau
    Source





    ■ Julien Bosc
    sur Terres de femmes


    Le coucou chante contre mon cœur (lecture d’AP)
    [Nous pourrions dire une forêt] (extrait du Coucou chante contre mon cœur)
    La Demeure et le Lieu (lecture d’AP)
    [Hormis les lèvres où mourir] (extrait de De la poussière sur vos cils)
    Goutte d’os (lecture d’AP)
    (Et toi, qui es-tu ?) [extrait de Je n’ai pas le droit d’en parler] (+ une notice bio-bibliographique)
    [Nue-pâle sous sa toilette de satin noir] [extrait d’Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa]
    Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa (lecture d’AP)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Julien Bosc
    → (sur Terre à ciel)
    Hommage à Julien Bosc, par Isabelle Lévesque





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  • Julien Bosc, Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa

    par Angèle Paoli

    Julien Bosc, Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa,
    La tête à l’envers, 58330 Crux-la-Ville, 2018.
    Préface d’Édith de La Héronnière.
    Peinture de couverture de Cécile A. Holdban.



    Lecture d’Angèle Paoli




    ENTRE CHARMES ET SORTILÈGES




          Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa.



    La petite musique du titre agit comme une brûlure légère, comme une épine ensorcelante. Une nostalgie qui s’immisce sous les mots, glissant d’un poème à l’autre, dans la rondeur du silence et dans la rumeur des vagues.


    Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa.



    Ce titre leitmotiv imprime sa broderie tout au long des neuf chants qui composent le recueil de Julien Bosc. Une broderie tout en ajours, tout en finesse et tout en mélancolie.

    À la croisée du ciel et de la mer a lieu la rencontre. À la croisée de quatre couleurs se nouent les prémices du récit, dans le mystère de ses mots à elle, « dont le dernier mot / est l’écho silencé du premier ».

    La rencontre se poursuit entre. D’autres couleurs, plus vives, plus chaudes mais toujours dans l’interstice de l’entre-deux.

    « Entre bleu et vert » / « entre gris et noir » d’abord. Puis « entre orange et rose » / « entre rouge et jaune ».

    Entre estran et terre.

    Et, très vite, entre amour et mort.

    Mais ce sont ses mots à elle — « les mots du corps » — qui servent de sésame à l’écriture. C’est avec eux que le récit aurait pu prendre son essor. Et que pourtant celui-ci se brise pour renaître plus avant de ses cendres :


    « Ainsi du semblant du récit ne resta-t-il plus qu’une ombre
    imparfaite et mouvante
    agitée par des courants violents et contraires. »



    Puis, plus loin, « des versets s’amuïssant refluèrent », qui ouvrirent la voie au poème et aux « mots à venir ».

    De cet échange de voix, il reste entre nos mains ce recueil d’une poésie lyrique ciselée jusque dans sa beauté extrême, jusque dans son extrême recherche. Sans pour autant que l’émotion qui s’en dégage en soit affaiblie. Tout au contraire. Les ciselures avivent l’émotion d’une touche singulière qui fait de chaque poème un chant alterné à deux voix, un carmen ouvragé et mystérieux.

    C’est à travers son regard à lui — « la vigie du poème » —, regard de poète attentif à l’autre et au moindre détail saisi au vol, qu’elle survient, dans les différentes phases de ses apparitions. Annoncée, toujours, par le leitmotiv « elle avait sur le sein des fleurs de mimosa ». Le refrain égrène à sa suite de menues variations, comme le vent emporte dans les embruns la robe de la belle. « La dévoilant longue et blanche », nue et liane, « vent debout dans la nuit faussement silencieuse ». Qui est-elle ? D’où vient-elle ? Que fait-elle sur ce promontoire, livrée à la violence des rafales, dans ce paysage marin-cosmique, à la croisée du rêve où tous les possibles se rencontrent et se confondent ? De quel deuil cherche-t-elle le pansement ? Qu’est son amour devenu ? Amant défunt dont elle s’abîme à ranimer les braises. Quel est cet autre qui s’avance à sa rencontre ? À qui s’adresse-t-elle, perdue-éperdue, sinon au vent : « Ah vent errant de la parole désœuvrée » ? Se sont-ils parlé ? Du bout des lèvres peut-être, « la voix sans voix ». Ce qu’il reste de leur échange est peu de chose. Ce sont


    « [l]es mots en réserve du poème inlassablement replié
    sur lui-même
             Les à peine deux ou trois larmes de rien contre lesquelles on ne
    peut mais ».



    Et dans la bouche cet « âpre goût d’inachevé ».

    Entre confidence et échange, le récit se poursuit. La belle continue d’habiter le poème et de laisser sa vie dériver sous les mots. Jusqu’à appréhender — peut-être — le désir enivrant de « conjurer la mort. » Mais la mort toujours rôde et le vent déraisonne qui sème le doute et repousse à plus tard « l’avant-silence du récit. » Elle est fille des flots, quelque peu magicienne. Aventurière malmenée par le deuil et renaissant sans cesse de ses blessures. La poursuite inassouvissable de son amant se révèle un leurre et les gestes qu’elle s’essaie à reconduire la laissent endolorie :


    « Au réveil        
    De ce poème qui le maintenait vivant
    Je ne sus plus que les premiers mots. »



    Le temps s’écoule et les saisons, qui ramènent la belle endeuillée sur la rive. Dans un murmure, elle livre les mots de son chant :


    « J’avais sur le sein des fleurs de mimosa. »



    Mais les mots eux-mêmes échappent, qui se dérobent. Restituer ce qui fut dit de leur dernier échange, et qui parlait de cet amour, se compte sur les doigts de la main.

    Entre rêve et rumeur de la mer, le poème achève de se dévoiler. Libérant un à un, entre charmes et sortilèges, les secrets d’un thrène sans pareil.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Bosc mimosa





    JULIEN BOSC


    Julien Bosc
    Source




    ■ Julien Bosc
    sur Terres de femmes


    [Nue-pâle sous sa toilette de satin noir] [extrait d’Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa]
    Le coucou chante contre mon cœur (lecture d’AP)
    [Nous pourrions dire une forêt] (extrait du Coucou chante contre mon cœur)
    La Demeure et le Lieu (lecture d’AP)
    [marcher chaque jour] (extrait de La Demeure et le Lieu)
    Goutte d’os (lecture d’AP)
    (Et toi, qui es-tu ?) [extrait de Je n’ai pas le droit d’en parler] (+ une notice bibliographique)
    [Hormis les lèvres où mourir] (extrait de De la poussière sur vos cils)




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Julien Bosc
    → (sur le site des éditions la tête à l’envers)
    la fiche de l’éditeur sur Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa
    → (sur le blog Mediapart Outre l’écran)
    Julien Bosc (par André Bernold), par Jean-Claude Leroy





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  • Julien Bosc | [Nue-pâle sous sa toilette de satin noir]





    [NUE-PÂLE SOUS SA TOILETTE DE SATIN NOIR]





    Nue-pâle sous sa toilette de satin noir
    Nue sauf le sein ce fut dit
    Elle ne sut
    Dans un pareil décor
    (Mer port montagnes rochers plages de sable ou galets abrités
    par des criques
    Plus loin places rues parcs ou jardins de la ville
    Bois et forêts de l’arrière-pays
    Par-delà en amont la descente assourdissante du torrent
    Puis le fleuve puis probablement encore l’océan
    Et
    Un port des montagnes des rochers une femme qui ne savait
    avec sur le sein des fleurs de mimosa mais
    Dans ce décor
    Ne savait quoi
    ?)
    Elle ne sut non
    Qui de la nuit du jour la surprendrait




    Dans un sommeil un silence un récit
    ?
    Ou là
    Sur la jetée qu’elle aurait déjà rejointe




    Julien Bosc, Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa,
    La tête à l’envers, 58330 Crux-la-Ville, 2018, pp. 48-49.
    Préface d’Édith de La Héronnière. Peinture de couverture de Cécile A. Holdban.







    Bosc mimosa





    JULIEN BOSC


    Julien Bosc
    Source




    ■ Julien Bosc
    sur Terres de femmes


    Le coucou chante contre mon cœur (lecture d’AP)
    [Nous pourrions dire une forêt] (extrait du Coucou chante contre mon cœur)
    Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa (lecture d’AP)
    La Demeure et le Lieu (lecture d’AP)
    [marcher chaque jour] (extrait de La Demeure et le lieu)
    Goutte d’os (lecture d’AP)
    (Et toi, qui es-tu ?) [extrait de Je n’ai pas le droit d’en parler] (+ une notice bibliographique)
    [Hormis les lèvres où mourir] (extrait de De la poussière sur vos cils)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Julien Bosc
    → (sur le site des éditions la tête à l’envers)
    la fiche de l’éditeur sur Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa
    → (sur le blog Mediapart Outre l’écran)
    Julien Bosc (par André Bernold), par Jean-Claude Leroy





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  • Julien Bosc | [Hormis les lèvres où mourir]



    [HORMIS LES LÈVRES OÙ MOURIR]




    Hormis les lèvres où mourir.
    Hormis le seuil
    (et sa pierre bafouée).
    Hormis la porte
    (et ses vitres de verre
    — caillassées dans la nuit).


    À la lisière de la forêt de hêtres, un inaudible dialogue :

    — Avez-vous vu le choucas tirer les feuillets du pierrier ?

    — En équilibre entre deux branches hautes d’un arbre,
    j’ai vu, oui, un livre inachevé dont les sept cahiers étaient
    cousus par les très fines brindilles jaunes d’un signe.

    — Que dit ce livre ?

    — Le tourment d’un récit.

    — Qui l’a écrit ?

    — Une voix perdue.

    — Quelle est la première phrase du livre ?

    — Celle survivante d’une blessure.

    — Et la dernière phrase du livre ?

    — Celle d’une énième répétition bégayée de la première ?

    — Tel, sûr hélas de ce qu’il avait vu, le choucas replia
    ses ailes et se jeta dans le vide ?

    — Oui, telle la luciole qui sans cesse va vient d’un côté
    l’autre du chemin.

    — Quel est le tracé du chemin ?

    — Une ligne de fuite.

    — Où conduit-elle ?

    — Aux tremblants pétales du coquelicot.

    — Tel le signet virevoltant dans la nuit ?

    — Tel, oui, le visage qui s’efface à contre-jour de la
    lumière d’une lampe — condamnée à brûler.

    — Tel votre visage ?

    —Tel votre visage, oui.


    Ah forêt

    Ah forêt-de-hêtres

    Ah hache dans l’écor-

    ce




    Julien Bosc, De la poussière sur vos cils, Éditions la tête à l’envers, 58330 Crux-la-Ville, 2015, pp. 41-42.







    Julien Bosc, De la poussière sur vos cils





    JULIEN BOSC


    Jb © Noël Bourcier
    Ph. © Noël Bourcier




    ■ Julien Bosc
    sur Terres de femmes


    Le coucou chante contre mon cœur (lecture d’AP)
    [Nous pourrions dire une forêt] (extrait du Coucou chante contre mon cœur)
    La Demeure et le Lieu (lecture d’AP)
    [marcher chaque jour] (extrait de La Demeure et le Lieu)
    [Nue-pâle sous sa toilette de satin noir] [extrait d’Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa]
    Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa (lecture d’AP)
    Goutte d’os (lecture d’AP)
    (Et toi, qui es-tu ?) [extrait de Je n’ai pas le droit d’en parler] (+ une notice bibliographique)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Julien Bosc
    le site des éditions la tête à l’envers
    le site des éditions Le phare du cousseix
    → (sur le blog Mediapart Outre l’écran)
    Julien Bosc (par André Bernold), par Jean-Claude Leroy





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  • Julien Bosc | (Et toi, qui es-tu ?)

    «  Poésie d’un jour  »



    Et ma solitude
    Ph., G.AdC






    (ET TOI, QUI ES-TU ?)




    Serti par des racines d’héliotropes blancs et mauves, un échange ― aux confins du désir :
    ― Que regardes-tu ?
    ― Le dais d’ombre par-dessus les pliures de la mémoire.
    ― Que vois-tu ?
    ― Rien. La nuit. Une citadelle. Un pont de pierre. Des fougères orange ou jaunes le long d’un chemin. Le ciel violet du couchant. L’erg silencieux. Une très grande tristesse. Ta solitude. La mienne. Rien. La nuit.
    ― Comment est la nuit ?
    ― Claustrée, butinée par les abeilles.
    ― Et la citadelle ?
    ― Désertée.
    ― Et le pont de pierre ?
    ― Ouvert de part en part, délié du présent par la mortelle blessure.
    ― Et les fougères ?
    ― En javelles, fauchées par des grêlons de miel.
    ― Et le couchant, le ciel violet ?
    ― Et l’erg silencieux ?
    ― Sans cesse mouvant quoique immuable ?
    ― Et la très grande tristesse ?
    ― Amnésique, repliée sur elle-même, en boule.
    ― Et ma solitude ?
    ― Semblable à la mienne.
    ― Et la tienne ?
    ― Sans égale.
    ― (Et toi, qui es-tu ?
    ― La question à laquelle ni toi ni moi ne pouvons répondre.)



    Julien Bosc, Je n’ai pas le droit d’en parler, Atelier La Feugraie, Collection L’Allure du chemin, dirigée par Jean-Pierre Chevais et Alain Roger, 14770 Saint-Pierre-la-Vieille, 2008, pp. 26-27.







    Bosc Feugraie





    JULIEN BOSC


    Julien Bosc
    Source



    Né en 1964 à Boulogne-Billancourt. Ethnographe (spécialiste de la sculpture africaine et plus particulièrement de la statuaire lobi), Julien Bosc a publié deux textes aux éditions L’Éther vague/Patrice Thierry (maison d’édition toulousaine reprise par les éditions Verdier après la mort de Patrice Thierry en 1998) : L’Oculus (récit, 1991), Préludes (nouvelles, 1995) ; aux éditions Détroits, Distraction (1999) ; aux éditions Unes, Pas (1999) ; aux éditions Rehauts, Maman est morte (2012) ; chez Approches-éditions, Tout est tombé dans la mer (2014) ; aux éditions la tête à l’envers, De la poussière sur vos cils (2015) ; aux éditions Quidam, Le Corps de la langue (2016. Préface de Bernard Noël) ; aux éditions Potentille, La Coupée (2016) ; à l’Atelier de Villemorge, Le Verso des miroirs (2018) ; aux éditions la tête à l’envers, Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa (2018) ; aux éditions faï fioc, La Demeure et le lieu (2019) ; aux éditions Collodion, Goutte d’os (2020. Préface de Françoise Clédat). Vient de paraître, en juin 2020, aux éditions le Réalgar : Le coucou chante contre mon cœur, ultime recueil posthume.
    Julien Bosc a fondé en 2013 et dirigé les éditions Le phare du Cousseix. Il est décédé le 26 septembre 2018 à Croze (Creuse).




    ■ Julien Bosc
    sur Terres de femmes


    Le coucou chante contre mon cœur (lecture d’AP)
    [Nous pourrions dire une forêt] (extrait du Coucou chante contre mon cœur)
    [Hormis les lèvres où mourir] (extrait de De la poussière sur vos cils)
    La Demeure et le Lieu (lecture d’AP)
    [marcher chaque jour] (extrait de La Demeure et le Lieu)
    [Nue-pâle sous sa toilette de satin noir] [extrait d’Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa]
    Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa (lecture d’AP)
    Goutte d’os (lecture d’AP)




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    une fiche bio-bibliographique sur Julien Bosc
    le site des éditions la tête à l’envers
    le site des éditions Le phare du cousseix
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    Hommage à Julien Bosc, par Isabelle Lévesque





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