Étiquette : La Lucarne des Écrivains


  • Aline Recoura | Curiosité



    Maram al-Masri Morges NB
    Ph. : angèlepaoli
    Maram al-Masri, Morges, avril 2015








    CURIOSITÉ


    À Maram al-Masri



    Hier soir en attendant le bus
    je lisais un livre
    bilingue arabe-français

    Une femme s’approche de moi
    vous lisez l’arabe
    je ne lis que la traduction
    je ne connais pas l’arabe
    vous êtes française
    oui

    Air étonné tout en étant ravie
    de voir des bouts de son pays

    Elle lit et me fait répéter
    elle me montre une voyelle
    répète
    moi il nous
    là ça veut dire qui brille
    répète
    elle m’offre un bouquet de langue
    veut que je la suive dans les sons

    Je souris heureuse de cet échange
    elle m’offre son cœur au bout de la langue



    Aline Recoura, « Voyager », Banlieue Ville, éditions La Lucarne des Écrivains, 2020, page 99. Peintures de Marjan.






    Aline Recoura  Banlieue Ville 2





    ALINE RECOURA


    Aline Recoura portrait NB





    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Lichen, revue de poésie)
    deux autres poèmes d’Aline Recoura
    → (sur Les Cosaques des Frontières)
    d’autres poèmes d’Aline Recoura




    ■ Maram al-Masri
    sur Terres de femmes


    [elle a légué à ses enfants une mère qui rêve]
    Un furesteru mi feghja (extrait de Cerise rouge sur un carrelage blanc)
    Métropoèmes (lecture de Michel Ménaché)





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  • Alain Gorius | Métisse




    MÉTISSE (extrait)



    Le visage est celui d’une très jeune femme, aux lèvres pleines. Yeux en amande, regard voilé, figure d’icône. Elle est souvent vêtue, en ces jours de printemps tardif,   d’une sorte de bustier qui lui découvre l’épaule droite, et le haut de la poitrine, qu’elle porte pleine ; bien galbée ; bien tenue.

    L’hiver, ses seins roulent sous la laine écrue de son pull.

    Ses cheveux surtout

    sa chevelure

    attirent le regard ; elle les porte très longs, et libres ils se déploient jusqu’à ses reins, en écrin de matière soyeuse, vivante, vibrant de l’éclat sombre du henné qui les cuivre. Chevelure ombreuse vers quoi la main se tend, que l’on peine à retenir ;


    chevelure        

    de femme nue        

    au bord d’un fleuve.       


    Sa peau et blanche et mate ;

    cette peau

    ce flot

    qui ondule

    cette chevelure où s’enfouir

    tout est à l’image de la Madeleine hispano-flamande devant laquelle ô joie jadis baissaient leurs yeux les fidèles, lorsque leurs lèvres se refermaient

    sur le corps du Christ.

    Sur cette vierge pâle et brûlante est passé le vent du noroît, humide, qui balaie les Flandres.

    Mais il reste en elle du Sud qui a fécondé nos forêts épaisses : sa chevelure est métisse, crépue comme les femmes de ce pays où se sont longuement entremêlées les armées, les langues, les peintures.

    Après le bain, elle flamboie sombre et splendide et sent le musc.

    Au délié, des senteurs d’Algarve et d’herbe qui font rêver.

    Jeune belle venue de loin égarée dans nos brumes.

    Lorsque le maître de ses chiens l’accompagne dans les bois humides du nord de l’Ile-de-France, l’été, il plonge parfois tout son visage dans la chevelure de la belle, à perdre le souffle…

    Elle ne se dérobe qu’à demi à sa présence éperdue.



    Alain Gorius, « Métisse » in Portraits secrets, La Lucarne des Ecrivains, 2018, pp. 51-52-53. Photographies de Joël Leick.






    Alain Gorius  Portraits secrets







    ■ Voir aussi ▼

    une fiche éditoriale sur Portraits secrets d’Alain Gorius
    → (sur le site des éditions Al Manar)
    une fiche biographique sur Joël Leick
    le site de Joël Leick
    → (sur Terres de femmes)
    Aïcha Arnaout, Alain Gorius | La fontaine





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