Étiquette : La rumeur libre


  • Nikolaï Zabolotski | Poète


    Поэт [1953]




    Черен бор за этим старым домом,
    Перед домом — поле да овсы.
    В нежном небе серебристым комом
    Облако невиданной красы.
    По бокам туманно-лиловато,
    Посредине грозно и светло,—
    Медленно плывущее куда-то
    Раненого лебедя крыло.
    А внизу на стареньком балконе —
    Юноша с седою головой,
    Как портрет в старинном медальоне
    Из цветов ромашки полевой.
    Щурит он глаза свои косые,
    Подмосковным солнышком согрет,—
    Выкованный грозами России
    Собеседник сердца и поэт.
    А леса, как ночь, стоят за домом,
    А овсы, как бешеные, прут…
    То, что было раньше незнакомым,
    Близким сердцу делается тут.







    POÈTE [1953]




    Derrière la maison vieille, une futaie noire.
    En face, un champ d’avoine.
    Pelote d’argent dans le ciel tendre,
    Un nuage d’une beauté extraordinaire.
    Voguant lentement à la dérive,
    De bruine et de lilas sur les côtés,
    D’aveuglante blancheur au milieu –
    L’aile d’un cygne blessé.
    En dessous, dans la véranda,
    Un adolescent aux cheveux gris :
    Un portrait dans un médaillon ancien
    Auréolé de fleurs de camomille.
    Sous le soleil de la campagne moscovite
    Il cligne ses yeux bridés,
    Interlocuteur du cœur et poète
    Forgé par les orages de Russie.
    Et s’agitent, forcenées, les avoines,
    Et se dresse, haute nuit, la forêt riveraine…
    Ce qui fut jusque-là inconnu
    Passe dans l’intimité du cœur.




    Nikolaï Zabolotski [Николай Заболоцкий], Le Loup toqué, anthologie poétique 1926-1958, éditions La rumeur libre, Collection La Bibliothèque, 2015, page 154. Traduit du russe par Jean-Baptiste Para.



    _______________________________
    * Poème écrit après une rencontre avec Boris Pasternak dans sa datcha de Peredelkino. (N.d.T.)





    Nikolaï Zabolotski  Le Loup toqué



    NIKOLAÏ ZABOLOTSKI


    Nikolaï Zabolotski
    Source




    ■ Nikolaï Zabolotski
    sur Terres de femmes


    L’adieu aux amis [1952] (poème extrait de La Fille laide et autres poèmes, 1955)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de l’Encyclopædia Universalis)
    une notice bio-bibliographique sur Nikolaï Zabolotski, par Claude Kastler
    → (sur En attendant Nadeau)
    Zabolotski : un oubli réparé, par Christian Mouze
    → (sur Œuvres ouvertes)
    Nikolaï Zabolotski | Testament
    → (sur La Cause Littéraire)
    Nikolaï Zabolotski (1903-1958), Le Loup toqué (chronique de Matthieu Gosztola)





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  • 27 mars 2012 | Mort d’Adrienne Rich

    Éphéméride culturelle à rebours

    « Poésie d’un jour



    Le 27 mars 2012 meurt à Santa Cruz (Californie) la poète américaine Adrienne Rich.




    Née à Baltimore, dans le Maryland, le 16 mai 1929, Adrienne Rich est la fille de la compositrice et pianiste Helen Elizabeth Rich et d’Arnold Rich, médecin légiste et professeur de médecine. Adrienne Rich est issue d’un mariage mixte : d’un père juif d’origine austro-hongroise et d’une mère élevée dans le culte protestant.

    Encouragée par son père dans sa vocation d’écrivain, Adrienne Rich publie son premier recueil, A Change of World, en 1951, l’année même de l’obtention de sa licence (Bachelor of Arts). En 1953, lors d’un voyage à Florence, la jeune poète découvre qu’elle souffre d’une polyarthrite rhumatoïde.

    La même année 1953, de retour aux États-Unis, Adrienne Rich épouse l’économiste Alfred H. Conrad, qui sera le père de ses trois enfants. Ensemble ils luttent contre l’injustice sociale, pour la défense des droits civiques et pour les droits des femmes. En 1966, le couple s’installe à New York. À l’Université de Columbia, où elle enseigne la poésie, Adrienne Rich va plus avant dans ses engagements. Le couple se sépare. En 1970, Alfred Conrad met fin à ses jours.

    En 1976 commence une nouvelle vie pour Adrienne Rich. Elle vit aux côtés de la romancière et éditrice Michelle Cliff, d’origine jamaïcaine. La même année, Adrienne Rich publie Twenty-One Love Poems. Ensemble les deux amantes dirigent un journal littéraire et artistique lesbien dans lequel publie Adrienne Rich. Dans ses articles, l’essayiste aborde ses thèmes de prédilection : le pacifisme, la maternité, le racisme, la violence exercée à l’encontre des femmes, le féminisme, l’homosexualité… La poète vit à Santa Cruz (Californie) avec sa compagne jusqu’à sa mort.

    « [L]a poésie [d’Adrienne Rich] conserve l’empreinte de son cheminement personnel et politique. Ses poèmes sont, à ses débuts, composés suivant une technique de montage cinématographique, puis sa voix s’affermit, soutenue par sa détermination à « agir d’emblée et ouvertement comme une femme ayant un corps de femme et une expérience de femme. » (Chantal Bizzini)

    « Adrienne Rich parle pour tous ceux qui n’ont pas la parole, par le témoignage ou par la fable ; elle rappelle ce qui a été oublié, réinvente la vie des femmes et des hommes là où leur trace a été effacée. » (Chantal Bizzini)






    HERE IS A MAP OF OUR COUNTRY



    Here is a map of our country :
    here is the Sea of Indifference, glazed with salt
    This is the haunted river flowing from brow to groin
    we dare not taste its water
    This is the desert where missiles are planted like corms
    This is the breadbasket of foreclosed farms
    This is the birthplace of the rockabilly boy
    This is the cemetery of the poor
    who died for democracy     This is a battlefield
    from a nineteenth-century war     the shrine is famous
    This is the sea-town of nymph and story     when the fishing fleets
    went bankrupt     here is where the jobs are     on the pier
    processing frozen fishsticks hourly wages and no shares
    These are other battlefields     Centralia     Detroit
    here are the forests primeval     the copper     the silver lodes
    These are the suburbs of acquiescence     silence rising fumelike

    from the streets
    This is the capital of money and dolor whose spires
    flare up through air inversions whose bridges are crumbling
    whose children are drifting blind alleys pent
    between coiled rolls of razor wire
    I promised to show you a map you say but this is a mural
    then yes it it be     these are small distinctions
    where do we see it from is the question




    Adrienne Rich, An Atlas of the Difficult World: Poems, 1988-1991, W.W. Norton, New York City (NY), 1991, page 6.





    Adrienne Rich  An Atlas of the Difficult World







    [VOICI UNE CARTE DE NOTRE PAYS]



    Voici une carte de notre pays :
    voici la Mer de l’Indifférence, glacée de sel,
    C’est la rivière hantée, coulant des sourcils à l’aine,
    nous n’osons pas goûter son eau,
    C’est le désert, où des missiles sont plantés comme des bulbes,
    C’est le grenier à blé des fermes hypothéquées,
    C’est le lieu de naissance du rockabilly boy,
    C’est le cimetière des pauvres
    qui sont morts pour la démocratie     C’est le champ de bataille
    d’une guerre du dix-neuvième siècle,     la chapelle en est célèbre,
    C’est la ville balnéaire du mythe et de l’histoire,     quand les flottes de pêcheurs
    ont fait faillite,     c’est ici qu’il y avait du travail,     sur le quai,
    on traitait des bâtonnets de poisson congelés, salaires journaliers, sans intéressement,
    Voici d’autres champs de bataille,     Centralia,     Detroit,
    là sont les forêts vierges,     le cuivre,     les gisements d’argent,
    Voici les banlieues de l’acquiescement,     le silence monte des rues,

    comme une fumée,
    Voici la capitale de l’argent et de la douleur dont les tours
    s’enflamment sous les courants inverses de l’air, dont les ponts s’effritent,
    dont les enfants flânent dans des voies sans issue, confinés
    entre les spirales de fils barbelés
    j’ai promis de te montrer une carte, dis-tu, mais c’est une fresque,
    eh bien oui,     il y a quelques petites nuances,
    savoir d’où l’on regarde, c’est la question.




    Adrienne Rich, Un atlas du monde difficile in Paroles d’un monde difficile, Poèmes 1988-2004, éditions La rumeur libre, Série mεtaphrasi | Domaine américain, 2019, page 32. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Chantal Bizzini.





    Adrienne Rich  Paroles d'un monde difficile






    ADRIENNE RICH


    Adrienne Rich
    Source




    ■ Adrienne Rich
    sur Terres de femmes


    Paroles d’un monde difficile, Poèmes 1988-2004 (lecture d’AP)
    From An Old House In America




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur le site des éditions La rumeur libre)
    une notice biographique sur Adrienne Rich
    → (sur Poetry Foundation)
    une biographie d’Adrienne Rich
    → (sur Modern American Poetry)
    un ensemble d’articles sur Adrienne Rich






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  • Lili Frikh | Le large




    LE LARGE



    Il faudra que je parle d’écrire… Et que ce soit parler pas écrire… Que j’avoue… Et j’avoue… Être peu sensible aux formes de l’écrit… Être prise sans filet dans le mouvement de l’écriture. Cette différence que je sens que je fais entre les deux… Elle m’écarte… Elle me sépare… Elle me fait mal au milieu… Mais les mots sont sans abri. Ils n’ont pas de domicile fixe. Je les couche sous la couverture comme des chiens affamés. « Couchez… Allez… Couchez là… Ici… Non là… Là… Voilà… Pas bouger… »
    Mais ils ne restent pas sur le papier. Ils prennent le large
    Écrire est déployé sans forme attachée
    Écrire est une langue de grand départ
    Aucune ligne d’arrivée




    Lili Frikh, Carnet sans bord, La rumeur libre éditions, Collection de poésie nouvelle série, n° 40, 2017, page 26. Sélection Prix des Découvreurs 2019.






    Lili Frikh  Carnet sans bord




    LILI FRIKH


    Lili Frikh
    Lili Frikh au festival Voix vives,
    de Méditerranée en Méditerranée, Sète 2015





    ■ Lili Frikh
    sur Terres de femmes

    Corps (extrait de Tôle froissée)




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions La rumeur libre)
    la fiche de l’éditeur sur Carnet sans bord de Lili Frikh





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  • Sylvie Brès | Territoire




    Labyrinthe
    « Labyrinthe où | règne la solitude | reléguée | d’un Minotaure émasculé »
    Ph., G.AdC







    TERRITOIRE
    (extrait)




    Évaporation de la pensée




    Rites
    où se perd le souffle
    incantatoire
    où se construisent
    des semblants de dehors
    où s’épanouissent
    des inflorescences de songes
    où s’inculquent des
    respirations alternées.




    Va-et-vient
    de la mémoire
    effeuillant l’absence.




    Labyrinthe où
    règne la solitude
    reléguée

    d’un Minotaure émasculé.



    Sylvie Brès, « Territoire » (extrait) in L’Incertaine Limite de nos gestes, La rumeur libre éditions, collection poésie, nouvelle série, 42540 Sainte-Colombe-sur-Gand, 2014, pp. 36-37-38-39.






    Sylvie Brès, L'Incertaine Limite de nos gestes, La rumeur libre éditions, 2014.





    SYLVIE BRÈS
    (1954-2016)



    Bres_Sylvie
    Source



    ■ Sylvie Brès
    sur Terres de femmes

    Chez moi la mort était partout…
    [Comme la petite seiche jette son encre] (autre poème extrait de Cœur troglodyte)
    [Dès que vivant | nous côtoyons la mort] (autre poème extrait de Cœur troglodyte)
    [Il fait nuit] (poème extrait d’Il fait)
    [Territoires incertains] (poème extrait d’Une montagne d’enfance)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Sylvie Brès
    → (sur France Culture)
    Sylvie Brès pour Cœur troglodyte au Castor Astral (émission Ça rime à quoi de Sophie Nauleau du 2 novembre 2014)
    → (sur le site de La rumeur libre éditions)
    la page de l’éditeur sur L’Incertaine Limite de nos gestes





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  • Patrick Laupin | [Je suis d’accord avec Descartes]




    En finir avec le | démourant ordinaire et le noir absolu | du sans réponse
    Ph., G.AdC






    [JE SUIS D’ACCORD AVEC DESCARTES]




    Je suis d’accord avec Descartes Plutôt
    changer l’ordre de mes désirs que l’ordre
    du monde Je donne tout au visage des
    rêves qui ont bercé ma vie J’ai goût de
    revenir au monde des choses fruitées,
    banales, rondes, sensuelles, gorgées
    de sève et de lumière Je sais qu’elles
    accomplissent le cycle d’un éternel retour
    en chaque parcelle d’existence Racine et
    tombeau de mon caractère au fond c’est
    dur de faire compagnie avec les autres
    j’aime pourtant encore l’autre voix
    comme notre voix à tous Pieça Icicaille
    Jeudi jardin des Vénus En finir avec le
    Démourant ordinaire et le noir absolu
    du sans réponse Poussière d’avoir dit le
    seul silence de ce pays je me recueille en
    folie et je défais pierre à pierre l’édifice
    de la brute intérieure dans la tanière
    de sa peur




    Patrick Laupin, Le Dernier Avenir, poèmes, La rumeur libre Éditions,
    Collection de poésie nouvelle série n° 33, 2015, page 97. Prix Kowalski 2015.







    Patrick Laupin, Le Dernier Avenir 2






    PATRICK LAUPIN


    Patrick Laupin




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Recours au Poème)
    une lecture du Dernier Avenir par Annie Estèves






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