Étiquette : L’Atelier contemporain


  • Jacques Moulin, L’Épine blanche

    par Isabelle Lévesque

    Jacques Moulin, L’Épine blanche,
    L’Atelier contemporain | François-Marie Deyrolle éditeur, 2018.
    Lecture de Michaël Glück. Dessins de Géraldine Trubert.



    Lecture d’Isabelle Lévesque


    L’AUBÉPINE ET LE COUDRIER





    La couverture de ce livre relié a la blancheur de la craie des falaises du Pays de Caux, caractéristique du paysage de la mère qui vient de mourir.

    L’ouvrage comporte trois sortes de textes : des notes de carnet, des textes en prose et des poèmes en vers. Dans le carnet, les notes sont datées à partir du jour du décès : D15, D16, D17… Les nombres représentent le compte des jours. Le D, initiale du prénom de la mère, Denise, se répète et s’entête, résistant à l’oubli ; il s’inscrit dans ce paysage de mots, L’Épine blanche.

    « Denise décès et deuil une chute de dentales comme au jeu du palet ou du dé. »

    Au départ, au seuil du deuil, on ne peut se défaire de la lettre quatrième de l’alphabet.

    « L’abécédaire va jusqu’à D », prévient le poète.

    « D’épine blanche devant la Manche. L’arbrisseau D qui a cédé. » En cette ligne de prose, un quatrain de vers de quatre syllabes avec rimes qui fait du [d] le début et l’arrivée.

    Les lettres s’échangeaient régulièrement entre la mère et le fils ; avec L’Épine blanche, voici la lettre ultime du fils à sa mère.

    Il s’agit d’abord de dépasser le silence de la stupeur, « quand la glotte reste sans voix le larynx sans fonction ». Puis la parole revient par des phrases sans virgules, dont la seule ponctuation est le point. On est alors frappé par les sons assénés (« Port portiques et passe »), comme on bégaierait de ne pouvoir passer le cap de dire. Entrant dans le livre, on approche la mer, on découvre une terre où les homophones et les redites permettent un ancrage qui préserve les sons et les libère dans l’espace fécond du poème.

    Nous sommes « devant la mer de Manche », dans une ville nommée H., grand port à l’estuaire de la Seine. Depuis son appartement, la mère regardait l’avant-port et la mer.

    « Elle est là devant lui et la nuit qui s’avance l’attend. La nuit en faisceaux. Le phare balaie toujours sans vraiment emporter. Cette nuit-là, c’est la bonne. La mère s’effondre dans les couleurs du phare. »

    Par vagues, les mots venus aux lèvres du fils reviennent (salés) :

    « Adieux sur le môle. Eaux profondes chenal ouvert. Channel pour les Amériques. Le couchant. Le fils veillant sa mère. »

    Par les noms et les noms propres des personnes et de la géographie s’opère une réappropriation. La parole revient. La mère a donné à son fils sa langue, son goût pour les livres, pour les mots et leurs jeux sonores. Le fils se prénomme Jacques : il fallait inventer un nom-lien dans la langue « dionysienne » ; et c’est Jaboc, un Jacob bousculé qui résonne avec docks, roc, soc et bloc :

    « Elle aimait bien ces rimes de rien qui sonnaient bien au bout des mains au bout des seins. »

    La mère, institutrice, faisait partie des « instruisous », comme le disait la Mère-grand dont la voix affleure parfois.

    Le poème établit un pont entre la mère et les fortunes de mer : « maladie des grands vaisseaux rouillés embarqués à jamais sur la mer ». Continûment, tout au long de L’Épine blanche, nous serons soumis au roulis qui nous mène de la terre côtière au chenal maritime et douloureusement, dans l’aigu de l’épine du titre, nous passerons du blanc d’écume mortelle au blanc végétal de l’aubépine.

    Il existe une musique particulière de L’Épine blanche, faite de répétitions et de dissonances. L’usage est dérouté (épine plantée dans la langue). L’humour vient adoucir les dérapages. Des mots sont plantés dans d’autres (de « cor » à « corvidés »), on s’achemine sur le terrain d’une écriture travaillée à corps et à cri. Du son au mot repris, courte distance : lorsque le mot « puits » entre dans le texte, il capte le passé perdu qu’on ne remonte plus, il suscite la citerne de l’école en Caux qui jouxtait le trou profond vers lequel tomber de fatale attirance.

    La forme du carnet donne au texte des divisions et réamorce les dentales en attaques de mots comme si, avec « Denise déprise disparue », on se cassait les dents sur une évidence : « Deuil discipline d’écriture et devoir de notation. » Noter, « [c]onsigner l’essentiel avec des stop télégraphiques. »

    Les poèmes très courts hésitent parfois entre simple note et haïku :

    « Réglé la facture d’eau

    Ton eau

    Larmes ».

    La mer et la mère font bloc. Alimentent la mémoire ou l’obstruent. Le puits (« la fosse »), c’est sa tombe et le silence d’elle « touchée coulée quinze fois » dans cette bataille navale finale, de D15 à D… Tout au long du livre, le fils parle de lui-même à la troisième personne : lui et sa mère sont à égalité.

    Jaboc se remémore les lettres de Denise, écriture parfaite jusqu’au jour où « le tremblement de la main a étouffé un peu la phrase ». Premiers indices perçus mais non retenus, seules comptent les nouvelles transmises des falaises. Bientôt on vendra chez le notaire le « pied-en-mer » de la mère. Le vent porte le fils vers la « terre ocre du Caux salée de tous passages ».

    « Aussi la mort d’un être cher est-elle presque comme la nôtre, presque aussi déchirante que la nôtre ; la mort d’un père ou d’une mère est presque notre mort et d’une certaine façon elle est en effet la mort-propre : c’est l’inconsolable qui pleure ici l’irremplaçable », écrivait Jankélévitch *.

    Au bord de la tombe de ses parents, Jaboc, devenu grand-père, entend l’infini « au suivant » :

    « Le prochain qui y est

    C’est bien toi mon vieux

    Entends-tu que l’on toque

    À ta porte Jaboc ».

    Les questions se multiplient sur ce qui meurt avec la mère, sur la place du père dont le fils a dépassé l’âge :

    « C’est quoi qu’on doit à ses parents qui couchent en terre depuis longtemps. On met bruyère sur leur terre. On met deux pieds. Deux pots serrés pour faire la paire. »

    Pieds de bruyère ou pieds du fils ? Voici d’autres « pieds perdus » – le P du père, quand on perd pied : « Et nos pieds lourds qui tout écrasent ». Nous sommes des scaphandriers aux semelles de plomb descendant vers les profondeurs par le poème : « Sommes-nous nés d’un ventre déchiré et d’un père perdu d’avance ? » Le père est associé au « coudrier noueux », la mère à « l’épine blanche », cette « aubépine voûtée par les vents du large ». Paraphrasant Molière, le poème déplore : « Le petit arbre est mort ». Ce n’est ni le premier ni le dernier, nous allons « d’un bris à l’autre ».

    « Elle est partie

    Par les chemins de mémoire

    Le vent couché sur elle ».

    Alors se pose la question, réduite, essentielle :

    « Comment emporter sa morte et devenir léger ? ».

    Il s’agit, confronté à l’« absence absolue », de « coïncider avec le monde » et, avec le fil du poème, de « ravauder la division ouverte par la brisure ».



    Isabelle Lévesque
    D.R. Texte Isabelle Lévesque
    pour Terres de femmes




    ________________________________
    * Vladimir Jankélévitch, La Mort (éditions Flammarion, 1977), page 51.







    Jacques Moulin  L'Épine blanche  Éditions L'Atelier Contemporain





    JACQUES MOULIN


    Jacques Moulin portrait
    Source




    ■ Jacques Moulin
    sur Terres de femmes


    D 27 et D 28 (extrait de L’Épine blanche)
    Écrire à vue (lecture d’AP)
    [Partir à dos de feuilles ou d’arbres] (extrait d’Écrire à vue)
    Journal de Campagne (lecture d’AP)
    Portique (lecture d’AP)
    Portique 2 (extrait de Portique)
    [Sur le halage certains soirs] (extrait d’À vol d’oiseaux)
    Un galet dans la bouche (extrait)




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions L’Atelier contemporain)
    la page de l’éditeur sur L’Épine blanche
    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la Littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Jacques Moulin




    ■ Autres notes de lecture (54) d’Isabelle Lévesque
    sur Terres de femmes


    Max Alhau, Les Mots en blanc
    Marie Alloy, Cette lumière qui peint le monde
    Gabrielle Althen, Soleil patient
    Françoise Ascal, Noir-racine précédé de Le Fil de l’oubli
    Edith Azam, Décembre m’a ciguë
    Gérard Bayo, Jours d’Excideuil
    Mathieu Bénézet, Premier crayon
    Véronique Bergen, Hélène Cixous, La langue plus-que-vive
    Claudine Bohi, Mère la seule
    Paul de Brancion, Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre
    Laure Cambau, Ma peau ne protège que vous
    Valérie Canat de Chizy, Je murmure au lilas (que j’aime)
    Fabrice Caravaca, La Falaise
    Jean-Pierre Chambon, Zélia
    Françoise Clédat, A ore, Oradour
    Colette Deblé, La même aussi
    Loïc Demey, Je, d’un accident ou d’amour
    Sabine Dewulf, Et je suis sur la terre
    Pierre Dhainaut, Après
    Pierre Dhainaut, Ici
    Pierre Dhainaut, Progrès d’une éclaircie suivi de Largesses de l’air
    Pierre Dhainaut, Vocation de l’esquisse
    Pierre Dhainaut, Voix entre voix
    Armand Dupuy, Mieux taire
    Armand Dupuy, Présent faible
    Estelle Fenzy, Rouge vive
    Bruno Fern, reverbs    phrases simples
    Élie-Charles Flamand, Braise de l’unité
    Aurélie Foglia, Gens de peine
    Philippe Fumery, La Vallée des Ammeln
    Laure Gauthier, kaspar de pierre
    Raphaële George, Double intérieur
    Jean-Louis Giovannoni, Issue de retour
    Cécile Guivarch, Sans Abuelo Petite
    Cécile A. Holdban, Poèmes d’après suivi de La Route de sel
    Sabine Huynh, Les Colibris à reculons
    Sabine Huynh, Kvar lo
    Lionel Jung-Allégret, Derrière la porte ouverte
    Mélanie Leblanc, Des falaises
    Gérard Macé, Homère au royaume des morts a les yeux ouverts
    Béatrice Marchal, Au pied de la cascade
    Béatrice Marchal, Un jour enfin l’accès suivi de Progression jusqu’au cœur
    Jean-François Mathé, Retenu par ce qui s’en va
    Dominique Maurizi, Fly
    Dominique Maurizi, La Lumière imaginée
    Emmanuel Merle, Dernières paroles de Perceval
    Nathalie Michel, Veille
    Isabelle Monnin, Les Gens dans l’enveloppe
    Cécile Oumhani, La Nudité des pierres
    Emmanuelle Pagano, Nouons-nous
    Hervé Planquois, Ô futur
    Sofia Queiros, Normale saisonnière
    Jacques Roman, Proférations
    Pauline Von Aesch, Nu compris





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  • Livane Pinet | [Le soleil se rapprochait]


    [LE SOLEIL SE RAPPROCHAIT]




    Le soleil se rapprochait rapidement de la ligne d’horizon, et il lui sembla qu’il était temps de chercher un endroit pour la nuit. Elle regagna le bois pour y trouver la protection des arbres. Les rayons du soleil se frayaient maintenant un chemin le long des troncs, juste à sa hauteur. Elle marcha assez longtemps. La pénombre grandissait. Les troncs semblaient peu à peu se fondre les uns dans les autres, et comme s’abstraire alors qu’elle flottait parmi eux. Elle arriva à une clairière au milieu de laquelle une cabane en pierre avait sa porte grande ouverte. Elle s’en approcha et appela : « Il y a quelqu’un ? » Personne ne répondit. Sans franchir le seuil, elle se pencha pour voir à l’intérieur. Il y avait là, dans l’obscurité, une petite table et une chaise ; dans un coin, par terre, un matelas et deux couvertures pliées ; dans un autre coin, fixé au mur, un placard. Quelqu’un vivait ici, qui ne devait pas être loin, car elle distinguait dans l’ombre, sur la table, la blancheur d’une pile de feuilles de papier, et la forme d’une lampe à pétrole dont le verre arrivait encore à réfléchir une sourde lueur tombée de la fenêtre.

    Craignant d’être surprise par l’habitant de la cabane, elle retourna rapidement vers la lisière du bois, où un léger creux tapissé d’une belle herbe grasse lui parut pouvoir servir de lit. Elle sortit de son sac son manteau et un pull, enfila le pull et disposa le manteau sur l’herbe. La nuit était là, silencieuse. La masse noire des arbres encerclait le ciel marine où des étoiles, telles des invitées, faisaient leur apparition les unes après les autres. Elle regarda un temps le ciel s’étoiler, puis elle dut s’endormir.

    Réveillée aux premières clartés du jour, elle fut surprise de trouver sur elle une couverture. Elle crut la reconnaître et sourit, pensant que ce ne pouvait être que lui, l’habitant de la cabane. Lui, qui était venu la couvrir dans son sommeil ; lui, dont elle avait senti la présence toute la nuit. Elle retourna cette impression dans son esprit jusqu’à en avoir une idée satisfaisante. Oui, cette attention ne pouvait venir que de lui ; et la silhouette de la veille, c’était donc bien lui. Elle n’avait pas rêvé. Elle resta un moment à caresser la couverture tout en caressant cette douce pensée. Puis elle se leva et se dirigea vers la cabane. Elle frappa à la porte qui était encore grande ouverte.



    Livane Pinet, Les Pierres filantes, chapitre I, L’Atelier contemporain | François-Marie Deyrolle éditeur, 2020, pp. 12-13.





    Livane Pinet  Les Pierres filantes



    LIVANE  PINET



    Livane Pinet
    Source




    ■ Livane Pinet
    sur Terres de femmes


    Traces (extrait de La Part d’ombre)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de L’Atelier contemporain)
    la page de l’éditeur sur Les Pierres filantes
    → (sur lelitteraire.com)
    une lecture des Pierres filantes par Jean-Paul Gavard-Perret






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  • Jacques Moulin | D 27 et D 28



    D 27

    Ne plus t’entretenir du quotidien du temps.
    Des riens des jours.
    Entends toujours les goélands à tes fenêtres.



    Le fils sentait ce silence de la mère en allée comme un chuintement détourné asphyxié. Il a couru en sous-bois. Il a ballotté ses humeurs. Il savait ne plus respirer pour elle ne plus l’embarquer dans sa promenade. Elle était l’humus d’automne la feuille abandonnée aux vents du défaire. L’enfermement des sèves. La nature défunte. Le silence de la mère en terre toutes braises confisquées. Même celle des mélèzes qu’elle avait découverts tardivement grâce aux enfants au creux des pentes de l’automne.




    D 28

    Comment emporter sa morte et demeurer léger ?
    Quand tu aimes il faut laisser partir.
    Laisse ta mère franchir l’horizon marin.



    Un mois sans toi
    Sans feu ni lieu de toi
    Sans mère ni voie
    Chenal perdu

    Sans voix sans toi
    Corne de brume
    Mouillures aux yeux
    L’humeur des vitres avec l’embrun

    Du brou en gorge
    L’automne des noix
    Et coque vide.




    Jacques Moulin, L’Épine blanche, L’Atelier contemporain | François-Marie Deyrolle éditeur, 2018, pp. 36-37-38-39. Lecture de Michaël Glück. Dessins de Géraldine Trubert.






    Jacques Moulin  L'Épine blanche  Éditions L'Atelier Contemporain





    JACQUES MOULIN


    Jacques-Moulin
    Source




    ■ Jacques Moulin
    sur Terres de femmes

    Écrire à vue (lecture d’AP)
    [Partir à dos de feuilles ou d’arbres] (extrait d’Écrire à vue)
    Journal de Campagne (lecture d’AP)
    Portique (lecture d’AP)
    Portique 2 (extrait de Portique)
    [Sur le halage certains soirs] (extrait d’À vol d’oiseaux)
    Un galet dans la bouche (extrait)




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions L’Atelier contemporain)
    la page de l’éditeur sur L’Épine blanche
    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la Littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Jacques Moulin





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  • Odile Massé | [Il fait chaud]




    [IL FAIT CHAUD]




    Il fait chaud.

    Contre les marches où il n’y a plus d’ombre, près des graviers éclatants de blancheur, les insectes crissent et rampent. Je transpire. Je ne bouge pas. Je respire à petits coups l’air brûlant qui déchire mes poumons, j’écoute les oiseaux.

    Je les laisse approcher.

    Je pense à l’hiver, aux corneilles qui craillent et corbinent par centaines à la tombée du jour, au bois qui craque dans les grands arbres, aux appels affolés des étourneaux qui peuplent les branches sombres. Le parc est immense. Les gens marchent à pas pressés en remontant leur col, quelques enfants se roulent dans les tas de feuilles sèches (pour ma part, je préfère m’y coucher à l’automne, quand elles sont encore souples, odorantes, accueillantes au poids de mon corps qui s’apaise dans leur bruissement d’ailes répandues), il y a près du zoo tous les âpres fumets des fauves que j’évite d’approcher tant ils ressemblent à ceux du chenil, et dans les allées je marche sans bruit. Je m’assieds sur un banc, réchauffe mes doigts gourds dans le fond de mes poches, j’écoute les oiseaux. J’oublie le sang, la maison, les rires d’elle avec ses bêtes, j’oublie comme il fait sombre dans la boutique et comme j’ai envie, souvent, de poser mes mains sur le tissu frémissant de sa jupe, j’oublie les frôlements que j’ai osés dans le couloir, l’escalier, l’encadrement d’une porte, mon ventre glissant le long de ses hanches et tentant de s’y attarder, se frottant et pressant contre son corps, l’odeur de ses cheveux, de sa peau que je regardais transpirer près de moi, mes doigts soudain touchant sa taille ou s’enfonçant entre nous dans l’épaisseur de sa poitrine, et les fourmillements dans mes jambes tandis qu’ainsi je m’appuyais et pesais contre elle qui se dégageait— tout s’éloigne, ma chair se calme, je m’allonge dans le froid crissant, j’écoute les oiseaux dont les cris transpercent l’air et ma tête, j’attends. J’attends qu’enfin piaulent et pépient les petits dans les buissons, j’attends d’être envahi par les roucoulements, les gloussements, les gazouillis des oiseaux revenus, d’entendre dans leurs cages brailler les paons et jaser les perroquets, d’écouter près du bassin le cancanement des cygnes et sous les toits le gémissement des tourterelles, plus forts que tous les grognements des chiens et qui me fait oublier les crocs et les langues chaudes des bêtes, dans la touffeur qui s’étend — j’attends, couché sur mon banc, de retrouver l’émoi joyeux de tout cela qui siffle, caquette, turlute, babille, trisse et jacte, et chuchète, appelle, flûte, chante, trille, pleure, s’empare de l’espace, vole, gratte, bat des ailes et creuse avec son bec, change, bouge, sautille, pique dans le vide, s’évade, plonge, frôle les feuillages, se repose et flotte contre l’air et me regarde de profil, toujours, avec son œil fixe et vaguement méprisant.

    J’attends les soirs d’été, les crépuscules interminables où le ciel verdissant monte entre les toits de tuiles, où je m’assieds comme aujourd’hui près du calvaire, au-dessus de la ville.

    Là, tout s’apaise.

    L’air devient fluide, les martinets y tracent leurs envols ; j’écoute les bruissements des vents du soir. Je touche les pierres encore chaudes de la chaleur du jour, je m’évade loin de la maison où mastiquent les chiens en cadence, où elle mâche bouche ouverte et m’attend sans impatience, sachant qu’avec la nuit, comme les femmes aux lèvres rouges montent dans l’ombre autour de moi, je m’enfuirai vers la maison pour cacher ma tête entre ses bras.




    Odile Massé, L’Envol du guetteur, L’Atelier contemporain, François-Marie Deyrolle éditeur, 2018, pp. 78-79-80. Dessins de Christine Sefolosha. Lecture de Claude Louis-Combet.






    Odile Massé  L’Envol du guetteur  Éditions L'Atelier contemporain





    ODILE  MASSÉ


    Odile Massé
    Source




    ■ Odile Massé
    sur Terres de femmes

    Sortir du trou (extrait)




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la mél, Maison des écrivain et de la littérature)
    une notice bio-bibliographique sur Odile Massé
    → (sur le site des éditions L’Atelier contemporain)
    la fiche de l’éditeur sur L’Envol du guetteur d’Odile Massé





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  • Patricia Cartereau & Albane Gellé | [Verrons-nous les mondes de la nuit | se lever]



    Patricia Cartereau
    Dessin de Patricia Cartereau
    (première de couverture
    de Pelotes, Averses, Miroirs)







    [VERRONS-NOUS LES MONDES DE LA NUIT | SE LEVER]



    Verrons-nous les mondes de la nuit
    se lever,
    remuer la terre des chemins,
    traverser quelques plaines, vivre enfin
    rassurés
    de sentir notre sommeil profond.
    Serons-nous d’un quelconque secours
    à quelqu’un, quelque chose.
    Asseyons-nous dans l’herbe,
    les questions s’arrêtent.



    Patricia Cartereau & Albane Gellé, Pelotes, Averses, Miroirs, L’Atelier Contemporain, 2018, page 133. Lecture de Ludovic Degroote. [en librairie le 16 mars 2018]






    CartereauPATRICIA CARTEREAU


    Patricia-Cartereau-copie




    ■ Voir aussi ▼

    le site de Patricia Cartereau, plasticienne
    → (sur le site de L’Atelier contemporain)
    la fiche de l’éditeur sur Pelotes, Averses, Miroirs
    → (sur lelitteraire.com)
    une lecture de Pelotes, Averses, Miroirs par Jean-Paul Gavard-Perret





    ALBANE GELLÉ



    Image, G.AdC




    ■ Albane Gellé
    sur Terres de femmes

    il y a toujours dans la nuit un homme
    [Peut-être que j’en ai un peu marre de la poésie]



    ■ Voir | entendre aussi ▼

    le blog d’Albane Gellé
    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche sur Albane Gellé
    → (sur Remue.net)
    un dossier auteur Albane Gellé
    → (sur Terre à ciel)
    une page sur Albane Gellé
    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Albane Gellé (que l’on peut aussi écouter en cliquant ICI)
    → (sur le site de France Culture)
    Albane Gellé dans Ça rime à quoi de Sophie Nauleau (3 mars 2013)



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  • Bruno Krebs | [Jours vierges, blancs champs de pierre]







    Cristine Guinamand
    Dessin de Cristine Guinamand,
    in Bruno Krebs, Dans les prairies d’asphodèles,
    L’Atelier contemporain, page 83.








    [JOURS VIERGES, BLANCS CHAMPS DE PIERRE]



    Jours vierges, blancs champs de pierre —

    vent, parfums de vent rien d’autre —

    pluie peut-être — pas encore.

    Fils ténus se brisent sur la nuit —

    se fondent en ténèbres, basculent.

    Jours sans couleurs sans odeur — de vent

    rien que de vent s’accomplissent se meurent.


    Au long des plages avec toi j’ai amassé tant de coquillages, de nacres — leurs éclats roses, de cuivre, d’étain en ces sombres jours paillettes le ciel cendres et ténèbres — continuel couchant.


    La pluie — d’un instant à l’autre.

    Pourtant le soleil ronge franges de nuages y creuse encore vastes trouées d’azur.

    Mais vite, si vite se pressent vapeurs opaques, bientôt la pluie viendra battre persiennes closes, angles d’immeubles, éteindre d’un coup ultimes éclats, paillettes d’argent, tilleuls et marronniers les secouer, les brosser en longues hachures de plomb — à moins que non le soleil ne l’emporte, si vives les bourrasques là-haut pourchassent nuées de neige, reforment nappes bleues qui plus bas aux chevelures, aux épaules accrochent leurs fils d’or.


    Vagues et vagues de nuits prennent force par le fond, raclent les sables les remuent, s’exhaussent par degrés tendues en arches — lames, collines de la mer s’arrachent, avec le vent s’étalent, bruissent noires, s’épanouissent noirs pétales s’élèvent encore, avec le soleil jouent, accélérant d’un coup filent, refluent, affluent, tintent rires mèches d’écume fouettées au vent tiède, volent, courent, tonnent, ébranlent les sables, rythment ma nuit sans repos.



    Bruno Krebs, Dans les prairies d’asphodèles, “2. Jours”, L’Atelier Contemporain, François-Marie Deyrolle éditeur, Strasbourg, 2017, pp. 73-74. Lecture d’Antoine Emaz. Dessins de Cristine Guinamand. Ouvrage relié.






    Bruno Krebs  Dans les prairies d'asphodèles 2


    ______________________________
    NOTE : Ouvrage disponible en librairie le 14 novembre 2017.






    BRUNO KREBS


    Bruno Krebs
    Ph. olivierroller.com
    Source




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de L’Atelier contemporain)
    la fiche de l’éditeur sur Dans les prairies d’asphodèles
    → (sur le site de L’Atelier contemporain)
    une notice bio-bibliographique sur Bruno Krebs
    → (sur le site de L’Atelier contemporain)
    une notice bio-bibliographique sur Cristine Guinamand
    → (sur le site de L’Atelier contemporain)
    d’autres extraits de Dans les prairies d’asphodèles [PDF]
    → (sur Wikipedia)
    une notice bio-bibliographique sur Bruno Krebs
    → (sur lelitteraire.com)
    une note de lecture de Jean-Paul Gavard-Perret sur Dans les prairies d’asphodèles





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  • Daniel Blanchard | [Année après année]






    Daniel Blanchard  Bruire 4
    Dessin de Farhad Ostovani,
    in Daniel Blanchard, Bruire, L’Atelier contemporain, p. 11.







    [ANNÉE APRÈS ANNÉE]



    Année après année,
    L’horizon par-dessus les yeux.
    Je regarde en arrière.




    Un piano lointain,
    le tourbillon des martinets…
    le soir tombe sur nous.




    Le regard fugitif
    sur la rivière en fleur s’endort.
    Halte brève….




    Le ciel qui précipite,
    voile de neige sur les yeux…
    Une pensée sans mots.




    Eau qui remue dans l’eau,
    haleine au fil du vent tiède…
    (souvenir d’un regard)




    Daniel Blanchard, Bruire, L’Atelier contemporain, François-Marie Deyrolle éditeur, 2017, pp. 22-23-24.
    Dessins de Farhad Ostovani.







    Daniel Blanchard  Bruire




    ______________________________
    NOTE : Ouvrage disponible en librairie le 14 novembre 2017.






    DANIEL BLANCHARD

    Daniel Blanchard
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de L’Atelier contemporain)
    la fiche de l’éditeur sur Bruire de Daniel Blanchard
    → (sur le site de L’Atelier contemporain)
    d’autres extraits de Bruire [PDF]
    → (sur le site de P.O.L éditeur)
    une fiche bio-bibliographique sur Daniel Blanchard
    → (sur lelitteraire.com)
    une note de lecture de Jean-Paul Gavard-Perret sur Bruire





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  • Renaud Ego | « La naissance de l’art » [Georges Bataille]






    Georges Bataille à Lascaux
    Georges Bataille dans la grotte de Lascaux en 1954
    © Hans Hinz







    « LA NAISSANCE DE L’ART »



    Georges Bataille est celui qui a porté à son plus haut degré d’intensité la fascination que suscitent les œuvres de la Préhistoire. Il l’a condensée en une formule promise à une fortune considérable, qui exprimait bien la pensée de son temps, « la naissance de l’art. »1 Exceptionnelle, l’éclosion des tracés figuratifs l’était en effet au même titre que le langage dont l’existence doit être supposée, même si nous en ignorons le degré, alors, de développement. C’était un saut dans la pensée, une étape majeure dans l’invention d’un outil conceptuel fondamental, la représentation graphique, qu’attestent suffisamment le destin universel des images, l’infinie diversité de leurs usages en toute époque comme en toute culture, et leurs métamorphoses continues, dont le cinéma ou la 3D sont les derniers avatars.

    Mais l’aura de cette naissance est aussi le fruit d’une double exception. D’abord, des trois modes fondamentaux de figuration que sont le dessin, la danse et le récit (et avec lui, le langage articulé), le premier est le seul dont nous soit parvenu un témoignage si ancien. Nous ne savons rien de l’émergence des langues, bien antérieures à leurs premières codifications graphiques au 4e millénaire avant notre ère. Et que dire des danses qui toujours s’effacent, sitôt achevé le moment de leur geste ? Cette solitude archéologique, renforcée par l’absence de toute peinture corporelle connue mais dont la pratique a tout lieu d’être supposée elle aussi, a accentué la dimension exceptionnelle des tracés en concentrant sur eux l’éclat, toujours fabuleux, de l’origine. Ensuite, ils ont été distingués sous le nom d’« art » des autres manifestations de l’activité humaine, comme la fabrique d’outils, et ils furent avant tout rapportés à ce que nos concepts vagues appellent une pensée « symbolique » ou « religieuse », selon une intuition certes légitime mais qui se faisait au détriment de la dimension gestuelle et technique où s’enracinait le lent, le patient processus ayant conduit à leur émergence. À peine étaient-elles connues que ces premières peintures étaient aussitôt fixées dans les codes d’une pensée familière qui évacuait l’étrangeté de leur surgissement. Longtemps après que Pascal et Giordano Bruno eurent pressenti l’infinité des mondes qui nous environnaient, et peu après que Darwin eut commencé à nous révéler l’histoire antédiluvienne où notre propre espèce plongeait ses racines, ces peintures venaient moins éclairer l’insondable abîme de temps où s’inscrivait leur genèse, qu’interposer entre lui et nous le socle rassurant d’une apparition à laquelle nous donnions nos propres traits. Même lointaine et comme tout juste débourbée de la terre, la naissance de cet homme primitif jetait une nappe pudique d’humanité au-dessus d’un immense ossuaire d’espèces fossiles. Et ce n’était pas n’importe quelle naissance, puisqu’il s’agissait, avec l’art, de l’émergence de notre intelligence sensible la plus chargée de prestige, celle où nous pouvions distinguer sans effroi notre propre visage émergeant des ténèbres. […]



    1. Georges Bataille, La Naissance de l’art, Skira, 1955.



    Renaud Ego, « La naissance de l’art » in Le Geste du regard, L’Atelier contemporain, François-Marie Deyrolle éditeur, 2017, pp. 15-16-17.






    Renaud Ego  Le geste du regard





    RENAUD EGO


    Renaud Ego
    Source




    ■ Renaud Ego
    sur Terres de femmes

    immigration zéro
    Le pli
    Les mots le savent d’ailleurs



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de L’Atelier contemporain)
    la fiche de l’éditeur sur Le Geste du regard




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  • Nicolas Pesquès | Gilles Aillaud




    Gilles Aillaud  Autoportrait
    Gilles Aillaud, Autoportrait, 1955
    75 x 52,5 cm, collection privée
    © J.L’Hoir, Paris / Archives Galerie de France
    Source







    GILLES AILLAUD | PAN ! [ENVOL D’OISEAUX]
    (EXTRAIT)




    Aillaud 2
    Gilles Aillaud, Envol d’oiseaux, 2003
    Huile sur toile, 150 x 200 cm.







    Ils déguerpissent. Ils s’affolent et fuient dans le plus grand désordre ; ou bien ils barbotent dans leur fébrilité.
    Un à un, le peintre les a abattus en les laissant vivants.
    Les voilà qui courent l’espace pour colporter cette nouvelle. Ils zigzaguent dans l’air et dans leurs corps. Ils paniquent. Leurs contorsions les démembrent.
    Mais ils ne peuvent échapper à la peinture.
    Une main s’est portée à la hauteur de leur détente. Une main a vécu la même fièvre subite.





    Ce pourrait être l’image d’avant ou celle d’après. Le qui-vive serait toujours là et ce serait toujours comme ça. Toutes les images seraient pareilles et différentes. Des moments de toujours.
    Gilles Aillaud est de ceux pour qui chaque instant compte comme si c’était la terre entière ; guetteur d’éternité au cœur de l’ordinaire, grâce à quoi on peut, dans le même temps, entendre les dieux s’enfuir et voir leur brouhaha.

    Cela résonne comme un coup de fusil.

    Cela détonne en nous comme un savoir qui se referme, un son coupé de sa source, devenu apparent, disparu dans son battement.

    Pan ! fait s’envoler les oiseaux et cette frayeur est une beauté. Et une banalité.

    Pagaille indescriptible. Tout tremble ou fuse, en tremblant, en fusant.

    Rien ne sera plus comme avant, et cependant tout reprendra ses droits.
    Un regard conducteur, une passation corporelle auront construit ce qui ne se voit pas.

    Un octroi de présence. Un adieu à l’adieu, à l’impossible saisie déplacée par l’impossible poignet.

    Il a tiré à vue, et tout lui a échappé : les oiseaux fous et les flotteurs, les coups de rein, les embardées et les retardataires.


    […]


    Ce sont des oiseaux noirs. Avec eux, le noir s’élève, le deuil se dilue.
    Un peintre qui claudique vole une dernière fois. Ses oiseaux de malheur dansent à sa main. Une allégresse torture la gigue des voiliers et c’est la sienne qui l’orchestre fantasquement.
    Pour la main qui peint, les dieux sont musiciens. Leur silence nous suffit.


    […]


    Avec ce tableau, Gilles Aillaud a peint le motif impossible, celui qui n’a pas de forme et qui les contient toutes. En enfant d’Héraclite et en maître oriental au trait unique. Passant de l’apparence à l’invisible et réciproquement, l’une et l’autre issus d’une même nichée qui serait celle de l’art consommant ses ressources avec celles de la nature.


    […]



    Avec cet Envol d’oiseaux réalisé à la fin de l’été 2003, Gilles Aillaud peindra encore trois toiles de la même dimension (150 x 200 cm) dans le courant de l’hiver et du printemps 2004. […]




    Nicolas Pesquès, « Gilles Aillaud » (extrait) in Sans Peinture, L’Atelier contemporain, François-Marie Deyrolle éditeur, 2017, pp. 91-92-93-94.






    Nicolas Pesquès Tschann




    NICOLAS PESQUÈS


    Pesquès portrait
    Ph. © Jean-Marc de Samie




    ■ Nicolas Pesquès
    sur Terres de femmes


    Gilles Aillaud (extrait de Sans Peinture)
    après Privas. Nicolas Pesquès (I). « du geste une écriture », par Yves di Manno
    après Privas. Nicolas Pesquès (II). J9, Prémisses de lecture d’une « énigme intime », par Angèle Paoli
    Juliau//ascension face nord (lecture d’AP sur La Face nord de Juliau deux, trois quatre cinq, six)
    21 août 1995 | Nicolas Pesquès, La Face nord de Juliau trois, quatre (extrait)
    Comment recoller ce que la langue détache (extrait de La Face nord de Juliau, cinq)
    15 mai 1886 | Mort d’Emily Dickinson (+ extrait de La Face nord de Juliau, sept)
    La Face nord de Juliau, huit, neuf, dix (lecture d’AP)
    [Courir la pente] (extrait de La Face nord de Juliau, huit, neuf, dix)
    Intérieur nuit (Juliau 11)
    La Face nord de Juliau, treize à seize (lecture d’AP)
    28 février | Nicolas Pesquès, La Face nord de Juliau (onze à seize)
    21-22-23 octobre 2013 | Nicolas Pesquès, La Face nord de Juliau dix-sept, dix-huit
    La caisse claire (journal d’AP)




    ■ Voir aussi ▼


    le site de Nicolas Pesquès
    → (sur Poezibao)
    La Face nord de Juliau, six, de Nicolas Pesquès (lecture d’Angèle Paoli)
    → (sur le site de la mél [Maison des écrivains et de la littérature]) une
    fiche bio-bibliographique sur Nicolas Pesquès
    → (sur le site de L’Atelier contemporain)
    une fiche éditoriale sur Sans Peinture de Nicolas Pesquès
    → (sur le site de L’Atelier contemporain)
    une sélection de pages issues de Sans Peinture de Nicolas Pesquès [PDF]





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  • Odile Massé, Sortir du trou (extrait)





    Sortir du trou

    Planche hors texte de Jean-Claude Terrier
    in Odile Massé, Sortir du trou,
    L’Atelier contemporain, François-Marie Deyrolle éditeur, 2016








    SORTIR DU TROU (extrait)




    N’y a-t-il pas ici quelque tige, quelque rameau, quelque bourgeon annonciateur de choses à venir ?


    Je comptais les visages, les comptais sur les doigts de mes mains, sur les doigts de mes pieds, j’ajoutais des doigts aux doigts comme les visages affluaient, et ils paraissaient innombrables, les visages de mes morts, innombrables les souvenirs que j’avais d’eux, innombrables et terriblement doux.
    J’avais envie d’être, moi aussi, visage parmi les visages.
    Parfois il me semblait apercevoir au loin mon reflet, l’un des visages de ma jeunesse — mais bientôt je disparaissais, et la ronde reprenait son cours.


    et moi, où donc me trouvais-je à présent
    en quelle partie de ma mémoire
    en quelle partie de mon corps
    où donc étais-je moi-même et comment le savoir


    À quoi bon, disais-je, à quoi bon savoir que le trou est à l’intérieur de moi, si je ne sais ni le jour ni l’heure ? À quoi bon être où je suis puisque je ne sais qui je suis ? […]



    Odile Massé, Sortir du trou, L’Atelier contemporain, François-Marie Deyrolle éditeur, 2016, pp. 38-39-40-41. Dessins de Jean-Claude Terrier. Lecture d’Emmanuel Laugier.






    Odile Massé, Sortir du trou





    ODILE  MASSÉ


    Odile Massé
    Source




    ■ Odile Massé
    sur Terres de femmes

    [Il fait chaud] (extrait de L’Envol du guetteur)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur lelitteraire.com)
    une lecture de Sortir du trou d’Odile Massé par Jean-Paul Gavard-Perret
    → (sur le site des éditions L’Atelier contemporain)
    la page de l’éditeur sur Sortir du trou d’Odile Massé
    → (sur le site des éditions L’Atelier contemporain)
    d’autres extraits de Sortir du trou d’Odile Massé [PDF]







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