Étiquette : Laure Gauthier


  • Laure Gauthier, Je neige (entre les mots de villon)

    par Angèle Paoli

    Laure Gauthier, Je neige (entre les mots de villon),
    Éditions LansKine, 2018.



    Lecture d’Angèle Paoli




    « PARTIR DANS LA LANGUE POUR SE DÉPARTIR »




    Le titre-diptyque du recueil de Laure Gauthier — Je neige (entre les mots de villon) — renvoie aux deux panneaux qui constituent ce recueil. La question qui se pose d’emblée, avant même que d’ouvrir le livre, est celle du lien qui unit l’un à l’autre. L’un et l’autre. L’insert entre parenthèses « (entre les mots de villon) » n’est-il qu’un ajout servant à expliciter le syntagme premier ? Ou bien en est-il un complément autonome ? Si tel est le cas, qui est le « Je » ? Quel est son propos ? Et quel est son jeu ?

    L’image que m’évoque le verbe « neige » est une image de légèreté, celle de la presque inconsistance du flocon. La parenthèse, elle, suggère l’idée d’un mouvement, de l’extérieur vers l’intérieur ; une circulation feutrée entre les mots. Feutrée ? Voire ! La suite le dira. Les mots ? Ceux de Villon. « Je » et « Villon » se trouvent l’un en tout début de titre, l’autre en clôture. Le jeu qui se noue au cœur de cette construction semble s’établir entre la poète Laure Gauthier et le poète François Villon.

    À feuilleter l’ouvrage, je sais que l’un et l’autre panneaux de ce livre-diptyque se complètent tout en se distinguant. « Je neige » constitue un ensemble interligné — poème ou scène de pièce de théâtre — dans lequel les lignes de blancs ont une fonction de respiration et de pause. Et la présence successive des mentions en gras joue le rôle de didascalies. Bien entendu, le lecteur pense également à une partition musicale. Jusqu’à « l’Auberge final » où s’échangent les voix 1 et 2. Avec, en répons de clôture, la voix de Villon. Le second panneau du diptyque est un texte en prose composé au carré, les blocs de paragraphes étant annoncés par des intertitres. Est-ce un essai ? Peut-être, mais alors un essai à contre-courant, comme il appert dès l’incipit. Il n’est qu’à lire les infinitifs qui disent le projet :


    « Dire les mots absents de la poésie de Villon, parler depuis les interstices entre ses mots.

    S’enfoncer dans la béance

    Faire entendre ce qui reste quand on met à terre les poèmes. Le mouvement qui ondoie sous les mots, ou juste avant les mots. Cette impulsion d’écrire qui a été la sienne.

    Ressaisir l’ondulation entre la vie du poète et son œuvre […] Dire le devenir poème ».


    Un peu plus loin viennent les conseils sur les écueils à éviter :

    « Ne pas redire plus mal les ballades, poser à terre les biographies et les archives. » Ne pas retomber dans le piège « Villon guimauve, Villon excrément, Villon souillé ». « Mais plutôt chercher la neige avant la neige ».

    « C’est ça l’idée », et c’est ce projet-là que la poète traque dans la première partie de son livre. S’insinuer entre les mots de Villon, le faire « polyphoner » à travers voix afin de mettre en résonance la vie avec l’œuvre sans que l’une obscurcisse l’autre, toujours en maintenant la tension qui circule de l’une à l’autre. Ondulations et mouvements qui prennent appui sur les écarts, les absences, les trous et omissions.

    Soudain je m’interroge. Je vois quelque chose de paradoxal dans mon entreprise, celle qui me conduit à venir superposer mes propres mots (mais lesquels ?) sur ceux de Laure Gauthier ; qui elle, de son côté, infiltre sa voix par-dessous les voix, démultipliées, du poète :

    « trois voix,

    peut-être quatre,

    celles de françois villon, des autres, de ses autres ».

    Que vais-je pouvoir dire ? Quelle est ma place ? Où ? Quelle doit être ma posture ? Gloser sur la bio-graphie du poète est exclu. Gloser sur les mots de Laure Gauthier n’est pas davantage satisfaisant et pourrait relever de la paraphrase ou de l’imposture. Comment expliciter mieux qu’elle ne le fait elle-même ce qu’elle développe excellemment dans la seconde partie de Je neige : « (entre les mots de villon) ». Où me glisser ? Entre les mots, sans doute, mais lesquels et surtout comment ?

    L’objet du livre de Laure Gauthier est de se glisser sous la langue de François Villon. De faire résonner ce qui meut le poète, pris entre le tourbillon de sa vie et le mouvement impétueux de ses mots. Saisir ce mouvement, ce passage des actes à l’œuvre. La neige avant la neige. Avant qu’elle ne se forme et ne tombe. Comment s’y prendre ? Surtout ne pas combler les trous. Ne pas remplacer les blancs par des commentaires et des notices. Éviter cet écueil-là. Ne pas faire du Jean Teulé. S’en tenir le plus éloigné possible. Mais que fais-je pourtant d’autre que d’ajouter des commentaires à ce qui existe déjà ? Y compris en glosant sur ce que la poète elle-même rejette de son côté ?

    Revenir à l’essentiel. Et s’y tenir. Essentiel qui est : Je neige. Cet essentiel-là est un défi. Qui s’inscrit dans l’exact prolongement du précédent recueil — Kaspar de pierre. L’objet poursuivi par la poète est le même. Avec une radicalité plus grande encore. Ne pas lagardiser. Dynamiter tout le fatras biographique qui obscurcit le texte lui-même, son phrasé, son inventivité, sa fantaisie, la multiplicité des formes explorées, sa richesse, son originalité :

    « laisser bruisser le mouvement

    entre

    les mots »

    dit la voix de villon

    ou encore, disent les « Voix autres » :

    « Entre les mots se passe ma vie blanche,

    qui charrie quelques glissades hors du chemin ».

    Les voix qui interviennent rendent compte de ce travail de réduction ; voix anonymes parfois condensées dans un « haha » ou un « héhé » ; se contentent de dialoguer en se renvoyant la balle par aphorismes interposés :

    « Mais celui qui perd, perd tout. »

    Et la Voix 4 de rebondir :

    « Le perdant et le gagnant au jeu ont le même gibet ».

    Lorsqu’elles se retrouvent toutes ensemble, les voix miment le « jargon » de certaines ballades de Villon, ce qui conduit à entendre une discordance facétieuse, impénétrable aux non-initiés et à tous ceux qui n’entendent goutte aux jongleries villonesques :


    « Prince glaïeul aux ances roncies

    Crocheter la glotte

    Pour la poe du soufflant

    Et frappées en hurterie

    Au signe je plante du blanc

    Dans ma turterie ».


    À ces voix se mêlent les voix de Villon et sans doute aussi celle(s) de la poète. La première occurrence de la voix de Laure Gauthier se situe dans le paratexte de la dédicace adressée à ses « plus que parents » (Jacques Gauthier-Brenet et Maya Gauthier-Paintault), en écho explicite au huitain LXXXVII du Testament :

    « Item, et à mon plus que père,

    Maître Guillaume de Villon ».

    La poète est également présente sous d’autres semblances. Ainsi apparaît-elle dès l’ouverture de Je neige, reconnaissable dans la longue itération des consonnes à l’intérieur d’un même mot — « m’étouffffffe » ou « enrrracinée », procédé stylistique qu’elle avait employé dans Kaspar de pierre. On la retrouve encore dans son emploi d’anachronismes : « Jamais d’Abyssinie  » — allusion à l’exil de Rimbaud en parallèle à ceux de Villon ; ou avec les « Chansons de la Madelon ».

    Quant à Villon, il est présent sous les voix qui s’entrecroisent et derrière les mots qui le caractérisent. Taverne / amour / cloître / sorbonne / gibet / meurtre / exil / banni / coups et cloches… qui sont les pièces du puzzle des faits et actes de sa vie. Mais le poète se fait entendre dans maintes références à son écriture et à son travail poétique, comme c’est le cas dans cette strophe :


    « écrire, c’est vous faire croire au refrain

    à la rose

    votre devenir rondeau

    Mais

    si je vous endors de strophes

    Et vous caresse d’images

    dans le dernier vers

    je vous mets le nez dans l’usage ».


    On retrouve la pensée de Villon, comme ce qui a façonné son œuvre, dans les propos de révoltes estudiantines tenus par la voix 1  :


    « Du fer, de la couleur, ça bouge dans les rues

    secoue le cocotier du sens commun

    Une jarretelle au-dessus de l’équarrissoir

    Un chapeau pour annoncer le pain du boulanger

    Faux hiéroglyphe tagué sur la syntaxe des rues

    L’ordre des choses hoquette ».


    Visionnaire, Laure Gauthier, au moment où elle compose sa polyphonie-Villon ? Contestataire, en tout cas. Comme le poète. Ou comme ses comparses. Ainsi le sous-entendent les dires de la voix 1, à nouveau :


    « on est tous des enfants jetés avant l’eau du bain

    alors faire déraper les virgules, déraisonner,

    distribuer ce qu’on n’a pas avant de perdre ce que l’on est

    vider la phrase de son sang avant qu’ils ne l’attrapent

    Mes méchouis de lettres ! ».


    Alors, oui, Laure Gauthier le dit elle-même : elle s’engouffre dans les blancs de Villon qu’elle met en branle pour que s’entendent ses doutes et sa colère, comme les « pas de côté » de Villon continuent de les faire sourdre à nos oreilles. Il y a une même hauteur de diapason entre « dire et écrire » et « écrire et dire ». Une semblable obsession qui se réalise dans l’enharmonie de l’inachèvement. « Dire le devenir poème ». Et pour parvenir à cet extrême : « Partir dans la langue pour se départir ». Un pari, ô combien difficile et ambitieux, mais idéalement abouti. Avec, en prime, le plaisir exaltant de re-découvrir, entre rires et larmes, la belle langue de Maître François.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





    Gauthier Villon






    LAURE GAUTHIER


    Laure Gauthier
    Source




    ■ Laure Gauthier
    sur Terres de femmes

    J’écris toujours dans la neige [extrait de je neige (entre les mots de villon)]
    Marche 1 [kaspar de pierre]
    kaspar de pierre (lecture d’Isabelle Lévesque)
    kaspar de pierre (lecture d’AP)
    [Réinvestir la forêt] (extrait de La Cité dolente)



    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de Laure Gauthier)
    une notice bio-bibliographique
    → (sur linked in)
    une fiche bio-bibliographique
    → (sur le site Les Découvreurs/éditions LD)
    une lecture de je neige (entre les mots de villon) de Laure Gauthier, par Georges Guillain
    → (sur le site Libr-critique)
    une lecture de je neige (entre les mots de villon) de Laure Gauthier, par Christophe Stolowicki





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  • Laure Gauthier | J’écris toujours dans la neige





    J’écris toujours dans la neige





    me figure le doigt
    sans le froid
    Pour un mot inarticulé
    qui, magie blanche
    s’écrit






    Voix 1

    Que reste-t-il quand on se départit du brillant ?



    Toutes les voix

    Partir dans la langue pour se départir



    Voix 2

    Secouer le cocotier des préséances à coup de huitains
    Se dédire du bruit de l’avoir
    tombant au sol




    voix de villon, de loin


    je blanc,                               suis arrivé te voir
    à sept ans les mains vides
    suis resté dans le murmure             au chaud

    près de toi, à chuchoter tout /

    ce que je n’avais pas
    Et à me balader léger sans obsession patrimoniale



    Léguer, c’est dilapider / lapider ses biens / pour les entendre résonner



    vides





    Laure Gauthier, « I. je neige », je neige (entre les mots de villon), Éditions LansKine, 2018, pp. 26-27.






    Gauthier Villon






    LAURE GAUTHIER


    Laure Gauthier
    Source




    ■ Laure Gauthier
    sur Terres de femmes

    Je neige (entre les mots de villon) [lecture d’AP]
    Marche 1 [kaspar de pierre]
    kaspar de pierre (lecture d’Isabelle Lévesque)
    kaspar de pierre (lecture d’AP)
    [Réinvestir la forêt] (extrait de La Cité dolente)



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  • Laure Gauthier, kaspar de pierre

    par Isabelle Lévesque

    Laure Gauthier, kaspar de pierre,
    éditions de La Lettre volée, Collection Poiesis, 2017.



    Lecture d’Isabelle Lévesque


    AVEC KASPAR HAUSER ?




    La figure de Kaspar Hauser, ce garçon de seize ans à l’identité énigmatique apparu à Nuremberg en 1828 et mort assassiné cinq ans plus tard, ne cesse de nous interroger. « Enfant adoptif » officiel de la ville de Nuremberg, devenu très vite « orphelin de l’Europe », comme l’appelaient les gazettes, il habite et hante le dernier livre de Laure Gauthier.

    La voix narrative et la cadence poétique ouvrent kaspar de pierre :


    « ai couru, nu d’automne vers les maisons basses

    avec la lourdeur du gravier

    et mes semelles de peau

    Ce chemin vers rien de certain


    qui se brise en bruissements rances »


    Celui qui parle ne dit pas « je ». Livré au seul chemin de perdre, il n’est pas accompagné. Sa route et sa fragilité l’exposent dès l’incipit comme sa langue naissante, qui sans cesse raisonne et se crée, peu sûre d’elle, cassant son rythme ou son sens. Elle avance nue et vulnérable sur ses « semelles de peau », qui appellent immanquablement les « semelles de vent » de Rimbaud, inscrivant l’expression dans un nouvel ordre. Dans son roman Kaspar Hauser ou La phrase préférée du vent, Véronique Bergen fait parler son personnage parfois à la première personne, parfois à la troisième. Mais elle écrit aussi : « À Nuremberg, je-il-Kaspar Hauser s’est levé. » 1 Les témoins de sa vie ont raconté la difficulté qu’il eut à comprendre et à accepter l’emploi de « je » et « tu ». Ici, Laure Gauthier emploie « jl », qui combine « je/il » :


    « Jl courrrr tronqué vers le champ toujours à nouveau de tournesols »


    L’histoire de Kaspar Hauser a tout de suite fasciné : qui étaient ses parents ? Pourquoi a-t-il été ainsi reclus pendant treize ou quatorze ans ? Qui s’occupait de lui ? Pourquoi a-t-il été libéré ? Qui a tué Kaspar Hauser et pourquoi ?

    Les comptes rendus de ses interrogatoires, ses essais d’autobiographie, les témoignages et enquêtes de ceux qui l’ont recueilli ou rencontré nous donnent une image assez précise de son langage et de ses comportements : « Son parler était un effort et un combat. » 2

    On découvre un être cramponné à la terre, qui connut deux naissances. D’abord né d’une femme, puis d’un cachot de pierre. Ce « Kaspar de pierre » aspirait parfois à retrouver ce lieu qu’il pouvait encore considérer comme protecteur contre ce que le monde qu’il découvrait avait d’effrayant.


    «les pierres, même elles, se sont retournées à moi, et n’auront plus jamais la force d’accueillir un enfant »


    Dans la présentation de son Gaspard, Peter Handke écrit : « La pièce pourrait aussi s’intituler Torture verbale »3. C’est bien ce que l’on fit subir au garçon : aux questions qu’il ne comprenait pas, il répondait par le silence des pierres ou par des phrases insolites, d’une maltraitance à l’autre.

    Il n’a pas le choix, il doit apprendre à communiquer avec tous, avancer, marcher, cet enfant qui vécut assis. Il fut d’abord considéré comme un phénomène de foire sur qui faire les expériences les plus imbéciles, ou un objet d’étude pour la science : examen minutieux de sa peau, de ses réactions à divers stimuli, de son langage. « Raconte-t-on sa lapidation ? », demande l’auteure. Kaspar est livré à une société vorace et brutale.


    « Muré = sans expérience = cœur pur = verbe premier = poésie ! »


    Françoise Dolto a intitulé son étude : Kaspar Hauser, le séquestré au cœur pur. Elle écrivait en conclusion : « Un homme qui honore l’humanité. / En même temps un mystère pour lui-même et un mystère pour nous autres. Son histoire ne s’explique pas par ce que nous connaissons de la psychologie expérimentale, ni non plus par ce que nous connaissons sur l’inconscient. Elle ne s’explique tout simplement pas… »4

    Les poètes ont vite vu en lui un semblable, un frère. Si Verlaine le fait parler à la première personne (« Je suis venu, calme orphelin… »), Georg Trakl l’évoque à la troisième personne, le présentant comme un « rêveur » qui « restait seul avec son étoile »5. Écrivant sur ce Kaspar Hauser né de la pierre, les poètes sont devenus « poètes rupestres », comme l’analyse Laure Gauthier.

    Elle décide quant à elle d’écrire avec Kaspar Hauser.


    Le livre de Laure Gauthier rend compte d’une vie mutilée. Les chapitres ont un titre suivi d’un numéro. Si « Abandon » et « Maison » occupent trois chapitres, « Marche » et « Rue » s’arrêtent au numéro 1.

    Les deux chapitres « Diagnostic » reprennent des indications d’un site internet médical sur les effets secondaires de certains médicaments. Les contemporains pensaient qu’on lui administrait de l’opium dans son cachot pour pouvoir prendre soin de lui et nettoyer le local sans qu’il le remarque. Cela peut-il expliquer au moins en partie le comportement et certains troubles de Kaspar Hauser ? L’oubli de tout ce qui s’est passé pendant les treize ou quatorze ans passés dans le cachot est-il un effet secondaire de la prise d’opium (ou autre substance) ?

    Quel destin pour celui qu’on a dépossédé de lui-même et même de rien pour le jeter chaque fois vers une nouvelle maison, un nouveau tuteur ?


    « L’Europe bourgeoise des faits divers

    Touristes venus me voir, l’attraction de la maltraitance

    Oh le marché de la poésie ! »


    Enfants du placard, enfants sauvages, rien n’a changé : la curiosité parfois malsaine et irrespectueuse supplante la fraternité. (Où est la poésie ?)

    La mise en doute du sujet, cette langue naissante cherchant sans cesse le juste sens, interrogeant inquiète le rapport entre les mots et le monde, voilà qui rencontre la démarche d’une grande partie de la poésie d’aujourd’hui : impossibilité de (puis difficulté à) utiliser le pronom sujet de première personne ; utilisation de verbes à l’infinitif le plus souvent ; métaphores obscures ; manques et ellipses ; parataxes ; ordre des mots inhabituel…

    Nous retrouvons cela dans le poème de Laure Gauthier, ainsi que les prononciations défectueuses, proches du bégaiement :


    « Et plus jl marchch ch ch plus les soleils devenaient lourds et noirs »


    Kaspar Hauser est un « enfant troué », « un fait divers en marche ». Les mots du livre, les trous dans ou entre les lignes ou pages nous présentent cette vérité humaine inatteignable, celle d’un mythe. Laure Gauthier approche ici la parole trouée de Kaspar, l’être sacrifié6. Elle ne cherche ni à rétablir ni à amplifier. Le morcellement du poème restitue un parcours imaginé autant que repris à la réalité recollée d’un être à la vie confisquée.



    Isabelle Lévesque
    D.R. Isabelle Lévesque
    pour Terres de femmes





    ________________________________________
    1. Véronique Bergen, Kaspar Hauser ou La phrase préférée du vent (Denoël, 2006).
    2. Kaspar Hauser, Écrits de et sur Kaspar Hauser – traduction de Jean Torrent et Luc Meichler (Christian Bourgois, 2003).
    3. Peter Handke, Gaspard – traduction de Thierry Garrel et Vania Vilers (L’Arche, 1971).
    4. Françoise Dolto, Kaspar Hauser, le séquestré au cœur pur (Gallimard, 1994 – Le petit Mercure, 2002).
    5. Georg Trakl, « Chanson pour Gaspard Hauser » in Crépuscule et déclin suivi de Sébastien en rêve – traduction de Marc Petit et Jean-Claude Schneider (Gallimard, 1972 – Poésie/Gallimard).
    6. « Il est un Christ […], sacrifié au vice de possession des humains. » Françoise Dolto, op. cit., p. 44.






    Kaspar de pierre





    LAURE GAUTHIER


    Laure Gauthier Denim
    Source




    ■ Laure Gauthier
    sur Terres de femmes

    Je neige (entre les mots de villon) [lecture d’AP]
    J’écris toujours dans la neige [extrait de je neige (entre les mots de villon)]
    Marche 1 [kaspar de pierre]
    kaspar de pierre (lecture d’AP)
    [Réinvestir la forêt] (extrait de La Cité dolente)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de Laure Gauthier)
    une notice bio-bibliographique
    → (sur linked in)
    une fiche bio-bibliographique
    → (sur le site de Laure Gauthier)
    une fiche sur kaspar de pierre
    → (sur le site Les Découvreurs)
    une lecture de kaspar de pierre par Georges Guillain
    → (sur le site de la revue Secousse #23)
    une note de lecture de François Bordes sur kaspar de pierre [PDF]
    → (sur remue.net)
    Laure Gauthier | Kaspar de pierre | 1 (autre extrait de kaspar de pierre)
    le site des éditions de La Lettre volée




    ■ Autres notes de lecture (54) d’Isabelle Lévesque
    sur Terres de femmes


    Max Alhau, Les Mots en blanc
    Marie Alloy, Cette lumière qui peint le monde
    Gabrielle Althen, Soleil patient
    Françoise Ascal, Noir-racine précédé de Le Fil de l’oubli
    Edith Azam, Décembre m’a ciguë
    Gérard Bayo, Jours d’Excideuil
    Mathieu Bénézet, Premier crayon
    Véronique Bergen, Hélène Cixous, La langue plus-que-vive
    Claudine Bohi, Mère la seule
    Paul de Brancion, Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre
    Laure Cambau, Ma peau ne protège que vous
    Valérie Canat de Chizy, Je murmure au lilas (que j’aime)
    Fabrice Caravaca, La Falaise
    Jean-Pierre Chambon, Zélia
    Françoise Clédat, A ore, Oradour
    Colette Deblé, La même aussi
    Loïc Demey, Je, d’un accident ou d’amour
    Sabine Dewulf, Et je suis sur la terre
    Pierre Dhainaut, Après
    Pierre Dhainaut, Ici
    Pierre Dhainaut, Progrès d’une éclaircie suivi de Largesses de l’air
    Pierre Dhainaut, Vocation de l’esquisse
    Pierre Dhainaut, Voix entre voix
    Armand Dupuy, Mieux taire
    Armand Dupuy, Présent faible
    Estelle Fenzy, Rouge vive
    Bruno Fern, reverbs    phrases simples
    Élie-Charles Flamand, Braise de l’unité
    Aurélie Foglia, Gens de peine
    Philippe Fumery, La Vallée des Ammeln
    Raphaële George, Double intérieur
    Jean-Louis Giovannoni, Issue de retour
    Cécile Guivarch, Sans Abuelo Petite
    Cécile A. Holdban, Poèmes d’après suivi de La Route de sel
    Sabine Huynh, Les Colibris à reculons
    Sabine Huynh, Kvar lo
    Lionel Jung-Allégret, Derrière la porte ouverte
    Mélanie Leblanc, Des falaises
    Gérard Macé, Homère au royaume des morts a les yeux ouverts
    Béatrice Marchal, Au pied de la cascade
    Béatrice Marchal, Un jour enfin l’accès suivi de Progression jusqu’au cœur
    Jean-François Mathé, Retenu par ce qui s’en va
    Dominique Maurizi, Fly
    Dominique Maurizi, La Lumière imaginée
    Emmanuel Merle, Dernières paroles de Perceval
    Nathalie Michel, Veille
    Isabelle Monnin, Les Gens dans l’enveloppe
    Jacques Moulin, L’Épine blanche
    Cécile Oumhani, La Nudité des pierres
    Emmanuelle Pagano, Nouons-nous
    Hervé Planquois, Ô futur
    Sofia Queiros, Normale saisonnière
    Jacques Roman, Proférations
    Pauline Von Aesch, Nu compris





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  • Laure Gauthier, Kaspar de pierre

    par Angèle Paoli

    Laure Gauthier, Kaspar de pierre,
    éditions de La Lettre volée, Collection Poiesis, 2017.



    Lecture d’Angèle Paoli






    CECI N’EST PAS DE LA POÉSIE



    Tout comme il y a une élision ou une ellipse entre le J et le L, première et troisième personne, l’une et l’autre consonne marquées par l’absence d’élément vocalique, celui dont il est question ici, dans le récit de Laure Gauthier, est un enfant « troué ». Non pas trouvé. Mais « troué ». Son histoire d’emmuré vivant, d’être maltraité séquestré — par qui et pour quelles raisons secrètes ? Coupable, de quoi ? Nul ne le sait au juste —, est une histoire à trous. Une histoire dont l’Europe va s’emparer en boucle, la malaxant à l’aune du « kitsch du positivisme », la triturant la meublant d’interprétations multiples et la rejetant tout aussi bien. Mais aussi et surtout, pour Kaspar Hauser (car c’est bien de lui qu’il s’agit), une histoire de manques et d’incomplétude originelle que rien ne viendra jamais combler.

    « entre l’os et le muscle il n’y a pas le cartilage du désir », déclare le « J ».

    Trous multiples. Depuis celui de la naissance non clairement ni définitivement élucidée jusqu’aux trous multiples d’une existence marquée par une succession de tuteurs et d’abandons, ainsi que par une intolérable souffrance. Tel est « Kaspar de pierre ». Celui dont le langage porte les séquelles de ce que fut sa vie. La vie d’un être prisonnier des murs et des pierres qui l’ont vu grandir, jusqu’à ce que l’évasion advienne :

    « suis sorti du trou comme l’on reviendrait à la vie. »

    Convoqués sommes-nous à écouter ici et à suivre, en ces pages, « la poésie de l’enfant placard » relue et revisitée dans cet étrange Kaspar de pierre. Du récit connu et ressassé au cours des temps, Laure Gauthier propose une réécriture originale, renouvelant ainsi par son inventivité et par sa lucidité le questionnement qui accompagne sa recomposition. Ce faisant, elle dénonce les outrances d’une société bourgeoise satisfaite et bien pensante, avide de faits divers alimentés par ses propres manques, grossis de ses désirs avortés ; et néanmoins habile à affubler l’histoire du jeune homme d’interprétations hasardeuses vouées à l’oubli dès que la curiosité première aura été comblée.

    « Vous m’avez tatoué tous les messages, suis devenu la vitrine de vos manques », se révolte Kaspar sous la plume de Laure Gauthier.

    Mais il faut reprendre la « ballade » en amont de « l’embouchure terrible » vers laquelle elle court. Avant qu’il ne reste de Kaspar « qu’une incantation sans liturgie. »

    Étrange ballade en effet que celle d’un marcheur qui « avance dans un élan pétrifié ».

    Une « ballade » pourtant (dans le sens de « poème à danser »), pour que vive peut-être à nouveau, dépoussiéré-déshabillé de ses multiples guenilles, Kaspar Hauser — dans ce que furent les béances de l’énigme la plus troublante du XIXe siècle. Ballade grinçante qui se mue en « stances » violentes, si l’on se place du côté de celui qui a séjourné de longues années dans le cachot comme un animal vautré dans sa bauge :

    « moi-bête     vais te hurler des stances, les stances à l’enfant cochon. »

    Le recueil s’ouvre in medias res, au beau milieu d’une marche. Marche (I). Laquelle trouve peut-être un écho dans Rue (I).

    « Ai couru, nu d’automne vers les maisons basses/Et jl courr sans peur vers l’enfant lépreux »

    La phrase d’ouverture se détache (Marche I et Rue I) en caractères gras comme il en sera de même ailleurs, dans d’autres stèles de facture identique, ponctuant le récit à cadences régulières. L’errance du jeune homme se poursuit — le nom de Nuremberg apparaît en cours de route — avec une déclinaison de cartes : Maison (3)/Abandon (3)/Diagnostic (2) dont le nombre varie (2 et 3). L’ensemble — qui se clôt sur une section intitulée «  Résumons-nous » — repose sur une construction complexe. Plus complexe que l’impression qui s’en dégage à première lecture.

    On pourrait aisément reconstituer une partie du puzzle à partir de ces phrases/stèles, en sautant à cloche-pied par-dessus le texte courant. On trouve là l’absence de pronom personnel, l’élision des voyelles [ə] et [i] ou la fusion du [j] et du [l], le redoublement consonantique, graphies phonétiques d’une forme de bégaiement. La langue souvent achoppe, qui roule sur elle-même sans pouvoir poursuivre sa course. On y croise des allusions aux chroniques bourgeoises de l’époque où eut lieu cette mésaventure. Ainsi que l’évocation de la fugue. Nuages nature silence. Ou au contraire, bruits et murmures. Certaines phrases font allusion à la blessure que d’autres continuent d’alimenter :

    « Sans mot, sans désir, outre à la vie, on va me remplir là-bas,

    des copeaux de tous les ébréchés »

    Autant de signes égaillés, semés au fil des cartes, qui donnent un semblant de forme à l’histoire de Kaspar, laquelle se parachève au cœur du texte. Son passé (« futur antérieur ») d’enfant placard, séquestré ; ses tuteurs successifs et les abandons que l’enfant eut à subir… son présent fait de rien et de nulle part, qui transforme le jeune homme en errant, ses difficultés à être, à respirer, à gonfler ses poumons d’un air nouveau, inconnu, propre à donner le vertige et à faire tituber celui qui découvre le monde et s’ouvre à lui.

    « Sourde éloquence d’une tête pleine d’air et de bruits de bris ».

    Mais qui, en dépit de ses hésitations, s’évertue à transposer son bégaiement sur la page froissée pour mettre au clair les bribes de ses ânonnements.

    Comment vient-on au langage lorsqu’on a été coupé de tout et des autres depuis les origines ? Par quels apprentissages parvient-on à l’écriture lorsqu’on a été privé de toute affection et que l’on est un être réduit à l’état de « gamelles vides » ? C’est ce que le récit interroge à maintes reprises. Le langage naît-il simultanément au retour à la vie ? Ou nécessite-t-il, au contraire, un long temps d’accoutumance aux sons, « bouche cousue d’angoisses » ?

    « Moi qui allais découvrir les nuages et l’écrit à la même seconde,

    (ce que me dit l’évasement du souvenir)

    entendis le papier se froisser à la lettre illisible que

    jl devvv tracer

    soudain

    et qui signifia bientôt : MARCHER »

    Les questions ouvrent sur des gouffres, des emboîtements de gouffres qui incluent Kaspar et son lecteur ; autant de « trous blancs/Qu’ils n’ont cessé de remplir », confie-t-il. Jusqu’à former des « mausolées de vers ». Kaspar ne peut s’empêcher au passage d’égratigner et de railler tous ceux, poètes et chroniqueurs, qui se sont empressés de gloser sur son cas et d’enfler son histoire, confisquant dans le même temps à Kaspar ce qui lui appartient en propre. Ses souvenirs :

    « L’on s’agenouillera éloquent et mélancolique devant les taches

    dans mes phrases à venir,

    Muré = sans expérience = cœur pur= verbe premier = poésie ! »

    Ceci n’est pas de la poésie, semble souffler « l’enfant sans mots »… « aux amateurs de poésie », lesquels « applaudissent dans la foire des mots bigarrés. » À moins que ce ne soit Laure Gauthier en personne qui se gausse, elle qui écrit un peu plus loin : « Oh le marché de la poésie ! »

    Quels mots en effet pour dire « tous ces endroits brutalisés » en lui ? Quels mots siens, décapés des mots des autres ? Quels mots pour dire la lapidation la pétrification de l’infans tout entier habité par les éclats et brisures qui sont en lui ?

    Et si l’histoire de « Kaspar de pierre » était également une métaphore de tant d’autres histoires dont nous sommes les témoins complaisants et aveugles ? Dont celle du bégaiement de poètes convaincus de l’authenticité de leurs mots et de leur bien-fondé ? Peut-être est-ce là l’ultime leçon que lance vers nous ce dernier Kaspar Hauser ? Une leçon dont Laure Gauthier esquisse les traces, en filigrane. Sous « le voile des sons ». Sotto voce en quelque sorte.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Laure Gauthier  Kaspar de pierre 2






    LAURE GAUTHIER


    Laure Gauthier
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    ■ Laure Gauthier
    sur Terres de femmes

    Je neige (entre les mots de villon) [lecture d’AP]
    J’écris toujours dans la neige [extrait de je neige (entre les mots de villon)]
    Marche 1 [kaspar de pierre]
    kaspar de pierre (lecture d’Isabelle Lévesque)
    [Réinvestir la forêt] (extrait de La Cité dolente)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de Laure Gauthier)
    une fiche bio-bibliographique
    → (sur linked in)
    une fiche bio-bibliographique
    → (sur le site de Laure Gauthier)
    une fiche sur kaspar de pierre
    → (sur le site Les Découvreurs)
    une lecture de Kaspar de pierre par Georges Guillain
    → (sur le site de la revue Secousse #23)
    une note de lecture de François Bordes sur kaspar de pierre [PDF]
    → (sur remue.net)
    Laure Gauthier | Kaspar de pierre | 1 (autre extrait de kaspar de pierre)
    le site des éditions de La Lettre volée





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  • Laure Gauthier | Marche 1 [kaspar de pierre]




    Kaspar_hauser
    Kaspar Hauser,
    dessin de Johann Georg Laminit (1775–1848)







    MARCHE I
    (extrait)




    Jl attrapp des images au vol, comme ils étouffent les papillons,
    et tiens ma tristesse en bandoulière,


    même des pierres      ignorais le nom

    ai tout vu là, pour la première fois.

    Que de feuilles il y avait, soudain

    et tous ces vents qui bruissèrent alors dans mes silences

    moi qui n’ai vu que murs et porte

    sans savoir que les uns retiennent et l’autre ouvre

    sans l’éprouver



    L’humidité m’a reconnu facilement,

    l’agonie du réveil, l’impossible souvenir du gouffre premier,

    le premier cri

    du matin,

    l’absence de caresses,

    vagues de manque,

    tête brumisée d’absences

    d’où aurais      appris que la souffrance se jette vers,

    que la douleur a une direction

    Aucun animal de ma taille ne passe l’horizon     et      n’en déduis rien, jamais.

    Et la caresse de mes rubans qui hachurait la journée ?

    traits de biais, ont strié la poussière de la cache

    Encore mouillé de murmures, sans qu’il n’ait fallu se lever,

    Alors que les questions n’étaient que des trous blancs

    Qu’ils n’ont cessé de remplir



    Mon silence

    avait recouvert tous les bruissements de feuilles, tous les pas,
    aucune étreinte

    les pierres, même elles, se sont retournées à moi, et n’auront plus
    jamais la force d’accueillir un enfant,

    c’est intenable, pensaient-elles.

    Et      ignore forcément tout du mausolée de vers qu’on m’a dressé
    toujours à nouveau, et

    L’on s’agenouillera éloquent et mélancolique devant les taches
    dans mes phrases à venir,

    Muré=sans expérience= cœur pur= verbe premier= poésie !

    ai construit avec mes tuteurs mes premiers souvenirs,     ai fait
    album, fabriqué à mon corps défendant une chrchronologie

    Sans fracas s’envole la maison des silences

    Tout me laisse à présent,

    Loin des pierres qui me regardent

    Et     vacille à la vie

    Et tous ces yeux en la ville qui m’attend

    Et l’écume de ses pourquoi



    Laure Gauthier, « MARCHE I » in kaspar de pierre, éditions de La Lettre volée, Collection Poiesis, 2017, pp. 16-17-18-19.



    ___________________________________________________
    NOTE : kaspar de pierre est le 52e volume de la collection Poiesis éditée en partenariat avec la revue La rivière échappée (fondée en 1989 par François Rannou) et soutenue par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Cet ouvrage sera disponible en librairie le 22 novembre 2017.


    NOTE DE L’AUTEURE : « L’histoire de l’enfant trouvé Kaspar Hauser est devenue un mythe moderne et appelle des réécritures. Dans kaspar de pierre, kaspar parle de lui-même en “jl” dans une tonalité inventée entre le moi et le soi ; il parle à tous les temps ; il n’arrive pas à Nuremberg, mais on le trouve en marche vers cette ville, imaginant l’arrivée dans différentes maisons de tuteurs (maison 1, maison 2, maison 3), on l’entend avant chaque nouvelle déchirure (abandon 1, abandon 2), et on lit des diagnostics que la société pourrait faire de lui (diagnostic 1, diagnostic 2) – kaspar bipolaire ? L’enfant trouvé jette un regard rétrospectif vers sa grotte première tout en anticipant son idéalisation poétique ; il refuse d’être le “séquestré au cœur pur” (Françoise Dolto) ou encore le “pauvre Gaspard” (Verlaine) : il est un enfant maltraité, un enfant-placard au langage sauvage et impuissant qui échappe aux catégories et à la curiosité comme aux abandons successifs. Il est à la fois un cas de maltraitance que l’on ne peut mettre en vers et comme un des premiers cas de faits divers ayant attiré la curiosité de l’Europe bourgeoise. »







    Laure Gauthier  Kaspar de pierre 2






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    kaspar de pierre (lecture d’Isabelle Lévesque)
    [Réinvestir la forêt] (extrait de La Cité dolente)



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  • Laure Gauthier | [Réinvestir la forêt]




    [RÉINVESTIR LA FORÊT]




    Réinvestir la forêt, faire bosquet,
    Et le taureau passe au loin, dans un bruissement de feuilles,

    Inventer des clairières paisibles,
    Ciel buriné, course de branchage, gris, de ces beaux gris secs d’hiver,
    Où l’on avance le pied mou, accueilli par la mousse, la glaise ou la flaque,
    Le tapis de sons humides,
    Et de ces fossés récréatifs et puis les cimes, bien sûr.
    Mais la foule ne s’y déplace qu’en groupe, au pas de courses, harnachée de vélos, de jeux ou de tenues d’escalades.
    L’occidental a la forêt dominicale et diurne.
    Oser regarder les troncs la nuit ?
    Partir promener l’œil, se heurter aux branches, abandonner une jambe de pantalon, oublier le bruit du papier glacé, l’odeur d’encre des gros titres, quand l’on avance d’arbre en arbre dans la clarté retrouvée. Repeupler le bois.



    Je ne songe pas à l’espace poilu entre les deux cornes, ces centimètres jamais caressés, je n’y planterai rien et aurai le courage de passer mon chemin.



    Laure Gauthier, La Cité dolente, éditions Châtelet-Voltaire, 2015, pp. 60-61. Photo de Jean-Marc Chouvel.






    Laure Gauthier  La Cité dolente






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    J’écris toujours dans la neige [extrait de je neige (entre les mots de villon)]
    Marche 1 [kaspar de pierre]
    Kaspar de pierre (lecture d’AP)
    kaspar de pierre (lecture d’Isabelle Lévesque)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de Laure Gauthier)
    une fiche bio-bibliographique
    → (sur le site de Laure Gauthier)
    une fiche sur La Cité dolente
    → (sur Poesia, di Luigia Sorrentino)
    Laure Gauthier, “La Città dolente” (Nota dell’autrice)[en italien]
    → (sur Sitaudis)
    La Cité dolente de Laure Gauthier (lecture de Pascal Boulanger)
    → (sur remue.net)
    Laure Gauthier | Kaspar de pierre | 1 (extrait de Kaspar de pierre, éditions La lettre volée, à paraître en novembre 2017)





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