Étiquette : Le Castor Astral


  • Kevin Gilbert, Le Versant noir

    par Joëlle Gardes

    Kevin Gilbert, Le Versant noir,
    Le Peuple est légendes et autres poèmes,

    édition bilingue, Le Castor Astral, 2017.
    Traduit de l’anglais (Australie) par Marie-Christine Masset.
    Avant-propos d’Eleanor Gilbert.
    Introduction de Kevin Gilbert.



    Lecture de Joëlle Gardes



    Le Versant noir est le titre du deuxième poème de ce beau et puissant recueil. Il donne son nom à l’ensemble, sous-titré Le Peuple est légendes et autres poèmes. C’est la voix de son peuple opprimé, celui des Aborigènes d’Australie, que Kevin Gilbert y fait entendre. Comme il l’explique dans une introduction, qui succède à l’avant-propos d’Eleanor Gilbert (l’un comme l’autre donnent des indications précieuses sur le travail du poète), « Le Versant noir peut être considéré comme un ensemble de portraits oraux d’opprimés, de patriotes, de libérateurs, criant leurs souffrances et leur détermination dans les vents du temps ». « Le versant noir, dit le poème, est le juste versant », car c’est celui de la couleur noire, la couleur de la peau de ceux dont ni les droits ni même l’existence n’ont été reconnus. En 1988, l’Australie a fêté le bicentenaire de l’établissement de la colonie et c’est à cette occasion que le recueil a été rassemblé. C’est contre les ordres du roi George qu’elle s’était établie sans qu’aucun traité n’ait été signé avec les indigènes, terra nullius, terre de personne, si bien que les Aborigènes, privés de tout, ne reconnurent jamais la colonisation. Même si une restitution partielle de leur terre eut lieu, certes tardivement, à partir de 1976, même si la fiction juridique de terra nullius a été rejetée, le mot d’ordre a longtemps été « l’Australie aux blancs », et l’on connaît la triste histoire des enfants arrachés à leur famille pour être assimilés, en quelque sorte blanchis. Une reconnaissance symbolique a eu lieu en 2008 lorsque le Premier ministre s’est excusé pour le tort commis aux Aborigènes. Kevin Gilbert (1933-1993) était mort depuis des années.

    Kevin Gilbert était membre de la nation aborigène Wiradjuri, l’un des 250 groupes qui occupaient l’Australie avant la colonisation. Sur la tragique situation de son peuple, il a écrit de nombreux ouvrages de dénonciation. The Blackside est le premier de ses ouvrages traduit en français. Il faut remercier pour cette traduction le Castor Astral et surtout la traductrice, Marie-Christine Masset.

    Dans les textes ici rassemblés défilent plusieurs personnages, réels ou symboliques, qui prennent la parole comme Oncle Paddy :

    Je suis Paddy le noir. Je cueille le raisin

    Et j’attrape les lapins

    D’un extrême à l’autre

    Du bon jus de fruits sur mes mains une semaine

    L’autre des intestins puants de lapins

    ou à qui il s’adresse comme « Hugh Ridgeway / Chrétien / Sobre / Noir / Décédé » (« Hôpital Taree »). Ou bien encore, il décrit les souffrances de tel ou tel, humble ou plus connu pour son engagement, comme « Sur la mort d’une patriote », celle de l’activiste Pearl Gibbs :

    debout en force les patriotes et les prophètes

    vont parler comme Pearl l’a fait pour

    la vie précieuse la justice le peuple

    Parfois, c’est un traître à la cause qui est invectivé ou durement critiqué :

    Regarde-le mon frère

    Regarde l’arriviste noir

    […]

    Léchant souriant mentant

    Suçant les Blancs…

    Quand les enfants pleurent

    Et meurent jours et nuits

    Cette poésie engagée, militante, aux antipodes de ce qui se pratique chez nous, donne un choc salutaire. Jamais didactique, elle est parfois élégie, éloge, diatribe, poème d’amour, discours pour les droits de l’homme, mais aussi souvent récit. Ceci nous rappelle également que la poésie n’est pas simplement méditation et qu’elle a besoin de chair.

    « Kiacatoo » décrit l’attaque d’un camp et le massacre des habitants, « Le désir de Gularwundul », la mort d’une petite fille faute de « l’eau propre / coulant directement / d’un robinet dans un bidon », qui avait pourtant été promise. Les déplorables conditions de vie ou de survie sont largement évoquées, d’autant plus intolérables quand elles ont lieu sur le terrain même des missions qui devraient lutter contre elles :

    Bien sûr la mission où je vis c’est un dépotoir

    De vieilles cabanes que les chiens reniflent

    Des bébés noirs qui meurent dans les ordures

    L’homme blanc est alors pris à partie : Homme blanc

    Reviens voir l’entaille

    Que tu as faite dans la poitrine

    De la terre en coupant la tête du Noir

    Ces poèmes pratiquement sans couleurs autres que le noir et le blanc, réalistes et symboliques, ne montrent aucun pathos mais expriment une immense colère devant le « rapt du pays / le vol et les privations ». Dans cette écriture sobre et précise, de temps à autre, une image apparaît, saisissante : « votre style / votre botte coloniale masque / votre patte fourchue. »

    Outre l’émotion que l’on ressent devant ces textes retenus mais puissants, l’intérêt naît des réalités et des légendes évoquées. Les termes aborigènes foisonnent, opportunément expliqués par les notes de la traductrice : le bora, lieu d’initiation sacrée, les instruments de musique, les kylles et le dijeridoos, le coolamon, petit ustensile qui sert à transporter l’eau…

    Le Temps-des-Rêves, Dreamtime, qui renvoie à l’âge d’or perdu, « parti y a longtemps », est plusieurs fois rappelé, par exemple dans « L’atelier de mon père », ou dans « Corroboree » : le titre du poème désigne la cérémonie permettant l’interaction des Aborigènes avec ce Temps. Le colon a détruit les légendes, comme celle du Bunyip, créature mythique dont la proie favorite est la femme, la « lubra », il a rompu le lien avec le sacré. C’est un des reproches que le poète lui adresse dans « Le Peuple est légendes » :

    Tue la légende

    Massacre-la

    Avec ton athéisme

    Ton hypocrisie fraternelle

    […]

    Pour

    Former le moule d’un homme

    À ton niveau et à ton image

    Homme blanc

    ou dans « Renversement » :

    l’avidité et la haine sont à présent la règle

    Où jadis toute vie sacrée

    était aimée

    Compassion et colère naissent de la description de la femme, la lubra, contrainte à « vendre [s]a chatte pour un dollar » (« L’autre versant de l’histoire »), afin de faire vivre ses enfants ou du Jacky, le noir qui abandonne la dignité de son peuple et qui boit pour oublier, comme l’ont fait et le font la plupart des autochtones dans les pays colonisés, à commencer par les Indiens :

    Donne-moi une petite pièce pour du pinard

    Frère

    […]

    Je ne suis pas ivre par choix, je suis un Noir

    Frère

    Si je voulais être ivre par choix

    Frère

    Et me coucher dans le caniveau

    Pas parce que je suis un homme noir,

    Mais par choix

    Alors tu aurais le droit de ricaner avec mépris.

    (« Pas choisi »)

    Mais au-delà de leur aspect circonstantiel, ce sont toutes les formes d’oppression qui sont dénoncées. Le présent quasi constant, l’absence de repères historiques précis, en dehors de quelques poèmes, soustraient le texte à un enracinement trop précis, anecdotique, et lui confèrent une valeur universelle. Et la forme est ici essentielle. Dans la simplicité des mots et des phrases, la densité, la brutalité de ces poèmes nous bouleversent, nous arrachent un moment à nos conformismes et à nos égoïsmes de nantis. La belle et fidèle traduction, au plus près de l’original, de Marie-Christine Masset permet de saisir toute la dure saveur du texte et sa portée.

    Le recueil se termine sur le poème « Arbre », mais, plus qu’un poème de clôture, il ouvre magnifiquement sur une forme d’espoir :

    Je suis l’arbre

    la terre dure affamée

    la corneille et l’aigle

    le soleil la gun et la mer

    je suis l’argile sacrée

    qui forme le sol

    les herbes les vignes et l’homme

    je suis toutes choses crées

    je suis toi

    et tu n’es rien

    mais par moi l’arbre

    tu es



    Joëlle Gardes
    D.R. Texte Joëlle Gardes
    pour Terres de femmes






    Versant-noir-325x462.jpg 2




    KEVIN GILBERT


    Kevin Gilbert
    Source




    ■ Kevin Gilbert
    sur Terres de femmes ▼

    → The Blackside (poème extrait du Versant noir)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Le Castor Astral)
    la fiche de l’éditeur sur Le Versant noir





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  • Kevin Gilbert | The Blackside




    THE BLACKSIDE




    It’s good to be
    the Blackside
    for we know that in this land
    the fire-hardened tree survives
    where others — yew and poplars
    the fir and mighty oak
    have never quite adapted
    to the heat and fire smoke.

    It’s good to be the Blackside
    fitting in with nature’s plan
    where she selected colour
    for this masterpiece of land
    and blended it superbly
    with smokes of loving care
    for each country has its colour
    stark and strong and naked, bare.

    It’s good to be the Blackside
    even though external change
    we tallow-wood and ironbark
    are native, that’s our point:
    imported trees are alien
    and the fairest English rose
    even after generations
    still remains an English rose.

    It’s good to be
    the Blackside
    when there’s justice on our side
    empowered by the spirit
    and a firm and humble pride
    in being on the Blackside
    with nature and her might
    the Blackside is the rightside
    for this land: the colour’s right.






    LE VERSANT NOIR




    C’est bon d’être
    le Versant noir
    parce qu’on sait que dans ce pays
    l’arbre trempé par le feu survit
    quand les autres — l’if et les peupliers
    le sapin et les puissants chênes
    ne se sont jamais vraiment adaptés
    à la chaleur au feu et à la fumée

    C’est bon d’être le Versant noir
    en harmonie avec le désir de la nature
    quand elle a choisi la couleur
    de ce chef-d’œuvre de pays
    et l’a merveilleusement mêlée
    à des traits d’amour profond
    chaque pays a sa couleur
    inflexible et forte et nue, dépouillée.

    C’est bon d’être le Versant noir
    malgré les changements venus d’ailleurs
    nous eucalyptus bois de suif et écorces de fer
    sommes d’ici, c’est notre point de vue :
    les arbres importés sont étrangers
    et la plus belle rose anglaise
    même après des générations
    restera toujours une rose anglaise.

    C’est bon d’être
    le Versant noir
    quand la justice est là pour nous
    insufflée par l’esprit
    et cette fierté forte et humble
    d’être du Versant noir
    avec la nature et sa puissance
    le Versant noir est le juste versant
    car ce pays : le droit de la couleur.



    Kevin Gilbert, Le Versant noir, Le Peuple est légendes et autres poèmes, édition bilingue, Le Castor Astral, 2017, pp. 32-33-34-35. Traduit de l’anglais (Australie) par Marie-Christine Masset. Avant-propos d’Eleanor Gilbert. Introduction de Kevin Gilbert.






    Versant-noir-325x462.jpg 2




    KEVIN GILBERT


    Kevin Gilbert
    Source




    ■ Kevin Gilbert
    sur Terres de femmes ▼

    Le Versant noir (lecture de Joëlle Gardes)



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    → (sur le site des éditions Le Castor Astral)
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  • Gérard Cartier, Les Métamorphoses

    par Maëlle Levacher

    Gérard Cartier, Les Métamorphoses,
    Le Castor Astral, 93500 Pantin, 2017.



    Lecture de Maëlle Levacher


    L’ANALOGIE MYSTIQUE DANS LES MÉTAMORPHOSES :
    DIALOGUE AVEC GÉRARD CARTIER





    Les Métamorphoses de Gérard Cartier ont donné lieu à des commentaires portant sur les références littéraires1, l’écriture2, les thèmes du banquet et de l’âge qui vient3. Je m’intéresse ici à deux autres aspects de l’ouvrage, d’une part à ce qui semble témoigner d’une forme de mysticisme, d’autre part aux figures féminines. Les réflexions qui suivent, nées de la lecture de l’ouvrage, ont été développées dans un second temps grâce à des éléments fournis par G. Cartier4.

    La dimension « mystique » du texte est portée par des motifs et thèmes religieux récurrents. Ainsi, prière (« La mort », p. 25), louange, mortification sont régulièrement mentionnées au long du recueil ; reniement et Passion sont évoqués (« Banquet des sens », p. 75). Parmi les « banquets » représentés, la Cène figure à plusieurs reprises. G. Cartier explique que le livre est composé « sur la base de 10 poèmes + 1. Celui-ci, le premier, plus court, évoquait initialement un banquet et un tableau précis5, le plus souvent ancien (Philippe de Champaigne, Dierick Bouts le Vieux, Renoir, etc.) – d’où la récurrence de la Cène ». Cette « cuisine » de la composition du livre, que l’auteur a bien voulu dévoiler, ne minore pas la dimension symbolique du dernier repas du Christ : le lecteur pourra transposer à la figure du poète l’idée de résurrection glorieuse, avatar de la postérité glorieuse de la tradition littéraire. Si le Christ ne révèle sa mission rédemptrice que dans le sacrifice et la résurrection, le poète ne se révèle dans sa nature spirituelle que par l’opération d’une lecture posthume (« Palinodie de la résurrection », p. 946). Dans « Banquet des nombres » (p. 89), le treizième convive qu’on devine être le Christ, « rassemble / Les signes épars et de ce peu se fait / Une algèbre infinie… » ; en cela il accomplit un geste comparable à celui du poète qui sait voir ce qui reste inintelligible aux autres, et pour qui, rappelle G. Cartier, « la poésie est aussi un art des nombres ». La Genèse est évoquée dans le dernier poème (« Le carnet », p. 102). Or la fin de ce poème fait retour au poème liminaire en le citant : « Bénie la table et les longs amis » ; si cette « table » est celle des poètes, il y a une circularité structurelle instaurant un rapport d’analogie entre le banquet apostolique et le banquet poétique.

    L’auteur déclare avoir un « penchant profond » pour la retraite solitaire, « sorte de folie nécessaire » à l’écrivain comme au moine. Il semble porter en lui le désir d’une ascèse profane, unique voie d’accès à l’écriture, à l’accomplissement de la vocation du poète, ainsi, pourrait-on ajouter, qu’à son salut spécifique : l’existence littéraire posthume. Cette aspiration personnelle, sans rapport avec la transcendance, explique la présence de certaines références mystiques (« Retraite », p. 30). G. Cartier ajoute qu’à son goût personnel pour la solitude s’articule son goût littéraire pour, parmi d’autres, certains poètes attachés au thème de la transcendance.

    Ce livre est donc en partie le produit d’une appropriation par l’auteur de thèmes et de motifs issus de la tradition chrétienne ; ce n’est pas sans lien, confie-t-il, avec sa fascination pour tout type de monachisme, et en particulier celui des chartreux qu’il fut amené à côtoyer enfant. Son prochain livre de poèmes, L’Ultime Thulé7, témoignera à nouveau de cette inspiration, sans révérence ni complaisance cependant envers l’institution religieuse.

    Par ailleurs, l’ouvrage tient de la confidence, presque de la confession. Il balance entre élans et regrets douloureux, de sorte que les métamorphoses éponymes pourraient être celles du sujet qui adopte successivement des postures de mortification et de jouissance. Pour G. Cartier, ces métamorphoses sont avant tout « celles de l’auteur lisant les poètes, celles de l’individu repassant sa vie et regardant ce qui “reste du voyage” ». Culpabilité, mortification de la chair reparaissent cependant de poème en poème, de sorte que la tonalité élégiaque, qui fraie avec l’amertume (ou qui la combat) peut être perçue par le lecteur comme l’expression de sentiments nés du registre des valeurs chrétiennes ; l’auteur tempère cette interprétation en reliant la tonalité élégiaque au sentiment de l’âge qui vient, et en rappelant qu’une joie violente, païenne, caractérise nombre de poèmes du recueil.

    Ma lecture des Métamorphoses m’avait fait supposer l’auteur croyant ; il est athée. Cette découverte m’engage à questionner ma façon de lire les références religieuses dans les textes littéraires. J’ai lu sept fois La Tentation de saint Antoine au cours de mon adolescence ; j’ai lu bien plus tard La Légende de saint Julien l’Hospitalier8. Ai-je jamais pensé à Flaubert comme à un homme mystique, comme à un (bon) chrétien ? Non. Est-ce parce que je possédais déjà un savoir tacite indiquant que Flaubert n’était pas religieux ? Ou est-ce parce que je n’étais pas sensible à l’époque à l’arrière-plan institutionnel du thème religieux ? Je crois que c’est pour la seconde raison. Il me reste en effet des dessins de jeunesse présentant des motifs chrétiens, issus de ma culture générale et de mon intérêt pour les beaux-arts. Je traitais donc ces motifs, et les lisais dans Flaubert, comme des motifs mythologiques, du même ordre peut-être que ceux de l’Iliade ou de la légende arthurienne. Pourquoi aujourd’hui, parcourant le livre de G. Cartier, lis-je autrement ces motifs, et les considéré-je comme l’expression de la foi de l’auteur, alors même que mes remarques analytiques prennent soin de distinguer la figure du poète qui se dessine à travers les textes, de la personne de l’auteur ? La révélation de cette faute de lecture me trouble ; je serai attentive à ce point en lisant L’Ultime Thulé, « qui reprend et actualise la légende de saint Brendan, moine irlandais du VIe siècle qui aurait découvert l’Amérique ».

    Un autre aspect des Métamorphoses a retenu mon attention : les figures féminines n’y semblaient souvent qu’objet de désir, de tentation, de convoitise, que menace à l’encontre de la vertu des hommes (« La création », p. 16, « L’homme-machine », p. 68). Ce n’était pas leur rendre justice que de les enfermer dans le registre de la faute ; la référence chrétienne avait-elle tendu ce piège à l’auteur ? Celui-ci concède que cette image des femmes est bien présente dans le recueil ; il rappelle cependant que « certains poèmes évoquant des femmes montrent une autre image que celle d’objet de l’amour (Hildegarde de Bingen, Anna de Noailles, la Du Deffand, d’autres peut-être) ». Suivant l’auteur sur la voie de cette rectification, je mentionnerais par exemple « Du désir ainsi que d’un fruit9 » (p. 82) qui, quoiqu’il relève du thème amoureux, paraît bien évoquer une femme particulière et non allégorique, une personne caractérisée, en l’occurrence, par une beauté enveloppant une aigreur de pensées, de sentiments ou de comportements. Délice qui se corrompt de lui-même, elle est également spécifiée dans la relation qu’elle entretient avec la figure du poète.

    G. Cartier ajoute que l’amour étant de très loin le thème le plus important de la poésie française, il était impossible de ne pas y céder « dans un livre qui se veut un hommage aux poètes à travers une évocation, biaise ou lointaine, de leur œuvre. » Certes ; cependant, ce n’est pas au recours au thème amoureux que je réagissais plus haut, mais au fait qu’il puisse cautionner des figures féminines fantasmées. Le fond de ma réflexion, élargie bien au-delà de l’étude de cet ouvrage, prenait en considération les figures allégoriques de la Femme, sublimée ou perverse, conçues par la sensualité créative des poètes (contemporains et pas seulement classiques), et qui ne sont pas de ce monde : elles me chagrinent dans la mesure où les femmes qui sont de ce monde se trouvent par elles exclues de sa traduction poétique au profit de chimères.

    Dans ce dialogue entre mes propositions de lecture et les nuances apportées par G. Cartier, celui-ci aura les derniers mots : « J’ai longtemps considéré ce livre avec un peu d’étonnement, car il ne me ressemble pas totalement, mais je suis finalement heureux qu’on puisse le lire sous des angles très différents : n’est-ce pas ce que veut aussi dire ce titre des Métamorphoses ? »



    Maëlle Levacher
    D.R. Texte Maëlle Levacher
    pour Terres de femmes





    ________________________________
    1. Article de Claude Adelen.
    2. Gérard Noiret.
    3. Georges Guillain.
    4. Communication personnelle précieuse, pour laquelle je le remercie vivement.
    5. Dispositif finalement simplifié en remplaçant la référence picturale par une référence poétique.
    6. Pour G. Cartier, le texte autorise cette lecture, mais son intention, en le composant, était d’ironiser sur la naïveté du lecteur posthume qui voit dans les vers épicuriens du poète ancien l’expression de son bonheur, quand celui-ci écrivait en fait dans l’ascèse et la peine ; de là la résurrection glorieuse du poète, fondée sur un malentendu.
    7. À paraître en 2018 chez Flammarion.
    8. Ces deux textes ont paru dans les années 1870.
    9. Poème que j’ai préféré, et que cite Gérard Noiret dans son article. G. Cartier précise dans son entretien avec G. Noiret que ce poème a été écrit « en pensant au poète andalou du XIe siècle Ibn Zaydûn, resté célèbre pour ses amours contrariées ».







    Gerard Cartier, Les Métamorphoses






    GÉRARD CARTIER


    PORTRAIT DE GERARD CARTIER
    Image, G.AdC



    ■ Gérard Cartier
    sur Terres de femmes



    .La duplicité. (poème extrait des Métamorphoses)
    [Terra nullius] (extrait de L’Ultime Thulé)
    Le Voyage de Bougainville (lecture de Marie-Claire Bancquart)
    Le Voyage de Bougainville (lecture d’AP)
    .Par moi on va dans la cité dolente… (poème extrait du Voyage de Bougainville)
    Tristran (lecture de Nathalie Riera)
    Le philtre (extrait de Tristran)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Gérard Cartier
    → (sur le site du Castor Astral)
    la fiche de l’éditeur sur Les Métamorphoses de Gérard Cartier





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  • Georges Guillain | [Voilà]



    [VOILÀ]



    Voilà / Il ne sait plus où il a lu que les hommes âgés
    pourraient être des explorateurs mais il voit bien
    que chaque heure chaque moment sont envahis
    pour lui d’imperceptibles métamorphoses
    et depuis qu’il a abandonné toute ambition
    de réussir il éprouve un peu moins de fatigue
    à regarder le tracé brusque des oiseaux
    quand il rencontre cet autre bleu même pas bleu
    que la mer dans son œil aplatit puis renverse
    et puis l’été et les beaux jours d’hiver encore
    Il se promène s’enfonce un peu dans le sable
    des dunes hasardant son piètre corps sous l’air qui
    penche en charpentes laiteuses / Il redevient heureux
    les muscles de ses paupières battent à grands coups

    de marteau



    Georges Guillain, « la musique qu’il cherche » in Parmi tout ce qui renverse, Collection « Les Passeurs d’Inuits », Le Castor Astral, 2017, page 45.







    Georges Guillain  Parmi tout ce qui renverse.png 2





    GEORGES GUILLAIN


    Georges Guillain  portrait





    ■ Georges Guillain
    sur Terres de femmes
    [Il n’y a pas de poésie descriptive] (extrait de Compris dans le paysage)
    six août | Georges Guillain, Compris dans le paysage
    Que ce lieu pour rester (extrait d’Avec la terre, au bout)
    [Novembrer tout y revient patauger] (autre extrait d’Avec la terre, au bout)
    [Voilà que tu es devenu poreux] (autre extrait d’Avec la terre, au bout)
    Tant que nous sommes (extrait d’Un bouquet pour les morts)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Terres de femmes)
    Camille Loivier, Il est nuit (lecture de Georges Guillain)
    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des Poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Georges Guillain
    → (sur le site du Castor Astral)
    la fiche de l’éditeur sur Parmi tout ce qui renverse





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  • Gérard Cartier | .La duplicité.



    Proche et le lointain
    « Le proche et le lointain »
    Diptyque photographique, G.AdC







    .LA DUPLICITÉ.



    Celui qui hier      robe et ceinture étroite
    Le front penché sous l’aile poudreuse
    Du bombyx des nuits      remâchait son passé
    Et déjà     enfermé dans son mur      se voyait
    Toucher l’hiver      le voici à la table prolixe
    Dans ces collines qui gonflent sous les pins
    Et le vent rouge de Lybie      un monde
    De sept couleurs où tout flatte et contente
    Le proche et le lointain La morue à l’humide
    Et le ciel léger des tumulus romains
    Celui qui allait solitaire le voici
    Près d’un être en chignon fille de l’Étrurie
    Une sirène mouchetée en sorte de serpent
    Chancelant      l’œil et la langue aux abois
    Et la chair à l’agonie      Comment
    Réconcilier ces deux qui font leur personnage
    Ce sera le labeur de nombreuses années
    Un mur de chaux et de courtes pages
    Où précipiter femme et tombeaux et flatter
    Tantôt la chair insatiable tantôt
    L’ombre du passé…



    Gérard Cartier, « 3. Cultiver ses vices » in Les Métamorphoses, Le Castor Astral, 2017, page 53. Vignettes de couverture et intérieur : Gérard Titus-Carmel.






    Gerard Cartier, Les Métamorphoses






    GÉRARD CARTIER


    PORTRAIT DE GERARD CARTIER
    Image, G.AdC



    ■ Gérard Cartier
    sur Terres de femmes



    Les Métamorphoses (lecture de Maëlle Levacher)
    Le Voyage de Bougainville (lecture de Marie-Claire Bancquart)
    Le Voyage de Bougainville (lecture d’AP)
    .Par moi on va dans la cité dolente… (poème extrait du Voyage de Bougainville)
    Tristran (lecture de Nathalie Riera)
    Le philtre (extrait de Tristran)
    [Terra nullius] (extrait de L’Ultime Thulé)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Gérard Cartier
    → (sur le site du Castor Astral)
    la fiche de l’éditeur sur Les Métamorphoses de Gérard Cartier





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  • Dominique Labarrière | L’homme-nuage





    Homme nuage
    « Je suis le transparent | Qui traverse en silence
    | L’amer reflet des vagues du non-savoir »

    Ph., G.AdC






    L’HOMME-NUAGE





    Je suis l’homme-nuage
    Jadis planté sur terre
    À l’aube d’un jour levé.
    Sur les spirales bavardes
    Des bruissements cellulaires
    Toujours j’ignore le repos.

    Mon visage flotte sur
    L’agitation mal rythmée
    De ces ombres crispées :
    Je suis le transparent
    Qui traverse en silence
    L’amer reflet des vagues du non-savoir
    Et cela me déchire.

    Je me mêle
    Sans jamais me confondre :
    Voilà la rigidité de mon corps
    Et bafouillent de confuses excuses
    Et s’éparpillent en ballet programmé.

    Sans espoir ni désespoir,
    Les yeux mi-clos,
    Je me tiens immobile
    Et on ne me voit pas,
    Moi, l’homme nuage
    Aux racines dissoutes.



    Dominique Labarrière, « L’homme-nuage », Journal du Bout des Bordes, n° 4, in Visages, pour mémoire, Poèmes 1972-1987, coédition Le Castor Astral | Les Écrits des Forges, Collection Matin du Monde, 1988, rééd. 2006, pp. 53-54. Lavis de Colette Deblé (couverture et illustration).






    Dominique Labarrière, Visages, pour mémoire





    DOMINIQUE LABARRIÈRE


    Dominiqie Labarrière
    Source




    NOTICE BIO-BIBLIOGRAPHIQUE (d’après une notice de Bernard Bretonnière)


    Né à Paris le 5 août 1948, Dominique Labarrière* est mort d’un coma diabétique dans sa chambre d’hôtel, à Paris, le 19 septembre 1991. Il a alors 43 ans.

    Poète discret, doué d’une extrême sensibilité, il est notamment l’auteur de Nostalgie du présent (Éditions de l’Athanor, 1977 ; rééd. Le Nouvel Athanor, Les Cahiers du sens, 2002), du Sens du provisoire (Collection Inactualité de l’orage, Pierre Vandrepote éd., Paris, 1982), de La Pratique de l’émotion (Luneau-Ascot éditeurs, Paris, 1984), Une cure d’inefficacité (Mai hors saison éd., Bagnolet, 1986), Suite pour un absent (Brandes éd., Béthune, 1986), Visages, pour mémoire (poèmes 1972-1987, coédition Le Castor Astral et Écrits des Forges, 1988), Exploration de l’ombre (Unes éd., 1988), La Discipline des apparences (Unes éd., 1991), Une cure d’inefficacité (Mai hors saison éd., 1991), La Forme du vent (Karedys éd., Lodève, 1991), Éloge de Chet Baker : Dominique Labarrière, Rencontre sans lumière (Mai hors saison éd., 1991  ; revue Poésie – décembre 1991) et, publiés à titre posthume, Stations avant l’oubli (Mai hors saison éd., 1996) et L’Homme en guerre (entretiens de Dominique Labarrière, Hubert Lucot, Franck Venaille et Thierry Renard ; éditions Paroles d’aube, Vénissieux, 1996).

    Proche de Jean-Yves Reuzeau, Dominique Labarrière donna de nombreuses et généreuses contributions, textes, poèmes, articles, entretiens et critiques (sur André Chabot, Franck Venaille, Frédérick Tristan, Danièle Givry, etc.) dans la revue internationale de poésie Jungle (1977-1999) et dans la revue Rue rêve (revue qu’il fonda avec Danièle Givry). En juin 2015, dans l’anthologie Ce qui est écrit change à chaque instant, 40 ans d’édition, 101 poètes, les éditions du Castor Astral ont republié son Élégie glacée (reflets d’avant le déluge) [Dérive n° 7/8, juin 1978], alternant vers libres et proses.

    « Dominique Labarrière dévoile la souffrance de vivre « ces instants de grâce négative », cette mémoire volontaire de l’oubli, avec cette conviction — ô combien romantique — trop grave pour n’avoir pas à mentir… » (Serge Rigolet).



    ____________________
    * à ne pas confondre avec son homonyme écrivain Dominique Labarrière, dit aussi Jacques de Saint Paul, Tony Lengton ou Christian Laurac (pseudonymes communs à plusieurs auteurs), auteur prolifique de romans policiers, né lui aussi en 1948, le 18 février.




    ■ Dominique Labarrière
    sur Terres de femmes

    [Lumière] (un autre poème extrait de Visages, pour mémoire)
    Stations avant l’oubli, I & III (extrait de Stations avant l’oubli)





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  • Sylvie Brès | [Comme la petite seiche jette son encre]




    [COMME LA PETITE SEICHE JETTE SON ENCRE]



    Comme la petite seiche jette son encre, fragile parade, écrire l’extrême de l’expérience
    pour tromper la mort — cache-cache indécent peut-être et pourtant pudeur du partage avec
    ceux qui sont touchés par la maladie, et ceux qui l’ignorent
    — sauvegarde partielle et
    dérisoire.
    Revendiquer, pied à pied, terme à terme, cette humanité qui vacille et pourtant
    qui résiste, me semble par-delà l’effeuillage absolu, une douceur octroyée, une irruption de conscience.
    L’encre jetée, la limpidité revient…
    Nous nous baignons dans la même mer.
    Nous respirons le même air et le tissu de nos songes n’est pas si différent !
    Les larmes n’ont-elles pas toujours ce goût salé à travers l’univers ?




    Sylvie Brès, Cœur troglodyte, Le Castor Astral, 2014, page 126. Préface d’Yves Bonnefoy. Gravure de Cécile Reims.




    _______________________________
    NOTE d’AP : Sur la page de faux-titre de mon exemplaire de Cœur troglodyte, cette dédicace de SB (deux ans avant son départ en ce mois de septembre 2016) : « À Angèle, ce Cœur troglodyte, en espérant que l’azur s’enflamme, et partager nos mots, bientôt, car nous avons besoin tous dans ces temps incertains, de cette parole vraie, qui nous porte les uns vers les autres. Sylvie »







    Sylvie Brès, Coeur troglodyte





    SYLVIE BRÈS
    (1954-2016)



    Bres_Sylvie
    Source



    ■ Sylvie Brès
    sur Terres de femmes

    [Dès que vivant | nous côtoyons la mort] (autre poème extrait de Cœur troglodyte)
    Chez moi la mort était partout…
    [Il fait nuit] (poème extrait d’Il fait)
    Territoire (poème extrait de L’Incertaine Limite de nos gestes)
    [Territoires incertains] (poème extrait d’Une montagne d’enfance)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Sylvie Brès
    → (sur France Culture)
    Sylvie Brès pour Cœur troglodyte au Castor Astral (émission Ça rime à quoi de Sophie Nauleau du 2 novembre 2014)
    → (sur les arpenteurs poétiques)
    un entretien de Sylvie Brès avec Jean-Marc Barrier (Lodève, Les voix de la Méditerranée, juillet 2014)





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  • Marie-Claire Bancquart | [Comment vivre dans une maison sans jardin]


    [COMMENT VIVRE DANS UNE MAISON SANS JARDIN]




    Comment vivre dans une maison sans jardin, sans amour, repliée sur toi, malheureuse ?

    — Allume une lampe rouge
    fais le compte de tes amis.

    Tente de transporter chez toi une petite divinité agraire qui prendra la forme du pain.

    Une assiette, un peu de lune,
    tu vas les installer ensemble sur la table.

    Ainsi la maison sera douce à ton cœur.




    Dehors, l’humus est tiède.

    Douce nourriture
    douce couverture
    pour bêtes et graines,
    l’humus
    plein de germes
    préparant
    sous la protection du puant, de l’opaque,
    un éclat de couleurs et parfums nuancés.

    Il bouge doucement sur place
    il déborde de vies

    l’humus invite
    à la caresse

    il fourmille

    il travaille en secret
    pour nos cendres futures
    qu’il recevra au nombre
    de ses futures fleurs.




    Une rien du tout, une pas grand-chose
    cette miette d’éternité
    cette seconde
    où nos mains se rejoignent
    chaque soir pour souhaiter bonsoir…




    Marie-Claire Bancquart, Qui vient de loin, Le Castor Astral, 2016, pp. 65-66-67.






    Marie-Claire Bancquart, Qui vient de loin.png 2





    MARIE-CLAIRE BANCQUART


    Bancquart
    Image, G.AdC





    ■ Marie-Claire Bancquart
    sur Terres de femmes


    Intervalle (poème extrait d’Avec la mort, quartier d’orange entre les dents)
    Buis
    Liturgique (poème extrait de Dans le feuilletage de la terre)
    Ressac (autre poème extrait de Dans le feuilletage de la terre)
    [Ces gants anciens] (poème extrait de De l’improbable)
    [Habiter l’herbe et le trèfle] (poème extrait de Figures de la Terre)
    Figures de la Terre (lecture d’AP)
    Impostures (lecture d’AP)
    [Qu’avez-vous fait] (poème extrait de Terre énergumène)
    [Il y a du jeu] (poème extrait de Tracé du vivant)
    [Une ville aimée luit et crie] (autre poème extrait de Tracé du vivant)
    [Toi, l’herbe] (poème extrait de Violente vie)
    Violente vie (lecture d’AP)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    En Angleterre (poème inédit)
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    portrait de Marie-Claire Bancquart (+ un poème issu du recueil La Mort, quartier d’orange entre les dents)




    ■ Voir aussi ▼


    le site personnel de Marie-Claire Bancquart
    → (sur La Pierre et le Sel)
    Marie-Claire Bancquart, vers une incertitude sereine, par Roselyne Fritel





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  • Zéno Bianu | Miroir de tous les doubles


    MIROIR DE TOUS LES DOUBLES
    (extrait)



    pour Jean-Pierre Duprey





    nous passons
    sans cesse et sans trêve
    du berceau au tombeau
    nous passons
    assoiffés d’une plénitude autre
    que le manque qui nous troue
    et nous désosse
    nous avançons tant bien que mal
    et soudain quelqu’un écrit

    ce qui nous anime         
    s’appelle la joie du gouffre
             

    ou encore

    il y a un chemin si tu le suis         
    tu te trouves dans le sens du feu
             

    quelqu’un
    vient allumer des brasiers
    quelqu’un qui est allé voir
    quelqu’un
    qui ne se paie pas de mots
    mais qui a payé de sa personne
    et même de tout son être


    […]



    Zéno Bianu, Satori Express, Le Castor Astral, 2016, pp. 41-42.






    Zéno Bianu, Satori Express




    ZÉNO BIANU


    Zeno-bianu
    Source




    ■ Zéno Bianu
    sur Terres de femmes


    Credo (extrait d’Infiniment proche)
    Du plus loin… (extrait de Fatigue de la lumière)
    Bleu Haïku (extrait de Petit éloge du bleu)
    Zéno Bianu | Yves Buin | [Musique antérieure de l’origine océane] (extrait de Santana de toutes les étoiles)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site du Castor Astral)
    une notice bio-bibliographique sur Zéno Bianu




    ■ Voir encore ▼


    → (sur Terres de femmes)
    2 octobre 1959 | Mort du poète Jean-Pierre Duprey





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  • Marc Alyn | [Un lézard est sorti du sépulcre du Roi]



    Lezard
    Ph., G.AdC







    [UN LÉZARD EST SORTI DU SÉPULCRE DU ROI]



    Un lézard est sorti du sépulcre du Roi.
    La gorge palpitante au bord du gouffre il me contemple
    et son œil minuscule contient l’Énigme immense
    de l’ici et de l’au-delà
    de tout ce qui finit et sans cesse commence
    lui l’habitant des nuits
    du fond des nappes d’ombre
    qui se dore au soleil puis sommeille en la tombe
    se faufilant infiniment dans la durée telle une aiguille
    pour lier de son fil le dedans au dehors
    les vivants du passé aux passants de l’instant
    puis veiller sur les mots comme un enfant qui dort
    tandis qu’en lui rêvent les morts.



    Marc Alyn, La Parole planète, 1992 ; Les Alphabets du feu, in La Combustion de l’ange, Poèmes 1956-2011, Le Castor Astral, 2011, page 131. Préface de Bernard Noël.






    Marc Alyn, La Combustion de l'ange






    MARC ALYN


    Vignette Marc Alyn




    ■ Marc Alyn
    sur Terres de femmes

    D’une voix d’aube (poème extrait des Alphabets du Feu)
    Proses de l’intérieur du poème
    Le temps est un faucon qui plonge (lecture d’AP)



    ■ Voir aussi ▼

    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une notice bio-bibliographique consacrée à Marc Alyn
    → (dans Poésie / Première 55)
    une lecture de La Combustion de l’ange de Marc Alyn, par Jean-Paul Giraux [PDF]
    → (sur books.google.fr)
    Mémoires provisoires | Entretiens de Marc Alyn avec Marie Cayol




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