Étiquette : Le Scriptorium


  • Le Scriptorium | Portrait de groupe en poésie

    Le Scriptorium, Portrait de groupe en poésie,
    Éditions BoD, février 2010.



    Une balise particulière... un sémaphore plus lumineux...
    Image, G.AdC





    HISSEZ HAUT


        Il y avait déjà, pour les amoureux du septième art, Gruppo di famiglia in un interno et Portrait de groupe avec dame (Gruppenbild mit Dame). Il existait également quelques célèbres portraits d’artiste. En jeune homme, en saltimbanque, en jeune chien et en motocycliste. Il manquait à cette chatoyante composition d’œuvres cinématographiques, littéraires et artistiques, une mosaïque particulière façonnée par les mots et par le souffle du verbe.

        Réalisé par Valérie Brantôme et paru en février 2010 aux éditions BoD, Portrait de groupe en poésie vient compléter par une palette poétique originale et typée, le paysage déjà très riche du « portrait de groupe ». À la fois mémoire d’expériences partagées au cœur des mots, anthologie poétique et réflexions ouvertes sur le futur, le livre du Scriptorium retrace l’aventure vitale-viscérale et enthousiaste de ses membres et partenaires. Une aventure de dix ans d’âge que ce galion poétique, Le Scriptorium Marseille, fondé en 1999 par Dominique Sorrente, poète et grand timonier. Dix années se sont en effet écoulées depuis le lancement de l’association du « Scriptorium » jusqu’à ce printemps 2010. Dix années qui ont été marquées par la saisie au fil des mois de « coïncidences » propices à l’inventivité. Individuelle et collective. Et à la « poésie vécue ensemble ». Intervalles, Caravane, Transcontinentale, Poésie chorus, Jumelages (dont celui tout récent avec nos amis de Pistoia), Chapitres, sont autant de cairns qui ont jalonné le parcours pluriel du Scriptorium, depuis ses origines.

        Il fallait bien marquer d’une balise particulière cette date-charnière du Scriptorium. Le Scriptorium vient de fêter ses dix ans. Il fallait marquer d’un sémaphore plus lumineux encore dans le paysage poétique phocéen, cette épopée humaine de la parole et de l’écriture qu’est l’expérience vécue par le Scriptorium, au cours de la décennie 1999-2010.

        « Je tiens pour vrai ce voyage du poème
        et toutes les errances les routes
        où je marche avec lui »

    écrit Laurence Verrey dans le poème intitulé « Je tiens pour vrai ».

        La genèse de cette « traversée insolite » du temps, sa raison d’être, la philosophie sur laquelle elle repose, sont évoquées à différentes reprises par Dominique Sorrente dans Portrait de groupe en poésie. Dans « Parole première », texte fondateur, le poète invite chacun des scripteurs à se mettre à l’épreuve du langage de l’autre. Dans son avant-propos, en même temps qu’il réaffirme avec ferveur la nécessité « d’assouplir les ego pour les orienter vers plus qu’eux-mêmes dans une démarche où le collectif redevient possible », Dominique Sorrente dit sa passion pour une poésie « hors les murs qui remue au-dedans et déborde d’une frontière à l’autre ». Et si la Méditerranée et Marseille sont le point de départ de cette passion, son port d’attache, le poète n’en affirme pas moins le désir résolu de contribuer à bâtir l’Europe. Et peut-être, au-delà, avec les moyens modestes de la poésie, le monde. Car la poésie est de « tous lieux, de toutes mers ». Et Marseille, comme le disait le poète Saint-Pol Roux, est «  sœur du monde entier ».

        Quelques pages plus loin, mené par Marien Guillé, étudiant et poète-scripteur, l’« Entretien en eaux claires » met l’accent sur les motivations profondes qui animent Dominique Sorrente.

        « Saccageur est l’écran du monde. […] Si le Scriptorium doit confier à ses poètes une tâche, c’est bien celle-là : secouer le jour, étonner les yeux assoupis, foudroyer de son signe à venir la paroi de midi. Ne pas laisser le geste du poète comparse d’un brouillage ambiant ». Une manière pour le poète de rendre la poésie à son engagement, à sa subversivité, à son rôle de veilleur dans la cité.

        « Promesse autant que témoignage », le livre-sémaphore du Scriptorium, Portrait de groupe en poésie, donne espace et parole, généreusement, aux dix-neuf poètes qui composent la « Constellation ». Olivier Bastide, Geneviève Liautard, Jean-Marie Berthier, Dominique Sorrente, Rosalind Brackenbury, Geneviève Bertrand, Nicolas Rouzet, Françoise Donadieu, Jeannine Anziani, Emmanuel Dall’Aglio, Michèle Dujardin, Béatrice Machet, Marcel Migozzi,Valérie Brantôme, André Ughetto, Laurence Verrey, Patrick Druinot, François d’Alançon et moi-même.

        Au mitan de l’ouvrage, les Écrits de la Constellation regroupent des poèmes de tonalité, de formes, de registres et de thèmes très variés. Tous posent l’écriture au centre des interrogations qui habitent le poète. Tous ont à cœur une manière d’être au monde. De le dire et de le vivre en osmose avec la poésie. Symbiose du langage et de l’être-au-monde. Parfaite adéquation.

        Ainsi, par exemple, à travers les formes concises de sa prose poétique, Olivier Bastide ouvre-t-il la voie inattendue à la « Rencontre du vent et de l’os » :

        « Dans la pénombre fraternelle, j’accompagne l’arbre et le mot ».

    ou encore :

        « J’entre dans la langue des terres, familière au vent constant. J’apprends son sens inespéré par le retour des mots. Sur le chemin, je vagabonde à l’envers de l’étoile ».

        Dans un très beau poème « Parole 1, Le choc  » , Geneviève Liautard écrit :

        « Tu es entré dans mon silence
        par l’édifice de tes mots
        Bâti pour abriter la parole nocturne ».

        Plus loin, « aux marcheurs du Lieu-dit » (ainsi que Dominique Sorrente définit le Scriptorium et ses habitants), le poète adresse sa « Chanson dans la trame du vent » :

        « Nous marchons en reflets, perdus dans l’œil du double
        et quand je dis : clarté finale,
        tu me réponds : feuille d’instant. »

    et plus loin :

        « On est marcheur du bord,
        ignorant qu’on laisse des empreintes
        comme on retire un premier voile pour un récit à venir ».

        Invitation à percer le « monde secret du poème », Portrait de groupe en poésie offre au lecteur amoureux du langage et des rythmes, « un parcours polyphonique » où chacun trouve de quoi nourrir sa soif de l’insolite et de l’ailleurs. Multiples sont les traversées et les rencontres, facilitées par les Sept clés pour ouvrir la porte. Agrémentées et élargies par les Chroniques du Futur Antérieur. Où l’on retrouve la plume de nombreux scripteurs ― dont celle du poète toscan Paolo Fabrizio Iacuzzi, auteur de « Poésie sur les remparts », texte traduit par Valérie Brantôme.

        Dans la chronique qu’il a intitulée « Notre association est un méta-poème », André Ughetto rappelle la définition que Dominique Sorrente avait un jour donnée du poème :

        « Objet démuni. Palpitant. Toujours visant une ellipse de l’être. Un lieu où se rejoindre, se retrouver, s’étonner. »

        Étonnante poésie, assembleuse et tresseuse de liens au cœur même du complexe maillage des voix qu’elle convoque.


    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





    Portrait de groupe en poésie






    ■ Voir aussi ▼

    le site du Scriptorium de Marseille



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  • Camaïeux



    CAMAIEUX
    Photos, G.AdC







    CAMAÏEUX


    Camaïeux
    de verts de bleus de mauves et de gris
    de vagues hérissées de cristes-marines
    pommelé or des genêts camaïeux de câprier des îles
    centaurées de Salonique et du solstice
    de silènes à fleurs roses saponaires et scabieuses
    camaïeux de jusquiame blanche
    et de filaires lancéolées haut perchées
    sur leurs ergots de tiges sombres


    Camaïeux de fauvettes et de carouges à tête jaune
    d’hirondelles Astarté d’alouettes des champs
    de passerins Ciris et de pluviers des sables
    camaïeux de cailles blés d’Ortygie et faisans de Colchide
    d’aigrettes des récifs de butors étoilés
    camaïeux de caméléons crocodiles et caïmans
    alligators miniatures et geckos des murailles
    lézards Mürr filant au gré des lauzes
    immortelles dressées odorantes du temps
    ivresses du sentier nuages en miroir sur la roche


    Camaïeux de vert de turquoise de noir
    tiédeur des roches douces ivresses de sel
    bouquets de mandragores gorgées de soleil
    et du miel de dragons languissants
    écharpes de lumière phylactères de brumes sombres
    les serpents d’écailles étirent leurs ondes
    encerclent les roches vagues bleues crêtes
    et voiles d’écume blanche
    camaïeux du roulis régulier de la vague
    crépitements crêpelés de lumière ambre rousse
    grenailles de cailloux de criques aux bruyères
    incendiées de folioles
    clairs de terre en camaïeux
    de chants de cuivre
    de cymbales et crotales
    de feu




    Angèle Paoli, Le Scriptorium, Portrait de groupe en poésie (anthologie poétique), BoD, 2010, pp. 56-57.
    D.R.Texte angèlepaoli




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  • Cheval blanc au miroir



    Visage absent
    Ph., G.AdC





    CHEVAL BLANC AU MIROIR


    Dans l’encadrement de la porte
    le cheval blanc veille
    fixe sur toi le bleu de ses yeux
    derrière lui devant au-delà
    le labyrinthe mille coudes sans lumière
    déplie ses couloirs tu te retires
    sur la pointe des pas à reculons du corps
    tu empruntes un corridor un autre un autre encore
    angles droits privés d’échos       Noir       humides les murs
    longues travées obscures les gravillons crissent sous
    ton poids j’avance tu rebrousses chemin sans broussailles
    lequel est le vrai qui guide vers la vie
    lequel est le vrai qui conduit à la mort

    odeurs stagnantes des marais
    eaux sans tain
    visage absent

    miroir sans ivresse
    la ténèbre de son regard
    ne t’approche plus


    Angèle Paoli, Le Scriptorium, Portrait de groupe en poésie (anthologie poétique), BoD, 2010, pp. 55-56.




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