Étiquette : Le Temps des Cerises


  • Titos Patrikios | Ma langue




    Η ΓΛΩΣΣΑ ΜΟΥ



    Τη γλώσσα μου δεν ήταν εύκολο να τη φυλάξω
    ανάμεσα σε γλώσσες που πήγαιναν να την καταβροχθίσουν
    όμως στη γλώσσα μου συνέχιζα πάντα να μέτράω
    στη γλώσσα μου έφερνα τον χρόνο στα μέτρα του κορμιού
    στη γλώσσα μου πολλαπλασίαζα την ηδονή ως το άπειρο
    μ’αυτή ξανάφερνα στον νου μου ένα παιδί
    με ασπρο σημάδι από πετριά στο κουρεμένο του κεφάλι.
    Πάσχιζα να μη χάσω ούτε μια της λέξη
    γιατί σ’αυτή τη γλώσσα μου μιλούσαν κι οι νεκροί.







    MA LANGUE




    Ma langue ne m’a pas été facile à garder
    au milieu des langues qui allaient la dévorer
    mais c’est dans ma langue que je continuais à compter
    dans ma langue que j’amenais le temps aux mesures du corps
    dans ma langue que je multipliais la volupté jusqu’à l’infini
    en elle que me revenait à l’esprit un enfant
    avec la marque blanche laissée par un caillou jeté sur sa tête rasée.
    Je m’efforçais de ne perdre pas même un de ses mots
    parce que c’est dans cette langue que me parlaient même les morts.



    Titos Patrikios, Sur la barricade du temps, Anthologie bilingue, Le Temps des Cerises, Collection Vivre en poésie, 2015, pp. 204-205. Traduction du grec & choix de poèmes par Marie-Laure Coulmin Koutsaftis. Préface d’Olivier Delorme.







    Titos Patrikios, Sur la barricade du temps





    Τίτος Πατρίκιος


    Titos Patrikios
    Source




    ■ Titos Patrikios
    sur Terres de femmes

    L’heure que je ne connais pas



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de L’Humanité)
    La Grèce aux pieds gonflés de Titos Patrikios, par Nicolas Dutent (lecture de Sur la barricade du temps)



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  • Salah Al Hamdani | Le début des mots



    Bagdad mon amour 2
    Photomontage de Ronny Someck
    Source








    LE DÉBUT DES MOTS



    Je vous appelle dans cette aube blanche dépourvue de neige. Vous qui habitez le même matin que moi, qui voyez le même ciel que moi. Cela fait trente ans que j’essaie de vous rejoindre avec mon exil.

    Ma jeunesse, mes belles années, je les ai enterrées auprès de vous, je les ai comptées, je les ai mastiquées et recomptées pour fabriquer des souvenirs.

    Ma vie d’autrefois ne racontait rien d’important. En Orient, avant cette plongée dans votre histoire, votre civilisation, ma vie n’avait pas d’autre forme que la prison, l’angoisse et les pleurs.

    En 1975, mon bateau a jeté l’ancre dans les gencives de votre ville, de vos rues. Avec vos chiens, vos poètes, vos écrivains, vos artistes et vous-même, ma vie prenait l’apparence du rêve. J’ai alors tellement dissipé de joies sur les murs de Paris, sur vous, sur votre nuit et sur vos matins.

    Je ne voulais rien perdre. Donner sans compter, mais ne rien gaspiller, tout consommer pour vivre l’instant. Durant ma convalescence, après Bagdad, pour m’habituer à l’absence de la mère, j’écrivais des poèmes.

    J’ai suivi les chemins fébriles de toutes ces années, grêle de froid qui s’écrase en sanglots amers. Tous ces sanglots de vos histoires s’écoulaient en moi avec sécheresse.

    Tout le marbre des monuments, figurines, statuettes, effigies, bustes babyloniens, mes nuits, mes fleuves et mes appels à la souveraineté ont été dérobés de mon corps au grand souk de l’Orient, par Napoléon-Saddam.

    Dans mon pays natal, on allait à la mosquée, on se mettait en rang devant Allah et on disait bonjour à la mère de celui qu’on avait exécuté la veille à mains nues. On nourrissait les mensonges, on faisait le ramadan le jour et on se saoulait le soir. Les discours autour du livre saint étaient raffinés. La nourriture l’était aussi. Les morts et les victimes avaient la couleur du sable de l’Orient.

    On y était les champions innommables de la conjugaison du verbe tuer : Je tue, tu tues, il (elle) tue, nous tuons, vous tuez, ils (elles) tuent. On avait inventé le zéro à seule fin de comptabiliser tous les morts. Nous sommes les champions dans notre manière de faire nos choix entre nos cadavres et ceux des autres.

    Je vous appelle de très loin, de mon cimetière et de ces morts pour rien. Je vous écris de mes champs de victimes, de ce silence amer, de la lâcheté de tous les dieux des hommes.

    Le mal de vivre loin des miens m’affole. Je n’ai pas grand-chose pour menacer ma nuit, ni inquiéter ma tumeur en pleine obscurité, sinon prononcer le nom de la lumière des steppes à haute voix :

    Madinat Al-Salam*, Bagdad mon amour

    Je suis heureux que le boucher de tes enfants, Saddam

    soit mort

    Oh ! Malheur de ma mère, dis-moi quel bourreau sera le suivant…

    Dans ma chambre, l’autre soir, j’ai souri à un aigle venu me couver de ses ailes déployées, comme un nuage noir sur un jardin d’hiver. Ma nuit est toujours la même, moi, le silence et cette idée de posséder le jour.



    Salah Al Hamdani, Bagdad mon amour, suivi de Bagdad à ciel ouvert, Le Temps des Cerises, 2014, pp. 15-16-17. Préface de Jean-Pierre Siméon.





    _________________________________
    * NOTE : Madinat Al-Salam (cité de la paix), ancien nom de Bagdad.






    Bagdad mon amour








    SALAH AL HAMDANI


    Salah Al Hamdani  NB2
    Ph. Helmut Schneese



    ■ Salah Al Hamdani
    sur Terres de femmes

    Bagdad, désespérément (extrait de Rebâtir les jours)
    Saison du sel
    Isabelle Lagny — Salah Al Hamdani | [Dans la lumière blanche] (extrait de Contrejour amoureux)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site de France Culture)
    Salah Al Hamdani lisant l’extrait (ci-dessus) de Bagdad mon amour
    → (sur RFI)
    Salah Al Hamdani dans En sol majeur (Yasmine Chouaki)
    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Salah Al Hamdani
    → (sur YouTube)
    un entretien avec Salah Al Hamdani






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  • Carl Sandburg | Under A Hat Rim



    Marilyn Monroe and Carl Sandburg by Arnold Newman
    « Des yeux comme un lac
    Où gronde une tempête »

    Ph. © Arnold Newman/Liaison Agency, 1961, december
    Source







    UNDER A HAT RIM




    While the hum and the hurry
    Of passing footballs
    Beat in my ear like the restless surf
    Of a wind-blown sea,
    A soul came to me
    Out of the look on a face.


    Eyes like a lake
    Where a storm-wind roams
    Caught me from under
    The rim of a hat.
                  I thought of a midsea wreck
                  and bruised fingers clinging
                  to a broken state-room door.








    Sousle rebord d’un chapeau
    Ph., G.AdC






    SOUS LE REBORD D’UN CHAPEAU




    Tandis que les bruits de pas
    De la foule pressée
    Résonnaient dans mes oreilles comme le ressac incessant
    D’une mer battue par le vent,
    Une âme vint jusqu’à moi
    À travers un simple regard.


    Des yeux comme un lac
    Où gronde une tempête
    Ont croisé mon regard sous
    Le rebord d’un chapeau.
                  J’ai pensé à un naufrage en pleine mer
                  et à des doigts contusionnés se cramponnant
                  à la porte brisée d’une cabine de luxe.




    Carl Sandburg, Chicago Poems, édition bilingue, Le Temps des Cerises, 2011, pp. 134-135. Traduit et présenté par Thierry Gillybœuf.





    CARL SANDBURG


    Carl Sandburg
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur poets.org)
    une bio-bibliographie (en anglais) de Carl Sandburg (+ de nombreux poèmes)
    → (sur poemhunter.com)
    Carl Sandburg Home (National Historic Site)
    → (sur poemhunter.com)
    tous les poèmes (en anglais) de Carl Sandburg
    A Research Website for Sandburg Studies





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  • Nada Menzalji | La paix virtuelle




    LA PAIX VIRTUELLE
    (extrait)




    Cette maigre fumée
    dessine sur le miroir un nuage
    Aujourd’hui, comme hier, il n’y a pas de pluie
    Il n’y a pas sur le ventre de la terre
    une fleur pour séduire l’abeille
    et le silence n’est pas digne de la prière.
    Une mouche vient de terminer sa randonnée
    autour du globe terrestre.
    Je veux dire que par-delà des mers virtuelles
    il doit y avoir des jeunes virtuels
    ils sont très pris par un jeu
    comme s’ils venaient de le découvrir
    ses rôles sont simples :
    des poitrines nues
    des armées
    et des balles
    L’armée tire des balles
    et les jeunes courent pour tomber par terre
    et leurs ailes
    palpitent vers le ciel
    sans que soit coupé
    leur long cri de liberté.




    Nada Menzalji [Syrie], in Femmes poètes du monde arabe (anthologie), édition préparée, présentée et traduite en français par Maram al-Masri, Le Temps des Cerises, 2012, pp. 21-22.







    Maram al-Masri, Femmes poètes du monde arabe





    NADA MENZALJI



    Originaire de Lattaquié (Syrie), où elle a fait ses études à la Tishreen University, la poète Nada Menzalji vit actuellement à Londres.



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Le Temps des cerises)
    une page consacrée à l’anthologie Femmes poètes du monde arabe





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