Étiquette : Le temps qu’il fait


  • Pascal Commère | [Blanche, la gelée aux quatre coins]



    Mais qui suis-je au plus bas du monde
    Ph., G.AdC






    [BLANCHE, LA GELÉE AUX QUATRE COINS]




    Blanche, la gelée aux quatre coins — surprend le monde !



    Attendant
    la houle grande du printemps, la foule
    des orges qui épieront. Des quatre pieds, comme figure
    toute gloire drapée de boue et d’or. Et qu’importent
    les mouches affairées dans le trop-plein d’air moite — ô dissidentes !
    Mais qui suis-je au plus bas du monde ? Anxieux
    de l’herbe qui tarde en sa pousse fébrile, résigné
    dans l’attachement fier au finage illusoire.



    Pascal Commère, « Songe du petit cheval déplacé en terre franque », Bouchères, Obsidiane, 2003, in Des laines qui éclairent, Une anthologie, 1978-2009, Obsidiane & Le temps qu’il fait, 2012, page 286.








    PASCAL COMMÈRE


    Commere
    Source




    ■ Pascal Commère
    sur Terres de femmes


    [La courbe des fumées là-bas] (poème extrait de Territoire du Coyote)
    Territoire du Coyote (note de lecture d’AP)
    Mémoire, ce qui demeure (note de lecture d’AP)
    Lettre de la mère (extrait de Mémoire, ce qui demeure)
    Sur la poussière
    [Crayonné paysage] (poème extrait de « Sur une ligne de crête en Toscane »)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur Terre à ciel)
    une page consacrée à Pascal Commère (nombreux extraits + notice bibliographique)
    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Pascal Commère
    → (sur le site de France Culture)
    Pascal Commère dans Ça rime à quoi de Sophie Nauleau (émission du 13 mai 2012)





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  • Antjie Krog | Cela gronde doucement



    South-africa-veld
    Source







    CELA GRONDE DOUCEMENT



    cela gronde doucement. la terre soulève
    son crâne sous l’aile des nuages
    couve l’orage le long du palais silencieux
    des montagnes. un bulbul se glisse


    au plus intime de l’érable —
    au plus calme du tronc au cœur de l’arbritude
    oh, immobile l’arbre attend. l’éclair
    jaillit des strates bleues, le veld sent sa chair de poule


    s’ouvrir au parfum des robes
    pleines de promesses. dans ses cheveux éclot la rose
    l’ultime fraîcheur s’évapore de ses aisselles


    elle déboutonne son long cœur. jamais elle ne fut
    si maigre, si seule, on avait attendu
    une pluie qui, justement, n’était pas venue




    Antjie Krog, Une syllabe de sang, Le temps qu’il fait, octobre 2013, page 81. Traduit de l’afrikaans par Georges-Marie Lory.





    ANTJIE KROG


    Antjie Krog
    Source



    ■ Antjie Krog
    sur Terres de femmes

    Commencements



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site de la revue Secousse, 10)
    plusieurs poèmes extraits d’Une syllabe de sang d’Antjie Krog lus par Anne Segal
    → (sur le site des éditions Le temps qu’il fait)
    une page sur Antjie Krog
    → (sur le site South African History Online)
    une page (en anglais) sur Antjie Krog
    → (sur Lecture en Tête)
    une page (en français) sur Antjie Krog
    → (sur NB Publishers)
    une biobliographie (en anglais) d’Antjie Krog
    → (sur Lyrikline)
    plusieurs poèmes d’Antjie Krog dits par l’auteure






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  • Jean-Loup Trassard, Causement

    par Bernadette Engel-Roux

    Jean-Loup Trassard, Causement,
    Texte & photographies de Jean-Loup Trassard,
    Le temps qu’il fait, 2012.



    Lecture de Bernadette Engel-Roux



    Ruisseau1_home
    Ph. : Jean-Loup Trassard
    Source







    « LE GOÛT DES RACINES»



    La langue française toute proche, celle qui se parlait encore dans l’enfance du jeune mayennais, celle que l’école de Jules Ferry enseignait à tous les petits du vieux pays pour les libérer des patois et d’une relative ignorance, même cette langue républicaine avait une clarté et un son qui en moins d’un siècle se sont perdus. Dans cette déperdition, cette langue française pleine, savoureuse et consonante n’était pas si éloignée qu’il pourrait paraître du patois. Dans Causement, Jean-Loup Trassard dit la part de plaisir qu’il pouvait entrer dans son usage. Et plus important encore, le fait de communion. En classe, s’ils osaient, ou si les mots fusaient, les petits écoliers s’y chahutaient, partageant, comme des rebelles entre eux, le plaisir et le secret d’un langage clandestin.

    Ni Trassard le Mayennais ni Marteau le Poitevin ne parlent patois dans leur vie quotidienne, au rebours de ce que font les activistes nostalgiques. Eux, c’est seulement en poésie, comme pour un auditoire invisible et qui n’en prononcera pas les mots à haute voix, qu’ils osent un acte de piété, presque timide, en tout cas discret. Et c’est aux Mayennais, semble-t-il, mais à nous lecteurs aussi bien, qu’il rappelle qu’il y a là un « trésor linguistique » qu’il importe de « ne pas laisser disparaître dans l’oubli ». S’en servir parfois, comme d’un doux vieux linge, c’est ouvrir l’armoire ou le coffre, c’est en secouer la poussière, car les mots ne vivent leur inusable vie que si l’on s’en sert, tant il est vrai qu’ici usure et usage se séparent.

    C’est un livret ponctué d’images rurales pour Trassard, ce Causement dont il dresse un lexique réduit à quelques balises mémorielles, car l’écrivain photographe et poète ne fait pas œuvre de chercheur en lexicologie, mais œuvre de piété et de plaisir personnels. Aussi les images renvoient-elles très probablement à un univers proche, bien connu, intime. Outils et objets de la vie quotidienne dont la douceur du cliché en noir et blanc modèle et module les formes en leur rendant chaleur et dont la succession rythme le livre.

    Jean-Loup Trassard (comme le fait Robert Marteau) pose dans l’encre du livre, non pas l’écho sonore d’un mot, ce qui ne se peut, mais sa trace, son impalpable vestige en pigments d’encre. Ils honorent d’infimes autels langagiers. Leur usage est poétique, non politique. Il ne s’agit pas de convaincre des autorités ni d’entraîner des foules. La cause serait vaine. Mais d’ébranler doucement le battant d’une cloche qui sonna il y a longtemps et n’a plus de timbre. Faire voir l’image pieuse de sons qui étaient un mot, et dans le même temps nommaient un objet, un geste, une façon d’être de la vie immédiate. Le patois ne désignait que le proche et le familier. Les mondes étrangers ou abstraits n’avaient pas, n’en avaient nul besoin, de sons connus qui les disent. Lorsque ce monde s’éloigne ou sombre, les mots qui s’y réfèrent consentent obscurément à la même atlantide et aucune mythologie ne les sauve, sinon la piété poétique qui les prononce en secret. Pratiquer, en poètes, un art de la mémoire : « remonter le temps pour toucher la surface enfouie des chemins », dit Jean-Loup Trassard. Très étrangement, quand il était corps vivant de langue, le patois était parlé de ceux qui ne savaient l’écrire. Aujourd’hui, seuls qui savent écrire essaient d’en témoigner. Ils « remontent du labour quelques silex préhistoriques », pour le seul plaisir de la contemplation, d’une sonorisation secrète, intime. « J’ai toujours tentation de laisser de telles sonorités un peu résonner dans ce que j’écris, comme si cette musique augmentait la présence de la campagne sur ma page pourtant muette », nous confie l’avant-dire posé sous le titre signifiant : « Le goût des racines », juste avant que ne se déroule la liste des verbes et substantifs au caractère invocatoire.

    C’est sans doute aussi la langue première de l’émotion, celle de la colère ou de l’amour, et la vocalisation chaotique de nos rêves. C’est en patois que le rustre rudoie ou chérit son cheval ou sa vache, son chien ou ses chèvres, et qu’il vocifère contre le soleil et la pluie – ou la femme. C’est la langue des Dieux Lares et Pénates. Et la langue jaillissante des Dieux Paniques. Les Muses apolliniennes ne peuvent l’ordonner.

    Peut-être encore le patois, ce « langage sans nom » est-il, pour l’écrivain, cette façon de se parler à soi-même, lorsqu’on oublie tous les langages acquis, le vain savoir qui est la vanité, peut-être est-il une façon de parler en soi une langue personnelle, pour se dire ce à quoi nul n’a à donner réponse, c’est souvent cette « petite voix en soi qui, remarque Pierre Michon, vient dire à la chose écrite : cause toujours », la voix intime mais critique qui interdit l’orgueil parce qu’elle rappelle l’origine, les vieux morts en nous qui rappellent leur existence, s’ébrouent, obligent au retour de contrition. Tu n’es jamais que l’un des nôtres, ne te prends pas pour un grand. « Et quand j’écris, je me parle souvent à moi-même, je m’approuve ou me désapprouve, en patois. Ce sont de vieux paysans morts qui, en moi, se défendent… » 1. Tu n’es que Pierrot ou Jean-Loup ou Robert, le petit Creusois, le petit Mayennais ou le petit forestier. Ne l’oublie pas. Le poète cède à l’injonction des morts, et, n’oubliant pas, parle avec les siens, quelques instants, dans leur langue. Ou ils parlent en lui.

    Et puis, la langue française que Jules Ferry croyait plus uniforme que les patois divers, celle-là même s’épuise et s’aplatit. Face aux formules stéréotypées des medias, il semble qu’une vieille langue, aux nuances savoureuses et colorées, sonnante, n’ait plus de refuge qu’en la littérature, où elle ne fait aucun bruit. N’atteint que les âmes sensibles, les quelques donataires d’une langue en déshérence, offerte dans les quelques feuillets d’un livre, d’un causement.



    Bernadette Engel-Roux
    D.R. Texte Bernadette Engel-Roux (printemps 2013)
    pour Terres de femmes





    _____________________________
    1. Cité par Jean-Bernard Vray, in Pierre Michon, l’écriture absolue, Actes du 1er colloque international Pierre-Michon (Musée d’Art moderne de Saint-Étienne, 8, 9, 10 mars 2001), textes rassemblés par Agnès Castiglione, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2002.






    Trassard






    ■ Autres notes de lecture de Bernadette Engel-Roux
    sur Terres de femmes


    Jean-Claude Pirotte, À Saint-Léger | suis réfugié
    Olivier Rolin, Extérieur monde
    José-Flore Tappy, Tombeau





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  • Pascal Commère | [Crayonné paysage]







    Crayonné paysage. Krzysztof Browko,  Sony World Photography Awards 2012
    « Crayonné paysage, les lignes
    emmêlées qui repassent, s’acceptant
    se niant. »

    Ph. Krzysztof Browko, Sony World Photography Awards 2012
    Source








    [CRAYONNÉ PAYSAGE]



    Crayonné paysage, les lignes
    emmêlées qui repassent, s’acceptant
    se niant. Qui modèle,
    quel souffle toujours s’use, toujours tempère
    l’érosion diurne, qui assiège ?
                                                         Et l’orbe
    de l’eau en bas par-dessus les maïs.




    Pour quelles bêtes de trop loin vues, ou seulement
    la cambrure d’une échine au sol, sait-on
    de quel monde le vent les chasse ou si la terre
    n’est autre qu’une grande morsure avec le bleu
    du ciel et son genou blessé, si seule
    qu’une herbe en la touchant s’y brise.




    Pascal Commère, « Sur une ligne de crête en Toscane », De l’humilité du monde chez les bousiers, Obsidiane, 1996, in Des laines qui éclairent, Une anthologie, 1978-2009, Obsidiane & Le temps qu’il fait, 2012, page 232.






    Une grande morsure avec le bleu du ciel
    Triptyque photographique, G.AdC








    PASCAL COMMÈRE


    Commere
    Source




    ■ Pascal Commère
    sur Terres de femmes

    [La courbe des fumées là-bas] (poème extrait de Territoire du Coyote)
    Territoire du Coyote (note de lecture d’AP)
    Mémoire, ce qui demeure (note de lecture d’AP)
    Lettre de la mère (extrait de Mémoire, ce qui demeure)
    [Blanche, la gelée aux quatre coins] (poème extrait de « Songe du petit cheval déplacé en terre franque »)
    Sur la poussière



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur Terre à ciel)
    une page consacrée à Pascal Commère (nombreux extraits + notice bibliographique)
    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Pascal Commère
    → (sur le site de France Culture)
    Pascal Commère dans Ça rime à quoi de Sophie Nauleau (émission du 13 mai 2012)





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  • Vivian Lamarque | [En dot je vous apporte]



    Un noble ciel plus les couleurs que vous voulez
    Diptyque photographique, G.AdC







    [IN DOTE LE PORTO]



    In dote Le porto
    foglioline di salvia
    e di rosmarino
    più mille poesie circa
    più quello stralunato ritrattino
    tutto qui ?
    no anche un fiore con dentro
    un’ape in velo da sposa
    più una goccia di miele
    più una spina di rosa
    tutto qui?
    no anche il resto del mondo
    più un cielo gentile
    più i colori che vuole
    più il doppio della metà
    di tutto il mio cuore.







    [EN DOT JE VOUS APPORTE]



    En dot je vous apporte
    de petites feuilles de sauge
    et de romarin
    plus mille poèmes environ
    plus ce petit portrait hagard
    et c’est tout ?
    non une fleur aussi avec à l’intérieur
    une abeille et son voile de mariée
    plus une goutte de miel
    plus une épine de rose
    et c’est tout ?
    non le reste aussi du monde
    plus un noble ciel
    plus les couleurs que vous voulez
    plus le double de la moitié
    de mon cœur tout entier.


    (1096)




    Vivian Lamarque, Poesie dando del Lei [« Poèmes qui disent vous »], Garzanti, 1989 (Premio Tropea) in Lingua, La Jeune Poésie italienne, éditions Le temps qu’il fait, 1995, pp. 172-173. Anthologie bilingue publiée sous la direction de Bernard Simeone. Traduction de Bernard Simeone.




    VIVIAN LAMARQUE


    Vivian Lamarque
    Source



    ■ Vivian Lamarque
    sur Terres de femmes

    Poésie illégitime



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur Italian Poetry)
    une page consacrée à Vivian Lamarque
    → (sur YouTube)
    Quattro Giorni con Vivian (extrait d’un portrait vidéo de Vivian Lamarque par Silvio Soldini, 2008) [documentaire de la collection Gente di Milano]
    → (sur Lyrikline)
    Vivian Lamarque disant dix de ses poèmes






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