Étiquette : Lecture


  • Jean-François Mathé, Prendre et perdre

    par Marie-Hélène Prouteau

    Jean-François Mathé, Prendre et perdre,
    éditions Rougerie, 2018.



    Lecture de Marie-Hélène Prouteau


    « ÊTRE DANS CE QUI S’EN VA »




    Avec Prendre et perdre, Jean-François Mathé interroge la vie qui se défait, qui échappe. Le titre est hautement significatif. Deux verbes nus, à l’infinitif, alliant le geste d’action et celui de la privation. La préhension et le dessaisissement, d’un même mouvement. Voilà qui installe la dissonance au cœur de l’être. L’exergue, une citation d’Anise Koltz, « Marcher sans rien atteindre jusqu’à devenir chemin », vient affermir cette tonalité.

    C’est d’amenuisement de la vie qu’il est question dans ce recueil.

    « On passe la journée sans la vivre. »

    Une vie fatiguée qui, peu à peu, s’étrécit. L’expression « la vie en fuite » revient dans plusieurs vers.

    « […] il n’est ni rêve en tes nuits qui passent

    ni lumière dans ta lampe allumée. »

    La parole du poète se confronte à l’ombre portée de la mort et à celle de la vie qui s’éloigne. Ce peut être « [U]n reste de lumière ». Ou ces nombreux signes de la disparition qui l’accompagnent au quotidien. Telles les multiples expressions de la négation, « sans », « ne plus », « rien ». Ou les mots « manque », « vide » présents à chaque page. Le monde se capte dans un langage de la disparition.

    « Plus aucun appel de ce que tu avais pris d’une voix. »

    ou la venue de la mort dans le sommeil avec cette image :

    « Comme une barque avec la mort à son bord. »

    L’usage fréquent de l’imparfait fait magnifiquement ressortir l’élan, la force vive d’autrefois du poète. Mais aussi l’écart avec le présent :

    « Quand le souffle te manquait, le remplaçait

    l’indestructible volonté d’atteindre le sommet

    de la montagne » .

    Toujours chez le poète, l’évocation de choses simples se déploie avec une grande économie de moyens. Ainsi en est-il des images :

    « Quand l’arbre qui était en automne

    est désormais en toi ? »

    Le recueil constitué de trois parties « Vivre au bord », « Passages entre chien et loup », « Débuts de dénouements » est marqué par une oscillation entre la solitude, l’ennui des jours, et les souvenirs de moments heureux. Plusieurs poèmes sont dédiés à des personnes amies, poètes et créateurs. Irène Duboeuf, Cécile A. Holdban, Isabelle Lévesque, Marie-Josée Christien, Jean-François Agostini, Hervé Martin, Jean-Louis Guitard, Florence Saint-Roch, Lucien Wasselin, Jan dau Melhau, Nicole. Peu de mots et tout un monde :

    « Nous aimions regarder le ciel clair de l’été. »

    Quelques vers suffisent à évoquer la compagnie de l’ami au bord de la Méditerranée. Ou pour rappeler la présence de la femme aimée. Une simple métonymie, la robe, le corps. Concision et épure de la mémoire. C’est là que l’imparfait donne toute sa mesure. Regard de triste tendresse sur un bonheur de mélancolie, comme dans un film de Claude Sautet :

    « On avait versé du café dans les tasses

    et dans chacune maintenant

    tremblait un îlot de nuit

    que tu regardais

    comme quand tu attends les étoiles

    dans tes ciels nocturnes.

    Les autres riaient haut

    forts de la force de midi

    et de l’immortalité qu’ils croyaient y puiser. »

    Comment dire ce qui vient à manquer ? Comment dire ce qui est perdu ?

    Que sont devenus les signes du bonheur ? Point d’amertume pourtant, il ne s’agit pas de vouloir qu’ils soient là à nouveau. Mais il s’agit plutôt de demeurer dans un certain attachement à ce qui est perdu. La mélancolie traverse les vers. Les choses sont ainsi, nous n’y pouvons rien :

    « Il n’y a malheureusement pas de nuit

    pour masquer les chemins

    que l’on ne prendra plus. »

    Le sentiment de la perte inéluctable qui nous attend est présent mais tenu à distance. C’est ce regard lucide, sans pathos, tout de retenue qui est révélateur. Le jeu subtil sur les pronoms, « tu », « nous », vient dire par le menu cette identité fluctuante. Et nous ramène à notre destin commun à tous.

    Le paysage mental est restitué avec une grande sobriété. L’arbre. Le jardin. La maison, parfois vidée de ses hôtes.

    Les tollés du monde ne disparaissent pas, pour autant :

    « les nuits les plus noires maculées de la boue de nos rêves. »

    La présence des oiseaux est là comme la basse continue de ce chant. Incarnation vivante, ailée de la vie, ils traversent le poème. Deviennent « ciseaux tendres qui ne se ferment que pour s’ouvrir ». Ils font contrepoint à la mort de l’enfant d’amis du poète. Ou à sa présentation en « Icare déplumé ».

    Il s’agit d’apprendre « à vivre légèrement appuyés à la mort », dit Jean-François Mathé. D’entrer en résonance avec ce qui est de l’ordre de la privation. Avec la vie qui, peu à peu, déserte. Mais rien de neuf ici sous le soleil, c’est le lot commun à tous.

    Le poète choisit ainsi d’éviter tout éclat, tout débordement lyrique. Élégance et pudeur, tout est là. Pour une mélopée à voix basse.

    En lisant Jean-François Mathé, il me semblait entendre une autre voix, lointaine, celle de Tarjei Vesaas. Une même résolution, au soir de la vie, pour atténuer la douleur :

    « Être dans ce qui s’en va. »



    Marie-Hélène Prouteau
    D.R. Marie-Hélène Prouteau
    pour Terres de femmes







    Jean-François Mathé  Prendre et perdre




    JEAN-FRANCOIS MATHÉ


    JF-Mathe
    Source




    ■ Jean-François Mathé
    sur Terres de femmes



    [J’aurais voulu dire | et je n’ai pas dit] (extrait de Prendre et perdre)
    [Il aurait mieux valu] (extrait de Retenu par ce qui s’en va)
    Vu, vécu, approuvé. (lecture d’AP)
    [J’ai demandé à l’horizon] (extrait de Vu, vécu, approuvé.)
    Retenu par ce qui s’en va (lecture d’Isabelle Lévesque)
    [Je me défais des songes] (extrait du Temps par moments)
    [Ce qui a le moins pesé] (extrait de La Vie atteinte)
    [Le paysage né de la dernière pluie] (autre extrait de La Vie atteinte)




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Jean-François Mathé
    → (sur Recours au Poème)
    un entretien de Gwen Garnier-Duguy avec Jean-François Mathé




    ■ Autres chroniques et lectures (25) de Marie-Hélène Prouteau
    sur Terres de femmes

    Chambre d’enfant gris tristesse
    La croisière immobile
    Anne Bihan, Ton ventre est l’océan
    Jean-Claude Caër, Alaska
    Jean-Louis Coatrieux, Alejo Carpentier, De la Bretagne à Cuba
    Marie-Josée Christien, Affolement du sang
    Yves Elléouët, Dans un pays de lointaine mémoire
    Guénane, Atacama
    Luce Guilbaud ou la traversée de l’intime
    Cécile Guivarch, mots et mémoire en double
    Denis Heudré, sèmes semés
    Jacques Josse, Liscorno
    Martine-Gabrielle Konorski, Instant de Terres
    Ève de Laudec & Bruno Toffano, Ainsi font…
    Philippe Mathy, l’ombre portée de la mélancolie
    Monsieur Mandela, Poèmes réunis par Paul Dakeyo
    Daniel Morvan, Lucia Antonia, funambule
    Daniel Morvan, L’Orgue du Sonnenberg
    Yves Namur, Les Lèvres et la Soif
    Jacqueline Saint-Jean ou l’aventure d’être au monde en poésie
    Dominique Sampiero, Chante-perce
    Dominique Sampiero, Où vont les robes la nuit
    Ronny Someck, Le Piano ardent
    Pierre Tanguy, Ma fille au ventre rond
    Pierre Tanguy, Michel Remaud, Ici même





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  • Laure Gauthier, kaspar de pierre

    par Isabelle Lévesque

    Laure Gauthier, kaspar de pierre,
    éditions de La Lettre volée, Collection Poiesis, 2017.



    Lecture d’Isabelle Lévesque


    AVEC KASPAR HAUSER ?




    La figure de Kaspar Hauser, ce garçon de seize ans à l’identité énigmatique apparu à Nuremberg en 1828 et mort assassiné cinq ans plus tard, ne cesse de nous interroger. « Enfant adoptif » officiel de la ville de Nuremberg, devenu très vite « orphelin de l’Europe », comme l’appelaient les gazettes, il habite et hante le dernier livre de Laure Gauthier.

    La voix narrative et la cadence poétique ouvrent kaspar de pierre :


    « ai couru, nu d’automne vers les maisons basses

    avec la lourdeur du gravier

    et mes semelles de peau

    Ce chemin vers rien de certain


    qui se brise en bruissements rances »


    Celui qui parle ne dit pas « je ». Livré au seul chemin de perdre, il n’est pas accompagné. Sa route et sa fragilité l’exposent dès l’incipit comme sa langue naissante, qui sans cesse raisonne et se crée, peu sûre d’elle, cassant son rythme ou son sens. Elle avance nue et vulnérable sur ses « semelles de peau », qui appellent immanquablement les « semelles de vent » de Rimbaud, inscrivant l’expression dans un nouvel ordre. Dans son roman Kaspar Hauser ou La phrase préférée du vent, Véronique Bergen fait parler son personnage parfois à la première personne, parfois à la troisième. Mais elle écrit aussi : « À Nuremberg, je-il-Kaspar Hauser s’est levé. » 1 Les témoins de sa vie ont raconté la difficulté qu’il eut à comprendre et à accepter l’emploi de « je » et « tu ». Ici, Laure Gauthier emploie « jl », qui combine « je/il » :


    « Jl courrrr tronqué vers le champ toujours à nouveau de tournesols »


    L’histoire de Kaspar Hauser a tout de suite fasciné : qui étaient ses parents ? Pourquoi a-t-il été ainsi reclus pendant treize ou quatorze ans ? Qui s’occupait de lui ? Pourquoi a-t-il été libéré ? Qui a tué Kaspar Hauser et pourquoi ?

    Les comptes rendus de ses interrogatoires, ses essais d’autobiographie, les témoignages et enquêtes de ceux qui l’ont recueilli ou rencontré nous donnent une image assez précise de son langage et de ses comportements : « Son parler était un effort et un combat. » 2

    On découvre un être cramponné à la terre, qui connut deux naissances. D’abord né d’une femme, puis d’un cachot de pierre. Ce « Kaspar de pierre » aspirait parfois à retrouver ce lieu qu’il pouvait encore considérer comme protecteur contre ce que le monde qu’il découvrait avait d’effrayant.


    «les pierres, même elles, se sont retournées à moi, et n’auront plus jamais la force d’accueillir un enfant »


    Dans la présentation de son Gaspard, Peter Handke écrit : « La pièce pourrait aussi s’intituler Torture verbale »3. C’est bien ce que l’on fit subir au garçon : aux questions qu’il ne comprenait pas, il répondait par le silence des pierres ou par des phrases insolites, d’une maltraitance à l’autre.

    Il n’a pas le choix, il doit apprendre à communiquer avec tous, avancer, marcher, cet enfant qui vécut assis. Il fut d’abord considéré comme un phénomène de foire sur qui faire les expériences les plus imbéciles, ou un objet d’étude pour la science : examen minutieux de sa peau, de ses réactions à divers stimuli, de son langage. « Raconte-t-on sa lapidation ? », demande l’auteure. Kaspar est livré à une société vorace et brutale.


    « Muré = sans expérience = cœur pur = verbe premier = poésie ! »


    Françoise Dolto a intitulé son étude : Kaspar Hauser, le séquestré au cœur pur. Elle écrivait en conclusion : « Un homme qui honore l’humanité. / En même temps un mystère pour lui-même et un mystère pour nous autres. Son histoire ne s’explique pas par ce que nous connaissons de la psychologie expérimentale, ni non plus par ce que nous connaissons sur l’inconscient. Elle ne s’explique tout simplement pas… »4

    Les poètes ont vite vu en lui un semblable, un frère. Si Verlaine le fait parler à la première personne (« Je suis venu, calme orphelin… »), Georg Trakl l’évoque à la troisième personne, le présentant comme un « rêveur » qui « restait seul avec son étoile »5. Écrivant sur ce Kaspar Hauser né de la pierre, les poètes sont devenus « poètes rupestres », comme l’analyse Laure Gauthier.

    Elle décide quant à elle d’écrire avec Kaspar Hauser.


    Le livre de Laure Gauthier rend compte d’une vie mutilée. Les chapitres ont un titre suivi d’un numéro. Si « Abandon » et « Maison » occupent trois chapitres, « Marche » et « Rue » s’arrêtent au numéro 1.

    Les deux chapitres « Diagnostic » reprennent des indications d’un site internet médical sur les effets secondaires de certains médicaments. Les contemporains pensaient qu’on lui administrait de l’opium dans son cachot pour pouvoir prendre soin de lui et nettoyer le local sans qu’il le remarque. Cela peut-il expliquer au moins en partie le comportement et certains troubles de Kaspar Hauser ? L’oubli de tout ce qui s’est passé pendant les treize ou quatorze ans passés dans le cachot est-il un effet secondaire de la prise d’opium (ou autre substance) ?

    Quel destin pour celui qu’on a dépossédé de lui-même et même de rien pour le jeter chaque fois vers une nouvelle maison, un nouveau tuteur ?


    « L’Europe bourgeoise des faits divers

    Touristes venus me voir, l’attraction de la maltraitance

    Oh le marché de la poésie ! »


    Enfants du placard, enfants sauvages, rien n’a changé : la curiosité parfois malsaine et irrespectueuse supplante la fraternité. (Où est la poésie ?)

    La mise en doute du sujet, cette langue naissante cherchant sans cesse le juste sens, interrogeant inquiète le rapport entre les mots et le monde, voilà qui rencontre la démarche d’une grande partie de la poésie d’aujourd’hui : impossibilité de (puis difficulté à) utiliser le pronom sujet de première personne ; utilisation de verbes à l’infinitif le plus souvent ; métaphores obscures ; manques et ellipses ; parataxes ; ordre des mots inhabituel…

    Nous retrouvons cela dans le poème de Laure Gauthier, ainsi que les prononciations défectueuses, proches du bégaiement :


    « Et plus jl marchch ch ch plus les soleils devenaient lourds et noirs »


    Kaspar Hauser est un « enfant troué », « un fait divers en marche ». Les mots du livre, les trous dans ou entre les lignes ou pages nous présentent cette vérité humaine inatteignable, celle d’un mythe. Laure Gauthier approche ici la parole trouée de Kaspar, l’être sacrifié6. Elle ne cherche ni à rétablir ni à amplifier. Le morcellement du poème restitue un parcours imaginé autant que repris à la réalité recollée d’un être à la vie confisquée.



    Isabelle Lévesque
    D.R. Isabelle Lévesque
    pour Terres de femmes





    ________________________________________
    1. Véronique Bergen, Kaspar Hauser ou La phrase préférée du vent (Denoël, 2006).
    2. Kaspar Hauser, Écrits de et sur Kaspar Hauser – traduction de Jean Torrent et Luc Meichler (Christian Bourgois, 2003).
    3. Peter Handke, Gaspard – traduction de Thierry Garrel et Vania Vilers (L’Arche, 1971).
    4. Françoise Dolto, Kaspar Hauser, le séquestré au cœur pur (Gallimard, 1994 – Le petit Mercure, 2002).
    5. Georg Trakl, « Chanson pour Gaspard Hauser » in Crépuscule et déclin suivi de Sébastien en rêve – traduction de Marc Petit et Jean-Claude Schneider (Gallimard, 1972 – Poésie/Gallimard).
    6. « Il est un Christ […], sacrifié au vice de possession des humains. » Françoise Dolto, op. cit., p. 44.






    Kaspar de pierre





    LAURE GAUTHIER


    Laure Gauthier Denim
    Source




    ■ Laure Gauthier
    sur Terres de femmes

    Je neige (entre les mots de villon) [lecture d’AP]
    J’écris toujours dans la neige [extrait de je neige (entre les mots de villon)]
    Marche 1 [kaspar de pierre]
    kaspar de pierre (lecture d’AP)
    [Réinvestir la forêt] (extrait de La Cité dolente)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de Laure Gauthier)
    une notice bio-bibliographique
    → (sur linked in)
    une fiche bio-bibliographique
    → (sur le site de Laure Gauthier)
    une fiche sur kaspar de pierre
    → (sur le site Les Découvreurs)
    une lecture de kaspar de pierre par Georges Guillain
    → (sur le site de la revue Secousse #23)
    une note de lecture de François Bordes sur kaspar de pierre [PDF]
    → (sur remue.net)
    Laure Gauthier | Kaspar de pierre | 1 (autre extrait de kaspar de pierre)
    le site des éditions de La Lettre volée




    ■ Autres notes de lecture (54) d’Isabelle Lévesque
    sur Terres de femmes


    Max Alhau, Les Mots en blanc
    Marie Alloy, Cette lumière qui peint le monde
    Gabrielle Althen, Soleil patient
    Françoise Ascal, Noir-racine précédé de Le Fil de l’oubli
    Edith Azam, Décembre m’a ciguë
    Gérard Bayo, Jours d’Excideuil
    Mathieu Bénézet, Premier crayon
    Véronique Bergen, Hélène Cixous, La langue plus-que-vive
    Claudine Bohi, Mère la seule
    Paul de Brancion, Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre
    Laure Cambau, Ma peau ne protège que vous
    Valérie Canat de Chizy, Je murmure au lilas (que j’aime)
    Fabrice Caravaca, La Falaise
    Jean-Pierre Chambon, Zélia
    Françoise Clédat, A ore, Oradour
    Colette Deblé, La même aussi
    Loïc Demey, Je, d’un accident ou d’amour
    Sabine Dewulf, Et je suis sur la terre
    Pierre Dhainaut, Après
    Pierre Dhainaut, Ici
    Pierre Dhainaut, Progrès d’une éclaircie suivi de Largesses de l’air
    Pierre Dhainaut, Vocation de l’esquisse
    Pierre Dhainaut, Voix entre voix
    Armand Dupuy, Mieux taire
    Armand Dupuy, Présent faible
    Estelle Fenzy, Rouge vive
    Bruno Fern, reverbs    phrases simples
    Élie-Charles Flamand, Braise de l’unité
    Aurélie Foglia, Gens de peine
    Philippe Fumery, La Vallée des Ammeln
    Raphaële George, Double intérieur
    Jean-Louis Giovannoni, Issue de retour
    Cécile Guivarch, Sans Abuelo Petite
    Cécile A. Holdban, Poèmes d’après suivi de La Route de sel
    Sabine Huynh, Les Colibris à reculons
    Sabine Huynh, Kvar lo
    Lionel Jung-Allégret, Derrière la porte ouverte
    Mélanie Leblanc, Des falaises
    Gérard Macé, Homère au royaume des morts a les yeux ouverts
    Béatrice Marchal, Au pied de la cascade
    Béatrice Marchal, Un jour enfin l’accès suivi de Progression jusqu’au cœur
    Jean-François Mathé, Retenu par ce qui s’en va
    Dominique Maurizi, Fly
    Dominique Maurizi, La Lumière imaginée
    Emmanuel Merle, Dernières paroles de Perceval
    Nathalie Michel, Veille
    Isabelle Monnin, Les Gens dans l’enveloppe
    Jacques Moulin, L’Épine blanche
    Cécile Oumhani, La Nudité des pierres
    Emmanuelle Pagano, Nouons-nous
    Hervé Planquois, Ô futur
    Sofia Queiros, Normale saisonnière
    Jacques Roman, Proférations
    Pauline Von Aesch, Nu compris





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  • Odile Massé | [Il fait chaud]




    [IL FAIT CHAUD]




    Il fait chaud.

    Contre les marches où il n’y a plus d’ombre, près des graviers éclatants de blancheur, les insectes crissent et rampent. Je transpire. Je ne bouge pas. Je respire à petits coups l’air brûlant qui déchire mes poumons, j’écoute les oiseaux.

    Je les laisse approcher.

    Je pense à l’hiver, aux corneilles qui craillent et corbinent par centaines à la tombée du jour, au bois qui craque dans les grands arbres, aux appels affolés des étourneaux qui peuplent les branches sombres. Le parc est immense. Les gens marchent à pas pressés en remontant leur col, quelques enfants se roulent dans les tas de feuilles sèches (pour ma part, je préfère m’y coucher à l’automne, quand elles sont encore souples, odorantes, accueillantes au poids de mon corps qui s’apaise dans leur bruissement d’ailes répandues), il y a près du zoo tous les âpres fumets des fauves que j’évite d’approcher tant ils ressemblent à ceux du chenil, et dans les allées je marche sans bruit. Je m’assieds sur un banc, réchauffe mes doigts gourds dans le fond de mes poches, j’écoute les oiseaux. J’oublie le sang, la maison, les rires d’elle avec ses bêtes, j’oublie comme il fait sombre dans la boutique et comme j’ai envie, souvent, de poser mes mains sur le tissu frémissant de sa jupe, j’oublie les frôlements que j’ai osés dans le couloir, l’escalier, l’encadrement d’une porte, mon ventre glissant le long de ses hanches et tentant de s’y attarder, se frottant et pressant contre son corps, l’odeur de ses cheveux, de sa peau que je regardais transpirer près de moi, mes doigts soudain touchant sa taille ou s’enfonçant entre nous dans l’épaisseur de sa poitrine, et les fourmillements dans mes jambes tandis qu’ainsi je m’appuyais et pesais contre elle qui se dégageait— tout s’éloigne, ma chair se calme, je m’allonge dans le froid crissant, j’écoute les oiseaux dont les cris transpercent l’air et ma tête, j’attends. J’attends qu’enfin piaulent et pépient les petits dans les buissons, j’attends d’être envahi par les roucoulements, les gloussements, les gazouillis des oiseaux revenus, d’entendre dans leurs cages brailler les paons et jaser les perroquets, d’écouter près du bassin le cancanement des cygnes et sous les toits le gémissement des tourterelles, plus forts que tous les grognements des chiens et qui me fait oublier les crocs et les langues chaudes des bêtes, dans la touffeur qui s’étend — j’attends, couché sur mon banc, de retrouver l’émoi joyeux de tout cela qui siffle, caquette, turlute, babille, trisse et jacte, et chuchète, appelle, flûte, chante, trille, pleure, s’empare de l’espace, vole, gratte, bat des ailes et creuse avec son bec, change, bouge, sautille, pique dans le vide, s’évade, plonge, frôle les feuillages, se repose et flotte contre l’air et me regarde de profil, toujours, avec son œil fixe et vaguement méprisant.

    J’attends les soirs d’été, les crépuscules interminables où le ciel verdissant monte entre les toits de tuiles, où je m’assieds comme aujourd’hui près du calvaire, au-dessus de la ville.

    Là, tout s’apaise.

    L’air devient fluide, les martinets y tracent leurs envols ; j’écoute les bruissements des vents du soir. Je touche les pierres encore chaudes de la chaleur du jour, je m’évade loin de la maison où mastiquent les chiens en cadence, où elle mâche bouche ouverte et m’attend sans impatience, sachant qu’avec la nuit, comme les femmes aux lèvres rouges montent dans l’ombre autour de moi, je m’enfuirai vers la maison pour cacher ma tête entre ses bras.




    Odile Massé, L’Envol du guetteur, L’Atelier contemporain, François-Marie Deyrolle éditeur, 2018, pp. 78-79-80. Dessins de Christine Sefolosha. Lecture de Claude Louis-Combet.






    Odile Massé  L’Envol du guetteur  Éditions L'Atelier contemporain





    ODILE  MASSÉ


    Odile Massé
    Source




    ■ Odile Massé
    sur Terres de femmes

    Sortir du trou (extrait)




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la mél, Maison des écrivain et de la littérature)
    une notice bio-bibliographique sur Odile Massé
    → (sur le site des éditions L’Atelier contemporain)
    la fiche de l’éditeur sur L’Envol du guetteur d’Odile Massé





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  • France Burghelle Rey, Après la foudre

    par Philippe Leuckx

    France Burghelle Rey, Après la foudre,
    Bleu d’encre éditions, 2018.



    Lecture de Philippe Leuckx






    Pour dire la « mémoire » (première partie) d’un proche, la poète a construit son petit livre en trois sections de textes qui puissent célébrer le souvenir, alléger la peine et faire du rêve sans doute un tremplin.

    La foudre du titre, c’est le deuil, l’orage du cœur, le silence imposé, face à quoi la poète doit réagir, user du « clavier » et des mots pour échapper à la peine, cette perte même du « visage » du disparu, et ce repli en enfance — mot-clé du recueil —, et la langue altière sert parfois le projet :

    « j’en tremble d’oser désespérer du soleil

    désespérer d’apprivoiser oiseaux enfants amants

    et l’herbe du jardin »

    Qui dit « je n’ai plus aucune peur quand j’ai encore des mots » signifie sa foi en l’écriture, en l’aphorisme (« échanger le silence / n’est jamais renoncer »), en la musique des « notes / d’un clavier sous ma chair ». La poète nourrit « ces doigts qui / veulent le chant / tempête des mots / choc des syllabes/ et cris des voyelles ».

    N’empêche, il y a eu mort, celle de l’être aimé, celle de la terre, loin de la « seule maison celle d’enfance » où « le lilas est toujours à la sortie du village ».

    N’empêche, cette terre peut être baume, salut quand il n’y a plus qu’à serrer et à « partager cette lumière » et un beau jour, après tant de poèmes, c’est comme le miracle :

    « j’ai entre chien et loup

    retrouvé ton visage »

    Après « Au cœur de la fonte », « Le poids des rêves », troisième partie du livre, sent « le cœur » battre à contre temps tant la souffrance, la fin de l’enfance, l’espace confiné sans l’autre, l’absence ponctuent désormais la vie et le constat a sa grande part de gravité :

    « je suis de nouveau sans moi »

    Les derniers poèmes révèlent le lien de fraternité qui unit la plume et l’absent. La ferveur pour lui demeure ainsi comme le fruit de « mon enfance » et le « double » disparu, ce frère, ce jumeau, enjoint la sœur à poursuivre de ses mots, de ses vers la lutte.



    Philippe Leuckx
    pour Terres de femmes
    D.R. Texte Philippe Leuckx






    France Burghelle Rey  Après la foudre







    FRANCE BURGHELLE REY


    France Burghelle Rey




    ■ France Burghelle Rey
    sur Terres de femmes


    Les Tesselles du jour (extraits)
    Trop (extrait du Bûcher du phénix)
    [qu’importe le temps] (extrait de Lieu en trois temps)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Lumière du poème




    ■ Voir aussi ▼


    le blog de France Burghelle Rey
    le site des éditions Bleu d’encre





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  • Valéry Meynadier, Divin danger

    par Angèle Paoli

    Valéry Meynadier, Divin danger,
    éditions Al Manar, Collection Erotica, 2017.



    Lecture d’Angèle Paoli


    « MERCI POUR CETTE FEMME »



    Ni bacchante ni ménade, elle est femme libre qui a l’audace d’exposer au grand jour ses amours saphiques. Femme magnifique, brûlante dame tout habillée des ondulations de son « rire de chevelure », Valéry Meynadier se livre entière attachée à ses sens ainsi qu’à l’écriture érotique de ses passions. Érotisme / Écriture. Deux entrées indissociables pour accéder aux arcanes de Divin Danger. La première de couverture, illustrée par un dessin d’Albert Woda, expose le corps nu d’une femme abandonnée aux pâmoisons de l’amour. Plus explicite est le dessin de la double page de faux-titre, corps-à-corps de deux femmes livrées à leur passion amoureuse. Ce paratexte voluptueux est encore souligné par l’intitulé de la collection, Erotica, des éditions Al Manar. Un dernier dessin de deux femmes enlacées clôt cet ouvrage qui convoque dans nos mémoires une longue tradition de chants d’amours lesbiennes ou de toiles de même inspiration. Je pense notamment au Sommeil, peint en 1866 par Gustave Courbet. Mais aussi aux écrits de Natalie Clifford Barney, dite « l’Amazone », et surtout aux poèmes de Renée Vivien, à ces Évocations sublimes publiées en 1903 par l’éditeur Alphonse Lemerre.

    « DOUCEUR de mes chants, allons vers Mytilène,

    Voici que mon âme a repris son essor,

    Nocturne et craintive ainsi qu’une phalène

    Aux prunelles d’or. »

    Toutefois, l’héroïne des plaisirs de Divin Danger est davantage l’héritière déclarée de Dorothy Allison — citée dans l’exergue de l’ouvrage — que de Renée Vivien ou de « l’Amazone », Natalie Clifford Barney. Elle est une Virginie citadine qui se laisse surprendre au hasard des rencontres dans les bars, les pâtisseries, les salons particuliers, les hammams, les chambres à coucher de ses amantes de passage, les halls d’entrées des immeubles et les rames de métro.

    Mais tout commence pour Virginie à l’adolescence sur le « doux palier » de l’immeuble que ses parents partagent avec un couple de femmes dont l’enfant découvre, épie et appelle de ses vœux, les manifestations du « cruel bonheur ». « Onze ans d’impudent palier », cela forge une imagination et exacerbe les désirs. Le premier texte du recueil, « L’Emportée », évoque les émois que suscite en elle la « divine musique » qui monte des ébats de ces chères inconnues.

    Le poème d’ouverture est une affirmation de la différence, revendiquée au regard de tous. Un chant saphique pleinement assumé :

    « Je me sens loin des hommes et je m’y sens si bien que ça fait mal. Mon saphisme est une différence de plus.

    J’ai pleinement abandonné la terre des hommes.

    J’aime les femmes et personne ici ne me le reproche.

    La mer est sans reproche.

    Je suis passée à l’autre comme on passe de l’autre côté. J’ai rencontré le corps de la femme comme le criminel son meurtre. Comme l’interprète son instrument.

    Plus jamais je n’oublierai. »

    Le danger qui a longtemps menacé l’homosexualité se mue ici en une expérience séraphique. Laquelle se réitère à chaque rencontre. L’amour n’est-il pas « ascensionnel, comme la prière » ? « Quand je la regardais, j’entrais en religion », lance Sada à Virginie. « Comme le mystique cherche à atteindre Dieu, à travers la prière, je cherche à atteindre l’amour à travers la Femme, ma toute route à moi », conclut Virginie dans sa relation à Sada.

    Une histoire prend fin, une autre commence. Chacune d’elles porte en titre le nom d’une femme. Doriane/Dorothy/Daou… Puis Christine, Sada. Ou encore les pronoms ELLE/ELLES. Les situations sont diverses. Les lieux aussi. Tout se joue dans le face-à-face, le dos-à-dos. Jeux de mains, jeux de regards, jeux de jambes, tout du corps est en éveil. Langue / doigts / peau / lèvres / humeurs / écume / mouvements. Externe / interne. Tout est vibration et sensualité. Les sentiments sont exacerbés. De l’amour à la haine. Du désir à la honte. De la jalousie à la « pire douleur », celle de se découvrir indésirée. De la passion à l’anéantissement. Et pour dire tout cela, il faut oser. Pour rendre compte de ces tensions extrêmes, il faut oser tous les registres de vocabulaire, toute la palette des sensations. De la tendresse la plus vive jusqu’aux détails physiques les plus crus. La narration est enlevée, alerte ; les dialogues s’enchaînent qui n’appesantissent pas le récit. L’écrivaine pare au plus pressé, veille à ne pas retenir l’urgence du plaisir. Elle évoque avec talent sa connivence avec les femmes, cette immédiateté sans pareille. L’irrémissible prend source dans la rencontre, la reconnaissance complice entre les peaux, les effleurements, secrets ou assurés.

    Dans la scène du métro, les femmes font corps autour de Dorothy et de Virginie. Sans s’être donné le mot, d’instinct, elles forment « rempart » autour des deux amantes dans la foule. Elles se font « apôtres de leur plaisir ». Tous les savoirs sont conjugués. « Le phantasme doué de réalité est divin ». Sexe et sacré se conjuguent dans le même temps, dans la même rame. Bondée. Il faut de l’audace. La scène et les mots mis sur scène. Le réel, même nauséabond, se pare de beautés, de convoitises alléchantes. D’un chapitre à l’autre, d’une amante à l’autre, les situations s’enchaînent, inattendues, cocasses. Les rapports se précisent. Maquereau / putain ; maîtresse / esclave. Parfois interrompus par le surgissement inopiné d’une vieille qui vitupère et alerte son monde. Éros au féminin, omniprésent, n’affuble ni les mots ni les gestes ni les mouvements. Pas davantage les odeurs ni le goût savoureux pour la fureur d’un clitoris déniché de sa gangue par langue experte. Mais les rencontres sont éphémères, qui laissent l’héroïne désemparée. Il arrive parfois que les mots se dérobent. Qu’ils échouent à dire un corps, à se saisir de l’autre. La vie reprend le dessus avec la soif de liberté. Les noms se déclinent à nouveau, souvent dans leur duplicité. Dans l’écart qu’ils entretiennent entre réel et rêve. Face à cette dichotomie déchirante, comment faire se rejoindre les deux extrêmes ?

    L’une sort de scène, l’autre fait son entrée. « Chaque femme est une nouvelle terre ». Chaque nouvel amour s’inscrit dans le précédent et annonce peut-être celui qui est à venir. Mais toujours revient comme une vague de fond le souvenir de la première femme. Et, avec elle, la nostalgie de ce qu’a été cet amour et qui ne sera jamais plus.

    « Je t’ai aimée Doriane.

    On aime son bourreau. Sa première femme c’est la mer la première fois.

    Qu’y puis-je si cette mer était un bourreau ? »

    La séduction est école de vie. Chaque jour apporte sa nouveauté. D’où vient que ce sourire n’est pas inconnu à Virginie ? Il vient « de l’intérieur de moi », dit la narratrice. Rien n’arrête, rien ne vient s’interposer. Autres lieux autres attentes autres visages, superpositions entre le déjà vu et l’à venir. Dans l’espace labyrinthique du hammam, les odalisques lascivement déployées sont parées pour le plaisir. L’univers est celui-là même longuement fantasmé par les peintres orientalistes. Un même décor, un même alanguissement, une même indolence. Ici règnent « luxe calme et volupté ». Dans une sorte d’état extatique, Virginie traverse et confie :

    « Je suis dans l’étymologie de la femme, elle est là dans toute sa splendeur, à sa toilette, à sa détente, entre elles, en train de rire, dans cette vaste pièce divisée en six petites pièces où je n’ose m’aventurer, clouée sur place, des rigoles d’eau coulent entre mes sourcils, entre mes seins, Sylvie me demande si je vais bien. C’est trop beau, lui dis-je. Elle rigole elle aussi. L’art retrouve son innocence ici. Dans un des tableaux, une jeune fille se lave les cheveux au robinet incrusté dans le mur. Dans un autre, une femme remplit un seau bleu qu’elle verse ensuite sur son amie qui accueille l’eau froide à petits cris. Le troisième tableau me réserve la somnolence de trois corps et d’un ventre esquissé en oreiller. »

    Pour qui a fait l’expérience du hammam (en France ou ailleurs), ces lignes renvoient à un espace féminin incomparable. Tout cliché sur le corps féminin se noie devant la beauté et devant l’âge, quels que soient les profils et contours qu’offrent ces nudités.

    « L’étymologie de la femme ». L’expression me laisse sans voix. « Merci pour cette femme ». Qui ose cette vérité.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Valéry Meynadier  Divin danger





    VALÉRY MEYNADIER


    Valéry Meynadier
    Source




    ■ Valéry Meynadier
    sur Terres de femmes


    Daou (extrait de Divin danger)
    [Je veux choyer votre absence] (extrait de La Morsure de l’ange)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Valéry Meynadier
    → (sur le site des éditions Al Manar)
    la page de l’éditeur sur Divin Danger
    → (sur Aller aux essentiels)
    d’autres extraits de Divin Danger




    ■ Voir encore ▼


    → (sur Terres de femmes)
    Renée Vivien | Atthis (poème extrait d’Évocations)
    → (sur Terres de femmes)
    Natalie Clifford Barney | C’était, je me rappelle…



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  • Denis Heudré, sèmes semés

    par Marie-Hélène Prouteau

    Denis Heudré, sèmes semés,
    Éditions Sauvages, Collection Ecriterres, 2016.
    Présentation de Bernard Berrou.



    Lecture de Marie-Hélène Prouteau


    Voici un recueil dont le beau titre, sèmes semés, est, dès l’abord, promesse de lecture heureuse. L’auteur est le poète Denis Heudré, déjà publié aux éditions La Porte et La Sirène étoilée, présent dans plusieurs revues : Décharge, Spered Gouez, Terre à ciel. Un recueil édité par les Éditions Sauvages, dans la collection Ecriterres, créée en hommage au poète critique et peintre Paul Quéré en 2015-2016. Le prix Paul-Quéré a été attribué à Denis Heudré la même année.

    Je lis ce recueil, ma main tourne les pages. J’ai l’impression de contempler les images d’un kaléidoscope, de retrouver la joie magique de ce jouet d’enfance qui produit d’infinies variations qui se divisent et se multiplient. Quatre chants pour quatre saisons célébrant la pulsation sensible de la vie :

    printemps / rouge-gorgé

    lèvres indécises / d’un été

    l’automne de ses mains / enflammées

    un hiver à découdre / les ombres

    Où défile la fluidité d’instants propres à chaque saison, quand passe la rumeur du vivant dans les branches des arbres, dans les mouvements du vent, dans les gestes de jeunes filles à la ville, dans les pas d’hommes de la terre, jardinier ou paysan.

    Le recueil est construit de façon très maîtrisée, dans le déroulé des quarante poèmes qui se déploient selon la force des saisons. Chaque poème est un bloc homogène sur fond de page blanche, constitué de 6 à 7 vers de même longueur, tous arrêtés par une barre oblique (slash en anglais) :

    « corbeaux bafouant les semailles / l’encre des oiseaux dessine au ciel un vol de mélancolie / d’un tel printemps recueillir le sentiment des pierres des fleurs de la main du jardinier / terre unique et mère aimante / de toutes ses fleurs la nature n’a pas de préférence »

    La marque singulière de ce recueil, c’est cette barre oblique, étonnante trouvaille qui fait sens dans le dispositif. Bout de sillon labouré, bout de ligne ou de vers, on ne sait. Et, selon qu’on s’y arrête plus ou moins longtemps, on est dans la scansion d’un vers ou dans le continu d’une prose. Il y a ainsi, dans cet entre-deux de l’écriture, le sentiment du flux même de la vie qui file son énergie dans ses ébauches tremblées. Indissociable du grain de la voix du poète en état de veille devant ces signes multiples, éclosions merveilleuses, sensations, vibrations du plus simple :

    « l’été a choisi un fil de couleur (on habille bien les paupières avec de la couleur) / et de senteurs / les cerises nées de la fleur / les pommes nées de la fleur / en les goûtant je regrette leurs pétales au vent »

    À vrai dire, ce recueil, par son agencement matériel et verbal, par le timbre de cette voix, offre un plein bonheur sensuel. Qui tient ensemble la terre et les étoiles, le rivage de la mer et les pieds nus sur le sable, les graines qu’on sème comme les mots. Le chant tâtonne, se reboucle, déploie ses figures captées dans la mouvance. J’aime l’inventivité verbale manifeste dans l’audace des néologismes : « le vieux talus jonquillant le printemps », « le soleil se fait décembre » ou « la mer s’équinoxe en son atelier des colères pour quelques bretons semeurs de mers ».

    Nous sommes en Bretagne, quelque part, on n’en saura pas plus, dans une campagne et une ville non nommées. Denis Heudré, qui a réalisé les trois illustrations du recueil, est attentif aux couleurs dans le choix de ses images « l’encre des oiseaux » ou « il a tellement bruiné que les goélands n’ont plus assez de larmes pour apprécier ce bleu ». Ou quand les éclats de soleil lui font penser aux joyeux coloriages de l’enfant débordant de leur ligne.

    La présence humaine est suggérée, avec une grande économie de moyens, souvent dans la métonymie qui fait rêver : « un violon s’échappera parmi les siestes comme un trait tiré sur l’horizon » ou « le vent dégueule ses morts dans les recoins ».

    Le poète, lui, se tient plutôt en retrait, « je » discret, dans un rapport intime aux paysages traversés :

    « quelques humains fatigués se cachent de leur propre froidure / j’en viens à semer quelques gouttes de ciel pour en faire des nuages »

    Au cœur du regard de Denis Heudré, le titre en atteste, l’essentiel tient au jeu du symbolique entre les sèmes et les graines. Par leur étymologie, par leur petitesse, les unités linguistiques minimales font signe du côté des semences. La nature et l’écriture échangent leurs signes respectifs : « à semer on écrit aussi ». Il y là un tressage omniprésent dans le recueil ; la nature est un ensemble de signes qu’il s’agit pour le poète de déchiffrer comme une poussée de sève. De l’autre, les mots du poème, éclos dans le silence d’une autre germination, sont matériau langagier que le poète peut ensemencer de sa vive parole :

    « que peut-il bien semer au-dessus des vagues fatiguées »

    La quête de la langue épouse, pour le poète, celle des signes de cette poussée au dehors, flottante, créatrice. Et, à certains moments, le vers s’ouvre à une méditation intemporelle du visible, une sorte d’animisme poétique où la terre devient « le dieu de nos dieux ». Voire s’élargit à une inquiétude sur le présent et l’avenir qui rappelle celle d’Élégie de Lampedusa :

    « que nos enfants puissent demeurer ainsi dans notre chance »

    La dernière page, en prose poétique, s’amplifie en une sorte de final dédié à la terre, « compagne prévenante » :

    « Tant que les hommes auront des mots à échanger, la terre pourra poursuivre sa chanson dans le silence d’un cosmos bienveillant ».

    Contre la déroute possible de l’humain, l’acquiescement au monde suppose de sauver d’un même mouvement les graines et les mots, nous dit le poète Denis Heudré.

    Ce beau recueil a la grâce d’un Chant de la terre.



    Marie-Hélène Prouteau
    D.R. Marie-Hélène Prouteau
    pour Terres de femmes







    Denis Heudré  sèmes semés







    ■ Autres chroniques et lectures (25) de Marie-Hélène Prouteau
    sur Terres de femmes

    Chambre d’enfant gris tristesse
    La croisière immobile
    Anne Bihan, Ton ventre est l’océan
    Jean-Claude Caër, Alaska
    Jean-Louis Coatrieux, Alejo Carpentier, De la Bretagne à Cuba
    Marie-Josée Christien, Affolement du sang
    Yves Elléouët, Dans un pays de lointaine mémoire
    Guénane, Atacama
    Luce Guilbaud ou la traversée de l’intime
    Cécile Guivarch, mots et mémoire en double
    Jacques Josse, Liscorno
    Martine-Gabrielle Konorski, Instant de Terres
    Ève de Laudec & Bruno Toffano, Ainsi font…
    Jean-François Mathé, Prendre et perdre
    Philippe Mathy, l’ombre portée de la mélancolie
    Monsieur Mandela, Poèmes réunis par Paul Dakeyo
    Daniel Morvan, Lucia Antonia, funambule
    Daniel Morvan, L’Orgue du Sonnenberg
    Yves Namur, Les Lèvres et la Soif
    Jacqueline Saint-Jean ou l’aventure d’être au monde en poésie
    Dominique Sampiero, Chante-perce
    Dominique Sampiero, Où vont les robes la nuit
    Ronny Someck, Le Piano ardent
    Pierre Tanguy, Ma fille au ventre rond
    Pierre Tanguy, Michel Remaud, Ici même





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  • Patricia Cartereau & Albane Gellé | [Verrons-nous les mondes de la nuit | se lever]



    Patricia Cartereau
    Dessin de Patricia Cartereau
    (première de couverture
    de Pelotes, Averses, Miroirs)







    [VERRONS-NOUS LES MONDES DE LA NUIT | SE LEVER]



    Verrons-nous les mondes de la nuit
    se lever,
    remuer la terre des chemins,
    traverser quelques plaines, vivre enfin
    rassurés
    de sentir notre sommeil profond.
    Serons-nous d’un quelconque secours
    à quelqu’un, quelque chose.
    Asseyons-nous dans l’herbe,
    les questions s’arrêtent.



    Patricia Cartereau & Albane Gellé, Pelotes, Averses, Miroirs, L’Atelier Contemporain, 2018, page 133. Lecture de Ludovic Degroote. [en librairie le 16 mars 2018]






    CartereauPATRICIA CARTEREAU


    Patricia-Cartereau-copie




    ■ Voir aussi ▼

    le site de Patricia Cartereau, plasticienne
    → (sur le site de L’Atelier contemporain)
    la fiche de l’éditeur sur Pelotes, Averses, Miroirs
    → (sur lelitteraire.com)
    une lecture de Pelotes, Averses, Miroirs par Jean-Paul Gavard-Perret





    ALBANE GELLÉ



    Image, G.AdC




    ■ Albane Gellé
    sur Terres de femmes

    il y a toujours dans la nuit un homme
    [Peut-être que j’en ai un peu marre de la poésie]



    ■ Voir | entendre aussi ▼

    le blog d’Albane Gellé
    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche sur Albane Gellé
    → (sur Remue.net)
    un dossier auteur Albane Gellé
    → (sur Terre à ciel)
    une page sur Albane Gellé
    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Albane Gellé (que l’on peut aussi écouter en cliquant ICI)
    → (sur le site de France Culture)
    Albane Gellé dans Ça rime à quoi de Sophie Nauleau (3 mars 2013)



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  • Mazin Mamoory, Cadavre dans une maison obscure

    par Angèle Paoli

    Mazin Mamoory, Cadavre dans une maison obscure,
    Éditions LansKine, Collection Ailleurs est aujourd’hui,
    Domaine irakien, 2018.
    Traduit de l’arabe (Irak) par Antoine Jockey.



    Lecture d’ Angèle Paoli



    « NE T’INQUIÈTE PAS, MÈRE, NOUS NE FAISONS QUE MOURIR »



    Il est des livres qui surgissent comme des obus dans nos intérieurs calmes et douillets. Qui ne vous lâchent plus et qui vous fouaillent le corps et le cœur. Sans répit. Ainsi de ce Cadavre dans une maison obscure, qui a fait irruption avec la violence d’un souffle venu d’ailleurs, et qui tire la lectrice que je suis des tempêtes rageuses qui sévissent sur mon île, vers un univers calciné où les cadavres, bannières déchiquetées, pendent aux fenêtres. Où les corps se disloquent sous la fureur des coups tortionnaires tandis que les explosions achèvent de semer le chaos. Nous sommes en Irak et la guerre fait rage. Odeurs de TNT et de C4, submergeant la puanteur des corps vidés de leur sang et des chairs livrées aux charognes. Nous voilà ramenés sans ménagement, au fil des pages, plusieurs années en arrière, au cœur d’un carnage, dans la « braise sournoise » allumée par « le facteur américain ». Premier épisode, 1999. Puis 2003. « La guerre n’aura pas de fin ». C’était hier. Et c’est encore aujourd’hui.

    Les textes qui composent ce recueil sont l’œuvre du poète irakien Mazin Mamoory. Le narrateur, ce « je » qui décline ses actes et ses pensées tout au long des poèmes, victime des carnages et des crimes perpétrés dans son univers désossé, en est aussi le témoin abasourdi. Face à l’absurde qui règne en maître, face à l’incompréhension que celui-ci fait naître, et à la folie qu’il engendre, seule l’énonciation permet de survivre au désordre. Un désordre que revendique le poète dès le poème d’ouverture : « Mes sorcières fêlées » :

    « Ce désordre représente mes hantises éparpillées

    La noirceur de mes rêves

    Mes arbres calcinés par le soleil

    Le bruit des explosions et la suie de leur fumée colorée ».

    Avec la mise en mots, une forme d’humour, parfois grinçant et âcre, souvent à la limite du joke, se fraie un passage. Il maintient la juste distance pour ne pas sombrer. C’est que Mazin Mamoory est un poète. Un grand poète. Qui sème avec lui les trouvailles au plus fort de l’horreur. Ainsi de l’interrogation faussement naïve formulée dans « Braise ». Interrogation qui ne laisse pas de surprendre, voire de faire sourire :

    « Tout cela est très simple et compréhensible, mais ce que je ne comprends pas c’est comment la braise est passée de l’Amérique à l’Irak. Est-ce possible qu’elle ait ouvert une brèche dans l’océan et atterri dans ma maison ? »

    Chaque poème — c’est de textes en prose qu’il s’agit — est constitué d’une succession de tableautins séparés par des interlignages. Les enchaînements d’actions se font par ricochets de manière itérative (par reprise de termes identiques). Et comme dans les films comiques que dominent les gags, on assiste à des réactions « boule de neige » qui, en roulant, vont crescendo. Ainsi dans « Chute » :

    « Le jour où je suis tombé de vélo, le cœur de ma mère a chuté et a roulé comme une boule de billard

    Le jour de mon mariage, je suis tombé de son cœur

    Et le jour où la guerre l’a fait pleurer, le monde s’est écroulé »

    Le sourire un instant esquissé s’efface pour laisser place à la douleur. L’un et l’autre adret des émotions se jouxtent, simultanément, dans un espace et son contraire, immédiatement réversibles. C’est là, me semble-t-il, une des caractéristiques prédominantes de l’écriture de Mazin Mamoory, qui fait sa force.

    Au demeurant, même si un lien subsiste d’un énoncé à l’autre, il y a toujours quelque part une incohérence qui se glisse. Parce que, écrit le poète, « nous sommes toujours irrationnels » et que, « [d]evant la porte des autres, la raison est une occasion de fuir la réalité. » Si bien que le décalage est permanent entre une réalité et la perception parfois fantaisiste qui en est transmise. Le glissement se fait le plus souvent par la confrontation inattendue abstrait/concret ou par le passage du général au particulier (ou inversement).

    Ainsi de ce constat :

    « L’usage de la mort ressemble à l’usage d’une vieille paire de chaussures ».

    Et dans le même poème où il est fait allusion aux combats de 2003 :

    « Il m’a dit : il ne reste que le sang, et il est froid et bleu depuis 2003

    Tout ce que j’ai vu dans la ville est bleu

    Et de plus en plus froid

    Ma voiture aussi est bleue. Quelle coïncidence que mon sang en soit le carburant »

    De même pour cette image terrifique engendrée par le rapprochement inattendu entre le sort du poisson et celui de l’épouse :

    « Lui a fini dans la cuisine, et moi dans les bras de ma femme ou de ce qui en restait pendant la guerre. »

    Et le poète de peaufiner le tableau par cette affirmation féroce :

    « Chacune aura un poisson pour mettre au monde des enfants invalides de guerre » (in « Identité pour personne »)

    L’enchaînement logique qui est à l’œuvre d’un paragraphe à l’autre échappe à la discursivité d’occidentaux cartésiens. Chaque poème apporte son contingent d’images terrifiantes, — « visages défigurés qui ressemblent à des pièces détachées », visage du narrateur évidé de sa chair et collé à un mur —, difficiles à imaginer, difficiles à soutenir ; en même temps que son pesant d’impuissance :

    « Scotché au mur, mon corps fume une cigarette, voit les gens se

    rassembler et pleurer

    je tente de le détacher du mur pour marcher dans la rue »

    et de désespoir :

    « Nulle main à la maison ne tient ce que je désire

    Nul objet ne m’aide à te toucher à la fin de la nuit »

    Malgré les abominations auxquelles il faut faire face, chacun s’adapte à la situation et la vie continue :

    « Ma tête est devenue écrou fixé au bord du fleuve autour duquel le monde tourne »

    Quant aux germes de cette effroyable boucherie, c’est au sein de la religion qu’il faut les chercher. Les allusions au tandem guerre/religion sont récurrentes. De sorte que si la guerre est confessionnelle, la femme du poète l’est tout autant. Mais, qu’il s’agisse de l’épouse ou de la guerre, les raisons sont irrecevables car rattachées à des mobiles futiles ou à des interdits absurdes. Que l’on soit chiite ou sunnite, ce qui compte, c’est l’aspect extérieur, seul à même de « démontrer » une identité :

    « En 2003, je devins chiite car j’habitais une ville sous contrôle de milices chiites. Si j’avais vécu dans la ville de Ramadî, je serais certainement devenu sunnite, sans que personne ne demande mon avis »

    Ou encore :

    « On dit que c’est une guerre confessionnelle et cela justifie tout

    N’importe quel sunnite peut tuer n’importe quel chiite »

    Et le poète d’ajouter un peu plus loin :

    « Ma présence en Irak signifie que je suis en conflit avec les autres  »

    Face à l’irréductible vérité et à l’étau qui broie les peuples dans les rouages de la mort, quelle issue possible ? Le poète, lui, s’en remet à cet humour indéfectible qui lui fait dire :

    « Ne t’inquiète pas, mère, nous ne faisons que mourir »

    Pour tenter de colmater les brèches qui le labourent, le poète opte pour une forme de légèreté obstinée :

    « Il ne me reste qu’à trouer mon corps, à avancer contre le vent

    puis à planer au-dessus de la corde à linge »

    Dérisoire, la « corde à linge » est la constante colorée et légère de ce qui reste lorsque tout s’effondre autour de soi.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Mazin Mamoory






    مازن معموري
    (MAZIN MAMOORY)



    Mazin Mamoory 2
    Ph. D.R.



    ■ Mazin Mamoory
    sur Terres de femmes

    Ma femme est confessionnelle (extrait de Cadavre dans une maison obscure)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions LansKine)
    la fiche de l’éditeur sur Cadavre dans une maison obscure





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  • Marie-Hélène Prouteau, La Ville aux maisons qui penchent

    par Angèle Paoli

    Marie-Hélène Prouteau, La Ville aux maisons qui penchent,
    Suites nantaises,

    éditions La Chambre d’échos, 2017.



    Lecture d’Angèle Paoli



    LE POINT DE LUMIÈRE QUI LIBÈRE L’ÉCRITURE




    S’approprier l’espace d’une ville nécessite un patient apprentissage. Cet apprivoisement progressif, Marie-Hélène Prouteau la Bretonne, venue enfant de sa Beauce d’adoption pour vivre à Nantes, le revit par l’écriture. Suites nantaises, La Ville aux maisons qui penchent offre un parcours poétique varié, drainé par le regard sensuel de l’écrivain, un regard aiguisé tout à la fois par la beauté changeante de la lumière de l’eau et par celle de la pierre. Par la magie de leur fusionnement. Mais aussi par les fantômes du passé que la lecture vagabonde à travers la ville éveille. Un univers qui apparie habilement une réflexion profonde à la rêverie flâneuse.

    On entre dans la ville par touches progressives. Couleur mouvement formes Histoire silhouettes. Mais de plain-pied d’emblée avec la couleur saisissante du blanc. « C’est une ville de pierres blanches ». Cette définition rythme par trois fois le chapitre introductif « Éveil ». En ouverture d’abord, dans l’épilogue enfin avec une précision d’importance : « C’est une ville de pierres blanches tranchées au fer ». Entre-deux, à mi-parcours, la phrase est complétée par l’expansion : « Cette couleur en majesté semble vêtir le cœur de Nantes d’une quiétude rare. » Ainsi la ville de Nantes marie-t-elle avec élégance et sérénité les contraires et les contradictions qui la caractérisent.

    Les phrases introductives de chaque début de chapitre sont la plupart du temps des phrases nominales dans lesquelles prédomine la question du lieu. Une sorte de sésame ouvre la voie à la réflexion de la promeneuse qui accompagne le lecteur dans sa déambulation vagabonde.

    « Une marche le long de la Loire, boulevard de Sarrebruck » / « Île de Nantes, les Anneaux de Buren » / « Hauteurs de la Butte Sainte-Anne »… D’autres fois, au contraire, les têtes de chapitres sont amorcées par une tournure impersonnelle ou par une formule plus générale, lesquelles laissent place à la surprise et à l’imprévu : « Il y a des jours où les dernières nouvelles semblent colportées par un diable ricanant de ses dents noires » / « Il arrive que la poésie descende dans la rue » / « L’envie vient soudain de rouvrir le livre 1945 de Michel Chaillou »…

    Quel que soit le paysage qui se déroule sous nos yeux, ce qui frappe sous la plume de Marie-Hélène Prouteau, c’est l’intemporalité de cet univers très particulier baigné par les eaux millénaires de la Loire. Le temps vécu ici est un hors-temps qui met à égalité toutes les distances et tous les âges. Passé et présent se côtoient se mêlent s’enchevêtrent, bercés par « le sentiment de l’eau » et les berges mouvantes du fleuve. Un mouvement continu de nuages d’oiseaux de roselières de fluctuantes ondulations de « palpitations de la marée » fait du temps nantais un temps qui échappe à toute préhension brutale et définitive. D’autant plus insaisissable le temps nantais que se télescopent deux temps antithétiques. Le temps de la Terre et le temps de l’Homme : « Le temps de la terre va lentement, tandis que le temps humain file comme un bolide », écrit la poète dans le très beau chapitre « Il y a des mers qui chantent en nous ». C’est sans doute que Nantes, définie comme « la princesse des mélanges », n’en finit pas de marier à loisir les éléments, air/terres/eaux, jonglant habilement avec les matériaux naturels – tuffeau, roseaux et sables — et les matériaux inventés par les hommes, imprimant au paysage des métamorphoses inattendues. Lesquelles suggèrent à l’écriture, de manière spontanée, des métaphores marines ou navales. Ainsi en est-il du pont Tabarly qui assume pleinement la magie du fusionnement mer/air/pierre :

    « Ce n’est pas un pont, c’est un bateau suspendu magiquement dans les airs. » Quant au promeneur-spectateur, le voilà embarqué, « voyageur en transit » dans une « croisière immobile ».

    Ponts passerelles phares tours, tout un ensemble de cables et de haubans, de constructions maritimes et de décors futuristes, contribuent à brouiller l’espace et d’un même trait à biffer les perspectives temporelles :

    « À cent vingt mètres de haut, le changement d’échelle comprime d’un coup l’espace et le temps ».

    De sorte qu’à « la verticale des eaux » surgissent d’un seul regard « les Anneaux de Buren, la statue de Louis XVI, les tramways, la Cité radieuse du Corbusier, le monument dédié aux Cinquante Otages, la Tour L.U. » Et derrière les constructions inventions créations, ce sont les hautes figures des hommes qui ébauchent leurs statures.

    Des noms font irruption au détour des quais des squares des jardins des chantiers, des chemins de halage, des contrées bordant l’estuaire. Certains connus d’autres moins ou connus des seuls Nantais. D’autres, encore, anonymes, esclaves sans visage autre que celui de l’extrême souffrance à laquelle ils furent livrés, enfermés dans les soutes des navires négriers ou jetés par-dessus bord. Toute la misère d’une époque remonte à la surface qui draine avec elle les malheurs qui rongent notre propre époque. Derrière les esclaves de jadis mangés par le scorbut et avalés par les vagues, les naufragés de Lampedusa « nous mettent face à nous-mêmes ». Implacable zeugma qui prolonge la passerelle entre hier et aujourd’hui et renouvelle ces « effroyables traversées en mer d’indifférence. » Une indifférence qui n’a cependant pas atteint le peintre William Turner dont la présence à Nantes en 1826 marque encore les esprits. Certaines toiles évoquées par Marie-Hélène Prouteau en sont le témoignage. Nantes, Chantiers Navals, vers 1826. Ou encore The Slave Ship. Lorsque, quelques années plus tard, il peint cette toile, Turner fait fusionner le port de Margate avec le souvenir qu’il a gardé du quai de la Fosse à Nantes : « Turner nous met au cœur d’un typhon, dans une vision d’enfer. Une apocalypse de formes et de couleurs », écrit Marie-Hélène Prouteau, ajoutant un peu plus loin : « Est-ce l’eau qui s’enflamme ou le ciel qui se noie ? » Le fusionnement des éléments — leur brouillage incessant — est déjà à l’œuvre sur la palette du grand peintre. Il semble interagir comme un fil conducteur qui guide partout interrogations et réflexions de la poète.

    Au fur et à mesure que s’écoule le temps de la lecture, nombre de fantômes « viennent à notre rencontre ». Des lieux et des hommes. Inscrits dans l’histoire de la « ville aux maisons qui penchent » ou venus d’ailleurs. Les Ducs de Bretagne, bien sûr, en leur Château qui accueille l’exposition « En guerres ». On y croise l’histoire de Marie-Anne Keravec dont l’historiographie mentionne qu’elle a perdu ses quatre fils au cours de la Grande Guerre. Marie-Hélène Prouteau s’attarde sur chacun avec un même regard, généreux et vigilant. Elle accorde une semblable importance ou un semblable intérêt au SDF et aux musiciens des rues sommés de disparaître ; aux hommes uniformément gris d’Isaac Cordal en leur installation prémonitoire, à Maximilien Siffait et à ses Folies, à Rodolphe Bresdin et à ses rêveries fantastiques. Aux enfances de Dostoïevski que font revivre les toiles d’Olga Boldyreff — « Promenade dans le monde étrange de Dostoïevski » — ou aux évocations, tristes, de Michel Chaillou, à partir de la relecture de 1945.

    « Il y avait ce chagrin, vieux de soixante ans, si palpable dans le grain de sa voix… », confie Marie-Hélène Prouteau avant de poursuivre sa quête vers d’autres rencontres. Celle notamment de l’éditeur nantais de La Part commune, « occupé », en ses déambulations, « à saisir l’esprit poète » ; ou celle de l’écrivain pragois Karel Pecka dont le livre — Passage — présent dans la devanture d’une librairie nantaise, draine avec lui les souvenirs d’un voyage de 1984 en même temps que ceux d’une époque marquée par la « camisole du quotidien totalitaire ».

    Observatrice attentive de la misère des hommes ainsi que de leurs multiples talents, la poète ne cesse d’interroger ce que nous sommes et où vont nos désirs. Les pages de La Ville aux maisons qui penchent convoquent les fantômes, ceux qui nous accompagnent, où que nous soyons. Pour peu que nous leur accordions quelque attention, ils s’en viennent à nous. La sensibilité de Marie-Hélène Prouteau les éveille autant qu’elle éveille nos consciences endormies.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Marie-Hélène Prouteau  La Ville aux maisons qui penchent  Suites nantaises







    MARIE-HÉLÈNE PROUTEAU


    Marie-helene-prouteau
    Source




    ■ Marie-Hélène Prouteau
    sur Terres de femmes


    Le cœur est une place forte (lecture d’AP)
    L’Enfant des vagues (lecture d’AP)
    La Petite Plage (lecture d’AP)
    Nostalgie blanche. Livre d’artiste avec Michel Remaud
    Voir Pont-Aven (extrait de Madeleine Bernard, La Songeuse de l’invisible)
    [Monde des limbes pris dans les houles] (extrait de La Vibration du monde)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions La Chambre d’échos)
    la fiche de l’éditeur sur La Ville aux maisons qui penchent
    → (sur La Pierre et le Sel)
    La Ville aux maisons qui penchent (lecture de Pierre Kobel)
    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Marie-Hélène Prouteau




    ■ Chroniques et lectures (26) de Marie-Hélène Prouteau
    sur Terres de femmes


    Chambre d’enfant gris tristesse
    La croisière immobile
    Anne Bihan, Ton ventre est l’océan
    Jean-Claude Caër, Alaska
    Jean-Louis Coatrieux, Alejo Carpentier, De la Bretagne à Cuba
    Marie-Josée Christien, Affolement du sang
    Guénane, Atacama
    Luce Guilbaud ou la traversée de l’intime
    Denis Heudré, sèmes semés
    Jacques Josse, Liscorno
    Martine-Gabrielle Konorski, Instant de Terres
    Ève de Laudec & Bruno Toffano, Ainsi font…
    Jean-François Mathé, Prendre et perdre
    Philippe Mathy, l’ombre portée de la mélancolie
    Monsieur Mandela, Poèmes réunis par Paul Dakeyo
    Daniel Morvan, Lucia Antonia, funambule
    Daniel Morvan, L’Orgue du Sonnenberg
    Yves Namur, Les Lèvres et la Soif
    Jacqueline Saint-Jean ou l’aventure d’être au monde en poésie
    Dominique Sampiero, Chante-perce
    Dominique Sampiero, Où vont les robes la nuit
    Ronny Someck, Le Piano ardent
    Pierre Tanguy, Ma fille au ventre rond
    Pierre Tanguy, Michel Remaud, Ici même





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  • Jean-Louis Coatrieux, Alejo Carpentier, De la Bretagne à Cuba

    par Marie-Hélène Prouteau

    Jean-Louis Coatrieux, Alejo Carpentier,
    De la Bretagne à Cuba,

    Éditions Apogée, 2017.



    Lecture de Marie-Hélène Prouteau



    Dès les premières pages de ce livre sur Alejo Carpentier, l’on ressent chez Jean-Louis Coatrieux une fascination humaine et littéraire pour cet immense écrivain de la littérature du XXe siècle. À l’évidence, des liens très anciens, profonds, se sont noués avec la figure admirée qu’il appelle « ce diable d’homme ». Dans ce livre, lecture et écriture se trouvent placées sous le signe de l’aventure et du hasard. Années 1970, au Venezuela, Jean-Louis Coatrieux découvre le livre d’Alejo Carpentier, Los Pasos perdidos (Le Partage des eaux) et apprend, dans des entretiens, son ascendance bretonne. Magie de la trouvaille et de la rencontre langagières. C’est de ce point que la pensée a pris sa perspective jusqu’à aboutir à ce livre qui, le premier en France, expose les liens depuis cinq générations d’Alejo Carpentier avec la Bretagne.

    D’autres jalons viendront, la découverte, grâce à Marta Rojas, écrivaine cubaine, de la mala perdida contenant des lettres et des notes d’amis d’Alejo Carpentier. Par son ami poète Jean Pierre Nedelec, l’auteur entend parler de l’arrière-petite cousine de l’écrivain qui a mis à sa disposition documents et photos personnels. À ces deux femmes, le livre est dédié. Livre-enquête, livre-quête, tel est l’objet, telle est sa réussite. Tous ces éléments de la saga familiale se sont tissés comme en rhizomes, par la grâce aussi d’amis littéraires et scientifiques qu’il remercie en fin de livre – n’oublions pas que l’auteur est un chercheur renommé en imagerie médicale.

    D’emblée le lecteur est averti : ce livre ne donne pas dans le genre statufié de la biographie ou de l’essai achevé sur le monde baroque de l’écrivain. Mais comment écrire sur Alejo Carpentier, le romancier du continent-histoire dont l’œuvre réunit Indiens, Espagnols, peuple noir ? L’inventeur du « réalisme merveilleux ». On ne peut que se sentir tout petit. Jean-Louis Coatrieux a choisi l’œuvre ouverte, ambivalente, hors des catégories convenues. Il brouille les compartiments des genres. Est-ce une « chronique-fiction » ? Oui, mais de celles où souffle un air revivifiant : « [I]l y a là des marins de haute mer, des artistes, des noms célèbres comme des noms d’inconnus », écrit-il. Ainsi Robert Desnos, l’ami d’Alejo Carpentier, côtoie-t-il en ces pages un grand-oncle breton Georges, abonné au journal Breizh Atao. Le peintre mexicain Diego de Rivera croise dans ce livre l’ancêtre, le commandant Lucas héros de Trafalgar, parti de Brest avec La Fayette. Et que dire du lieu de naissance de l’écrivain que celui-ci a toujours indiqué comme étant Cuba alors qu’il est né à Lausanne ? Et de cette mère russe qui se fait appeler Catalina Valmont alors que son nom est Blagoobrasoff ? Le lecteur est happé dans le flux de ces chapitres foisonnants dont les titres ont une saveur authentiquement romanesque, « Oyapock », « Toutouche », « El buque », « La Bretagne », « La mala perdida », « Eva, Lilia, Machila ».

    Voici donc un livre minutieusement documenté, en particulier sur cette ascendance bretonne par un arrière-grand-père, Augustin Carpentier, parti de France explorer le fleuve Oyapock et appartenant à une famille de grands marins bretons, comme sur d’autres figures, tel le docteur Paul Carpentier, personnalité connue à Hennebont et cousin d’Alejo.

    Une construction très maîtrisée se cache sous une apparence faussement désinvolte : « Pourquoi ne pas prendre au mot [Alejo Carpentier] et écrire à sa place quelques moments perdus de son enfance ? ». N’est-ce pas rester fidèle à cet écrivain si doué dans l’art de mélanger le réel à l’imaginaire que de se jouer de ses masques, de ses travestissements, de ses silences ? Jean-Louis Coatrieux passe ainsi à plusieurs reprises de la chronique détaillée à la fiction : « J’imaginais dès lors son histoire ». L’italique intercalé dans les pages de ce livre est alors ce qui porte trace de ce passage à l’imaginaire.

    Le charme de ce livre, c’est précisément cette écriture syncopée entre des pages de documentaire et l’envol dans l’imaginaire. Il y a là un étonnant jeu de miroirs. Sous l’archive avérée, photos, fac-similés, reproductions de tableaux, lettres, il s’agit d’écrire une autre histoire, imaginée. Celle, par exemple, de l’enfance puis de l’adolescence dans la pauvreté, après la fuite du père : à côté des photos d’époque, Jean-Louis Coatrieux, en prise directe avec les émotions du personnage, invente un magnifique moment familial à la Casa Maloja. Par empathie, il se fait romancier d’une vie vécue.

    Puis, nouveau tempo, le livre revient à l’archive documentaire. Comme dans l’épisode de la grand-mère à peine mariée à un nobliau, et bientôt veuve, qui se trouve mêlée à un scandale pour outrage aux bonnes mœurs avec un curé dans le train de Landerneau-Brest. Ce dédoublement qui est au cœur même du livre est une vraie réussite. Il lui donne véritablement un rythme propre, imprévisible. Au lecteur de faire la moitié du chemin, de se laisser prendre dans cette écriture oblique où le narrateur se situe tantôt en lisière, tantôt en toute visibilité.

    Finalement, c’est un portrait en diagonale d’Alejo Carpentier que dessine Jean-Louis Coatrieux. Avec l’évocation des ancêtres bretons d’une lignée fortement conservatrice aux antipodes de ses convictions révolutionnaires, avec l’importance de la musique, l’apport de l’imaginaire européen, celui de l’Espagne et de Cervantès, c’est un univers mental et affectif incontestablement pluriel qui est décrit. Inséparable de ce tissage de rencontres artistiques avant-gardistes qui furent l’élément nourricier pour le grand écrivain sud-américain. Ainsi trouve-t-on ce fac-similé du « Manifesto minorista » de 1923 qui lui valut d’être arrêté à Cuba, alors sous la dictature de Machado y Morales. La rencontre avec Robert Desnos au Congrès de la « Prensa latina » à La Havane qui sera ensuite l’occasion pour l’écrivain de vivre dans le Paris artiste en ces années 1930 et de fréquenter Matisse, Marcel Duchamp, Tristan Tzara, Paul Éluard, Raymond Queneau, Pablo Picasso et d’autres. Alejo Carpentier, « chroniqueur prolifique », comme le montre Jean-Louis Coatrieux, dirigera des émissions avec Robert Desnos à Radio-Luxembourg. Les femmes qui ont compté dans la vie de l’écrivain sont aussi évoquées, leurs relations étant souvent liées à l’art et à la culture. Au bout du compte, ce sont les multiples facettes d’une figure à l’« énergie débordante, contagieuse » qui sont révélées ici.

    Tout se passe comme si l’histoire peu commune d’Alejo Carpentier « de la Bretagne à Cuba » habitait Jean-Louis Coatrieux, lui offrait un accès à sa propre authenticité. Dans ce jeu de va-et-vient entre l’autre et soi, n’est-ce pas la liberté grande d’une sensibilité en quête d’élucidation qui se joue ici ?



    Marie-Hélène Prouteau
    D.R. Texte Marie-Hélène Prouteau
    pour Terres de femmes
    Hopala, juin 2017.






    Jean-Louis Coatrieux  Alejo Carpentier




    ALEJO CARPENTIER


    Alejo Carpentier
    Source




    ■ Alejo Carpentier
    sur Terres de femmes


    26 octobre 1685 | Naissance de Domenico Scarlatti (extrait de Concert baroque d’Alejo Carpentier)
    7 juillet 1798 | Alejo Carpentier, Le Siècle des Lumières




    ■ Autres chroniques et lectures (25) de Marie-Hélène Prouteau
    sur Terres de femmes


    Chambre d’enfant gris tristesse
    La croisière immobile
    Anne Bihan, Ton ventre est l’océan
    Jean-Claude Caër, Alaska
    Marie-Josée Christien, Affolement du sang
    Yves Elléouët, Dans un pays de lointaine mémoire
    Guénane, Atacama
    Luce Guilbaud ou la traversée de l’intime
    Cécile Guivarch, mots et mémoire en double
    Denis Heudré, sèmes semés
    Jacques Josse, Liscorno
    Martine-Gabrielle Konorski, Instant de Terres
    Ève de Laudec & Bruno Toffano, Ainsi font…
    Jean-François Mathé, Prendre et perdre
    Philippe Mathy, l’ombre portée de la mélancolie
    Monsieur Mandela, Poèmes réunis par Paul Dakeyo
    Daniel Morvan, Lucia Antonia, funambule
    Daniel Morvan, L’Orgue du Sonnenberg
    Yves Namur, Les Lèvres et la Soif
    Jacqueline Saint-Jean ou l’aventure d’être au monde en poésie
    Dominique Sampiero, Chante-perce
    Dominique Sampiero, Où vont les robes la nuit
    Ronny Someck, Le Piano ardent
    Pierre Tanguy, Ma fille au ventre rond
    Pierre Tanguy, Michel Remaud, Ici même





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